[HRP : Ce topic se situe entre la Canicule Enflammée et la Pluie Salée.]

La pluie qui tombe enfin est un soulagement pour l'ensemble de l'Île. Beaucoup parmi le clan du Corbeau passent les premiers jours à danser sous celle-ci, se réjouissant de la fraîcheur bienvenue après cette Canicule accablante. Cygne ne fait pas exception. Elle n'a pas particulièrement bien vécu la chaleur précédente. D'autant que l'absence de nuit (ou presque) l'a amenée à passer beaucoup moins de temps à proximité du Grand Arbre : beaucoup trop de chances de se faire repérer et de tomber sur une présence négative (ou pire, sur Peter en personne).

C'est donc avec une impatience qu'elle cache du mieux qu'elle peut qu'elle attend le retour de la nuit sur l'Île, afin de reprendre un rituel qui la console autant qu'il lui donne de l'espoir.

Si la Volontaire porte un plaid coloré sur ses épaules pour contrer la brutale différence de température, ses cheveux restent sous la pluie, tiède et bienvenue. Le nez rivé sur le ciel, la jeune papoose parcourt la plaine qui sépare le domaine de son clan du Grand Arbre avec une certaine sérénité. Les bisons, tout comme les autres êtres du Pays, profitent du retour d'une certaine fraîcheur pour passer de bonnes nuits réparatrices bien méritées. Elle s'attend à croiser plus de vie en parcourant le Bois Joli, mais pour le moment, elle ne s'inquiète pas vraiment.

C'est peut-être pour cela qu'elle est plus surprise qu'autre chose lorsqu'elle distingue une silhouette humanoïde au loin. S'arrêtant brusquement, Cygne observe, sourcil levé, l'être qui s'approche. Une vague de panique la submerge, qu'elle contient difficilement. Les Enfants Perdus ne se promènent généralement pas la nuit, couvre-feu de Peter oblige -même s'il est vrai que l'épisode caniculaire a rendu les frontières du règlement un peu plus floues. S'agit-il d'un adulte, alors ? Il est rare de les voir voyager en pleine nuit, pourtant... Une horreur ? Le Domaine d'Halloween est assez loin et la nuit a à peine commencé, mais peut-être certaines sont particulièrement véloces ?

Le regard clair de la papoose se pose autour d'elle avec une angoisse grandissante. Dans la Plaine, il y a très peu d'endroit où se cacher. Elle aurait dû passer par le Bois Joli uniquement. Est-il trop tard pour rebrousser chemin et rentrer au camp ? L'Entêtée secoue la tête. C'est qu'elle tient à cette sortie, même si elle rentre toujours bredouille. Il lui suffit d'éviter la silhouette. Avec un peu de chance, elle ne l'a pas encore remarquée.

Aussi silencieusement que possible, Cygne reprend donc sa route, modifiant légèrement son parcours pour laisser la plus grande distance possible entre cette silhouette et elle. Du moins, c'est ce qu'elle a l'intention de faire. C'est sans compter sur sa cheville gauche, qui a vraisemblablement décidé que la promenade est de trop, après toute cette danse. Elle lâche sans prévenir (comme toujours), forçant la native d'adoption à s'arrêter à nouveau.

"Awee..."

Une exclamation alors que la jeune fille grince des dents, rendue peu discrète par la soudaine douleur. Un peu plus, et elle tombait par terre. Il va falloir qu'elle se repose un peu avant de continuer.

Cela ne l'arrange pas du tout. Sourcils froncés, surveillant du coin de l'œil ce qui se passe autour d'elle, la Volontaire décide de s'asseoir dans l'herbe à même le sol. Peut-être que la silhouette ne l'a toujours pas vue, et peut-être qu'elle ne l'a pas entendue non plus.

Elle entreprend de masser rapidement sa cheville, espérant que cette dernière ne lui fasse pas faux bond si elle doit s'enfuir en courant.

Malgré son attitude généralement agitée, la dissipée trouvait la nuit fascinante. Elle bravait de temps à autre le couvre-feu rien que pour s’allonger sur l’herbe fraiche sous la lune, bien qu’elle n’était plus si fraîche que ça. En ces temps, disons plutôt qu’elle appréciait profiter de la fraîcheur du soir qui contrastait terriblement avec les chaleurs du jour. Ce soir, une fois de plus elle se laissa tenter. En faisant le mur, ce soir-là, elle voyait une autre garçonne qui faisait la même. Après un jeu de regard, elles se sont mises d’accord pour garder le silence. C’est peut-être la chose la plus répréhensible que Dreamer n’ait jamais fait.

Elle prit sa carte et se dirigea vers un endroit qu’elle n’avait pas encore exploré auparavant. La nuit ne lui faisait pas peur, au contraire. Elle trouvait le calme et la sérénité de la nuit étrangement rassurante, comme le calme après la tempête. Sentiment probablement renforcé par la fin de la canicule. Malgré le peu de visibilité que lui offrait la nuit, elle s’efforça de tracer le chemin qu’elle avait fait sur le bout de papier. Ce n’était peut-être pas la méthode la plus précise,  mais elle savait qu’elle pourrait la corriger une fois le soleil levé, ce n’est pas le genre d’expédition qu’elle oubliera.

Elle restait prudente dans ses mouvements, elle contournait les endroits qui semblaient habités, pas qu’elle s’attendait à rencontrer qui que ce soit, mais sait-on jamais.

Sait-on jamais...

une fois le bois joli atteint, elle baissa sa garde. Même si elle venait à rencontrer quelqu’un, elle savait qu’elle pourrait se cacher, mais c’est en sortant de ces bois que la Dissipée remarquait une ombre au loin, qui semblait se diriger vers elle. La forme humanoïde ne faisait pas si peur à Dreamer, sa taille semblait indiquer qu’il s’agissait d’un autre garçon perdu, assis en bordure du chemin, qui revenait certainement de son exploration à lui. Dreamer décida donc de jouer la carte de la cordialité. Elle s’approcha du garçon, qui en fait, s’avéra être une garçonne. Elle semblait souffrir au mollet. C’est le genre de douleur que Dreamer avait déjà eu auparavant, à force de ne pas savoir lever le pied, mais elle n’a jamais réellement su comment soigner ce genre de douleur, si ce n’est avec beaucoup de patience.


- Salut ! Tu as besoin d’aide ? Je peux faire quelque chose ? Fit-elle arrivée au niveau de la garçonne.

Avec autant de patience que possible lorsque l'on a l'angoisse grandissante d'être une cible beaucoup trop facile, Cygne masse sa cheville malmenée en suivant les gestes qu'Oural lui a enseignés pour la soulager rapidement. Intérieurement, elle se maudit de ne pas avoir pris avec elle le baume que lui a confectionné la Consciente. Elle le sait, pourtant, que ses articulations peuvent la lâcher à tout moment, d'autant plus quand elle passe beaucoup de temps à danser. Mais l'impatience de la fin de la Canicule l'a emporté sur le reste, probablement.

Et maintenant, la voilà en train de passer ses doigts sur sa peau en appuyant plus ou moins fort. Elle sent la douleur refluer et tend sa jambe devant elle, juste assez pour pouvoir tourner sa cheville et en vérifier le fonctionnement. Le mouvement lui arrache une grimace mal contenue et elle soupire en reprenant le mouvement.

Dans sa concentration sur son état, elle oublie de se focaliser sur son environnement. C'est pourquoi la voix de la Perdue la surprend par sa proximité. Cygne sursaute, aurait bondi sur ses pieds si elle avait été dans une position plus favorable. Au lieu de ça, elle lève la tête et pose ses grands yeux clairs sur la figure qui la surplombe.

Premier constat, le plus rassurant : ce n'est pas une Horreur. La panique se calme un peu dans le cœur de la Delaware, qui continue son expertise sans réponse. Son regard détaille, sans gêne, le visage de la personne qui lui fait face, un moment qui peut paraître peut-être un peu trop long pour être rassurant. Enfin, elle prend la parole.

"...Ca va aller."

Ca finit toujours pas passer, qu'elle ajoute uniquement dans sa tête, parce qu'elle n'est jamais très à l'aise pour parler avec des gens qui ne sont pas de son clan. Et si elle n'en connaît peut-être pas personnellement tous les membres -ils sont nombreux, après tout- la Volontaire sait qu'elle n'a jamais vu ce visage-là avant. Il y a donc très peu de chance qu'elle fasse partie des siens. Ce qui ne l'empêche pas de laisser échapper, un peu trop tard pour que ce soit complètement naturel.

"Merci."

C'est qu'elle a l'habitude de se débrouiller seule, mais pas de se montrer ingrate.

Finalement, la Delaware cesse son massage et se relève de manière prudente. Elle posa son pied à terre, pointe, demi-pointe, talon, recommençant son geste plusieurs fois tandis que son poids se décale sur la droite. Elle laisse échapper un soupir de soulagement en ne sentant plus la moindre douleur pour le moment et adresse un remerciement silencieux à celle qui lui a appris ces gestes salvateurs. Puis elle se tourne à nouveau vers la Perdue (du moins, il lui semble que c'est une Enfant Perdue) avec un léger sourire.

"C'est passé. Heureusement. Que fais-tu par ici ?"

Si Cygne pose la question, ce n'est que parce qu'elle se sait encore sur le territoire de son Clan et donc légitime à une telle interrogation. A quelques mètres près, certes, mais tout de même. C'est que dans le cas contraire, elle craindrait trop qu'on lui retourne la question.

Au final, rien ne paraissait si grave que ça. Dreamer se sentait soulagée de voir que sa nouvelle amie n’était pas blessée et qu’elle n’aurait pas à soigner une blessure qu’elle n’aurait pas sû soigner.  Elle l’observa tenter de se relever en silence. Elle était impressionnée de voir le sang froid dont l’inconnue faisait preuve. Après tout, elle semblait s’être blessée et semblait avoir eu mal. Malgré tout, elle a bravé cette douleur pour avancer et se relever. Bien que ça ne soit pas quelque chose d’impressionnant en soit, la dissipée y voyait du courage. Alors, elle observa en silence, debout sur ses deux pieds, l’enfant se relever.

Tiens, mais qui est-elle au fait ?  Elle ne l’a jamais vu, ce n’est pas un perdu qu’elle reconnait et l’obscurité du bois n’aide en aucun cas à faire un quelconque rapprochement. Dans ces circonstances, elle ne peut même pas se dire « Ah mais oui, je l’ai vu une fois près du grand arbre » ou bien « Bien sûr, elle était à ma table il y a quelque jours lors du repas. » Pourrait-elle être autre chose qu’un garçon perdu ? Non, pas si jeune tout de même. Est-ce qu’elle pourrait représenter une menace pour la dissipée ? Non, quelle pertinence y a-t-il à feindre une blessure si c’est pour vouloir du mal à quelqu’un d’autre ? Même si la personne qu’elle avait en face était une inconnue, Dreamer se sentait à l’aise. Elle n’avait pas peur, elle était là pour profiter de la nuit et de ce qu’elle pouvait lui offrir.

La récolteuse décida alors de balayer ces pensées pour l’instant. Il faut dire qu’elle n’a jamais été très regardante sur l’origine des gens, particulièrement si elle ne considérait pas qu’ils représentent un quelconque danger. Alors, elle était sereine. Elle appréciait la tranquillité que la forêt à peine éclairée par la lune pouvait offrir. Une inconnue sur le chemin, ce n’est pas ça qui allait la dérouter de sa quête. Dreamer envisagea même la possibilité d’en faire une partenaire de route. D’un coup, une question interrompt ce calme.

« C’est passé. Heureusement. Que fais-tu par ici ? »

« Tant mieux, je suis heureuse que ça aille mieux. Je viens profiter de la nuit et du frais ! Et toi ? »

Dreamer avait mille et une questions mais pour l’instant, elle se contenta de lui rendre la pareille. Le reste suivra, peut-être même que les réponses viendront d’elles-même.

La Perdue n’a pas l’air hostile. Mais ça ne veut pas dire grand chose pour autant. Cygne le sait, sur cette île, toutes les apparences sont trompeuses. Elle en a été elle-même victime, dès le début. Alors, tandis qu’elle masse sa cheville avec application, elle détaille l’autre fille pour tenter de trouver des signes qui la confortent -ou pas- dans son idée.

Au final, il n’y a rien d’étrange dans le comportement de la Perdue. Elle a vraiment l’air de sincèrement s’inquiéter pour elle. C’est aussi pour ça qu’elle se force un peu à lui répondre et à la remercier, même si ce n’est pas trop son truc, de parler avec d’autres personnes que des membres de son Clan. De toute façon, c’est trop tard, à présent.

Tout en continuant de tester l’appui de sa cheville, Cygne se relève et finit par poser une question qui la démange bien plus qu’elle ne le montre. C’est qu’elle n’a pas l’habitude de croiser des gens quand elle sort si tard. Ça la rend un peu plus curieuse qu’à l’accoutumée.

La réponse de la Dissipée la perturbe un peu. Qu’est-ce que ça peut lui faire, que sa cheville aille mieux ? Elles ne se connaissent pas. La tête de la plus jeune se penche sur le côté, vaguement intriguée. Elle doit vraiment être gentille, cette Perdue. Ce n’est pas une chose à laquelle la Volontaire est habituée : elle a bien trop tendance à lier le malaise que lui inspire Peter Pan à beaucoup de ses larrons, et même si elle guette les silhouettes qui passent au camp, elle ne va pas vraiment vers eux, de peur qu’ils essaient plus ou moins violemment de la ramener au Grand Arbre. Elle a déjà fait un voyage dans ces conditions, merci bien.

L’explication de son interlocutrice concernant sa sortie se tient. Cygne hoche légèrement la tête. Profiter de la fraîcheur de la nuit, après cette Canicule qui paraissait sans fin, c’est logique. Elle se dit même qu’elle va garder cette explication là dans un coin de sa tête, pour la ressortir au besoin.

...Au moment où la Perdue lui retourne la question, par exemple.

« Un peu pareil... » hésite-elle, haussant les épaules. « Je revisite notre territoire, maintenant qu’il ne fait plus trop chaud. »

Légère déformation de la réalité, mais elle ne s’en sent absolument pas coupable. De toute façon, maintenant, il est hors de question qu’elle aille jusqu’au Grand Arbre : l’autre pourrait poser trop de questions. Ça la fâche un peu, l’Entêtée, et elle fronce les sourcils sans s’en rendre compte. Elle aimerait ne pas attendre une journée de plus avant de reprendre ses recherches.

« Tu n’es pas Delaware. » Ce n’est pas une question, car Cygne est convaincue de ce qu’elle avance. « Je m’appelle Cygne. Cygne Entêtée. »

« Moi, si », sous-entend son ajout. Elle sait que ça ne se voit pas. Elle n’aime pas qu’on le fasse remarquer. Et pour éviter ça, elle enchaîne.

« Et toi ? »

Non loin, plusieurs bisons sont en train de faire la course. Elles ne sont pas les seules à profiter de la fraîcheur qui a mis si longtemps à arriver.