L'arrivée d'un nouvel artisan était toujours un moment très important pour Rose qui prenait son rôle tellement à coeur. Elle adorait découvrir de nouveaux enfants, comprendre et apprendre de leur personnalité complexe. Parfois, il y avait de "grands enfants" qui arrivaient. C'était le cas pour Tool, et Rose alors se faisait plus discrète, sachant qu'avec les plus grands il fallait être patiente.
Dans tout les cas, elle était fascinée par l'ingéniosité dont faisait preuve les artisans, et elle tirait une véritable fierté d'être leur mère. Elle aimait construire des choses avec eux, quelque que soit leur âge, quelque soit leur habileté. Et elle avait  tout de suite bien aimé Tool. Habile de ses mains, malin, et surtout, il s'entendait bien avec les petits.
Le Patient qu'on l'avait surnommé, ça lui allait bien.

Comme à son habitude, Rose cherchait tout le temps a améliorer son théâtre. Bricoler des marionnettes, pantins et décors, c'était son moment à elle. Un truc qu'elle partageait parfois avec Harmony, mais les deux jeunes filles respectivement mère et cheffe était souvent fort occupées, difficile donc de trouver des moments à partager. Tool avait su attirer son attention, elle pensait que peut être il pourrait l'aider sur son nouveau projet.


Quand je garçon entra dans la cabane de la Gardienne elle était affairée au milieu du désordre. Au sol, des feuilles remplies de dessins et autour d'elle des éléments de décors en bois et tissus. Parmi lesquels des planètes, des étoiles et nuages. Elle était en train de tout triller, et de mettre un peu d'ordre, préparant avec excitation l'arrivée du garçon.
Un nouveau projet probablement plein d'audace était en construction.

Elle se releva en entendant Tool entrer. Ses cheveux, comme d'habitude attachés en tressages complexes, laissaient néanmoins s'échapper quelques mèches qui venait se coller sur son front en sueur.
Elle époussette ses vêtements et s'approche de lui pleine d'enthousiasme, lui tendant une main robuste pour qu'il la serre.
Son sourire s'élargit,
Elle l'invite d'un geste à se rendre au milieu de la pièce, reprenant son calme, sa décence,
Elle s'accroupit, et fait naviguer son doigt d'un croquis à l'autre.

Un murmure, un soupir d'admiration. La mère de Tool le regardait dessiner, à l'aise sur le papier, bien plus qu'elle qui ne prenait le crayon que quand la fatigue de la journée se faisait clémente. Parfois elle enviait les Artisans qui passaient leur journée à construire de belles choses.
Mais ce n'était pas le rôle d'une mère d'envier la liberté de ses enfants. Et elle savait aussi la difficulté des réparations, de la construction de structures, de l'entretien. Parfois ces enfants n'étaient pas les artistes qu'elle voyait en eux, mais des mains, des muscles, de la matière grise exploitable à l'infini pour le bien du grand arbre.


Elle hoche la tête en regardant Tool compléter ses dessins. Et elle se sent un peu bête. Son regard navigue régulièrement vers un coin très précis de la salle. Elle n'ose rien dire et continue de l'écouter attentive.
Oui, grâce à ses schémas elle comprend ses erreurs de calculs, l'approximation de sa méthode de travail, ses connaissances biaisées de la physique. Tant de choses qui lui restaient encore mystérieuses dans la compréhension du monde.


Elle se lève et parcoure la pièce de son pas lourd. Elle s'arrête devant un tas de fines planches, toutes poncées, toutes peintes et toute prêtes à être montées.
Elle les attrape entre ses robustes bras : le bois est léger, mais la masse encombrante. Toutes les planches sont reliées par des cordes, et on voit pendre une manivelle au bout.
Elle traine le tout devant Tool et le dépose délicatement au sol, dépliant l'ensemble autant que possible, malgré l'espace réduit.


Elle s’accroupit devant son travail, pour attraper une cordelette.


Ses doigts caresses les fines planches de bois, lissées, peintes. Elle en est fière, elle il y a passé du temps. Toujours soucieuse de n'alourdir les épaules de personnes elle avait petit à petit fabriqué ses propres pièces. Mais malheureusement, elle n'était pas capable de concevoir à elle seule un système viable.


Puis elle redresse son dos  et prend une expression très solennelle ,

Comme ses gestes étaient précis, calmes et mesurés. Rose se sentait rougir de voir Tool aussi attentif à son travail : ses mains délicates, observant le travail de la mère, et il lui expliquait sans jugement aucun les modification qu'il faudrait apporter. Le Patient était un garçon bien singulier : Les grands perdus étaient trés indépendants et avaient rarement besoin des mères comme les petits. Mais leur indépendance pouvait aller très loins, parfois jusqu'au mépris et au rejet violent des mères. Elle en avait beaucoup souffert, nombreux étaient les chefs, garçons ou garçonnes qui l'évitait, ou même l'insultait.

Elle eu un faible rire, avant de reprendre mélancolique,
Elle n'avait pas manquer de noter ça remarque "C'est bien, hein. Pour une mère...", il essayait probablement d'être gentil en disant cela. De plus il avait raison, les mères n'avaient pas le temps d'exercer des activité épanouissantes ou agréables pendant leur temps libre, souvent trop fatiguées. Mais Rose était plus chanceuse que d'autres, les Artisans étaient des enfants calmes et obéissaants dans l'ensemble, et l'autorité naturelle de Harmony était en accord avec ses règles. Bien sur, rien ne se faisait sans sacrifier quelques heures de sommeil, mais la Gardienne avait une volonté de fer.
Elle aurait simplement aimé que l'on reconnaissance le talent des mères pour autre chose que le contage d'histoires, le réparage de bobos et la cuisine. Elle aurait aimé que son travail soit bien, juste tel qu'il était, pas pour une mère, juste bien. Mais elle savait que c'était trop demander, et que c'était une réalité à laquelle elle ne pouvait pas échaper. Elle s'estimait déjà heureuse que Tool fasse preuve de compassion et de gentillesse.


Compassion, Rose n'avait pas besoin et elle répugnait de se faire plaindre. Quelle déshonneur pour La Gardienne que d'aller chouiner auprès du premier perdu un peu moins rustre que les autres. C'est pourquoi elle se retint de geindre  et se recentra sur leur chantier. Elle attrapa de quoi noter ,
Elle commença alors à défaire tous les nœuds des cordes, et à désenfiler les lamelle de bois, tout en s'intéressant à l'intégration de Tool,
☉

Il était plutôt laconique ce jeune homme. C'était amusant car il semblait se passer pleins de choses dans sa tête. Quelque part Rose se disait que beaucoup de perdus étaient comme cela : plus il s'en passait dans leur tête, moins ils étaient loquaces... Elle la première.


Elle leva ses yeux au ciel et fit l'effort d'y réfléchir un instant, cela faisait longtemps qu'elle avait laissé ce sujet de côté. Temporaliser sa vie à l'Arbre revenait à se rappeler du moment où elle avait délibérément abandonné sa famille pour rejoindre le Pays de Jamais, à remonter péniblement toutes les épreuves qu'elle avait surmonté, mais surtout, et c'était le pire, à égrainer fatalement toutes les raisons qu'elle avait de partir.
Elle fronça rapidement les sourcils avant de reporter son regard sur Tool, lui souriant,


Elle cachait péniblement la mélancolie dans sa voix, impatiente de changer de sujet. La dernière chose qu'elle souhaitait était de mettre Tool mal à l'aise en lui faisant part de ses états d'âme. Pourtant ce garçon lui inspirait la confiance, un peu comme Ghost à l'époque... Un peu comme Harmony maintenant ... Des perdus calmes avec qui son rôle de mère s'évapore un peu.
Mais Rose n'était pas née de la dernière pluie, tout les perdus, même les plus grands, même les costauds, avaient besoins d'une mère, qu'ils le veuillent ou non, d'une mère solide, pas d'une nigaude. Elle, était un pilier pour eux tous, elle ne pouvaient se lamenter dans leur bras, aussi solides puissent-ils sembler. Surtout avec les nouveaux, Tool donnait l'impression de se faire à tout, de tout accepter, mais il aurait besoins de soutients tout ou tard, quand le charme du Pays de Jamais ne ferait plus effet.


Le geste machinal de défaire ses tressages étaient propices aux longues réflexions, et Rose se perdait facilement en théories intérieures sur les nouveaux perdus.


Elle observa Tool se lever et sortir de la pièce. Pourquoi était-il là lui ? Tout les enfants qui arrivent à Neverland fuient quelque chose ... Rose fuyait la routine, la morne réalité.
Mais Tool fuyait autre chose, quelque chose de réel, pas juste la morosité passagère et futile de l'adolescence. Mais ses raisons, Rose, ne sont pas ton problème... Comme toujours Gardienne, tu es trop curieuse malgré toi.


Elle ne mit pas longtemps à finir de tout dénouer, et récupéra les chutes de corde pour les "ranger" dans un coin, cela pourrait toujours servir.
Sur sa modeste table de travail, reposait un pantin... Celui d'un perdu mort durant un combat contre les Picaninny. Par manque de temps Rose avait pris l'habitude de réutiliser les anciens pantins pour leur donner les traits d'un autre perdu. Loin de se rendre compte du cynisme absolu de ce recyclage, qui illustrait à la perfection la cruauté du Grand Arbre. Elle pris le pantin dans sa main, et lui enleva sa perruque brune et ses grandes bottes, les rangeant dans sa petite malle à accessoires.
De quel personnage Tool pourrait-t-il prendre les traits? Un Ange-Gardien peut être ? Ou un Enchanteur ? Créateur d'artefact puissants qui ferait tomber la pluie et se déchaîner les océans? Rose avait beaucoup d'idées.

Surprise par l'arrivée de Tool alors que son esprit divagait déjà sur son prochain pantin, Rose secoua furtivement la tête comme pour se remettre les idées en place et se tourna vers le garçon un sourire tendre aux lèvres et son bonhomme de bois toujours entre les mains.




Elle attrappa délicatement les fines cordes dans les bras de Tool, et continua son explication,



Ses mains s'arrêtèrent sur les cordelettes. Elle ne souhaitait pas vraiment finir cette phrase, et elle regrettait déjà de s'être laisser aller si loin sur cette pente glissante.
Elle pris une inspiration et se retourna vers le garçon avec un léger sourire qui en disait long,



Son sourire se fit plus joyeux,