Il était une fois, dans une macabre forêt à la nuit éternelle, un petit être sans véritable nom. Une étrange créature, une horreur, à la fois enfant sauvage, ourson et ourson-garou. Chacune de ses formes ignorant les autres et ayant des aspirations différentes.
Il était une fois celui que les autres Horreurs nommaient Bear le Changeforme.

Enfant sauvage aux yeux noisettes, aux cheveux longs, bruns et entremêlés d’herbes et de mousses, la peau mâte couverte de-ci de-là de salissures et de terre. Il a l’odeur de la forêt et il y tient car il faut bien éloigner les nombreux prédateurs.
Sa petite taille lui donne l’apparence d’un garçon entre 6 et 8 ans, mais qui connaît réellement son âge ? Peter peut-être...
L’enfant est rarement physiquement présent, il est en sécurité tout au fond du petit être.

Non, ce n’est pas une horreur.

L’ourson pataud aime tout ce qui est doux. Doux comme la caresse de son regard aux reflets solaires. Doux comme sa fourrure brune et ses larges coussinets noirs.
Sa plus grande passion est d’entendre son estomac gargouiller et le récompenser avec ce délice doré, doux et sucré qu’est le miel ! Pour le plaisir de ses papilles, il affronte tous les dangers. Sortir de la forêt, se camoufler pour éviter les autres et même affronter la colère des abeilles qui protègent ce merveilleux trésor !
Il aime sentir le parfum des fleurs transporté par la douce brise et se rouler dans l’herbe fraîche. Il aime jouer, courir après les papillons multicolores, tenter en vain de les attraper avec ses pattes ou sa gueule. Et le soleil ! Celui qui réchauffe le corps et le cœur, celui qui est aussi doux à l’âme que le miel sur sa langue.

Non, ce n’est pas une horreur.

L’ourson n’est pas brave, intrépide ou téméraire. Il a peur, seul et tellement petit dans cette forêt où les arbres aux branches tordues et noires, qui sous la pleine lune tendent leurs griffes féroces pour l’écorcher et le dévorer. Il entend leur gémissements et hurlements, alors il se cache, se fait plus petit encore, plus silencieux... invisible, inexistant. Il se remémore alors le miel, le soleil et les fleurs. Il se réfugie dans son esprit, loin, très loin jusqu’à disparaître...
LA BÊTE prend place, toute la place. Seule LA BÊTE sait survivre ici. Elle aime cette forêt macabre, sombre et dangereuse. Elle dévore tout, déchire tout, la nuit, les autres et lui.
Elle est bien plus grande que l’ourson, sa toison est plus sombre, plus dure. Ses crocs et griffes sont acérées. son appétit n’a pas de limite. Ses yeux rouges brillent comme deux joyaux dans la nuit.
Bien plus que tout elle aime la chasse... Sentir la peur de sa proie, la laisser fuir pour mieux la rattraper. C’est son jeu, sa raison d’être, se nourrir de la peur puis de la chair.

Oui, c’est peut être une horreur...

Ce petit être n’a pas le moindre souvenir d’avant son arrivée sur l’île. Il vit au jour le jour comme dans la nuit éternelle... sans se soucier du temps, sans se soucier d’avant.

Ce petit être sans nom a trois visages, actuellement, aucun n’a conscience des autres.

L’enfant sauvage ne connaît pas les mots des autres. Il ne se porte pas sur deux pattes, ça lui fait mal depuis qu’il est tombé du bel arbre où la ruche touche presque le ciel. "Ha !" et son corps a fait crac ! "Yuck !" ce jour-là, il a dû manger des limaces. Il fait plus attention maintenant.

L’ourson brun est joie et tristesse. Il s’émerveille de tout ! Comme des papillons qui virevoltent. Mais ils sont méchants, ils ne se laissent pas attraper et ça le rend triste.

LA BÊTE vient de la peur, s’en nourrit, devient colère.

L’ourson te regarde fixement, s’approche méfiant, il ne comprend pas. Il ne comprend ni ce que tu es ni tes questions.
- Toi trop blabla.
Il grogne doucement et retrousse légèrement ses babines. Prudence.

Tu continues de poser des questions sans aucun sens. Visiblement il n’y a pas de danger.
- Toi avoir miel ?
Ses yeux pétillent au mot miel.

- Peter ? Peur... Les p’tits deux pattes pas pareils quand Peter. Moi regarder, caché dans herbes hautes.
L’ourson se gratte nerveusement l’oreille droite, se fige puis cligne des yeux.
- Hook ça deux hautes pattes ! Pas approcher eux. Mé-chants !
- Toi, miel ?
L’ourson insiste, beaucoup trop de mots, ça creuse son appétit !

L’ourson renifle, tu ne connais peut être pas le miel...
- Ici, là... *hésite* Yuck lune ronde... Brr froid fini...Yuck noirs arbres tordus... ça yum miel.
Il montre deux griffes de sa patte droite et trois de la gauche.
L’ourson se gratte à nouveau, se lève.
- Besoin yum, toi pas miel moi.
L’ourson s’enfui sans se retourner...
Tu comprends que l’ourson est arrivé au retour du printemps juste après le givre mortel.

À son réveil l’ourson trouve toujours un reste de carcasse. Ce matin c’est du lapin. Parfait !
Il ignore qui est son bienfaiteur mais en retour il lui dépose quelques baies ou du miel de ses expéditions quand il n’a pas tout mangé sur le trajet du retour.
Le bienfaiteur est étrange, il ne consomme jamais les délicieuses friandises ! Tout le monde aime les baies et le miel, pense-t-il.
En réalité, il n’y a pas de bienfaiteur, pas d’offrandes... Mais LA BÊTE qui a rapportée son butin de chasse et qui retourne dans les abysses du petit être sans nom, laissant là son repas en l’état, plus ou moins dévoré.

Après avoir mangé, l’ourson prend le plus grand soin de sa fourrure. Puis part en expédition. Que choisir ? Le chemin au nord du grand arbre ~ NRP : Camp Hurons ~ où les ruches sont nombreuses ou celui vers les enfants ? Ces petits deux pattes l’intriguent. Ils sont nombreux à s’affairer, jouer ou se chamailler !

Il pense à ses futures découvertes tout en sortant silencieusement de la grotte. Il fait nuit et la lune est ronde comme toujours... Il ne faut pas faire de bruit, c’est plein de méchantes bêtes ici et même les arbres font peur.
Il arrive à la lisière de la forêt, le sol est sombre.

Parfois, la nuit est présente partout sur ce vaste territoire. L’ourson laisse alors place à LA BÊTE qui profite de l’épaisseur de la nuit pour terroriser et chasser. Elle ne s’éloigne pas trop de son territoire, la forêt macabre lui plaît tellement avec ses sons étranges, les hurlements et sa lune pâle et ronde.
Une fois sa traque terminée, il rapporte son repas dans son antre.
L’entrée se fait par la fissure d’un vieil arbre sombre et mort et donne sur caverne vaste et humide. Le refuge parfait !
LA BÊTE se lèche les babines avant de commencer à dépecer sa proie, il se régale autant des sensations de la traque que du goût de la chair fraîche.

Parfois, le jour colore ce merveilleux territoire. Peu importe la météo, l’ourson cherche toujours de quoi manger, qui espionner, avec quel animal ou insecte jouer.
Sa curiosité l’emmène découvrir des terres toujours plus distantes, mais il doit faire attention à l’arrivée de la nuit. Il sent, il sait, il faut retourner à l’antre avant que la nuit arrive.
L’antre est parfaite pour se cacher des prédateurs et survivre à la nuit éternelle pendant son sommeil. Il faut juste retrouver le vieil arbre fissuré qu’il a marqué avec ses griffes.
La forêt est étrange ou alors est-ce la peur et la fatigue ? Le vieil arbre semble se déplacer...