Aujourd’hui, c’est la course ; le truc c’est que c’est chaque jour pareil. Maxeen s’élance d’un gamin à l’autre, d’une tâche à la suivante, se rappelant à peine qu’elle doit manger, et s’asseoir. Boire ça va, et le café c’est un liquide tout à fait bénéfique pour l’organisme. Des fois elle boit de l’eau aussi, pas comme son papi qui disait qu’il ne la digérait pas—c’était probablement un alcoolique, puisqu’il ouvrait plus de bières en une journée que le paternel de Maxeen en une semaine. Bon, les souvenirs qui remontent, c’est pas le moment, on verra après.

Après quoi ? Bonne question, le Tournesol a l’impression que tout tourne au ralenti à part elle, parfois. Instinctivement, elle s’arrête, un café dans une main, et dans l’autre—elle zieute le nom écrit au marqueur sur ce qui n’est pas un café (il y a également marqué CAFE dessus, certes, et le nom est uniquement décoratif c’est un chocolat chaud avec deux gouttes de café qu’on sent pas). Okay, elle a sa boisson et celle d’Avocado, tout va—

« Sa mère la pute, Avocado ! »

Maxeen effectue un demi-tour qui se termine presque par une collision avec un gosse qui semble prêt à défendre son honneur jusqu’à ce qu’il lève la tête. Genre, c’est pas un grand specimen, et au final il baragouine une excuse avant de disparaître.

C’était pour ça les boissons—enfin la sienne c’est pour sa survie personnelle—sa fille lui a causé de son procès d’aujourd’hui et elle doit être en train de l’attendre, bordel de merde. A l’aide de grandes foulées, Maxeen rejoint leur cabane. Elle se rappelle que trop bien lui avoir dit qu’elle passerait au Toffee pour elle et qu’ensuite elle l’aiderait à se préparer.

« Avocado ? » Qu’elle appelle à peine la porte passée, « T’es là ? »

Une pointe d’anxiété dans la voix, elle s’enfile une gorgée d’un café encore brûlant avec un soupçon de vanille.

Maxeen n’est pas encore maman professionnelle, pas comme genre Aphrodite ou Mary. Elle débute, et c’est pas toujours simple, y’a tellement de trucs à prendre en compte—Sinner aide pas, à vouloir tout moderniser, à l’ouvrir sur ce qu’il pense être le mieux. Il la laisse profondément perplexe, à ne pas simplement suivre le fonctionnement initial de leur groupe—enfin, ça aurait pu être pire. Maxeen n’a pas le temps de juger qui que ce soit, en plus c’est le rôle de sa petite avocate favorite, que déjà elle l’entend. Elle la voit aussi, vachement vite.

« Maaamannnnnnnnn !!!!! Aaaiideuuuh moiiii ! » Le Tournesol a l’avantage de pas être trop gauche, sinon elle aurait renversé le café et le pas café. Mais, même si Maxeen se goure encore sur des tas de trucs, elle peut gérer ça.

« Pas d’problème, mon sucre. T’as vu, j’ai ta boisson pour le procès ! » qu’elle déclare, agitant un peu la main avec le breuvage pour tenter d’attirer le regard de la mini-tornade. « Tu sais quoi ? Avec, genre, un bon café, y’a rien qu’on ne puisse pas accomplir toi et moi. »

Elle lui décoche un sourire qu’elle espère suffisant pour chasser les larmes qu’elle semble deviner dans le regard de sa fille. « Commence par l’début et dis moi ce qui va pas, maman va t’aider et en deux minutes tout sera réglé ! »

Beaucoup d’assurance de la part de quelqu’un qui a failli oublier d’aller chercher sa gosse pour l’emmener à son procès. Mais, comme son paternel le faisait si bien, il suffit de faire croire qu’on gérait le truc en premier lieu.

Puis, au moins, elle est là. Lui, il l'avait oubliée après une sortie scolaire, trop occupé à acheter un barbecue en promo à Target.

C’est moche de voir sa gosse dans un tel état. Si Maxeen avait pas les mains prises, elle chercherait un mouchoir quelconque. Au moins, maintenant que Avocado l’empêche plus de respirer, elle peut prêter attention à ce qu’elle lui dit.

« C'est... C'est... Mes cheveEeEeeEEux... Il sont tout emmêlés et pas beaux. » Disons que c’est un brin un nid d’oiseau sur sa tête. Et y’a rien de mal dans le fait d’avoir besoin d’un coup de brosse—les avocats de l’Ordinaire au réveil ont probablement pas l’air frais non plus. « Les autres disent que j'ai des cheveux de sorcière ! »

Par souci de politesse, elle laisse sa fille continuer, malgré l’éclat qui traverse son regard en entendant ça.

« Que va penser Peter..! MAMAAAaaAaannn..! Il faut que tu m'aide à les rendre PLATS. » Ce que Peter en dit, c’est très important, bien sûr. C’est Peter, et il aime que tout soit parfait—qu’on pousse le jeu jusqu’au bout.

« Mon nougat en sucre, » qu’elle commence, tentant d’adoucir son ton, « qui a osé te dire que tu avais l’air d’une sorcière ? Maman va aller leur toucher deux mots. » Si c’est des Diplomates, elle fera même un peu plus en les punissant, sinon ils verront avec leur mère, hein.

Avisant la surface libre la plus proche, Maxeen y pose les deux boissons, convaincue qu’on ne risque pas de les confondre. Son gobelet réutilisable est recouvert de fleurs de tournesol après tout. Elle demande toujours le même au Toffee. « Peter t’aime beaucoup, tu es son unique avocate, et la meilleure en plus. »

Quant à la chevelure—si Maxeen était moins ancienne, elle dirait que le naturel c’est ce qu’il y a de plus beau. « Tu sais par chez moi on faisait grave des permanentes pour avoir des boucles. ‘Fin ma mère le faisait. Si on peut boucler, lisser c’doit pas être bien difficile. »

Dire que sa mère dépensait une fortune chez l’coiffeur alors qu’elle lui foutait un bol sur la tête pour couper les siens. Tragique. « T’as déjà fait ça ? Sinon j'vais tenter un truc, c'pas grave. Tu seras parfaite pour l'procès. »

« Mais c'était des GARçONS ! » Quelle plaie, ces garçons. Maxeen mettra un point d’honneur à leur mettre la main dessus, mais plus tard. Une fois sa petite tornade en sucre calmée. Quant à savoir comment elle va s’y prendre—c’est une question grave importante. Va falloir jouer le jeu, faire semblant d’y croire—Maxeen a pas une fichtre idée de comment elle va lui lisser les cheveux sans fer ni rien.

« T’me diras à quoi ils ressemblent, les vilains, t’aleur. Personne fait pleurer ma p’tite avocate. »

« Merciiiiiii !!! Il faut faire vite ! C'est bientôt ! Tu me sauuuve ! Ca va être le MEILLEUR procès de TOUT LES TEMPS ! » Et hop, un câlin supplémentaire ! Emballé, c’est pesé. Vas-y qu’elle serre un coup les mains qui se sont accroché
es aux siennes. Pas grave si son café s’en retrouve froid, elle le boira quand même.

« Si j’ai, genre, pas trop de taf, je resterai regarder un peu plus longtemps ! » Une affirmation dépendante en la capacité de personne à se blesser ou à venir pleurnicher vers elle. Honnêtement, Maxeen doute qu’elle pourra traîner à admirer sa fille déclamer sa passion.
Elle est avec elle moralement, quoi.

« Enfin, c'est une façon de parler bien sur. Car le temps n'existe pas ! Comment procède t-on ?! »

Vas-y que c’est la question qui pose problème. Où sont les autres mamans quand Maxeen a besoin de leur expertise—bah en train de taffer aussi, hein. Pas de repos pour les braves, ou un machin dans le genre. « On a des produits lissants j’crois, genre shampoings. » Il lui semble que y’a quelques Diplomates qui en utilisent, et Maxeen est certaine d’avoir plus ou moins pigé le principe.

On applique, on rince, on applique encore, on laisse poser puis on brosse. Tout simple.
Ou pas.

« Si on fait giga vite, ça devrait passer. » Elle doit même en avoir un flacon dans sa chambre, cadeau d’une gamine—mais où dans son bordel. Ensuite faudrait aller au Bassin, probablement. Ou chopper une bassine.

L’effet attendu par Avocado et les connaissances capillaires de Maxeen ne sont pas franchement sur le même fuseau horaire, pas que le Tournesol se permette de le mentionner. Au pire—non, partons dans l’autre sens. Au mieux, donc, son bébé aura les cheveux plus ou moins lisses à la fin de leur petite session. Voilà, on va s’arrêter à cette possibilité.

« Alors allons y maman ! » Limite on dirait une enfant qui veut accompagner sa maman chez le coiffeur, c’est trop chou. Genre, Maxeen est giga touchée par la boule d’énergie qui lui tend son café, prête à tout pour réaliser son rêve du procès parfait. « Je vais chercher une serviette et une bassine ! »

Elle pense même à la serviette, vraiment quel génie cette petite.

« Okay, mon sucre, retrouve moi dans ma chambre ! » Déjà, elle est partie, laissant Maxeen seule avec sa boisson dont elle prend de longues gorgées. Au boulot !


☼☼☼


L’espace où dort Maxine est pas mal, un lit simple, pleins de cartes de l’île accrochées sur les murs, plusieurs cadeaux des Delaware, deux bouquets de fleurs de ses gosses dans des vases colorés. La grande coiffeuse, recouverte de maquillage divers, qui mériterait d’être rangée—ce que Maxeen fait en ouvrant le tiroir pour tout faire glisser dedans. Ni vu ni connu.

C’est sur une étagère, entre deux peluches et un roller dont le compagnon traîne sous le lit, qu’elle trouve le flacon en verre contenant le produit lissant. Y’a même une petite étiquette, illustrée d’une longue mèche lisse avec des paillettes dessinées tout autour. Si c’est pas un produit lissant ça !

Le Tournesol, posé sur le tapis en tailleur, n’a plus qu’à attendre sa gamine en terminant son café maintenant.