Le biscuit est une offrande qu'il mastique un moment. Autant la soif était intense, autant il n'a pas si faim que ça au final. Hors de question de ne pas reprendre des forces néanmoins. Est-ce que les fermiers auront encore besoin d'eux ? Samurai doute que ça soit nécessaire de leur rendre service de nouveau pour avancer dans leur enquête. N'est-ce pas leur but premier, de retrouver les filles ? Avec tout cet effort pour la récolte, l'adolescent était presque parvenu à mettre l'idée au second plan.

« Il faut qu'on retrouve Mud. »

Samurai doit offrir le 'okay' le moins motivé de l'histoire, un truc qui sonne comme un marmonnement. Oh ça va, hein. On ne l'oblige pas à bien s'entendre avec Mud en premier lieu. Si elle était une Livreuse plus motivée, et moins prompte à l'insulter, nul doute qu'il serait moins lassé de son côté.

Il n'empêche que l'Injuste espère—un brin— qu'elle soit ivre et ne puisse plus les embêter pour la soirée. Ce qui est visiblement bien mal la connaître puisqu'elle se tient là, le regard empli de fierté (ou d'alcool) avec ses billets qui ont probablement plus de sens pour elle que pour le garçon. Samurai n'a plus aucune notion d'argent, d'ailleurs, il a du mal à cacher son incompréhension face au 'fric'. Son regard glisse vers son chef, bien que la question meurt dans sa gorge avant de sortir. Hors de question de devenir la risée générale pour un détail qui n'a certainement aucune importance.

« Vous allez me raconter tout ça là haut. J'paye la chambre. »

Se laisser entraîner ne le dérange pas outre mesure, bien qu'il doive marcher rapidement pour éviter qu'elle ne tire trop sur son bras. C'est ce que son dos a bien assez morflé pour la journée. Une fois libéré de son emprise, l'Injuste en profite pour retirer ses chaussures, qu'il était à deux doigts d'enlever sur le chemin du retour, et son foulard. Autant respirer un peu.

Ah, il n'y a que deux lits et ils sont trois. Son handicap ne lui pardonnerait pas de s'étaler sur le sol, mais ruiner la pureté de son— Partager le lit de Freckles serait inconfortable pour eux deux. Surtout si son esprit ne cesse de lui donner de telles phrases incongrues et dénuées de sens. Ce que Freckles fait de son corps, ça ne le regarde pas. Il s'assied sur le second lit, préférant le bord au lieu de s'étaler comme elle le fait.

« Allez, balancez, vous avez appris quoi ? »

« Le shérif est notre meilleure piste, il est le dernier à avoir vu Mirror et I scream, » ses doigts glissent contre sa joue puis ses lèvres, tandis qu'il cherche à rester concentré, « Le fils s'est évaporé lorsqu'il comptait l'interroger. Et les fermiers pensent qu'ils se feront tuer s'ils posent des questions, ce qui serait embêtant pour nourrir la ville. On a travaillé à la ferme d'ailleurs. »

Mieux que de boire et de jouer aux cartes.

Samurai déballe les informations sans les organiser, l'épuisement trop fort pour ça. Mud parviendra à tout remettre en place d'elle-même, de toute manière. Après un bâillement étouffé du dos de sa main, il en profite pour lancer un œil à un billet qui est tombé de la poche de l'adolescente.

Est-ce une façon d'obtenir des choses sans fournir d'effort ?

Si Freckles a envie d'interroger Mud sur ses propres infos, qu'il le fasse.
Lui, il s'en fiche un peu en fait.

Pour la première fois depuis qu'ils sont là la scène rassemble quelques éléments de familiarité et d'intimité. Ils s'installent sur le lit inconfortable et Freckles imite Mud qui enlève immédiatement ses bottes, et bientôt les revolvers qu'elle a caché sur elle suivent – on dirait même qu'il y en a plus que quand ils sont arrivés. Ils entendent encore un peu les bruits d'en bas, le piano et les rires et les verres qu'on éclate sur les tables en bois mais ça dérange pas trop Freckles. Le silence c'est pas ça qui l'aide à dormir.

Samurai s'est assis tout au bout de l'autre lit comme si la couverture était recouverte de scorpions et raconte, l'air concentré :

« Le shérif est notre meilleure piste, il est le dernier à avoir vu Mirror et I scream. Le fils s'est évaporé lorsqu'il comptait l'interroger. Et les fermiers pensent qu'ils se feront tuer s'ils posent des questions, ce qui serait embêtant pour nourrir la ville. On a travaillé à la ferme d'ailleurs. »
« Vous vous êtes éclatés à ce que je vois. »

Freckles jette un regard en biais vers Mud qui a toujours un petit sourire en coin et l'air narquois.

« C'est bien, tout ça. Moi j'ai une autre piste. C'est fou ce que ça parle un cowboy avec assez de verres dans le pif et de l'argent en jeu. »

Elle a fini de se débarrasser de ses armes qu'elle pose sur le plancher, sous l'oreiller, et dans le chapeau qu'elle a enlevé plus tôt.

« Le shérif, là, a d'autres soucis que l'eau en ce moment. Trois soucis, exactement. Un trio de bandits dont la cheffe veut prendre sa place. Pourquoi le shérif voudrait se débarrasser des filles ? Je sais pas. Mais ces mecs, ils ont plutôt intérêt à priver la ville d'eau. Moi je pense que c'est eux qui ont kidnappé nos copines. »

Freckles fait une moue, boudeur.
C'est une bonne piste.
Et d'un côté c'est cool, mais de l'autre ça l'énerve, parce que lui et Samurai ils ont travaillé pendant des heures et ils ont fait un boulot de détective du feu (à son avis), et il aime pas l'idée que ce soit pour rien.
Mais y a un compromis à trouver là dedans.

« Dans tous les cas, faut qu'on aille voir le shérif. »
« Yep. Je sais où il habite. Mais là j'suis crevée. Et défoncée aussi. »

Elle leur fait un clin d’œil. Mais avec les deux yeux. Un clin d’œil pour chacun.

« Et je vous préviens je dors pas par terre. »
« C'est bon je peux le faire, je m'en fous », répond Freckles qui pense au dos de Samu.
« Oh tu veux pas partager ? J'suis sûre qu'on peut se serrer. »

Elle regarde Samurai. Puis elle ricane. Freckles hausse les épaules, il comprend pas et il est un peu fatigué de toutes façons, il commence juste à préparer son coin en roulant en boule sa longue veste d'emprunt.

« Le shérif, là, a d'autres soucis que l'eau en ce moment. Trois soucis, exactement. Un trio de bandits dont la cheffe veut prendre sa place. Pourquoi le shérif voudrait se débarrasser des filles ? Je sais pas. Mais ces mecs, ils ont plutôt intérêt à priver la ville d'eau. Moi je pense que c'est eux qui ont kidnappé nos copines. »

Fidèle à son surnom, Samurai n'apprécie pas franchement qu'elle leur déballe ça comme si elle avait trouvé le truc du siècle. Leur travail importe tout autant, et si la source n'était pas la même, l'adolescent la laisserait se débrouiller sans eux. De toute façon, le shérif est un peu l'unique option valable. Il secoue la tête, quelques souvenirs feuillus tombant sur le lit. Ah, la journée a été longue. Trop pour une quelconque dispute.

« Dans tous les cas, faut qu'on aille voir le shérif. »
« Yep. Je sais où il habite. Mais là j'suis crevée. Et défoncée aussi. »

Samurai hausse les épaules, geste qui fait vibrer les muscles de son dos en un rappel que ce n'est pas mieux de son côté. Quoiqu'il doute que Mud soit très fraîche à cet instant précis. Elle a bien bossé, eux aussi. C'est juste— qu'il a pas l'impression qu'elle a autant galéré qu'eux, c'est tout. Un bâillement lui échappe, un qui dure un peu trop.

« Et je vous préviens je dors pas par terre. »
« C'est bon je peux le faire, je m'en fous. »
« Oh tu veux pas partager ? J'suis sûre qu'on peut se serrer. »

Le ricanement lui donne envie de lui balancer un oreiller dans la figure. Il se retient pourtant, parce qu'il est tard, qu'ils sont tous livreurs et que ça sert à rien. « Merci, » c'est tout ce qu'il offre à leur chef. Samurai est, certes, un peu décalé de la réalité, ce qui ne l'empêche pas de comprendre pourquoi Freckles a dit ça.

Dans le fond, si l'Injuste avait avoué ça des années plus tôt—

Dormir. Le reste, ça sera demain. Et ça lui donne une grande satisfaction de ne pas avoir répondu à la pique de Mud. En vrai, vu son état, son répondant aurait été encore plus minable qu'à l'accoutumée. Son corps chavire en plein milieu du matelas, s'y étalant gaiement alors qu'il se recouvre d'une couverture.



Ignorant si ses compères sont réveillés, Samurai quitte la chambre tôt le lendemain, sans un bruit. Son corps est bien plus en place que d'habitude, tout ça grâce à un vieux matelas qui a grincé plusieurs fois durant la nuit. Après une brève toilette, il descend pour se poser en bas. La thune, les shérifs, tout ça c'est pas son truc. Pour ne pas dire que le fonctionnement de la ville lui passe totalement au-dessus de la tête. Au final, Relena le salue, occupée à arranger la salle après une bagarre la nuit précédente apparemment (il a rien entendu, dormant à poings fermés).

« Faut pas rester planter là, tu vas aider ! » Et elle lui fourre une chaise dans les mains, indiquant la table où elle doit aller. Samurai ne s'en plaint pas, appréciant de pouvoir s'occuper en attendant ses camarades. Surtout que c'est pas si pénible, de passer le balai et de nettoyer les tables. Relena apprécie la compagnie visiblement.

« Faut pas trop vous incruster, les p'tits. Tes amis ils dorment ? » Lorsqu'il hoche la tête, elle rit, le son étouffé par la paille. « Après ce que la p'tite s'est envoyée, ça m'étonne franchement pas qu'ils pioncent. »

Une fois que la salle ressemble à peu près à quelque chose, elle le fait s'asseoir au comptoir. Ils bavardent un peu plus, de tout et de rien, Samurai gardant ses bras croisés sur le comptoir jusqu'à ce qu'elle glisse une assiette devant lui. Un truc qui vient des cuisines, pas grand-chose, qu'elle marmonne. Du maïs qui baigne dans de la sauce, avec un toast trop cuit en dessous.

Samurai a mieux à faire que de s'en soucier, remerciant son hôte avant de littéralement inhaler sa nourriture. Dire que la veille les sandwichs lui disaient rien. Il lui faut un moment pour remarquer l'objet posé à côté de l'assiette. Un truc métallique à trois côtés qui lui semble familier.

« J'lai trouvé en rangeant. J'crois que c'est à une de vos p'tites demoiselles. »

Oh, Mirror. Son… machin. Samurai l'observe un moment, tout en tentant de couper une partie du toast cramé avec sa fourchette. Peut-être que c'est pas une piste, mais c'est déjà un truc.

« Freckles. Réveille toi. »

Il cligne des yeux, lentement, le temps de se rappeler où il est. Malgré la dureté du sol, il s'est endormi comme une pierre – sans doute le fait d'avoir bossé à la ferme pendant des heures la veille. C'est Mud qui l'a réveillé. Elle est penchée sur lui et ses cheveux lui caressent le visage.

« Faut que je te montre quelque chose. »
« Il est où Samurai ? »
« Il s'est tiré. Mais on s'en fout. Regarde. »

Freckles se redresse, manquant de foutre un coup de boule à la livreuse, qui, plus préoccupée par autre chose que par le sort de leur troisième collègue, lui met une mèche de cheveux sous le nez.
Au début, il y voit rien de spécial.

« Tu veux quoi, de l'après-shampoing ? »
« Ah t'es un petit marrant toi. J'espère que tu rigoleras toujours quand ta face sera retapée au patchwork. »

Il fronce le nez. Et regarde de nouveau ; les pointes des cheveux bruns de Mud ont la consistance de la paille. Non. C'est de la paille. Pour de vrai. Au mieux c'est un peu préoccupant. Au pire, horrifiant. Hier, c'était pas comme ça.
Ils échangent un regard.
Faut pas qu'ils tardent.

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Samurai s'est pas « tiré » comme Mud le prétend. Il les attend en bas devant son petit dej. Le saloon est nettement plus calme aux premières heures du matin ; la serveuse a remis les tables en place, balayé le verre brisé, réajusté les lampes. Elle le fait probablement tous les jours. A moins que ce monde là se mette en pause, dès qu'il n'y a personne du leur pour le visiter.
La serveuse en question est en train de parler à Samurai, désignant un objet qu'elle a posé sur la table.

« J'lai trouvé en rangeant. J'crois que c'est à une de vos p'tites demoiselles. »

Mud et Freckles s'approchent pour le regarder. C'est le truc de Mirror. Un machin en plastique qui tourne. Ça vient du Monde Ordinaire. Comme personne fait mine d'y toucher, Freckles tend la main pour le mettre dans sa poche. Mud elle,  préfère rafler ce qu'il reste de toast dans l'assiette de Samurai et de l'enfourner dans sa bouche avant qu'il puisse protester. Freckles a pas l'énergie de la reprendre non plus. Y a urgence, là.
Il ose même pas penser à dans quel état ils vont retrouver les filles -s'ils les retrouvent.

« Faut qu'on aille chez le shérif », il dit.

Ils remercient Relena et sortent du saloon. L'air chaud et poussiéreux de la ville les frappe en plein visage, ça paraît encore pire que la veille. Freckles couvre sa bouche et son nez avec un foulard, faisant signe à Samurai de faire de même alors qu'ils marchent vers le bâtiment que Mud leur indique, plus loin dans la rue. Une station de police décrépie, une emblème en forme d'étoile, des planches clouées aux fenêtres pour pas laisser passer le soleil, rien qui inspire bien confiance mais ils vont pas se dégonfler maintenant.

« Okay. Stratégie. Good cop bad cop. J'suis le bad cop. »
« Quoi ? Attends », dit Freckles parce qu'ils sont trois déjà, et qu'en plus le seul flic ici c'est la personne qui se trouve de l'autre côté de la porte.
« Go. »

Mud frappe à la porte avant qu'il aie pu placer un autre mot.
Trop tard pour répéter de toutes façons.
Trois secondes passent, et la porte s'ouvre.

Mud aurait pu faire la grasse matinée, Samurai ne s'en serait pas spécialement plaint. Il regarde, désabusé, une partie de son repas lui échapper sans avoir le temps de réagir. Autant ne pas faire de commentaire de si bon matin, ça ne l'intéresse pas. Ils sont là pour leur mission et rien d'autre. Tandis que Freckles évolue à ses côtés, récupérant le bidule de leur amie disparue, son regard s'égare sur la chevelure de Mud—il doit y avoir un changement, ce n'était pas ainsi—oh quelle importance ? Les filles sont la priorité.

« Faut qu'on aille chez le shérif . »

La voix de la raison. Ou tout du moins celle du chef. Samurai s'essuie la bouche avec sa manche pour signifier qu'il est prêt à partir tout de suite. Il n'est pas certain de ce qu'est le shérif, outre que c'est le type qui est supposé faire régner l'ordre mais qui semble bien louche. Un adulte quoi. Fait de paille. Son dos proteste lorsqu'il se lève, un nœud devenu corde qui s'est enroulée autour du long os qui traverse son corps. Pas agréable. Marchant derrière le duo, l'adolescent en profite pour s'étirer un peu, pas certain que ça arrangera le truc, quoique certain que ça ne va rien empirer.

Foulard sur son visage, Samurai doit plisser les yeux pour esquiver le soleil et la poussière. Bon, au moins ça doit pas être loin. L'étoile est le seul truc attirant sur ce foutu bâtiment et il se frotte les yeux avec sa manche pendant que les autres causent.

« Okay. Stratégie. Good cop bad cop. J'suis le bad cop. »
« Quoi ? Attends »
« C'est quoi un cop ? »

Personne ne prête attention.
Mud a déjà enclenché son super plan auquel Samurai ne comprend absolument rien. Une partie de lui voudrait dire que ça change pas, mais il a pas le temps de s'étendre dessus parce que la porte s'ouvre sur l'épouvantail le plus moche qu'il a vu depuis leur arrivée. Est-ce que c'est ça 'un cop' ? Un adulte qui a de la paille qui sort de sa chemise décousue ? Son visage n'est pas très droit, comme s'il était plus rempli d'un côté ou de l'autre et l'Injuste n'a pas vraiment envie de savoir si c'est naturel ou si ça a été causé par une rencontre malheureuse.

« Qu'est-ce que vous voulez ? » Sa voix est sèche, peu prompte au dialogue.

Le livreur, toujours incertain du rôle supposé de son interlocuteur, qui est uniquement focalisé sur Mud pour l'instant, hésite à intervenir. Un bref regard en biais vers Freckles.

Au lieu de s'immiscer dans la conversation, qui n'a même pas encore commencée, Samurai préfère s'éloigner un peu, se posant vers une des fenêtres clouées. Et pas très bien d'ailleurs. Un des coins se lève un peu, et il tente de le soulever pour mieux voir, ce qui entraîne un couinement peu discret du bois.

Bravo.

Le mec ouvre la porte. Enfin, mec. Épouvantail. Pas de visage, celui là, pas de boutons pour les yeux, pas de fente pour la bouche, un sac avec des coutures grossières, un chapeau rapiécé, une figure plus imposante, qui a l'air d'avoir été cousu, décousu, recousu, vidé, rerempli un milliard de fois et qui a rien de plus reconnaissable à part une emblème en forme d'étoile et deux flingues à la ceinture.

« Qu'est-ce que vous voulez ? »

Et bizarrement y a plus personne. Samurai rase le mur, plus intéressé par une planche de bois que par l'action, Mud soudain silencieuse et qui fixe Freckles comme si c'était à lui de parler. Oui bon il est chef, mais c'était son idée à elle. Son plan. Pour peu qu'on appelle ça un plan. L'épouvantail sans visage le fixe. Deux secondes s'écoulent. La troisième et il claquera la porte c'est giga sûr.

« Parler », dit Freckles. L'autre répond pas. « Ice Cream et Miror », il ajoute.

Le shérif a pour la première fois l'air de lui prêter attention.

« Les trouveuses d'eau ? »
« Euh oui. On est aussi des trouveurs d'eau, si on veut. Et on nous a dit qu'elles étaient avec vous. On les cherche. »
« Elles sont plus là. »

Malgré qu'ils se soient tout juste réveillés Freckles se sent tout à fait fatigué, et peut-être même un peu découragé.

« Elles sont où alors ? »

Le shérif a l'air de vouloir refermer la porte. Il esquisse le geste. Mud avance son pied comme pour le bloquer. Il ne bouge pas pourtant. Son ton est contrit quand il consent à répondre.

« Elles ont disparu une nuit. La même nuit que nos chevaux se sont faits voler par des bandits. »

Il crache par terre. Mud, d'un coup, relève la tête, l'air très intéressée.

« C'est eux qui les ont, vos petites. Ma main à couper. Et elles sont sans doute mortes à l'heure qui l'est. »
« Ils viennent d'où les bandits ? »

Il se tourne vers elle avec sa tête sans visage.

« Se cachent dans leur repère. C'est à une demi journée à cheval d'ici. Au nord. »

Freckles reste un peu bloqué sur le elles sont sans doute mortes. Mud non. Elle a les yeux qui brillent. Elle regarde Freckles, qui la regarde pas, et puis Samurai, et puis enfin le shérif.

« Donnez nous des chevaux. »

L'homme la regarde, stupéfaite.

« On va s'occuper de votre problème de bandits. »

Et il devient incroyablement clair au chef des livreurs qu'il ne lui importe plus beaucoup de sauver Ice Cream et Mirror ; non, ce que veut Mud, c'est utiliser ses flingues; c'est l'action, la gloire, et en récompense une étoile à accrocher au devant de sa veste.

« Se cachent dans leur repère. C'est à une demi journée à cheval d'ici. Au nord.»
« Donnez nous des chevaux. On va s'occuper de votre problème de bandits. »

Ses doigts tressaillent, juste un instant. Un besoin d’attraper quelque chose—n’importe quoi de solide et de réel—puis de le balancer aussi loin que possible. Bien sûr, l’île n’autorise pas le deuil. Elle le décourage, le rend si futile une fois que les enfants disparaissent les uns après les autres. Mais il y a un  court moment, juste le temps d’une inspiration, où on l’a le droit d’accepter la réalité de l’absence qui précède l’oubli. Si elles sont mortes, autant rentrer. Personne ne se soucie des cadavres—lui non plus. Est-ce que les héros rêvent de gloire, de joyaux brillants au creux de leur paumes ? Certainement qu’il a tort, que Mud se soucie d’aller leur régler leur compte autant que lui. Sa façon de le dire, son expression—Samurai est incapable de le supporter. Une envie de dire que ce n’est pas juste, que ce n’est pas bien. Qu’ils devraient—agir de façon plus mature.

(Oh, ce n’est pas ainsi que ses pensées devraient être.)

« J’ai quelques bêtes derrière mais si vous les ramenez pas… Y'aura des conséquences. Ayez pas trop d'espoir, hein. »

Sans se soucier de leur chef—qui a honnêtement mieux à faire que de gérer ce qui va suivre—Samurai abandonne sa planche de bois pour se rapprocher. Mud est comme lui, l’Injuste abhorre cette réalisation, elle est prise dans son jeu, dans le fait d’être l’héroïne qui rentre à la maison sous les applaudissements. C’est horrible, de se trouver des points communs avec quelqu’un comme elle. Pas qu’ils soient ennemis, loin de là. Il y a ce poids entre eux, cette distance et ces commentaires acerbes qui le rongent à chaque fois, pour s’effacer juste après.

Ses doigts se referment sur le haut de Mud—pourquoi est-ce que tu es ainsi, pourquoi tu ne pas te soucier des autres—il se sait cruel, que peut-être que ça l’affecte et qu’il est incapable de s’en rendre compte. Samurai pourrait la frapper—un coup précis en plein visage, que ça lui retire son sourire mordant qui orne toujours ses lèvres—et ce n’est pas l’envie qui lui manque.

« Tu ne pourrais pas avoir une once de respect une fois dans ta vie ? I Scream et Mirror sont en vie jusqu’à ce qu’on prouve le contraire, alors ne va pas les faire tuer en débarquant en fanfare pour satisfaire ton égo, » qu’importe la répartie, ou la moquerie qui suivra, il n’en a rien à faire. C’est Mud qui est utile, elle qui a une arme et qui sait se battre. Là où Samurai suit sans faire grand-chose, et c’est l’unique raison pour laquelle il parvient à se retenir de lui casser le nez. Néanmoins, il la pousse en arrière—sans chercher à provoquer de chute, un simple 'dégage'—pour la laisser là sans rien ajouter. Il n’a aucune envie de voir sa réaction.

En contournant le bâtiment, des chevaux de paille attachés attendent sagement à côté d'un abreuvoir vide. Il n’y en a que deux et Samurai est immédiatement d’accord pour rester là plutôt que de devoir monter avec Mud. Ils peuvent aller jouer avec leurs armes à feu—il ne regrette pas son épée, elle ne servirait à rien de toute façon—après tout, il doit avoir confiance au moins en Freckles.

Cette colère est si stupide.
Mais si elles sont mortes, qu'est-ce qu'il fera, hein ? Les oublier, comme pour tous les autres ?

« J’ai quelques bêtes derrière mais si vous les ramenez pas… Y'aura des conséquences. Ayez pas trop d'espoir, hein. »

Freckles a une dissonance. Un vertige au cerveau. Plus il voit les habitants du Far West et plus il se dit que c’est normal, en fait, et que c’est eux qui sont bizarres. Les yeux trop détaillés de Mud, les pores de la peau de Samurai, ses propres ongles tout ça lui parait incongru. Les visages sans expression et les cheveux de paille, c’est ça qui est normal, maintenant. Il est tellement perturbé par cette observation qu’il remarque pas tout de suite le changement d’ambiance. Il ne réagit que quand Samurai se plante devant sa collègue, et agrippe le col de sa chemise; mouvement en avant, pendant une folle seconde, Freckles se dit qu’il va la frapper et il a aucune idée de pourquoi.

« Tu ne pourrais pas avoir une once de respect une fois dans ta vie ? I Scream et Mirror sont en vie jusqu’à ce qu’on prouve le contraire, alors ne va pas les faire tuer en débarquant en fanfare pour satisfaire ton égo. »

Mud a l’air aussi surprise que lui. Pendant une fraction de seconde en tout cas, après quoi elle reprend l’air narquois qui la caractérise.

« C’est ce que tu penses de moi? Mes motifs sont toujours exclusivement altruistes. Bien sûr que je veux sauver Miror et Ice Cream- » elle articule.
« Pour ton égo », marmonne Freckles.
 
Elle fait semblant de pas entendre.
Arrivés derrière le bâtiment, il rattrape Samurai qui a pris de l’avance. Toujours une colère qu’il sait pas contenir. Freckles tend le bras pour attraper le sien.

« Hey. Samurai- »
« Shotgun, c’est moi qui conduis ! » lance Mud, qui arrive par derrière, inconsciente – ou indifférente à la scène. « Freckles, tu montes derrière moi. »

Il en veut même pas à Mud de l’avoir interrompu. Il savait pas trop quoi dire à Samurai en vrai.
Il y réfléchira sur la route. En attendant, il lui fait juste un petit signe de tête, serrant brièvement le bras.
Genre tiens bon, d’accord ? C'est bientôt fini.
Même s'il en sait rien.

« On réfléchira à un plan en chemin », annonce Mud en grimpant sur le plus gros des chevaux. « J'avais une super idée de réplique pour quand on aurait fait sauter le repaire des bandits à la dynamite. Mais bon apparemment faudra trouver autre chose vu que j'ai pas le droit de débarquer en fanfare. »
« On a pas de dynamite de toutes façons. »

Elle semble y réfléchir une seconde.

« Ouais c’est vrai. »

Et avec un petit « hiya ! » elle donne un coup d'éperon dans le flanc du cheval factice -est-ce qu'il le ressent seulement, et les bêtes partent au galop, à travers la ville et vers l'immense canyon.
Freckles se demande si ce petit monde de paille s'étend à l'infini.

« C’est ce que tu penses de moi? Mes motifs sont toujours exclusivement altruistes. Bien sûr que je veux sauver Miror et Ice Cream. »
« Pour ton égo. »

Altruiste, Samurai en ignore le sens. Il distingue, vaguement, au milieu du sable qui gratte son visage et des bottes qui écrasent ses orteils, que c’est un mot qui ne convient pas, qu’elle doit se moquer de sa naïveté ou bien simplement de ce qu’il est. Non, l’Injuste voudrait répondre, ce que je pense de toi est bien plus terrible, chaque instant où tu es mon miroir, j’ai envie de hurler, de te secouer jusqu’à ce que nos rires ne fassent qu’un et que j’oublie qui de nous avait raison. Créer des conflits inutiles n’ira pas ramener les filles—alors il s’abstient de relever la réponse.

« Hey. Samurai- »

« Shotgun, c’est moi qui conduis ! »

C’est mieux, d’éviter cette conversation, d’enterrer jalousie et colère jusqu’à les étouffer. Au contact contre son bras, Samurai répond par un ‘hm’ qu’il ne rend pas inutilement motivé pour faire croire qu’il est d’accord avec tout ça. Ses doigts redressent le bandana autour de son cou, jusqu’à ce qu’il recouvre sa bouche et son nez, même si ça n’arrêtera pas le sable, que ça ne l’aidera pas à mieux respirer au milieu de ce désert hostile.

Le cheval de paille le toise un moment, peut-être avec une pointe de moquerie lorsqu’il grimpe sur la barrière adjacente pour pouvoir le chevaucher. Son corps manque de passer de l’autre côté, et il se raccroche à la crinière de paille, quelques morceaux se coinçant entre ses doigts. Son cheval s’élance bien trop rapidement, le monde défilant de façon floue et brutale autour de lui. Alors, un moment, Samurai ferme les yeux, jusqu’à s’habituer aux tremblements dans son corps, à son dos qui n’est pas assez droit—trop cassé pour trouver la bonne position—jusqu’à décider que ça ira, qu’il peut survivre.

Redressant la tête, il rouvre les yeux, remarquant les deux autres à ses côtés. S’il était—non, il a terriblement envie d’ordonner à sa masse de paille d’aller plus vite que celle de Mud, de gagner une course imaginaire. Mirror et I Scream, il marmonne pour lui-même, se forçant à ne pas autoriser cette idée stupide à prendre le dessus.

« Est-ce qu’on devrait pas mieux s’arrêter et descendre des chevaux avant d’arriver ? Pour ne pas nous faire repérer, » ce n’est pas totalement par esprit de contradiction face aux plans de Mud qu’il crie ça aux deux autres. Après tout, Samurai apprécie la stratégie, l’histoire des grandes batailles qu’il invente pour la plupart. Difficile de le remarquer vu qu’il fonce dans tout et n’importe quoi pour s’amuser en général.

Ils galopent longtemps. Du moins, ça lui semble long, avec le vent qui leur fouette le visage, et les cheveux de Mud qui lui obscurcissent la vision. La livreuse a coincé son chapeau de cowboy dans le harnais du cheval de paille pour ne pas le perdre, sans se soucier de son passager de derrière. C’est pas trop grave. Freckles n’est pas super à l’aise avec les chevaux de toutes façons. Il se demande si elle regrette de pas avoir chevauché en solo, vu comme la monture de Samurai les dépasse aisément, avec un seul passager.

Au bout d’un moment, le passager en question se retourne vers eux pour crier :

« Est-ce qu’on devrait pas mieux s’arrêter et descendre des chevaux avant d’arriver ? Pour ne pas nous faire repérer, »
« Bonne idée ! » décide Mud, bizarrement.

Ils sont en vue de l’endroit que leur a indiqué le shériff. Une formation rocheuse menaçante tout de rouge et d’oranges– et à leur niveau, une longue ligne de chemin de fer qui s’engouffre dans l’ouverture de ce qui ressemble à une mine abandonnée.

Ils sont à découvert s’ils débarquent comme ça. Peut-être que des bandits gardent l’endroit. Peut-être qu’ils les ont déjà vus arriver. Ils descendent de leurs montures de paille, silencieusement. Même comme ça, approcher de la mine donne à Freckles l’impression d’être vulnérable. Mud a sorti ses deux pistolets et se déplace comme dans un film d’espionnage, sautant de rocher en rocher, leur faisant des petits signes que la voie est libre (ils voient bien que la voie est libre. C’est un désert et on verrait quelqu’un approcher à des kilomètres).

« Y a de la lumière à l’intérieur », Freckles souffle.

Là, dans la mine. Une faible lueur éclaire l’entrée du tunnel. Ça veut dire qu’il y a peut-être quelqu’un, tout près. Un dernier regard en arrière et ils entrent, prudemment. L’intérieur du tunnel est aménagé, bloqué par un tas de caisses et de tonneaux. Mud lui donne un coup de coude, attirant son regard sur une boite d’où dépassent une vingtaine de batons de dynamite aussi rouges que la pierre alentours.
Une parodie de western jusqu’au bout.

« Freckles ? Samurai ? Mud ? »

La voix est plus incrédule à mesure qu’elle énumère les noms.
Freckles lève les yeux pour voir une silhouette familière les regarder avec stupéfaction. Elle est à contre-jour dans le tunnel mais il reconnaît Mirror. Changée, un peu. Mais c’est elle.

« Mirror ! Tu vas bien ? »
« Qu’est-ce que vous- »

Freckles a le temps de constater deux choses. Un, Mirror n’est pas attachée, ni amochée. Deux, elle est pas morte de déshydratation. Après ça, il pense à plus rien du tout, parce qu’il entend un bruit de revolver qu’on braque contre sa nuque, et une voix d’adulte à ses oreilles, et bizarrement ça le distrait.

« Un geste brusque et j’éclate le crâne de l’un d’entre vous. Qui vous envoie ? »

C’est la merde.

Suivre est plutôt simple, une fois qu’il est descendu de cheval. Ou presque tombé, ce qui n’est qu’un détail. La terre ferme est particulièrement agréable contre ses pieds d’un coup. Bien sûr, Mud décide de se la jouer et il évite soigneusement de faire un commentaire. Il l’a bien assez ouvert pour la journée, après tout.

L’intérieur de la mine, avec sa terre qui se soulève au moindre pas, le vent qui résonne autour d’eux, ne lui inspire rien de bon—l’absence de ciel et de d’échappatoire lui offre un début de claustrophobie dont Samurai ignorait l’existence et qui doit être liée à la situation. Plus vite ils récupèrent les filles et repartent et mieux ça sera, non ? Sauf qu’au final, rien ne se déroule comme prévu et c’est que ses nerfs sont lassés et effilochés à force d’être mis à mal.

« Mirror ! Tu vas bien ? »
« Qu’est-ce que vous- »

Il constate les différences, brièvement, sans avoir le temps de s’y attarder, ne serait-ce que parce que déjà la situation leur échappe un brin. Assez pour qu’il entende le bruit d’un machin métallique, et la voix qui l’accompagne. Samurai n’est pas armé, et doute d’être plus efficace en l’étant en premier lieu.

« Un geste brusque et j’éclate le crâne de l’un d’entre vous. Qui vous envoie ? »

Y’a une douleur sourde dans ses jambes à force d’avoir été à cheval, trop loin du sol et dénué de repères. Là, c’est pas mieux, pour ne pas dire que leur mission de sauvetage est devenue une prise d’otages où ils ont le premier rôle.

« Nous. C’est une des nôtres, » et il marque une pause, une longue, baissant la tête. La lueur dans son regard est plus sournoise qu’à l’ordinaire, cette histoire ayant érodé sa patience. L’enfant motivé par l’idée de vivre une grande aventure à laissé place à quelque chose de moins sympathique, « enfin, elle l’était jusque là. »

Ces mondes, mieux vaut éviter de s’y attarder, non ? Samurai comprend peut-être mal, qui sait—si ça se trouve, c’est sa colère et fatigue qui le poussent à interpréter ce qu’il voit. Se souvenant de l’avertissement donné plus tôt, ne serait-ce que parce qu’il aime bien la tête de Freckles, le garçon s’avance lentement vers Mirror.

Un pas après l’autre, mains levées aussi haut qu’il en est capable. Pour avoir des réponses.

Freckles voit dans la pénombre que Mirror plaque les deux mains sur sa bouche. C’est qu’elle ne doit pas avoir trop envie que la tête de son chef explose, ce qui lui fait un peu chaud au coeur malgré la situation. Après une hésitation, il lève doucement les mains en l’air. Il sent le canon en métal du pistolet contre sa nuque et ça lui dit qu’il ne peut pas encore se retourner pour voir qui est à l’autre bout.
Mais il a une petite idée.

Etrangement, c’est Samurai qui répond.

« Nous. C’est une des nôtres, enfin, elle l’était jusque là. »

Et Freckles le voit apparaître dans son champ de vision alors qu’il s’avance, doucement vers Mirror, les mains en l’air.

« Sam- »
« Contre le mur. Les trois. »

Mirror hésite, et la voix se corrige.

« Les quatre. »

Les livreurs obtempèrent. Sagement rangés dos au mur de la grotte, ils peuvent enfin voir le visage de leur preneuse d’otage-  ou plutôt l’absence de son visage. C’est un autre personnage de paille, avec l’attirail complet du bandit, le chapeau, le poncho drapé sur un épaule.

« Louisa, » implore Mirror, « Ils disent la vérité, je les connais, c’est mes amis du Grand Arbre, ils viennent me chercher. »
« Aujourd’hui ? Drôle de coincidence, non ? »

Le singulier de « ils viennent me chercher » n’échappe pas à Freckles, qui se penche vers la livreuse pour lui souffler furieusement :

« Elle est où Ice Cream ? »

Mais Mirror ne lui répond pas, elle se contente de secouer la tête sans croiser son regard, et Freckles remarque que ses tresses sont presque entièrement faites de paille, que sa peau a une texture bizarre, et il se rappelle à quelle vitesse les changements avaient opéré sur eux, et une sueur froide lui traverse le corps.

« Quoi, y a quoi aujourd’hui ? » demande Mud.

La cheffe des bandits regarde en sa direction, son visage inexpressif se tordant en quelque chose qui ressemble à de la curiosité.

« La mort du shériff et la fin de son petit reigne sur le Far West. »

Oh super, pense Freckles.
Trois autres silhouettes émergent de la pénombre de la mine, pour leur attacher les bras et les jambes avec d’épaisses cordes. Même Mud ne tente pas quoi que ce soit avec un vrai flingue pointé en sa direction.

« Mais je devais venir avec vous ! Je devais aider. »
« Désolée mon coeur », fait Louisa, en train de grimper sur un cheval de paille. « Mais j’sais pas qui a envoyé tes petits amis par ici. Et j’ai planifié ça pendant trop longtemps pour prendre le moindre risque. »
« Mais... »

Freckles lance à Mirror un regard assassin qui tue la fin de sa protestation. Elle fait quoi là, à jouer au cowboy, alors qu’il manque un membre à leur expédition ? Et comment ça, elle devait aider ? Ça veut dire qu’elle n’était pas prisonnière des bandits du tout ? Qu’elle pouvait rentrer à la maison à tout moment ? Freckles n’est pas un chef méchant ni sévère ni rien, il l’a jamais été, ou alors sans faire exprès, mais là il rêve de rien d’autre que de lui hurler dessus jusqu’à ce qu’elle s’explique, et dès que les bandits ont cavalé hors de la grotte en les laissant tous seuls, c’est ce qu’il s’apprête à faire.

« Mais Mirror c’est quoi ce bordel ?! »

Et le pire c’est qu’elle a l’air bien plus abattue par l’abandon des bandits que par sa colère.

« Elle est où. Ice Cream », il martelle.
« Elle voudra pas rentrer ! » explose-t-elle en se tournant vers lui. « C’est fini, d’accord ? C’est trop tard. Elle rentrera pas. »
« Mais putain ça veut dire quoi ? Elle est morte? »

Une pause.

« Elle est là bas. »

D’un signe de tête, elle désigne le fond de la grotte. Après avoir passé assez de temps dans la grotte, leurs yeux se sont habitués, et Freckles peut voir des marches de bois, qui descendent, s’enfoncent loin dans la mine.

« Hein ? »

De son côté, Mud est attachée pres de Samurai, penchée vers lui pour lui chuchotter des trucs. Il entend les mots couteau, botte, et dynamite, et des injonctions à la libérer, et plus fort :

« Un duel de cowboys à l’aube pour le contrôle de la ville, pas moyen qu’on manque ça. »

Freckles est d’accord avec elle sur un seul point, c’est qu’ils faut qu’ils trouvent un moyen de se libérer.

hrp:

Quel cauchemar ; tout ça pour ça, irait même jusqu’à dire Samurai. Pas qu’il soit très bavard avec une arme un peu trop proche de sa personne. Tout s’enchaîne, conversations à sens unique dont il avoue n’avoir pas grand-chose à faire. L’épuisement est si intense qu’il n’a qu’une envie et c’est de rentrer. Si Mirror et Ice Cream veulent rester à se transformer en monstres de paille, c’est pas son problème.

L’Injuste se laisse manipuler et attacher—chouette le voilà quasi collé à Mud, exactement ce qu’il fallait pour embellir sa journée. Il n’a même pas le temps de lui dire de ne pas être insupportable que déjà elle débite tout ce qui lui passe par la tête.

"Elle est où. Ice Cream"
"Elle voudra pas rentrer !" explose-t-elle en se tournant vers Freckles. « C’est fini, d’accord ? C’est trop tard. Elle rentrera pas."
"Mais putain ça veut dire quoi ? Elle est morte?"

Une pause.

« Elle est là bas. »
Où exactement ? En bas de l’escalier qui semble interminable ? Samurai n’a pas franchement envie d’aller vérifier.

“Un duel de cowboys à l’aube pour le contrôle de la ville, pas moyen qu’on manque ça.”

Mirror vient d’avouer le pire crime possible, celui de l’abandon, et Mud—Samurai se contient. Il se contient tellement bien qu’il ne lui fout pas un coup de boule, alors même qu’il sent la respiration de la jeune fille contre son visage.

“Si on s’attarde, on va aussi—on ne sait pas si elle dit la vérité sur Ice Cream,” il n’adresse même pas un regard à Mirror, comme si elle n’existait soudainement plus pour lui. Dire que cette mission devait être un sauvetage, à la base. Et à la place, les voilà coincés là, tous perdants.
Sauf Mud qui trouve l’idée de faire exploser la mine avec eux dedans parfaitement normale.

Okay, non, Samurai est simplement en colère.
C’est ce qui le pousse à tordre ses poignets contre les cordes pour récupérer un minimum de mouvement dans ses doigts.

“Si tu ne me libères pas en retour—” Il se contient tandis qu’il doit toucher la cheville de Mud pour chopper le couteau qu’elle a caché dans sa botte. Pas si simple de le récupérer, mais il y parvient après un moment.

Agir sans se faire repérer par Mirror demande un minimum d'organisation, bien qu'elle soit occupée avec Freckles. Dos à leur ennemie, Samurai coince le manche du couteau entre ses mains, avant de couper l’attache autour des poignets de Mud.

Et vous savez quoi ? Il fait en sorte de ne pas la blesser et d'y aller doucement, toussotant même pour cacher le bruit des cordes qui cèdent.
Totalement normal, me direz-vous.

Passons.

“Fais mes poignets, et après nos jambes, comme ça si Mirror nous voit, l’un de nous pourra l’arrêter pendant que l’autre termine de se libérer…” il chuchote.

Quel duo magnifique.

“Et si tu veux jouer avec des explosifs, attends qu’on soit dehors, parce que mourir contre toi n’est pas une fin dont je rêve spécialement.”