"Qui n'a pas de parapluie râle sous la pluie", c'est ce que Clover se répétait depuis ce matin en voyant passer ses collègues et camarades qui tiraient une gueule de quinze pieds de long, le temps n'étant pas particulièrement clément. Ils avaient aujourd'hui le droit à une bonne grosse averse qui tombait en permanence, et le nombre de Perdus dehors avait considérablement diminué à cause de cela.
Tous s'enfermaient dans leur Cabane ou leur Cabane Principale, les Courtisans ne sortaient pas de leur trou, et le "Roi" non plus.

Oui, le Roi de la Météo, avec ses torrents de larmes qui se déversent sur la tête de ses subordonnés, et sa rayonante joie qui a fait se déssécher plus d'un arbre, plus d'un corps... Décidément, il s'en était passé, des choses. Et de plus en plus de ces "choses" semblaient s'attaquer à Mister Météo. Nuit éternelle à cause du Croquemitaine, Canicule à cuse de la bonne humeur, Pluie diluvienne à cause de la tristesse... Qu'y aura-t-il ensuite ? Orage meurtrier ? Hiver éternel ? Séismes, peut être ?
Ce serait tellement plus simple de le bayonner dans un coin en sûreté et de voir ce que donnera la météo en fonction de son humeur, tiens. En plus, avec Hook qui veut sa peau, il n'est pas à l'abri du danger, le Tyran miniature. S'il venait à être tué, qui sait si l'Île ne disparaitrait pas, et tout le monde avec ?

La Marionnettiste avançant au rythme de ses idées noires et de ses machinations, et, étant plongée dans ses pensées, elle s'était éloignée bien plus que d'habitude, bien plus loin que ces limites qu'elle s'était fixées; c'est à dire le Grand Arbre et ses alentours. Elle s'était si bien éloignée qu'elle se retrouva perdue dans la forêt, sans avoir prit ses marques lors de son passage. Elle aurait pu remarquer un arbre biscornu ou quelque chose dans le genre, mais ne gardait autour d'elle que pour voir où elle marchait.

Ce fut un juron qui guida ses pas, et la mena près d'un petit cours d'eau. Celui-ci avait sûrement dû être asséché durant la grande Canicule, mais il se'blait avoir retrouvé sa splendeur, et c'est tant mieux.
Au bord dudit cours d'eau se trouvait, les pieds dans l'eau, une fille, au look un peu -beaucoup- débraillé, et qui semblait trempée comme un chien. Peut être devait-elle même sentir le chien mouillé, qui sait.
Au moment où Clover voulut s'approcher de plus près, poussée par la curiosité, elle fit bruisser avec ses jupons les buissons dans lesquels elle passait, attirant le regard de la fille. Regard, qui, en passant, était antipathique et peu convivial.
Tant pis; l'Artisane s'approcha quand même.

- Sale temps, hein ? Et ça ne s'arrête pas.

Qu'elle lui lance, machinalement, sur le ton de la conversation. Maintenant debout à côté de la fille, bien protégée sous son parapluie blanc, elle fixait le ciel nuageux d'un regard vague, avant de se présenter :

- Au fait ! Je m'appelle Clover, dit la Marionnettiste, je suis Artisane. Et toi, tu es...?

Quelqu'un qui visiblement a l'air de râler à cause d'elle-ne-savait quoi mais qui aimait se faire tremper, visiblement. Sinon, elle ne serait pas sous la pluie, les pieds dans l'eau, qui plus est.

C'est qu'elle paraissait légèrement... frustrée, la miss. Surtout à cause de ce temps, et visiblement, elle avait bien l'air de parler de Peter. Ah, en voilà donc une autre qui râlait à cause du Roi en général, ou à cause du temps du moment ? Qui sait. En tout cas, elle ne s'était pas présentée. Pas grave, au pire. Son humeur semblait aussi grise que le ciel de l'Île, donc il ne fallait pas essayer de faire gentiment la conversation plus longtemps.

- Fais gaffe la pluie c'est pas bon pour tes jolies fringues de minette. Surtout si ton ptit parapluie mignon tombe à la flotte...

Et la brunette se releva, c'est qu'elle était presque menaçante. Elle voulait un morceau de parapluie ? Oui, non ? Mieux vallait ne pas le demander, si jamais elle le prenait mal... C'est qu'elle faisait pitié, mais qu'elle ne voulait apparemment pas qu'on la définisse ainsi. À moins qu'elle soit juste à cran.
Nan, franchement, il ne vallait mieux pas ni paraître sympa, ni faire la conversation, juste, la laisser cracher gratuitement son venin. Certes, ce n'était pas si grave pour le parapluie, elle arriverait toujours à en trouver un autre, mais les habits... si elle devait changer, ce serait plus problématique. Cela lui demanderait d'aller voir les "bizarres", et Clover préférait de loin éviter cette option. Surtout si c'était pour se faire remarquer de l'autre bouffon, c'était bien le genre à s'intéresser aux nouvelles têtes...

- C'est pas sûr pour les barbies, d'aller en forêt toute seule. Tu pourrais tomber sur un monstre, et j'crois pas qu'tu puisses te défendre, petite princesse.

Ouais, franchement, celle là, la sympathie, c'est pas du tout son genre, apparemment. Et puis, Barbie ? C'était à cause de la robe ? Il faut dire que c'était assez extravagant, quand même. Mais c'était un souvenir du Monde Ordinaire, souvenir que l'Artisane appréciait... comme Dook. Dook qui était bien planqué dansun tirroir à double fond, avec un mécanisme que seule elle pouvait voir. Ce cher Dook... dont la tête hideuse ne plait qu'à sa propriétaire. C'est qu'elle est un peu hors norme.

- Le tuer c'est risqué, quand même. Vu que notre "cher Roi" est lié au climat, qui sait s'il n'est pas lié à autre chose ? S'il venait à mourir, peut être que l'Île viendrait à disparaître... Et nous avec.

Ne pas faire la conversation ? Ce n'était pas le but ici, c'était juste une réaction aux premières paroles de la gamine qui ressemblait à une clocharde. C'était dit d'un air sérieux, alors qu'elle disait cela en posant finalement le bleu de ses yeux sur son interlocutrice. Maintenant qu'elle était partie sur sa lancée, autant continuer :

- Ses chiens mériteraient ça, par contre. De toute façon, ces histoires de Rangs, ça creuse les inégalités entre les gens. Mère, c'est dégradant comme titre. Et sans les Chefs il y aurait plus de contraintes. Et les Courtisans servent à rien. Nan ?

C'était dit d'une façon nonchalante, comme si c'était une chose dont on pouvait parler tous les jours, bien que la Marionnettiste ait dit cela en regardant auparavant à droite, puis à gauche, et même derrière, pour s'assurer qu'on ne l'entendra pas.

Eh bien ! Elle venait brusquement de se détendre et d'adhérer à ses propos, miracle ! Elle qui pensait que c'était perdu d'avance, voilà que la brunette se mettait à imiter le chien tout en parlant des Courtisans. C'en était hilarant, et surtout, cerise sur le gâteau, c'était une vision appropriée de la réalité ! Clover ne put s'empêcher de lâcher un rire, et approuva par de lents hochements de tête lorsque son interlocutrice parla des Mères. D'une manière grossière au possible, certes. Mais ça restait la vérité. Par contre, elle n'avait pas besoin de cracher juste à côté de l'Artisane, mais bon. Vu sa dégaine et sa façon de parler, il ne fallait pas s'attendre à grand chose. Ça avait tout l'air d'être un tas de nerfs assez costaud, qui plus est.

Le rire et l'approbation firent bientôt place à l'indignation lorsque le portrait craché de Cosette la rabaissa, limite elle la traitait de chiffe-molle, disant qu'ils ne pouvaient rien faire et qu'elle avait peur. Ce à quoi la Marionnettiste répliqua :

- J'ai jamais dit qu'on pouvait rien faire !

- Tu voudrais faire quoi, toi?

Ah, elle lui demandait ce qu'elle voulait faire. Cela semblait logique, bien que beaucoup moins simple que ça n'y paraissait pour l'Artisane, mais il fallait quand même qu'elle s'explique, maintenant. Parce que, si elle se retrouvait face à une hypocrite qui faisait semblant de crotiquer le système, ou qu'au final cela s'avérait être vraiment le cas, il fallait de toute façon qu'elle aille dans son sens. Cela pourrait au moins lui permettre d'éviter les embrouilles.

- Donc, supposons que si notre Tyran meurt, l'Île disparaisse.

Petite pause, le temps de réfléchir à la tournure de sa phrase. Elle avait déja l'impression que son interlocutrice allait trouver cela complètement idiot, mais maintenant qu'elle était lancée, il fallait continuer :

- Dans ce cas, je me suis dit qu'il fallait faire en sorte qu'il soit vivant, mais mis hors d'état de nuire. Comme par exemple, baîllonné dans un coin. En plus, vu qu'il deviendra innoffensif, on aura juste à le titiller un peu pour qu'il nous fasse la pluie et le beau temps.

Voilà, finies, les explications ! Cela restait plausible dans l'esprit de la blonde, et elle avait même essayé d'expliquer au mieux afin qu'elle ne se fasse pas passer pour une folle, ou une peureuse. Mine de rien, c'est qu'il fallait l'attraper, en plus, le lutin vert.
Une dernière explication, un dernier point à aborder, et elle aurait fini.

- Vu qu'apparemment c'est le "noyau" de l'Île, le tuer reviendrait à supprimer la source d'énergie qui tient ce lieu debout. Donc, cela signifierait sa destruction, et notre mort à tous. Ce serait bête de nous condamner tous, non ?

Voilà comment Clover avait achevé le tout, tentant de voir si son interlocutrice allait approuver ses dires... ou si elle ne l'avait pas du tout écouté, si elle se fichait d'elle ou encore, si elle n'avait rien capté.

HRP:

Là, visiblement, elle avait pas compris. Pas étonnant pour une fille fagotée pareillement, elle avait pas l'air d'avoir beaucoup réfléchi dans sa vie. Pourtant, elle avait semblé vouloir lui dire quelque chose, un "Dis donc Clover" qui s'était arrêté là. La suite au prochain numéro.
Même s'il n'y aurait visiblement pas de prochain numéro. Parce qu'il y avait une Sentinelle -dont elle avait oublié le nom, ou peut être qu'elle ne le connaissait tout simplement pas- qui avait l'air d'avoir tout entendu. Ou presque. Par bribes. Clover pouvait se sauver en lrétendant quelque chose.

- Ben il paraît qu'on devrait attraper et bâillonner un gamin qui sait voler. Parce que la météo, toussa. Clover -cette meuf là- a dit ça et euh... un tas de truc scientifiques à la con. Des conneries si tu veux mon avis mais bon.

... Ah non, elle ne pouvait officiellement plus. Elle aurait voulu dire à l'autre dans ses fringues sac poubelle qu'elle pouvait se la fermer, ou prétendre qu'elle ne racontait que des conneries, mais... mais, si les deux là se connaissaient ? En plus, la tension semblait être remontée en flèche. L'Artisane venait juste de tout déballer, comme ça, toutes ses intentions, devant une inconnue, juste parce qu'elle aussi, les histoires de hiérarchie, cela semblait ne pas trop lui plaire.
Et voilà, trois facepalm rapides répétés, alors que sa main libre glissait sur son visage, ses doigts écartés laissant voir deux yeux bleus qui se levaient au ciel. Soupir las. D'une voix étouffée, là voilà en train de pester.

- Eh voilà, j'aurais dû savoir que je ne pouvais parler de ça qu'avec Judge... et que maintenant, c'est fini, il n'est plus là...

Avec un peu plus de réflexion, la Marionnettiste comprit que visiblement, ces deux là devaient se connaître. Du moins, vu la façon dont lui parlait l'autre souillon. Donc, sachant que celle qui venait de débarquer, c'est une Sentinelle, et que les Sentinelles, ce sont un peu la garde rapprochée de "Sa Majesté", cela fait que, comme la brune lui a dit tout ça, PEUT ÊTRE l'autre allait elle la soupçonner, et la livrer. Donc Peter lui ferait moins confiance, et ce serait plus embêtant, mais pas tellement, parce qu'au pire, les Chefs pourraient se faire descendre avant et ce serait déja un grand pas, OR elle se triturait l'esprit et se disait tout cela comme si un plan était déja en marche, que les animatroniques iraient égorger les médaillés un à un, ALORS QUE JUSTEMENT, C'EST PAS LE CAS, RIEN N'EST PRÉVU, LES GENS RÂLENT ET C'EST TOUT, ET ELLE C'EST PAREIL !

- T'as l'air bien sure de toi, Barbie. T'en es arrivée là toute seule ?

Conclusion, elle pouvait continuer à tout déballer sans problème, peut être juste qu'elle allait être bonne pour un séjour au Cachot. Elle irait causer avec les rats ou d'autres bestioles, s'il y en a. Peut être qu'ils sont sympas, qui sait. Inspiration, on arrête de serrer le parapluie si bien qu'on transpire dessus -à moins que ce ne soit de l'eau de pluie- et c'est parti :

- Oui et non. En fait j'avais un ami qui était très prévoyant, et c'est lui qui pensait qu'il ne fallait pas tuer Peter. Je n'ai fait que reprendre l'idée, et inventer la suite. Cette histoire de baîlloner etc.

Inspiration, on reprend son souffle. Les rats sont mignons, oui, très mignons. Ou mieux, peut être que la Sentinelle est sympa, ou peut être qu'elle va se paumer dans les explications de l'Artisane. D'ailleurs, c'était quoi son nom, à la Sentinelle ?

- Au fait je peux savoir à qui je m'adresse ? Vu que... Hm...

D'un geste insistant, elle désigne la brune trempée comme un chien, histoire de dire qu'elle ne connait pas son nom.

- "Chose" m'a déja présentee.

Vu ce qu'elle a pu voir de la "fille-chose" justement, elle n'allait peut être pas apprécier de se faire nommer ainsi. Peut être bien que le parapluie finirait à la flotte, que la menace serait mise à exécution. Et puis, est-ce que Clover devait parler de son désir ardent de jeter Duke et les autres animatroniques sur les Chefs et les Courtisans ? Sauf Harmony, évidemment. C'est de loin la plus respectable. Mais bon, ça aussi, c'était plus un rêve qu'autre chose, ce ne serait pas si simple. Et puis, peut être allaient-ils s'abîmer avec cela, elle qui mettait tant de volonté à leur refaire une beauté...

WARNING:

Ce n'est pas que l'ambiance était électrique, mais plutôt... Morose. Opressante, aussi. Les trois filles semblaient se regarder comme des chiens de faïence. Du moins, c'était du point de vue de Clover, qui est, en général, assez négatif. Qu'est-ce qu'elle venait faire ici, l'autre là, d'ailleurs ?

- Peter, ne pas le tuer ? Hoy, tu dis ça comme si c'était une faveur de "juste" le bâillonner. Et ton ami prévoyant, ça veut dire quoi ça, hm ? Est-ce que tu considères Peter comme un danger, alors ? Prévoyant, ça veut dire ce que ça veut dire.

Trop de questions, auxquelles Clover n'avait pas forcément la réponse. Que venait-elle de raconter, déja ? Que Judge lui avait toujours dit qu'il pensait qu'il y avait un lien entre leur Tyran et ce monde, et que si un jour il y avait un gros coup de gueule chez les Perdus pour une raison x ou y, il fallait leur faire comprendre qu'il serait mieux de laisser leur Dictateur en vie pour éviter que le pire ne se produise. Peut être.
Dans un sens, elle n'avait pas dit cela comme ça. Et puis surtout, pourquoi venaient-ils à parler seulement de Peter, ce n'était pas la priorité. Au pire, elle, elle s'en fiche du moment qu'il n'y a pas un tsunami ou ce genre de choses -bien qu'avec le temps...

Qu'est-ce qu'elle avait dit, encore ? Ce n'était pas assez clair ?
Évidemment, il n'y avait qu'elle qui comprenait parce que les autres ne connaissaient pas Judge.
Et voilà la Sentinelle qui se manifestait de nouveau, disant que c'était elle qui posait les questions. Cela fit lever les yeux au ciel à la Marionnettiste, qui se retint de lâcher un soupir. Oh là là, mais ce qu'elles sont chiantes les Sentinelles.

- Bon, attendez, je vais me répéter...

- Poufiasse !!!!

Tout sembla se passer très vite.
L'Artisane ouvrit de grands yeux lorsque le sac à patates brun lui colla une pêche dans la poire. Lorsqu'elle prononça l'insulte, Clover était déja par terre, son parapluie ayant valsé plus loin, à mi-chemin entre la surprise et l'incompréhension. La douleur qu'elle ressentait et qui semblait de répecuter dans toute sa joue, elle n'y faisait pas vraiment attention, regardant plutôt ses mains tremblantes sur lesquelles se déposaient, à intervalles réguliers, de petites gouttes rouges.
Les yeux grands ouverts et les pupilles dilatées, la blonde releva les yeux vers celle qui venait de la frapper si violemment. Elle gloussa un peu, tremblant de plus belle, le sang s'écoulant de ses narines allant s'échouer sur ses lèvres.

Vengeance. En tant que Bélier pure est dure, avec les histoires d'ascendance qui vont avec, Clover prit la mouche. Peut être bien qu'elle ne ferait jamais le poids -elle ne ferait jamais le poids- face à l'autre merdeuse en face, mais au moins, elle pourrait décharger sa haine sur elle. Passant sa langue sur ses lèvres, le goût fereux du sang se faisant bientôt sentir dans sa bouche, la Marionnettiste se releva péniblement, ne parvenant à maîtriser ses tremblements.

Elle voyait rouge.

- Vas-y... T'es pas foutue d'être un minimum sympa, tu m'as pas donné ton nom, et tu me permets même pas de répliquer un chouïa à ce propos ? Mais alors j'aurais dû faire ma suceptible et te frapper dès le début, quand tu me lançais gratuitement des piques ! Enflure... Tu veux jouer à ça ?

Ses mots étaient secs, hachés, sifflés entre ses dents. Et elle avançait doucement vers celle qui venait de l'agresser, semant des petites goutelettes carmines sur le bleu de sa robe et le vert de l'herbe. Nouveau coup de langue sur les lèvres. Elle ne se souciait même plus de la Sentinelle à côté, ne voyant plus que le visage de l'autre petite conne, aussi amoché que le sien.
Une fois à bonne distance, elle se jeta sans ménagement sur celle qui était devenue maintenant son adversaire, lui collant au passage un magnifique coup de poing.

- On sera quittes quand tu m'auras dit ton nom, maintenant. Si tu dis rien, tu t'en reprends une.

Siffla de nouveau la blonde, avec un coup de langue passé sur les lèvres. Elle ne se souciait de plus rien. Même pas de sa possible vurée au Cachot pour violence, d'une réplique de la Sentinelle ou toute autre chose. Elle avait même zappé de continuer ses explications.

Si la nouvelle venue n'était pas intervenue, il y aurait sûrement eu une suite au crêpage de chignon, suite qui se révélait encore bien sanglante. Voilà l'autre mastiffe qui s'avançait vers l'Artisane, se retrouvant bientôt retenue par le col. Et s'ensuivirent les réprimandes de la Sentinelle en acte, qui sortit la menace -prévisible- du Cachot, puis une belle leçon de morale, ponctuant son intervention d'un "On est bon ? Vous êtes calmées ?" tout en se plaçant, en grande pacifiste, entre les deux filles, les bras tendus. Si on ne comprenait pas que ce geste signifiait clairement "stop"...
Alors que l'autre ouragan sur pattes s'énervait -encore- en faisant bien comprendre à la Sentinelle que ça ne lui faisait fichtrement rien d'aller au Cachot, Clover répliqua à son tour :

- Chuis sûre que l'cachot est plus chaleureux qu'elle... J'ai beau pas être tendre, elle c'pire qu'une porte de prison...

Qu'elle avait grommelé assez fort pour qu'on puisse l'entendre ne serait-ce qu'un chouïa, en se passant la main sous son nez saignant. Elle ne se cachait pas. Après tout, elle pouvait faire preuve de franchise, maintenant qu'elles en était là. Qu'elle se reprenne une beigne, ça ne lui ferait ni chaud ni froid ! Ça tacherait juste la robe, et ça c'est plus problématique; c'est toujours ennuyeux de tacher un cadeau cher à ses yeux. Mais dans un sens, il y avait déja de la terre dessus, donc il faudrait la laver illico, ça reviendrait au même. Elle aurait dû écouter sa première idée et mettre son jogging, celui qu'elle utilisait quand elle devait se mettre en mode "BTP" et réparer ponts et poulies défectueuses, et retaper les Cabanes.

- Calmée, ouais. C'était pas sympa la façon dont je lui ai fait remarquer qu'elle avait pas voulu me dire son nom, j'av-

- Mais j'en ai rien à branler d'être diplomatique ! Je lui pète la gueule si j'veux, t'es qui pour décider ? P'tite sentinelle, olala, t'en imposes dis voir ! Je me PISSE DESSUS, Her ! Ton calme tu peux t'le foutre dans l'cul !

Et ça râle, ça gueule, ça crache pour un rien et ça en fait tout un plat. C'est pas croyable d'être à cran comme ça, et aussi longtemps ! Elle a un problème, ou bien c'est le temps ? Ou encore était-elle atteinte d'un syndrôme quelconque ou un truc du genre passif agressif, ou peut être qu'elle voulait juste faire chier le monde, miss sac poubelle. Les hypothèses ne manquaient pas.
Alors que la Marionnettiste allait faire demi-tour pour aller rechercher le parapluie blanc -visiblement brun à présent- et se casser sans demander son reste pour aller quémander du coton à l'Infirmerie -l'état de son nez l'inquiétant un peu-, elle se fit perturber dans ses actions par l'autre furie qui revenait à l'assaut, en l'attrapant par la robe. (Heureusement d'ailleurs que Clover n'a pas entendu le craquement que le tissu a émis, ce serait reparti pour un tour sinon. Cette robe, comme sa peluche de Dook Larue, a une grande valeur à ses yeux). Lorsque cette dernière lui demanda, d'une façon on ne peut plus directe, si elle l'espionnait, l'Artisane ouvrit de grands yeux.

- T'espionner ? Vraiment, t'es sérieuse ?

Qu'elle avait répondu, visiblement surprise. Un temps passa, puis elle se mit à rire, de bon cœur, ce qui n'arrangea rien au sang qui coulait toujours. Elle, espionner une fille pareille ? Fallait pas abuser, c'était une vraie parano, ou quoi ? Clover n'avait jamais entendu une chose aussi ridicule, surtout venant d'une parfaite inconnue. Elle faillit même rater une inspiration alors qu'elle avait voulu dire "C'est n'importe quoi !" lorsqu'elle riait encore.
Après s'être finalement calmée, sans s'être demandé au préalable si ce fou rire soudain lui revaudrait une pêche dans la poire, la jeune fille continua, d'un air déterminé et quelques peu moqueur :

- Si je devais espionner les gens, je ferais en sorte d'en connaître déja un minimum sur eux. Là, tu te fous le doigt dans l'œil, et jusqu'au coude ! Je te connais même pas ! Tu te fonds tellement bien dans le paysage que j'avais même pas remarqué que t'existais jusque là ! Je voulais juste faire une ballade, je te suis tombée dessus par hasard, et puis c'est tout ! Tu vas pas nous sortir une théorie du complot ou une connerie du genre non plus, hein ?

Ouais, c'est ce qu'on appelle être au mauvais endroit au mauvais moment. Et on peut même rajouter, avec la mauvaise personne. Un peu comme la Sentinelle. À moins qu'elle n'ait été prévenue qu'une clocharde hystérique et une fille en froufrous qui monte vite sur ses grands chevaux ne se trouvaient ensembles, c'était aussi le hasard qui l'avait ammenée ici ! En général les Sentinelles ne vont pas si loin, non ?

- N'empêche, à moins que tu sois parano, si tu demandes ça, c'est que t'as quelque chose à cacher.

Rajouta ensuite l'adolescente, plantant le bleu de ses yeux dans ceux de son interlocutrice. C'est vrai, maintenant qu'elle venait de repenser à la réaction de cette dernière, cela prouvait sûrement qu'il y avait anguille sous roche. C'était elle qui devrait s'expliquer, maintenant !