La nuit est tombée doucement sur l’île, la lumière de la lune se reflétant sur les eaux de la lagune. L’atmosphère était calme, pourtant Coquillage était loin de partager ce sentiment. L’excitation et la peur faisaient chavirer son cœur. En effet, cette nuit était spéciale : ce sera la nuit où elle marchera sur deux jambes ! Juste l’idée de marcher la fit trembler de joie mais aussi de crainte. Elle ne s’était encore jamais transformée en forme humaine avant !

Heureusement Corail avait accepté de l’aider. Sa sœur avait beau être plus jeune qu’elle, elle avait plus d’expérience sur la terre ferme ! Coquillage adorait écouter le récit de ses prouesses. Corail était même déjà allé jusqu’au grand arbre et ce plusieurs fois !

Marcher semblait si facile pour l’enfant sirène mais Coquillage doutait que ce serait le cas pour elle. Vu que ce sera sa première fois, ce sera sûrement difficile…  Allait-elle vraiment y arriver ? Cette question semblait absurde, toutes les sirènes pouvaient le faire mais l’inquiétude fit oublier à Coquillage toute logique.
Soudain, une petite voix chantante plus que familière se fit entendre :


L’adorable chant de sa sœur lui parvint  aux oreilles et l’aida à se calmer. Coquillage  se mit à humer en retour l’air du doux chant, comme pour signaler à sa sœur sa présence.

Elle l’aperçoit enfin, sa petite bouille ronde et son corps couleur rouge écrevisse ressortant facilement dans le bleu de la mer.

 «  Corail ! Encore merci de m’accompagner ! »

Même si Coquillage savait que Corail allait accepter de l’aider (elle était si gentille !), elle se sentait quand même soulager que Corail soit là.  La curieuse ne pense pas qu’elle aurait pu sauter le pas toute seule. Et elle avait tant de questions au sujet de la transformation !

 «  Dis euh… Comment ça se passe la transformation exactement ? Est-ce que c’est… douloureux ? Est-ce que cela dure longtemps ? »

La peur se faisait sentir sur chacun de ses mots mais il fallait qu’elle sache… Elle espéra que Corail allait effacer ses inquiétudes, que peut-être la réalité n’était pas aussi terrifiante qu’elle l’imaginait…

La voix enjouée de sa petite sœur suffisait à faire taire ses propres peurs, ne serait ce que pour un moment. Tellement de sagesse dans ses mots si doux !
Oui cela se sert à rien de s’inquiéter… plus elle y pense, plus elle aura peur.
La petite sirène n’a pas répondu à ses questions hélas mais ce n’était pas si important que cela finalement. Si Corail était là…

Tout ira bien.

Après avoir senti Corail s’installer dans ses cheveux, elle se mit à nager jusqu'à la plage.

Très rapidement, elles arrivèrent à destination. Coquillage s’arrêta jusqu’au niveau où sa nageoire effleura le sable sous l’eau.

La plage semblait déserte, nimbée de la lumière monochrome de la lune. L’atmosphère était calme, l’eau touchant le sable d’un va et vient serein, parfait contraste de la tempête d’appréhension que ressent la curieuse.

La tâche devrait être simple, toutes ses sœurs le disent : Sortir de l’eau sous le clair de lune et tu auras des jambes. Voilà, juste comme ça.
Mais Coquillage a du mal s’imaginer comment cela se passe concrètement. Était ce si facile que ça ? Et si elle s’y prenait mal ? Si...


c’est dans la tête que ça fait mal


Elle tourna son attention vers Corail, la caressant doucement à travers ses cheveux. Ses doigts touchent les petites joues joufflues de l’enfant sirène et elle sourit.
Si douce mais si téméraire, sa petite sœur !

Comment imaginer que si jeune, elle a déjà marché plusieurs fois sur deux jambes ? Mais cette nuit, c’est l’occasion de la voir à l’œuvre. Et d’apprendre.

 «  Tu… tu me montres comment faire ? »

La curieuse suivit sa petite sœur du regard, concentrée dans chacune de ses mouvements. Il ne fallait  pas qu’elle rate une étape importante de la transformation.

Après s’être éloigné de la curieuse, Corail regarda les étoiles, sans dire un mot. La curieuse ne saurait dire pourquoi mais elle trouva ce moment assez solennel. Voir sa petite sœur ainsi silencieuse, même pour un instant, était assez étrange.
Puis, Corail s’approcha du rivage à petits bonds, ses yeux toujours tournés vers Coquillage.

« Imagine que c'est un voeux ! Tu regardes la Lune et tu lui dis : Je veux des jambes ! Tu y penses très fort en sortant de l'eau... »

Coquillage leva ses yeux vers le ciel. Un vœu à la lune ? Il est vrai que c’est grâce à sa lumière que les sirènes peuvent marcher sur terre…

Elle se concentrait à nouveau sur Corail, qui a émergé de l’eau et peu à peu sa queue fut remplacée par des jambes et ses petites nageoires par des bras. Quelle transformation ! Et Corail semblait ne rien sentir, souriant tout le long !

La transformation finie, sa petite sœur trébucha puis se mit debout de suite avec une facilité déconcertante, se tournant vers elle tout sourire.

« Tu vois ? C'est facile comme bonjour ! Il faut juste s'habituer aux jambes et à marcher... Tu risques de tomber au début, mais rien de grave. Tu viens ? »

 « Oh euh.. oui oui je viens ! »

Elle regarda le sol sablé à demi submergé puis la lune. Un vœu…

 Lune, amie de l’esprit nuit
Que tes rayons m’aident à m’accueillir sur le sol
Lune, astre qui luit
Guide-moi sur terre, sois ma boussole

Coquillage ne sait pas si la lune a daigné l’écouter mais sa petite chanson improvisée aura eu au moins le mérite de la calmer et lui donner l’énergie nécessaire pour se lancer.

Elle s’éloigna tout doucement du l’eau, se laissant trainer sur le sable.
Peu à peu, elle sentit son corps se changer et contrairement à ses craintes, cela ne faisait pas mal du tout…C’était juste… étrange… une sensation bizarre la traversait sur tout le corps semblable à des fourmillements.
Elle regarda avec fascination sa queue prendre la forme de jambes humaines.
Elle voyait aussi la couleur de sa peau changer, le bleu devenant un brun foncé par endroits et elle eut peur un moment. Changeait-elle au point d’être méconnaissable ? Mais elle vit que ces cheveux gardèrent leur blanc nacré et cela suffit à la rassurer.
Au bout d’un moment, les fourmillements cessèrent et Coquillage sut que la transformation fut finit.

Lentement et très maladroitement, elle posa l’un de ses nouveaux pieds sur le sable– que c’est si bizarre- puis l’autre et commença à se lever, s’aidant de ses mains prenant appuie sur le sol devant elle. Au bout d’un moment, elle était debout.

Elle… était débout. Sur deux jambes. Elle avait une forme humaine !! Elle avait des jambes !!! Sur terre !!!!

 « Corail ! J’ai réussi je … »  Elle commença à mettre un pied devant l’autre, essayant de marcher vers sa sœur…

Pour s’écrouler par terre.
Le contact avec le sable était dur mais pas si douloureux que ça. Corail l’a bien prévenu qu’elle risquait de tomber mais c’était suffisant pour arrêter Coquillage net dans son élan.

Elle essaya de relever mais ses nouvelles jambes glissèrent maladroitement sur le sable, ses pieds ne sachant déjà plus comment prendre appui. Elle commença à paniquer.

« Je… Je ne sais pas si je peux me relever… »    Murmura-t-elle.

Pourtant Corail a pu le faire si aisément ! Coquillage se demandait si elle arriverait un jour à se mouvoir sur terre si facilement… En tout cas, ce n’était pas gagné !