Après la pluie mortelle, le froid endeuillé. Les jours où tout allait pour le mieux semblent si loin maintenant, comme si la tristesse a toujours fait parti du quotidien.

Encore un jour à ne rien faire pour Coquillage, terrée au fond de sa grotte, à compter ses coquillages sans entrain.

Peut-être est-ce même la journée d’inactivité de trop. La curieuse commençait à suffoquer ainsi. L’océan l’entoure voir l’oppresse… Elle faut qu’elle change d’eau, qu’elle s’en va autre part où le gout des larmes est moins amère, dans des eaux plus douces…

Eau douce ? Comme celle de la rivière qui traverse l’île ? Oh oui, la rivière mystérieuse !
Coquillage a entendu les récits de ses sœurs qui sont allé nagé jusque là, elles disent que l’eau y est clair et douce, loin des profondeurs salées de l’océan. Que des fées y viennent régulièrement ainsi que tous les peuples de l’île.

Elle repensa à ces récits et son imagination commença doucement mais sûrement à s’emballer. Cela faisait quoi de nager dans ces eaux ? Y avait-il des poissons comme dans l’océan ? A quoi ressemblaient les fées qui vivaient là-bas ? Est-ce qu’il existe des poissons fées ??

Tout ce surplus de curiosité réussit à la faire sortir de sa torpeur et elle était décidé : Elle ira à la rivière mystérieuse ! Et elle n’ira pas seule !

Elle se mit alors à nager, recherchant dans la lagune sa compagne de voyage qu’elle finit par trouver. Nacre, sa grande sœur au langage poétique avec qui elle a déjà partagé de nombreuses « expéditions » comme elles les appellent.

 « Coucou Grande sœur ! Je ne te dérange pas ? »

Elle espérait que non. Ce serait quand même dommage…

 « Dis ça te dirait de faire une expédition aujourd’hui ? À la rivière mystérieuse ! »

C’est une bonne idée non ? Est ce que cela plaira à la Neigeuse ?

 « Je… je sais que c’est plus loin que nos dernières expéditions mais !  L’eau est différente là-bas et on dit qu’il y a des fées ! Des fées !! Ce sera l’occasion d’en voir ! »

D’après ce qu’elle a entendu,  l’une des embouchures les plus proches se trouvait vers l’ouest de la lagune. Elle espérait que ce sera facile à trouver…

 « Donc euh… tu es d’accord ? »

L’enthousiasme de la curieuse était plus que visible, elle tenait à peine en place. Elle espérait tellement que sa grande sœur vienne avec elle !
Pourvu que Nacre dise oui !

Le froid avait réussi à me faire rester au fond de l'eau pour la journée, ce qui n'était pas courant. Mais plutôt que d'être transie à la surface, je préférais encore en profiter pour ranger ma grotte qui n'avait que trop souffert de mes récentes expéditions. Mais ce n'était pas parce que j'avais de quoi m'occuper que je ne m'ennuyais pas à mourir. A l’intérieur de ma grotte pourtant confortable, j'étouffai et ma queue me démangeai, comme si elle avait besoin d'être dégourdie. Il fallait que je nage, et que je nage beaucoup. Pas seulement de petits ronds sans intérêt entre l'étagère et le lit et la coiffeuse.
L'arrivée de Coquillage fut, comme toujours, une merveilleuse surprise. De quoi égayer considérablement ma journée, en fait.

- Coqui ! m'exclamai-je en la voyant. Quel bon courant t'amène par ici ?

Ma soeur n'avait pas besoin de véritable raison pour venir me voir mais je savais que sa présence promettait des choses bien plus intéressantes qu'un pauvre rangement de grotte par jour de frimas. Et je ne me trompais pas, puisqu'elle me proposait une expédition. J'en étais tellement ravie que je ne répondis pas immédiatement, m'évadant déjà au-delà de la grotte. La Rivière Mystérieuse. Oh, mais c'était une idée géniale !

- Oh oui, des fées ! Cela fait si longtemps que je n'en ai pas vu ! Tu crois que l'eau est meilleure ? Et, si ça se trouve, peut-être qu'il y aura d'autres espèces de coquillages pour ta collection ! Oh et plein d'autres choses que l'on ne connait pas ici et qu'on pourra ramener ! C'est vraiment une idée formidable !

Je ne tenais plus en place. Enfin... encore moins en place. Mon regard fébrile parcourait ma grotte à la recherche d'objets dont je pourrais avoir besoin pour cette aventure mais rien ne me venait à l'esprit tellement j'étais impatiente de partir. J'avais envie de voir d'autres décors, d'autres choses, d'autres couleurs surtout. Me changer les idées de cette vague mélancolie qui me tenait depuis le matin.

- Quand est-ce qu'on part alors ? Tu sais par où il faut aller ? Je crois que j'ai entendu parler de l'embouchure de la rivière mais je ne sais pas exactement où elle est. Je crois bien que notre première aventure sera de trouver par où passer, qu'en penses-tu ?

Je ne crois pas me souvenir de sirènes qui seraient allées nager par là-bas. A vrai dire, je ne sais même pas ce que l'eau douce risque de nous faire. Mais j'ai quand même envie d'essayer, d'aller voir. Et après tout... nous serons deux alors cela divise les danger, non ?

L’enthousiasme de Nacre face à sa proposition lui réchauffa le cœur et plus encore !
La neigeuse trouva son idée formidable !

  « Oh j’espère bien qu’il y aura plein de coquillages là-bas ! On se les partagera, il y aura surement assez pour nous deux ! »

Nacre semblait tellement enjouée !  La curieuse n’en finissait pas de sourire jusqu’aux oreilles. Les idées sombres sont déjà bien loin !

 « On peut partir maintenant ! Et euh je sais à peu prés où aller, il faut longer la côte vers l’Ouest, - de ce coté- et on tombera sur l’embouchure ! Je crois… Enfin comme tu dis ce sera notre première aventure, on verra bien ! Allez viens ! »

Et Sur ce, sans plus de cérémonie, Coquillage prie la main de Nacre et commença de suite à nager. Pas de temps à perdre, l’aventure les attend !

Oh, elle était si impatiente d’y arriver ! Ce sera la plus magique des aventures ! Surtout avec Nacre à ses cotés !
Elle se tourna vers la neigeuse et lui lança un grand sourire.

Ça va être tellement amusant !

Elles nagèrent ainsi pendant un petit moment maintenant. Tout à coup, Coquillage fut pris d’une soudaine inquiétude.

 « Dis tu n’as pas froid ? »   Le temps et les eaux devenaient de plus en plus froid et même si Coquillage pouvait supporter les températures basses, elle s’inquiétait pour Nacre. Arrivait-elle à supporter le froid récent ?

Au bout d’encore quelques minutes de nage, l’embouchure fut enfin à porté de vue.

 « On l’a trouvé ! C’était pas si compliqué finalement… » C’était dit non sans une petite pointe de soulagement. Il ne manquerait plus qu’elles se perdent dés le début de leur aventure !

Elles finissent par traverser l’embouchure et à nager dans la rivière, entrant à l’intérieur de l’île. Le paysage changeait, la plage devenant forêt, ainsi que l’eau dans lequel elles nageaient.

 « Tu sens ça ? L’eau change déjà ! C’est vraiment plus clair que l’eau de mer ! »  

Sans le goût du sel et sans la profondeur propre à l’océan, l’eau lui semble plus léger, comme l’eau au ras de la plage où les Bernard-l’hermite viennent gambader…plus encore même ! Malgré cette différence nette avec la mer, ce n’était pas désagréable loin de là… C’était donc ça « l’eau douce »… Coquillage comprenait l’origine de ce nom, cette eau est des plus agréables !

Elle regarda les alentours et elle fut étonnée par ce nouveau paysage! La végétation était abondante, une farandole de verdure les entourait. Elle pouvait voir de plus près les fameux « arbres », est-ce que certains peuvent marcher comme dans les histoires de Mirka ?
La senteur était aussi différente ainsi que les bruits de la faune. Elle qui était habitué au silence des fonds marins et le fracas des vagues, c’était un sacré changement !

 « Que c’est beau… » Souffla-t-elle.  « C’est tellement différent de l’Océan ! »

La curieuse plongea pendant un moment sa tête sous l’eau et vit  une flopé de poissons qu’elle n’avait encore jamais vu ! Elle n’osait même pas essayer de leur parler – peut-être qu’ils ne parlaient pas le même langage que les poissons de mer !

Elle sortit la tête de l’eau et se retourna vers sa sœur, n’arrêtant jamais de sourire.

 « Tu en penses quoi  ? Tu crois qu’il y a des fées qui habitent ici ? »

Maintenant après avoir vu cet endroit de ces propres yeux, Coquillage était impatiente d’entendre l’avis de sa sœur. Nacre avait une si belle façon de voir les choses !

Le petit temps de nage qu'il y avait jusqu'à l'embouchure de la Rivière Féerique passa comme un rêve alors que Coquillage me tirait avec elle. Lorsque l'on atteignit enfin la rivière et qu'on y entra, je pris le temps de goûter à l'eau, si différente de celle de l'océan. C'était plus doux, plus tiède aussi. Impossible de les confondre et pourtant il était évident que c'était presque la même chose. L'eau de l'océan avait simplement un gout de quelque chose de plus grand, de plus vaste. Un gout de maison, aussi alors que l'eau de la rivière avait gout d'étrange.
Depuis quelques temps, il commençait à faire froid sur l'ile mais je ne le ressentais pas trop. Le froid ne me dérangeait pas, je ne le ressentais presque pas. A peine quelques picotements parfois sur ma caudale, et encore. Pourtant il était facile de sentir que la rivière était plus chaude contre mes écailles, comme les courants qui passaient dans ma grotte sous-marine et qui bouillonnaient parfois.

"Non, je n'ai pas froid." répondis-je tranquillement à Coquillage après m'être rappelé que j'avais laissé sa question sans réponse depuis tout à l'heure. "Toi tu as froid ?"

Je continuai à nager doucement avec ma soeur et à découvrir cet environnement que je ne connaissais pas. C'était amusant de voir à quel point je me sentais un peu à l'étroit avec les deux bords si rapprochés l'un de l'autre. Je n'avais pas la possibilité de me retourner et de m'enfuir dans les vagues, je ne pouvais pas me cacher entre deux eaux et ça me faisait un peu peur.

"C'est un peu effrayant, non ? J'ai l'impression que nous sommes enfermées dans un tout petit bout d'eau au milieu de la terre. Ça me fait bizarre, mais c'est vrai que la végétation est très belle ! Rien à voir avec les algues qui poussent sous l'océan !

Malgré tout, je devais bien avouer que je trouvais tout cela complètement fascinant et incroyable. C'était un autre monde, qui n'avait rien à voir avec le nôtre, et cela rendait tout très effrayant et en même temps très attirant.

"Même si ça me laisse toujours tendue et sur mes gardes, je trouve que c'est très beau. J'espère que l'on va voir des fées ! Ce serait drôlement bien d'en voir au moins une, de près ! Je crois que je n'en ai jamais vraiment approché."

Bien sûr, comme j'adorais aller gambader sur l'île, j'avais rencontré plein de gens, pas forcément des humains du reste, mais je n'avais jamais pu aller voir une fée de près pour lui parler. Je ne savais même pas à quoi elles pouvaient bien ressembler à part une petite figure toute brillante. Et en parlant de ça, justement...

"LA !" criai-je soudain en tendant le bras sans me préoccuper d'arroser partout. "Regarde Coqui ! Je crois que c'en est une, juste là ! Tu crois qu'elle vient pour nous ?"

Quand Nacre la rassurait qu’elle n’avait pas froid, Coquillage s’en trouva fort soulagée. C’et vrai que ce n’était qu’un détail mais le froid commençait à se faire sentir et elle a déjà entendu plusieurs de ses sœurs s’en plaindre.

À la question de Nacre, elle répondit sans tarder  « Oh moi non plus ne t’en fais pas ! »

En effet, la graisse l’aida à supporter le froid, qu’elle sentit à peine. Elle espérait quand même que le froid n’allait pas empirer… Elle et ses sœurs se remettaient à peine des pluies et du voyage dans l’ordinaire.

Dans la rivière, Nacre avait l’air tout aussi émerveillée que la curieuse. Les yeux de sa sœur brillaient et Coquillage eut le cœur léger en la regardant.

Mais la curieuse sentit quelque chose qui n’allait pas, que l’enthousiasme de sa grande sœur cachait autre chose et c’est quand celle-ci lui confia sa peur que Coquillage comprit enfin.

C’est vrai que comparé à l’Océan, il y avait peu d’eau et Coquillage mentirait si elle disait que cela ne l’avait pas plus inquiété que cela…
Mais même dans ce petit espace, cette eau restait de l’eau, nourricière et protectrice. La curieuse comprenait l’appréhension de sa sœur mais elle se devait la rassurer.

 « Tu n’as pas à avoir peur, Nacre ! On est dans l’eau, on ne risque rien ! Et s'il arrive quelque chose, je te protègerai. »

Oui elle la protègera, elle en fait le serment dans son cœur. Sa grande sœur a eu la chance de ne pas avoir été entrainée au pays ordinaire et est encore peu consciente des dangers de ce monde. Coquillage fera de son mieux pour la préserver de tout ça.

Nacre reparla de fées et cela suffit à raviver la curiosité de Coquillage. Oui, il y en surement par ici ! Il faudrait chercher mais par où commencer ?

Soudain, la Neigeuse poussa un cri d’exclamation.

"Regarde Coqui ! Je crois que c'en est une, juste là ! Tu crois qu'elle vient pour nous ?"

Une fée ?! Elle a vu une fée ! Où ça, où ça ?

Coquillage regarda la direction que pointa Nacre et vit à son tour une petite lueur à coté de la rive à travers la végétation

 « Oh ! Oui tu as raison ! C’est surement une fée ! » Coquillage battit vigoureusement la nageoire d’excitation. Elle agita la main très haut et interpella la lumière d’une voix forte «  Youhou !!! Tu es bien une fée ?? Youhou !! »

La lueur arrêta de bouger et Coquillage se demanda si elle lui a fait peur mais la lumière se rapprocha, et peu à peu une figure se dessina.

Celle-ci était drapée d’un habit de feuilles vertes, sa peau elle-même était de couleur verte, plus pâle que ses vêtements.
Et ses ailes !! Elles scintillaient d’une jolie teinte dorée. Coquillage se retenait de les toucher, tellement elles étaient belles !

La fée resta à bonne distance et les toisa d’un regard qui semblait suspicieux.

« Vous êtes des sirènes ? Que faites-vous loin de l’Océan ? »

Étrangement, Coquillage ne savait pas quoi dire. Est-ce que cette fée n’aimait pas les sirènes ? Que faire si elle disait une bêtise et que la fée les oblige à partir de la rivière ?

La curieuse se tourna vers Nacre. Peut-être que sa grande sœur saura comment parler à la fée.

Entendre Coqui me rassurer me fait rire légèrement. C'est agréable de savoir que nous serons toujours là l'une pour l'autre. J'ai un peu peur de me sentir à l'étroit dans cette eau toute douce et plus chaude que l'océan, et elle est là avec moi pour me dire que tout va bien se passer. Je suis heureuse que nous soyons parties ensemble à l'aventure une fois encore !

Elle aussi a vu la fée. J'espère qu'on ne va pas lui faire peur à agiter les bras au milieu de la rivière, deux sirènes perdues loin de leur lagune. Coquillage l'interpelle avec sa vivacité habituelle et la toute petite créature s'approche de nous d'un air un peu méfiant. Je me doute bien qu'elle doit se demander ce qu'on fait là. Un instant, je reste émerveillée par ses ailes, toutes fines et ciselées, très très belles. Puis elle prend la parole et puisque Coqui me regarde comme si j'étais la seule à pouvoir dire quelque chose, eh bien j'essaie de répondre à la fée.

- Bonjour ! Nous sommes des sirènes de la lagune, elle c'est Coquillage et moi c'est Nacre ! Pardonne-moi, j'ignore s'il y a un cérémonial particulier pour s'adresser aux fées...

En tout cas, celle-ci n'a pas l'air d'être sur le point de nous transformer en morue séchée. C'est sans doute un signe encourageant et une bonne chose, alors je continue.

- Nous sommes venues explorer la Rivière Mystérieuse pour essayer d'apercevoir une fée et découvrir la différence entre l'eau douce et l'eau salée. Et toi ? Qui es-tu ? Tu es bien une fée, n'est-ce pas ?

Peut-être que si nous nous montrons courtoises et aimables, la fée acceptera de nous guider un peu dans la Rivière Mystérieuse et de nous montrer les merveilles qu'il y a à voir. Un ou deux beaux cailloux brillants que je vois miroiter dans le fond seraient du plus bel effet dans ma collection, parmi mes coquillages et tous les objets que j'ai ramassés au fur et à mesure. Et peut-être qu'il existe aussi des coquillages d'eau douce ?

Nacre prit la parole sans tarder, au grand soulagement de la curieuse.

- Bonjour ! Nous sommes des sirènes de la lagune, elle c'est Coquillage et moi c'est Nacre ! Pardonne-moi, j'ignore s'il y a un cérémonial particulier pour s'adresser aux fées...

Coquillage se tenait à coté d’elle, son regard allant de la fée à sa soeur. La curieuse non plus ne savait pas s’il existait un « cérémonial particulier ». Elle espérait que non en tout cas, ce genre de choses semblait si compliqué…

- Nous sommes venues explorer la Rivière Mystérieuse pour essayer d'apercevoir une fée et découvrir la différence entre l'eau douce et l'eau salée. Et toi ? Qui es-tu ? Tu es bien une fée, n'est-ce pas ?

Le regard de la fée, suspicieuse au début, s’adoucit un peu quand Nacre eut finit de parler.

«Eh bien enchanté Nacre et Coquillage. Je suis Roseau et oui je suis bien une fée, une fée des eaux.»

Elle s’inclina légèrement, ses pieds flottant légèrement au dessus de la surface de l’eau. Quelle élégance ! Les fées sont vraiment des êtres magnifiques !

« Enchanté Roseau ! » Coquillage répondit avec enthousiasme.

Si la fée a accepté de se présenter, cela voulait donc dire qu’il n’y a pas de problème pour elle et Nacre d’être ici ! La curieuse se tourna vers la neigeuse, un sourire de joie et de fierté sur le visage. Heureusement que sa soeur était là pour faire les présentations, elle avait le chic pour trouver les bons mots !

Pendant ce temps, la fée resta silencieuse, une expression pensive sur son visage.

« La différence entre l’eau douce et l’eau salée… eh bien l’eau salée est salée et l’eau douce ne l’est pas. Ce n’est pas si compliqué que ça ! » Finit-elle avec un ton hautain.

Uh…

Coquillage lança un regard au coin à Nacre. Oui, ça elles le savaient, elles ne sont pas si bêtes quand même ! Est-ce que toutes les fées pensaient que les sirènes étaient à ce point ignorantes ou c’était juste cette fée-là ?

« Je suis en charge de cette partie de la rivière » Reprit Roseau. « Vous pouvez bien sûr rester ici le temps que vous souhaitez mais ne faites pas de désordre. Je vous ai à l’oeil. »
Son avertissement était souligné par un regard sévère.

Plus elle entendait Roseau s’exprimer, plus Coquillage fut intriguée par son caractère.
C’est vrai que la jeune sirène ne connaissait pratiquement rien des fées et de leurs tempéraments mais elle se souvient d’avoir entendu dire qu’elles étaient joueuses, toujours prêtes à s’amuser et à faire la fête.
Mais Roseau n’était pas du tout comme ça. Elle semblait un peu trop sérieuse pour une fée, avec une attitude rigide et une façon de parler assez sèche. Elle n’avait pas l’air méchante mais quand même…

« Dis, tu la trouves pas un peu bizarre cette fée ? » murmura-t-elle via télépathie à la neigeuse.

Mais même si cette fée était du genre à ne pas rigoler, la curieuse était heureuse de l’avoir rencontré. C’était une fée, quand même !

« Donc tu t‘occupes de la rivière, c’est bien ça ? Dis, est-ce qu’il y a des coquillages dans la rivière ? Pareil à sa soeur, Coquillage était toute excitée à l’idée de trouver les merveilles que regorge la rivière. Elle espérait que la fée va les aider !

« Oui, il existe en effet des mollusques d’eau douce, vous pouvez surement trouvé des coquilles dans… »

« T’entends ça, Nacre ?! » S’écria Coquillage, interrompant la fée sans s’en rendre compte, « Viens, il faut qu’on cherche ! »

La curieuse plongea de suite dans l’eau et commença sa chasse aux trésors, sans remarquer le regard courroucé de la fée des eaux, surement froissée d’avoir été ainsi interrompu. Elle fouilla le fond de la rivière, grappillant la terre sableuse avec entrain. Enfin elle finit par revenir à la surface, brandissant une petite coquille ronde gris clair dans sa main bleue.

« Regarde Nacre ! Mon premier coquillage d’eau douce !  »

Elle se dirigea vers sa soeur, lui montrant sa trouvaille en gloussant de joie. Cette coquille était si mignonne, elle espérait pouvoir en trouver d’autres !

« Et toi grande soeur, tu as trouvé quelque chose ? »

La fée s'appelle donc Roseau. C'est logique, en fait ! Nous, les sirènes, nous avons des noms de la mer. Donc les fées ont des noms de la terre ! Je n'y avais jamais réfléchi de la sorte. Par contre, elle a vraiment l'air de nous prendre pour des idiotes, si elle pense que son explication toute bête prononcée de la sorte va nous éclairer. J'agite un peu la queue pour ne pas montrer que je suis agacée. Je n'aime pas qu'on me prenne de haut, je dois être un peu orgueilleuse.

- Alors pourquoi l'eau douce est douce ? Et pourquoi l'eau salée est salée ?

Après tout, si Roseau est en charge de cette partie de rivière, elle saura bien nous éclairer. Nous surveiller, en tout cas, elle à l'air de savoir comment s'y prendre. J'entends Coquillage se faire presque les mêmes réflexions et me demander si je ne la trouve pas bizarre. Je lui réponds, boudeuse, que je ne l'apprécie pas beaucoup, que je ne la trouve pas gentille. Nous, dans la lagune, on accueille plus gentiment les visiteurs ! Même si on les mange après.

Heureusement, Coqui détourne la situation en posant la question des coquillages. Des coquillages d'eau douce ! Voilà de quoi compléter joliment notre collection. J'oublie un instant ma contrariété pour plonger et fouiller la vase à la recherche de petites coquilles. Celles que je trouve sont très différentes de celles qu'il y a dans l'océan. Elles sont plus petites, et moins brillantes. Un peu étranges. Je les montre à ma soeur qui se réjouit de ses trouvailles. Mais moi, il y a une autre question qui m'intrigue, et je la pose à la fée.

- Est-ce qu'il existe des sirènes d'eau douce ? Est-ce qu'on risque d'en rencontrer ?

Je dois dire que je suis quelqu'un de très curieux, mais je n'écoute pas toujours ce qu'on me dit et, surtout, il m'arrive d'oublier assez vite. De toute façon, avec cette question, c'est vite fait puisque Roseau se contente de me regarder avec un sourcil levé, l'air de me dire que ma question est vraiment stupide. Elle ne me répond même pas et j'en suis pour mes frais. Fâchée, j'envoie un nouveau message télépathique à Coqui.

- Dis... On continue notre exploration ? Cette fée ne me plait pas beaucoup.

Ma moue se fait boudeuse, j'espère que Coqui va accepter. Sinon je vais plonger et continuer à observer les poissons sans plus faire cas de la vilaine Roseau qui me pense pas intelligente.

Coquillage put sentir l’agacement de Nacre, non seulement par leur lien télépathique mais aussi par le mouvement brusque de sa queue.

C’est vrai que la fée avait de drôles de manières… Ce n’était guère surprenant que sa soeur n’apprécia pas son parler quelque peu sec et son ton arrogant.

- Alors pourquoi l'eau douce est douce ? Et pourquoi l'eau salée est salée ?

C’est vrai qu’à la fin, la fée ne leur avait toujours pas expliqué exactement pourquoi l’eau de la rivière est douce ! Il devait surement avoir une raison non ?Mais Roseau ne répondit pas à l’interrogation pertinente de Nacre… Peut-être qu’elle n’a pas entendu la voix de la Neigeuse… Elle ne l’a quand même pas ignoré exprès !… Non ?  

Quand elle revint de sa pêche aux coquilles et les montra à sa soeur, elle regarda les trouvailles de celle-ci. Qu’elles étaient jolies ! Toutes aussi petites et peu colorées que celles que la curieuse avait trouvé, mais elles avaient toutes un charme certain. Elle gloussa légèrement et leva vers sa soeur des yeux pleines de joie enfantine. La collecte de coquillages, c’est plus amusant à deux !

Peu après, Nacre reposa une autre question à la fée.

- Est-ce qu'il existe des sirènes d'eau douce ? Est-ce qu'on risque d'en rencontrer ?

La question de sa grand soeur suscita un grand interêt dans l’esprit de la curieuse. Décidément, Nacre avait le chic pour poser les bonnes questions !

Des soeurs des eaux douces… Coquillage avait toujours cru que les sirènes habitaient dans l’océan et nulle part ailleurs… Elle chercha au fond de sa mémoire si une de ces soeurs lui a parlé de sirènes d’eau douce mais non… Après il y a beaucoup de choses que Coquillage ignorait encore ! C’était possible que des sirènes habitant dans les rivières ! Oh, à quoi pouvaient-elles ressembler ? Avaient-elles un chant enchanteur comme les sirènes des mers ?
Oh si elles existaient, Coquillage aimerait pouvoir les rencontrer et être amie avec elles !

Mais malgré la pertinence de la question de la Neigeuse, Roseau, encore une fois, ne daigna pas répondre. Ah non, ça c’est trop ! Même si elles sont dans le territoire de la fée, ce n’était pas une raison pour ignorer sa soeur ! Une deuxième fois en plus !

Elle ressentit la colère de sa soeur et elle ne pouvait que la comprendre. Roseau avait dépassé les bornes !

- Dis… On continue notre exploration ? Cette fée ne me plait pas beaucoup.

Coquillage approuva sa proposition sans hésiter. La rivière regorgeait surement de pleines d’autres surprises et de fées surement plus accueillantes !

 « D’accord ! Tu as raison, cette fée décidément est trop méchante ! Allons-y ! »

Elle prit la main de Nacre, et sans même daigner dire au revoir à la fée, elle nagea  vers le amont de la rivière.

« Hé ! » Elle entendit la fée les interpeller de loin mais elle ne s’arrêta pas. Elle n’avait qu’a être plus gentille !

« Pfff ! Cette fée était vraiment mal élevée ! J’espère que toutes les fées ne sont pas comme ça… »

Elle se tourna vers sa soeur, et se sentit un peu triste vis à vis d’elle. C’était la première fois qu’elle rencontrait une fée et ça s’est pas vraiment bien passé…  C’est tellement dommage, surtout pour leur première expédition dans la rivère…

« Je suis désolée que cette fée t’a traité ainsi… Au moins on a trouvé de beaux coquillages… Oh regarde ça ! »

Elle arrêta sa nage et pointa vers une immense étendue scintillante qui flottait devant elles.

Aidée par sa curiosité naturelle, Coquillage se rapprocha, intriguée par cet étrange spectacle.
C’était des nénuphars multicolores, occupant une partie de la rivière. Rouges, bleues, violets et autres, toutes teintés d’une lueur brillante, illuminant les alentours.

La curieuse toucha avec précaution une des plantes et fut rassurée la texture douce qu’elle senti entre ses doigts.

« Tu as vu ça ?…On dirait des sortes d’algues non ?… C’est si beau ! Il y a tellement de couleurs !…  »

Coquillage se laissa flotter entre les plantes, entourée par les lueurs arc-en-ciel… Même avec les yeux levés vers le ciel, elle pouvait voir du coin de l’oeil les lumières… Quel instant magique !

« Viens grande soeur ! » Coquillage encouragea Nacre à la rejoindre.

Nager parmi ces plantes lumineuses va surement rendre sa soeur de bonne humeur et lui faire oublier la fée ronchonne !

Vexée par la façon dont la fée nous a traitées, je prends la main de Coquillage et me laisse entraîner plus loin dans la rivière. Non sans envoyer, comme par mégarde, une gerbe d'eau en direction de notre déplaisante interlocutrice d'un coup de nageoire caudale. La fée évite les projectiles - de toute manière je ne voulais pas la noyer - mais de justesse. La moindre petite goutte d'eau doit représenter pour elle l'équivalent d'une grande vague pour nous tellement elle est petite. C'est incroyable de voir comment une créature si minuscule peut être si démesurément agaçante.

Mes nouveaux coquillages bien en sécurité avec moi, je suis Coquillage dans la rivière que l'on remonte. J'aime bien la température de l'eau sur mon corps et mes écailles, je ne sais pas si c'est dans ma tête, mais savoir qu'elle est "douce" me donne l'impression qu'elle l'est réellement. Comme les algues dans lesquelles on passe parfois en frôlant les coraux et les récifs.

- Nous sommes sur le territoire des fées, c'est peut-être normal qu'elle n'ait pas aimé nous voir. Et je suis sûre qu'on en rencontrera d'autres !

J'ai répondu d'une voix légère, parce que je n'ai pas envie de me rendre malheureuse pour si peu. Et c'est logique qu'on puisse en rencontrer d'autres, Roseau n'est sans doute pas la seule à habiter auprès de la Rivière.

Je regarde tout partout autour de moi, essayant de tout voir, quand Coquillage attire à nouveau mon attention sur quelque chose qui brille devant nous. D'un souple mouvement de queue, j'avance plus près et ouvre grand les yeux en découvrant les nénuphars nimbés de soleil. C'est magnifique !

- On dirait plutôt comme... des anémones ! Les gens qui vivent sur la terre appellent ça des fleurs ! Regarde toutes ces couleurs, comme elles sont vives ! C'est un peu comme les récifs et les coraux...

Moi aussi je m'approche pour passer le bout d'un doigt sur l'ourler délicat d'un pétale. C'est vraiment joli. Je voudrais pouvoir en prendre une et l'emmener avec moi, mais je pense que dans la mer elle n'ira pas bien.

- Tu crois que l'on en verra d'autres aussi ? Est-ce qu'on peut rester à les regarder un peu ? S'il te plait ?

Je suis complètement fascinée par ces couleurs et cette lumière, je pourrais passer la journée à regarder cette très belle image qui m'est tout à fait étrangère. C'est un tableau aquatique, et pourtant ce n'a rien de marin. C'est très beau.

Nous sommes sur le territoire des fées, c'est peut-être normal qu'elle n'ait pas aimé nous voir. Et je suis sûre qu'on en rencontrera d'autres !

« Oh oui, il y a surement beaucoup d’autres ! Et des gentilles ! »

Coquillage l’espérait en tout cas ! Heureusement, à en juger par le timbre de sa voix, Nacre ne semblait pas trop affectée par cette mauvaise rencontre, ce qui soulagea la curieuse.

Quand Nacre ouvrit de grands yeux émerveillés face aux plantes multicolores, Coquillage sentit un souffle de joie gonfler sa poitrine.

On dirait plutôt comme... des anémones ! Les gens qui vivent sur la terre appellent ça des fleurs ! Regarde toutes ces couleurs, comme elles sont vives ! C'est un peu comme les récifs et les coraux…

C’est vrai, maintenant que Nacre le dit, on dirait vraiment des anémones ! Elle les toucha à son tour… c’est doux ! Et si fragile en même temps…
Et donc les êtres de la terre appela cela des… « fleurs » ?

Tu crois que l'on en verra d'autres aussi ? Est-ce qu'on peut rester à les regarder un peu ? S'il te plait ?

« Bien sur ! On peut rester ici le temps que tu veux ! »

Coquillage était vraiment heureuse que sa soeur enchantée par ce spectacle. Rien que pour ça, cette expédition était un succès !

Soudain, la curieuse vit un éclat de lumière passer depuis derrière elle pour atterrir délicatement sur une des fleurs. C’était la fée mal élevée ! Oh non, pourquoi est elle venue les rejoindre, elle va encore tout gâcher avec son attitude ronchonne !

La fée en question toucha l’une des fleurs du bout de ses petits pieds et celle-ci se mit à scintiller, les couleurs vibrant sous le contact. Se tournant légèrement vers Nacre et Coquillage, elle prit la parole d’une voix neutre :

« Ce sont des nénuphars multicolores, elles ont été crées avec l’aide des fées des forêts qui s’occupent de la végétation arc en ciel du bois joli…»

La fée se tut pendant un moment. Puis :

« Je m’excuse… pour tout à l’heure… » Elle souffla ses mots en évitant de regarder les sirènes en face. Regretta-t-elle son comportement d'avant ?

« Et pour votre question sur l’eau douce et l’eau salée, eh bien, la vérité est que… je ne sais pas… Je ne sais pas s’il existe des sirènes d’eau douce non plus… »

Un légère lumière rosée alluma les joues de la fée des eaux. Elle était embarrassée ! Coquillage se retenait de glousser, c’est pour ça qu’elle ne voulait pas répondre à leurs questions, elle ne savait pas la réponse !

Roseau n’était pas si méchante que ça finalement ! Pas forcement gentille mais pas complètement mauvaise non plus…

« Maintenant si vous voulez bien m’excuser, je dois accorder les couleurs des nénuphars… vous pouvez rester regarder… si vous voulez… »

Une légère courbette et la fée s’envola vers une autre fleur de nénuphars, puis une autre, les couleurs changeant à son contact. Les fleurs clignaient au rythme du vol de Roseau, celle-ci devenant un éclat de lumière qui rebondissait sur les plantes.

Coquillage regarda ce ballet de lumière et de couleurs avec émerveillement puis, prenant la main de sa grande soeur :

« Je suis contente d’être là avec toi… » Elle serra doucement la main pale de Nacre, lui offrant un chaleureux sourire.

Car au fond, c’était ça qui était le plus important. Plus que les fées, plus que les plantes multicolores, c’était d’être auprès de sa soeur qui lui fait le plus plaisir. De la voir rire,  s'émerveiller, heureuse…

C’est ça qui a rendu cette expédition réellement féerique.