Tout est bleu, ou grisé, ou rouge. Il y a toujours la caresse de l’océan. Il y a toujours la présence du Père. Il y a les collections. Il y a les convoitises. Il y a la beauté de l’encre rouge qui colore le bleu de l’eau. Ce précieux liquide qui fait vivre et réchauffe. Cette chaleur, Typhon l’apprécie, la savoure dans les chairs qu’elle embrasse, goûte et arrache. Lentement. Tuer froidement rend les morts froids. Qui diable aime-t-il sa viande servie froide ? Il faut l’attendrir, la chauffer du feu de désir avant d’enfin pouvoir dévorer de la peau. Puis les muscles, et le cœur à la toute fin.

Lentement. Pour réchauffer les eaux du père océan.

Les hommes sont délicieux, et aiment ce qu’ils voient. La Succube n’a pas besoin de chanter, son corps suffit à envouter. Ils viennent, ils voient une magnifique créature, il semblerait. Hypnotisés, ils la réchauffent, ils lui donnent ces plaisirs de chairs. Mais le rêve des bas instincts se finit en cauchemar. Typhon tue lentement, elle les dévore de préférence vivants. Pour que le corps soit chaud plus longtemps. Qui diable mange sa viande froide ?

Elle joue même avec, ne les dévorant pas en une fois. Il ne faut pas se presser. Il faut les laisser un peu respirer, le temps qu’elle veuille manger encore plus.

Typhon envoûte par son apparence, mais pas tout le monde. Les femmes voient ce qu’elle est. Un être peu humain, une sirène à l’apparence modifiée par son âge, son habitat. Elles ne seront pas charmées, elles verront de loin que la sirène n’a rien d’une douce rencontre.

Tant pis, elle ne mange pas les femmes.

La Succube note l’espace que ses sœurs installent, une distance. Elles ne semblent pas toujours comprendre.

Ce n’est pas grave, Typhon ondule, nage lentement dans le père océan.

Ses yeux en amandes ne montrent qu’un bleu turquoise noyant une éventuelle iris et pupille. Un regard très peu humain.

Elle observe ses sœurs, elle ne leurs veut pas de mal. Elles sont ses sœurs. Elles la laissent dans ce monde de mort lente, et elle les laisse juger comme elles le souhaitent, peu importe.

La Succube s’occupe de ses proies, elle les garde parfois plus longtemps en vie. Si elles ne meurent pas de douleur. Typhon les garde précieusement comme des pièces de collection temporaires, éphémères. Poétiques, rares. Rappelant la fragilité. Ces hommes tombés dans ses filets, elle les emmène dans une cavité sous-marine où une grotte offre un petit banc de sable et surtout… de l’air. Un espace peu grand, il faut qu’elle puisse atteindre ses jouets tout de même. Il y a pas mal de cavités, peut-être y a-t-il un moyen de s’échapper ou de s’y retrouver par mégarde ? Un genre d’aquarium pour humain.

Il ne faut juste pas être réticent à voir des ossements.

Typhon en avait perdu un, une fois. Un met qu’elle avait pourtant apprécié.
Il était déjà bien délicieux au début. Puis elle avait commencé à manger, à l’emmener dans ce petit « terrarium »… mais un jour, plus rien.

La sirène avait exploré ce labyrinthe mi-aquatique mi-terrestre en long et en large. Mais impossible de mettre la main dessus. Les gouttes de sang ne lui apportaient aucune aide. La colère l’emporta. Typhon n’aime pas perdre ses jouets. Sa viande, sa chaleur. C’est comme si on lui prenait une partie d’elle-même. Sa propre chaleur.

Elle prend plaisir à les faire hurler, à les manger, à les embrasser. Elle s’unit à eux, c’est qu’ils sont à elle.

Rendez-lui cette chaleur qui s’est échappée.

Il lui manque toujours quelque chose, elle n’est jamais satisfaite, et depuis ce jour… c’est encore pire.

La cruauté est plus grande, l’avidité augmente autant. Plaisirs de chair et de papilles.

Malgré tout, Typhon aime les beaux visuels, les peintures sur les corps. Elle veut faire comme ces peintres, et dessiner. Mais elle veut marquer l’océan, lorsqu’elle n’emporte pas ses victimes dans l’étrange labyrinthe de grottes. Ces hommes charmés, elle les utilise comme des pinceaux, elle dessine avec dans l’eau des nuages rouges d’orage. Dessinant des peintures éphémères qui ne semblent délivrer leurs secrets qu’à leur créatrice.

Cependant, cet « art » ne l’emporte que lorsqu’elle est en colère, désemparée par ce manque infini. Et si… ce morceau de chaleur perdu était déjà effacé. Quelqu’un d’autre l’aurait emporté, ce serait comme si… on lui avait dévoré le flan entier.

Pourtant… Typhon est méticuleuse en général. Elle découpe lentement la chair, presque chirurgicalement. Elle n’a rien d’une barbare. Rien.

Et enfin, elle adore elle aussi Peter Pan, mais celui-ci ne semble pas atteint par son envoûtement. Cela ne la surprend pas, il est le maître de l’île. Rien ne serait aussi facile avec l’Enfant Roi. Sa chair doit être très appétissante.

- La Succube, parce qu’elle séduit. Et dévore ensuite. Elle goûte la chair, puis la prend lentement dans l’estomac.

- Elle préfère manger ses victimes vivantes. Parfois, elle peut faire durer le supplice très longtemps.

- Typhon aime beaucoup la pluie, le ciel gris. Elle trouve quelque chose de poétique là dedans.

- Sa collection est simplement ceux qu’elle entraine avec elle dans cette grotte sous-marine. Ephémère. Mais, elle apprécie aussi les objets aussi coupant et précis que les scalpels. Les objets pouvant aider à être très soigneuse pour prendre la chair. Sinon, elle doit se contenter de ses griffes ou ses dents.

- Ses yeux sont entièrement bleus-turquoise, sa peau est très pâle, mais ses cheveux sont infiniment noirs. Sa nageoire est orangée, elle adore d’ailleurs beaucoup cette couleur voisine du rouge.

- Eternelle insatisfaite.

- Parfois, elle aime se laisser porter par l’eau, ne rien faire et se laisser porter par les courants.

- Elle observe attentivement le Port, les rives, pour retrouver la chaleur qui lui a échappée. Celle qui n’a fait qu’agrandir sa faim de tout.

- La Succube aime les peintures des Peaux-Rouges et des Pirates, les tatouages sur la peau. Elle aime l’harmonie des visuels créés.

- Parfois, juste pour jouer, elle attire les hommes, les charme, mais disparaît ensuite. Elle cherchait sans doute sa chaleur perdue, mais déçue, elle part. Du moins, si la colère ne l’empote pas et qu’elle ne décide pas de peindre la mer en rouge.

- Aime peindre. Comme elle peut.

- Chante rarement, mais souvent, c’est lorsque ses victimes ne peuvent pas la voir. Elle compense en chantonnant dans le noir.

- Tout est beau, magnifique, elle ne comprends pas en quoi ce qu'elle fait peut sembler horrifique.

- Le fait qu'elle paraisse irrésistible aux hommes, mais inhumaine aux femmes, semble venir d'un genre de malédiction. Cela remonte à si loin que Typhon elle-même ne peut retrouver l'origine de cela.

- Un corps charmeur, mais ce mirage perd son efficacité si on ne le voit pas à la lumière naturelle ou celle d'une flamme. Ni même dans le noir, cela va de soit. En fait, si une lampe magique ou électrique l'éclaire, le charme visuel n'aura pas d'impact.

Un bel endroit. Un endroit délicieux. Mais il faut retrouver ce qui s’y est perdu.

L’autre monde est moins beau, mais il a aussi de quoi manger et se réchauffer.

Peter Pan a cet air si appétissant, mais il est inatteignable pour le moment. Peut-être lorsqu’il sera plus faible, il viendra. Peut-être que s’il était mangé, qu’il serait moi, je serais entière. Mais je dois d’abord retrouver la chaleur que j’ai perdue.

Le capitaine reste un homme, il reste un simple humain. Il n’apportera rien de plus que les autres.

Le ciel est rouge. Il descend doucement vers le monde bas. Il porte étrangement une chaleur forte qui se dissipe peu à peu. Il descend en fumée, il caresse la peau blanche de la sirène qui se laisse porter par son père océan. Doucement, elle descend elle aussi. Elle tient contre elle sa nouvelle pièce, cette nouvelle partie d’elle. Ils s’étaient unis avant que le soleil ne se lève. Maintenant, il est sa chaleur. Sa main est plaquée contre sa bouche et son nez. Lentement, ils descendent. La fumée rouge les accompagne, elle nait de la cuisse de cet homme devenu un objet appétissant.

Les grottes approchent doucement.

Typhon valse un peu, dessinant des courbes, des tourbillons avec les nuages rouges qui apparaissent de la jambe de l’humain. Elle sourit, elle savoure ce beau tableau éphémère mais sent que la chaleur ne restera pas, elle doit donner de l’air.

Alors elle disparaît dans les grottes. Plus rapidement, mais toujours avec soin. Il ne faut pas blesser plus.

Enfin, le banc de sable, le terrarium se laisse voir parmi ce monde nuit. Les corps transpercent l’eau, et la chair humaine se fracasse lourdement sur le sol. Impossible de voir quoi que ce soit, ce n’est pas grave. La Succube sent l’odeur ferreuse et la chaleur qu’elle aime tant. Mais sans la vue, comment l’homme peut-il la contempler ? Pour le calmer, un peu, elle chantonne. Mais pas à pleine voix. Puis elle s’éloigne, vers un autre endroit de cette grotte perdue. Un petit banc de sable séparé de celui pour l’humain. Avec grande précaution, Typhon fait craquer une allumette et allume une lampe à huile.

Comment a-t-elle pu emporter ces objets sans les endommager ? Et l’oxygène ? Quelque part, de l’air circule, quelque part, on peut garder un peu plus de choses au sec. Quelque part, il y a quelqu’un ou quelque chose qui lui amène parfois de quoi jouer.

Ce quelque part que la chaleur perdue avait trouvé.

Voilà l’orange qui peint les murs du terrarium, Typhon observe, sourit. Elle envoie un baiser, s’approche silencieusement, ne laissant paraître que ses yeux et ses cheveux. Le charme revient, il s’approche. La chaleur s’approche, elle sort un peu plus des eaux. Elle veut embrasser ce cou chaud. Elle le fait, elle mord, elle arrache. Elle rit et s’en va dans les abysses.

Peut-être que la lumière s’éteindra.

Lente torture.