Au flottement d'un voile ~ Shifty

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Pretty reposa les sceaux au sol. Doucement. Très doucement. Avec une délicatesse qui n'aurait pas fait bruisser une feuille morte. A demi baissé, silencieux comme le vent, il se faufila sur la pointe des pieds derrière un tronc d'arbre relativement épais.
Jamais son regard bleuté ne se détourna du spectacle auquel il assistait par le plus grand des hasards.

Sa longue chevelure noire volait au gré de ses mouvements agiles. Sa peau sombre jurait avec l'azur de la rivière et le paysage mourant qui l'entourait ; pourtant cela donnait une sorte de magie exotique à la scène, comme si une princesse venue d'un autre monde était venue enchanter ces lieux d'une danse féerique. Comme si elle était venue rendre vie à la nature. Son visage exprimait toute la concentration et l'attention qu'elle portait à l'élégance de ses gestes. Elle paraissait terriblement absorbée.
Suffisamment abordée, en tout cas, pour ne pas remarquer le jeune Perdu qui la dévisageait avec de grands yeux ronds, fasciné.

En cette matinée à peine plus fraîche que les autres, Pretty avait simplement dû effectuer son travail de Livreur. Prendre des sceaux, aller les remplir là où il restait de l'eau, et revenir. Ainsi. Plusieurs fois. Il avait cette fois dû s'éloigner un peu plus du Grand Arbre pour atteindre un point d'eau conséquent et pur, mais jamais, ô grand jamais, il n'aurait imaginé tombé sur ça.

C'était vraiment magnifique. Magique. La danse était prenante, si captivante. Autant qu'elle suscitait son admiration, elle donnait envie à Pretty de s'y joindre et de se déhancher en rythme, avec ce joli voile qui flottait du bout de ses mains graciles.

C'était aussi éblouissant que de voir Maman Laila et Bambi danser ; mais d'une façon totalement différente, difficile à expliquer. L'atmosphère dégagée n'était absolument pas la même.

On dit qu'elle vous hypnose, que les serpents danseraient sous ses injonctions.
Les rumeurs, paroles entendues un jour où il prêtait accidentellement attention aux discussions, sans vraiment se souvenir où, lui revinrent en mémoire. Et le reste afflua naturellement, murmurant à son oreille l'identité de la mystérieuse jeune femme ironiquement si bien connue.

Pretty aurait voulu s'approcher. Il voulait vraiment s'approcher, mais il ignorait si l'idée était bonne. Elle n'était pas des leurs. C'était une adulte, et il fallait se méfier des adultes. Plus encore de ceux qui étaient ainsi capables d'hypnotiser d'une danse trop belle -trop parfaite. C'en était presque louche. Pourtant Pretty était d'un naturel curieux. Curieux et joueur. Il suffisait d'attiser l'intérêt qu'il portait à une chose pour l'appâter, et la chose se révélait d'une aisance déconcertante. Il aimait faire ce qu'il voulait, était terriblement mauvais quand il s'agissait de résister à la tentation. Sûrement était-il trop impulsif et trop spontané.

Le jeune Perdu fut donc, comme de coutume, incapable de s'empêcher de courir le risque. Il s'échappa de sa cachette improvisée et, d'un pas sautillant, s'avança vers l'adulte -la Pirate, probablement. Elle ne semblait pas armée.

Et Pretty se planta face à elle, les yeux pleins d'étoiles. Il l'observa encore un peu de son regard curieux et sans gêne, un sourire malicieux aux lèvres. Puis, sans chercher à trouver une raison pertinente à sa présence ici, à expliquer rationnellement ce pourquoi il l'abordait, il s'exclama de sa voix cristalline :

▬ T'es trop belle !

Un ange passait qu'il rajoutait déjà, au comble de l'excitation.

▬ T'es la fille des rumeurs, hein ? L'hypnotiseuse ! Tu t'appelles comment dis ? Moi c'est Pretty !

Son sourire s'élargit.

▬ Tu danses super bien tu sais !

Il aurait pu poser mille et une autres questions ; pourtant, et fort heureusement pour la jeune femme, Pretty eut la décence de lui laisser le temps de souffler. Et de lui répondre, pourquoi pas.

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« Danse comme si ta vie en dépendait, petite. »

"Tu sais danser, petite?"

Je m'étais récemment rendue compte que je n'en avais aucune espèce d'idée. Je n'avais pas de souvenir d'une danse quelconque, quelque part. Mes souvenirs de l'autre monde étaient en train de disparaître, petit a petit.
Ou alors, je n'avais jamais su.
Temps qui passe, souvenir qui coule, et l'oubli, chaque jour plus grand. Les questions auxquelles on ne pouvait pas répondre, parce qu'on ne se rappelait plus du dernier jour ou c'était arrivé. Le vide, au fur et à mesure.

Et dans tout ce noir, une étincelle, soudaine. Un petit espoir, trois fois rien, mais guidée par la flûte de Salazar, l'intelligence du corps était revenue. C'était comme faire du vélo, au final. Chacune des cellules de mon corps se rappelait de ça. La danse.
Odissi.

Comment avais-je pu oublier tout cela?
C'est vrai.
Je n'avais pas dansé une seule fois depuis que j'étais entrée chez les Pirates. Toujours ce bon vieil instinct de survie des familles. Mais j'avais retrouvé ça, et il s'agissait d'entretenir ce cadeau.
Surtout pas dans la Taverne.

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L'Odissi reposait sur trois choses.
La première était une excellente condition physique. Check.
La seconde était la maîtrise du tribhang et de la séparation tête-corps-bassin. Check. A peu près.
La troisième était une émotion à exprimer. Ah.
Évidemment, des émotions, j'en avais en stock.
La haine de la chaleur, persistante.
La haine de Neverland, depuis le début.
Keith, plus récemment.
Saloperie de poison.

Tu lances tes épaules devant toi. Un. Deux. Pointe du pied en arrière.
Hanche sur l'avant. Un. Deux. Pointe du pied en arrière.
Mains qui s'élèvent, hanches qui se baissent.
Tu as mal au cœur, petite.

Dans le silence, tu accélères, en recherchant la grâce mais surtout l'effort physique salvateur, celui qui te videra la tête de tes pensées qui tournent et qui séchera les larmes de tes yeux. Voile serré contre toi, puis libre, et qui revient encore, tu es serpent, tu es oiseau, tu es la flamme qui danse dans la nuit.
Et personne ne te verra jamais comme ceci.
Tu resteras éternellement une adolescente peu reconnue.
Et maintenant, tu es en colère. Tu bouges comme une forcenée, pointe du pied, un, deux, pointe du pied, hanche, épaule, le voile, encore.

Et la voix de la gamine qui arrête tout.
Hein?

L'hypnotiseuse...Pretty...Tout allait très vite. Je reprenais à peine ma respiration, et une tornade blonde bouclée sortie de nulle part (preuve que je mollissais avec l'âge) qui venait me complimenter sur ma danse.
Un Garçon Perdu.
Merde, alors.
Manquait plus que ça pour rajouter du grand n'importe quoi sur la toile du grand délire de ma sordide existence de ces derniers temps.
J'étais malheureuse à en crever, et une petite princesse inconsciente venait me dire que je dansais bien. Neverland, pourquoi?

J'ai mis quelques secondes avant de comprendre qu'elle était convaincue que j'étais une hypnotiseuse, une vraie. Je n'avais aucune foutue idée de ce qui lui avait collé un truc pareil en tête, mais au vu de la situation, j'aimais autant garder ce surnom là.
J'étais censée être morte, d'une.
De deux, rien ne me disait qu'elle n'allait pas m'attaquer avec ses petits potes cachés dans les fourrés dans la seconde qui suivait.
Il ne fallait pas décevoir ton public, Sournoise. Il y en avait au moins une qui te regardait.

"Bonjour, Pretty.."

J'avais pris ma voix grave des grands jours, et j'adressais un large faux sourire à l'enfant.

"Tu as réussi à me trouver. Félicitations, petite. Par contre, je n'ai pas le droit de te donner mon nom..."

Invente un mensonge, un truc romantique pour ne pas avouer que tu n'as pas réussi a changer de nom en quittant le Grand Arbre, sinon tu passes pour une grosse conne et accessoirement, on se rappellera de toi.

"...parce que sinon, je ne pourrais plus jamais danser."

C'était vraiment prendre les gamins pour des cons, à ce stade.

"Mais tu peux m'en trouver un, si tu veux, Pretty. Ca me ferait très plaisir."

Et ça m'économiserait un mensonge, ce qui serait bien pratique.
C'était quand même étrange, qu'elle soie là, maintenant, cette petite. C'était dangereux. Très dangereux.

"Comment se fait-il que tu soies ici, seule, Pretty? C'est très dangereux pour une jeune fille, ici, tu sais."

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Pretty décelait quelque chose dans sa danse. Maintenant qu'il analysait ses mouvements et sa façon de se mouvoir, il y avait presque quelque chose de violent dans sa chorégraphie. On aurait dit qu'elle essayait désespérément d'expulser quelque chose de son cœur -ou peut-être bien de le garder profondément enfoui en elle, qui sait.
On aurait dit la haine.
Plus encore, La Fausseté y voyait de la passion. Dans son sens le plus pur. Prenant, dévastateur mais irrésistible. Quelque chose qui colle à la peau avec la force du désespoir. C'était captivant.

Pourtant, il n'avait eu aucun scrupules à interrompre la belle princesse mystérieuse. Il l'avait abordé, des étoiles dans les yeux, surexcité, et le flot de paroles avaient coulé avec fluidité. Il avait sorti à peu près tout ce qui lui passait par la tête, jusqu'à se souvenir que si il ne lui laissait pas une seconde pour répondre, tout cela risquait de se transformer en monologue bien ennuyeux. Ou encore il risquerait de la brusquer -et ça, franchement, ce serait le pire.

Il l'observa donc attentivement, elle et son voile, elle et son charme exotique. Elle et son large sourire avenant. Avec sa voix étonnement grave, mais qui au fond collait parfaitement à l'image qu'elle donnait d'elle même. Un quelque chose de rebelle sous des airs délicats.
Pretty trépignait, était admiratif ; presque aveugle, mais pas encore totalement.

"...parce que sinon, je ne pourrais plus jamais danser."

Ses mirettes bleutées dévisagèrent l'Hypnotiseuse avec curiosité -presque avec circonspection. Cela ressemblait à une histoire. Une de celles que racontaient Laila autour du feu, avant d'aller coucher tous ses enfants. Une belle histoire de princesse danseuse qui ne pouvait révéler son identité sous peine d'abandonner sa passion. Parce qu'elle avait passé un pacte avec un méchant, ou simplement parce que c'était le Pays de Jamais et que tout avait un sens sans avoir d'explications.
Le sourire de La Fausseté s'élargit comme en écho à celui de la danseuse. Vraies ou pas, ses paroles avaient eu le mérite de redresser les barrières de sa vigilance. Mais qu'importait la vérité. Si elle ne voulait pas révéler son terrible secret, Pretty n'insisterait pas.

"Mais tu peux m'en trouver un, si tu veux, Pretty. Ca me ferait très plaisir."

Le regard du jeune Perdu pétilla de plus belle.
C'était tout trouvé.
Il répondit quasiment aussitôt après elle, sa voix cristalline résonnant dans l'air avec amusement et conviction.

▬ Beauty.

Un prénom parfait, qui tombait sous le sens selon le point de vue d'un enfant du Grand Arbre.

"Comment se fait-il que tu soies ici, seule, Pretty? C'est très dangereux pour une jeune fille, ici, tu sais."

L'intéressé réfléchit un instant.
Il aurait pu dire que, tout bêtement, il était Livreur. Livreuse. Qu'il était ici pour ramener de l'eau à ses camarades. Rien de plus, rien de moins. Rien de bien exceptionnel. Au lieu de quoi, il trouva plus amusant de répondre tout autre chose, sur le ton de la confidence, se penchant un peu en avant comme s'il souhaitait que personne n'entende leur conversation.

▬ On m'a conté l'histoire d'une princesse sans nom au coeur déchiré, qui venait ici danser dans l'espoir que quelqu'un vienne la sauver.

Il s'était rarement senti aussi inspiré. Et il faudrait qu'il pense à remercier sa Maman pour toutes les histoires joliment contées, aussi.
Il se redressa un peu, l'air de rien, particulièrement amusé.

▬ ... On dit également que pour sauver cette princesse et réparer son cœur perdu, il faut danser avec elle.

Il se demandait vraiment si elle entrerait dans le jeu ou se ficherait de lui. Allez savoir. Cela valait néanmoins le coup de s'y essayer.
Son regard malicieux étincelait tandis qu'il en venait lentement mais sûrement au fait.

▬ Je ne pensais pas te trouver pour de vrai, Beauty.

Il s'inclina gracieusement, un sourire délicat aux lèvres.

▬ Me ferais-tu l'honneur de m'apprendre et de me laisser soigner ton cœur ?

S'il avait pu se laisser aller, il se serait certainement contenté d'éclater de rire à sa propre prestation.

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« Danse comme si ta vie en dépendait, petite. »

Beauty.
Eh.
C'était pas si mal.
T'arrivais pas a séduire un marin bourré, mais t'arrivais à faire rêver des gamines de douze-treize ans les doigts dans le nez en dansant près des lacs.
Quelle consécration dans ton existence.
Le pire dans tout ça, c'est que ça me faisait plaisir. Plaisir de voir de l'admiration dans le regard de quelqu'un.
Plaisir de se sentir un peu jolie, même dans le regard le plus inattendu du monde.
Te faut quand même pas grand chose, hein?

Et Pretty me raconta une histoire.
Une histoire très pointue, un peu trop. Précise, juste, et touchante. Une véritable histoire pour les enfants, qui parle poétiquement des "affaires des grands". Des amours déçues, de la mésestime, de l'espoir qui était mort.
Et de ceux qui tentaient de se battre contre tout ça, pour eux et pour les autres.
Etais-tu de cette veine là, Pretty?

Elle avait au moins eu le don de me faire sourire, cette histoire. Moi, la jolie princesse au cœur brisé qui dansait dans l'espoir qu'on lui répare, comme un genre de ballerine sortie de la machine, un automate, un rêve d'enfant dans la contrée de tous les enfants.

J'ai failli refuser la proposition.
Je n'avais pas envie , malgré la très belle histoire, d'avoir une gamine dans les pattes alors que je m'étais isolée ici pour danser.
Isolée, donc pour être seule, rappelons-le.
L'histoire de ma vie était-elle de m'isoler sans aucun succès?

Mais le regard plein de paillettes de Pretty acheva de me faire faire ma connerie, comme si tout allait bien.
J'avais déjà eu ce regard, sur les livres de Squint. Et s'il m'avait rejetée à ce moment là, j'aurais été si triste.
Je ne pouvais pas décemment infliger un truc pareil, après réflexion.
Puis, ça m'occuperait l'esprit.

"L'Art de la Danse est plus compliqué qu'il n'y paraît, jeune fille. Il est exigeant, et demande un entraînement régulier. Parfois, tu auras mal aux muscles, mais il te faudra continuer. Parfois, tu tomberas, une fois, deux fois, dix fois. Mais il te faudra te relever et danser encore. Ce sera difficile. Ce sera épuisant. Mais si tu en as vraiment envie, alors, c'est possible."

Avec un peu de bol, elle refuserait, fin de l'histoire, merci, bonne soirée.
Sinon, j'allais devoir m'improviser prof de danse, moi qui venait juste de découvrir que je savais ce que j'ignorais.
J'étais la reine des idées de merde.

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Beauty ; cela lui était venu tout seul. Le plus naturellement du monde, parce que c'était ce qui ressortait le plus de cette jeune femme qu'il avait nommé telle une enfant perdue. Ce qu'elle était probablement plus qu'il ne s'en serait jamais douté.
L'histoire, en revanche, avait été plus inspiré d'autrui que de Pretty lui-même. Il fallait dire qu'il y avait une foule de bons conteurs au Grand Arbre ; pour la plupart une foule de bonnes conteuses. Des Mères qui ne l'étaient pas pour rien. Laila. Laila aimait la danse, la lui apprenait même. Alors, lorsqu'il lui demandait parfois timidement, craignant presque de l'embêter, de lui raconter une histoire, cela tournait souvent autour des princesses et de la danse. Souvent teintés d'une certaine mélancolie mais toujours dotés d'une bonne fin, ces récits poétiques lui plaisaient énormément et, à vrai dire, l'avaient beaucoup aidé pour la manœuvre qu'il venait d'effectuer.

En fait, il aurait presque cru voir le regard de l'Hypnotiseuse scintiller doucement, comme une étoile lointaine dans le firmament, au fur et à mesure qu'il prononçait ses paroles de sa voix cristalline et espiègle. Cela lui avait plu, lui semblait-il. Il en était démesurément et stupidement fier. Un peu comme s'il venait de faire une prouesse sous les yeux ébahis d'une personne qu'il tenait en haute estime.
Ce qui serait, pour un peu, presque le cas.

"L'Art de la Danse est plus compliqué qu'il n'y paraît, jeune fille. Il est exigeant, et demande un entraînement régulier. Parfois, tu auras mal aux muscles, mais il te faudra continuer. Parfois, tu tomberas, une fois, deux fois, dix fois. Mais il te faudra te relever et danser encore. Ce sera difficile. Ce sera épuisant. Mais si tu en as vraiment envie, alors, c'est possible."

Ses mirettes bleutées pétillantes, son sourire se teintant d'une joie sincère, Pretty buvait littéralement les paroles de la jeune femme. Son expression se faisait déterminée : il le savait déjà, tout cela. Il lui arrivait de souffrir beaucoup lorsqu'il s'entraînait avec un peu trop d'ardeur avec Laila et Bambi. Néanmoins il y avait de fait toujours sa Mère auprès de lui pour le réconforter lorsqu'il bloquait sur un mouvement et se décourageait un peu, et l'infirmerie n'était jamais bien loin si d'aventure un accident survenait.
Là, il serait en quelque sorte livré à lui-même. Avec une parfaite inconnue potentiellement dangereuse et pourquoi pas armée jusqu'aux dents malgré toute sa jolie prestance, murmura sa raison dans un recoin de sa tête.

Il donna un coup de pied dans le derrière de sa raison et l'envoya valser au loin. Ce n'était pas la première fois que son naturel joueur supplantait son bon sens -et ce ne serait pas la dernière, tant qu'il parviendrait à se sortir des positions délicates dans lesquelles il se fourrait en conséquence de quoi régulièrement.

Alors Pretty s'avança vers Beauty, doucement, ne désirant nullement la braquer. Avec tout autant de lenteur, il lui piqua son voile des mains. Sans jamais la quitter du regard -comme s'il la consultait du regard, lui demandait son autorisation.
Il n'y voyait aucune animosité. Peut-être juste un peu de réprobation, qui sait. Mais si ce n'était que cela, il pouvait largement passer outre. S'il comptait le nombre de fois où il avait déjà câliné des gens malgré leur regard réprobateur...

▬ Pas de soucis, princesse... Je soignerai votre cœur malgré tout.

Il prit donc le voile entre ses mains et son regard pétilla de plus belle. La Fausseté s'éloigna alors de quelques pas légers, gracieux, la défiant d'un sourire amusé. Il se remémora avec soin l'un des mouvements que l'Hypnotiseuse avait effectué, un peu plus tôt, et qu'il avait trouvé particulièrement éblouissant. Il le reproduit.
Voile dans les mains, mains sur une hanche, coup de hanche et on avance en même temps d'un pas.

Puis il s'arrêta et pencha la tête sur le côté, tout souriant, interrogateur.

▬ Comme ça, Beauty ?

Il lâcha un petit rire, doucement. Presque timidement, comme s'il testait encore avec soin les possibles réactions de la possible pirate.
La possible princesse pirate.

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Ombres indiennes et voiles dorés.

« Danse comme si ta vie en dépendait, petite. »

Comment est-ce que j'en étais arrivée là, exactement?
Quelle misère.

Pretty avait l'air remarquablement déterminée à danser, et cela ne m'arrangeait genre absolument pas. Et, alors que j'étais en train de réfléchir, elle s'était approchée, à tout petits pas. Et elle avait délicatement pris le voile de mes mains, en cherchant mon assentiment.
Sur cette planète, y'avait encore quelqu'un qui avait quelque chose à foutre de mon avis, de mon opinion, et de ma possibilité de refuser.
C'était une gamine blonde qui rêvait de danser.

Je me suis subitement sentie comme la plus grande usurpatrice de la Terre. Comme si ce conte de fées, ce petit conte de fées l'espace d'un instant, je n'y avais pas droit. Et pourtant, être toujours l'usurpatrice de quelque chose, c'était ma nature, non?
C'était bien ça, qu'avait dit Peter, en me nommant la Sournoise, au lieu de, je sais pas, l'Indienne, l’Épicée, la Belle, tout ça.
J'étais juste une putain de menteuse, et j'allais dire à Pretty que tout s'arrêtait là, récupérer mon voile à la con, le remettre sur ma tringle à rideaux, et dormir.

Et la graine plantée du doute germa.
C'était pour ça que Keith m'avait repoussée.
Parce que j'étais la Sournoise.
En plein cœur, Shifty. En plein cœur.

Mais t'allais pas te mettre à chouiner comme une môme devant un Garçon Perdu, hein? T'étais plus une petite fille. T'étais une femme, une vraie, qui est assez grande pour décider toute seule, et qui a besoin de personne!
Pauvre tache.

Et regarde la, Pretty, qui tente de t'imiter et qui..
Hé.
Ca manque de finitions, genre violent, mais le geste est pas dégueulasse. Bon, le tribhang, on en voit pas non plus la couleur, mais pour un premier pas, c'est pas trop mal. Cependant, ça va demander du travail.
Et ça m'occupera plus que sainement.

Je m'installe a coté de la jeune fille, et je dénoue ce qui me sert de ceinture pour me faire un genre de voile. D'accord, ça ressemble fort à un torchon, mais ça fera l'affaire en attendant.
Et je remontre le mouvement, très lentement.

"C'est très bien. Mais tu peux accentuer encore sur les hanches. Et il faut que tu gardes la tête droite. Fixe un point droit devant toi, et refais le mouvement."

Et je recommençais, inlassable.
Un. Deux. Trois et Quatre.

Et je continuais l’enchaînement, coup de hanche, mains en l'air, tête sur la gauche.

"Il faut comprendre que pour danser comme ça, tu es composé de trois parties. La tête, le torse, et les jambes. Et les trois parties bougent séparément, tu vois?"

Nouvelle démonstration.

"Montre-moi, maintenant."

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Pretty était loin d'être la personne la plus observatrice de l'Île -très loin, même. Bien qu'attentif aux réactions d'autrui, ne serait-ce que pour vérifier comment son entourage prenait ses petits jeux ou pour s'assurer qu'il était suffisamment crédible aux yeux de son interlocuteur dans ses différents rôles, rares étaient les fois où il prenait véritablement la peine de scruter sa compagnie du moment pour déceler chacune des émotions qui la traversait. En cet instant, il n'avait jamais cherché qu'à savoir si Beauty s'énerverait de constater que son voile glissait doucement de ses mains à ceux du jeune Perdu. Il n'avait pas spécialement voulu la démasquer.
Il n'avait pas spécialement voulu démasquer la tristesse qui se dissimulait tant bien que mal dans son regard. Il ne l'avait pas fait exprès, mais le voilà qui découvrait involontairement que sa petite histoire était, en fin de compte, terriblement plus véridique qu'il ne l'avait imaginé au premier abord.

Il décida de l'ignorer. De faire comme s'il n'avait rien remarqué. Ce n'était pas ses affaires après tout, si ?
Même s'il venait juste de dire à la princesse qu'il réparerait son cœur brisé.
Fichtre.

Tout en se plongeant dans ses pensées, et prenant soin de maintenir son sourire enjoué aux lèvres, La Fausseté s'était finalement emparé du voile et avait reproduit aussi fidèlement que possible l'un des mouvements qu'il avait aperçu avec plus de clarté que les autres. Il avait jeté un coup d'oeil curieux à Beauty, l'interrogeant sur la réussite de son bout de danse. Et les yeux de Beauty s'étaient presque illuminés, l'espace d'un instant. C'était surtout la surprise qui s'y lisait, mais Pretty en était certain, il avait vu une petite lueur briller dans son regard sombre. Et il fut totalement incapable de s'empêcher de sourire jusqu'aux oreilles.
D'accord. Peut-être qu'il avait véritablement envie de sécher les larmes de Beauty, finalement.
Il y prenait déjà goût.

La princesse au cœur brisé s'avança ensuite vers lui, s'improvisa un voile, puis répéta le mouvement. Bien plus joli, bien mieux maîtrisé. Le Livreur l'observait avec insistance, de ce genre de regard qui d'ordinaire en mettrait mal à l'aise plus d'un, mais qui se révélait somme toute parfaitement adapté à la situation. S'il ne la fixait pas attentivement, il ne voyait pas comment il pourrait mémoriser les mouvements. Ils n'avaient pas d'immense miroir pour savoir à quoi ressemblait leur prestation.

"C'est très bien. Mais tu peux accentuer encore sur les hanches. Et il faut que tu gardes la tête droite. Fixe un point droit devant toi, et refais le mouvement."

Accentuer hanche. Tête droite. Point fixe.
Ok. C'était retenu.
Le sourire de la fausse demoiselle s'effaçait peu à peu, laissant place à une expression de concentration intense. Il buvait ses paroles, la dévorait du regard. Sans vraiment le faire exprès. Lorsqu'il choisissait d'apprendre quelque chose, Pretty passait effectivement d'un gamin prêt à faire toutes les pitreries du monde à un élève sage et ô combien attentif.
Il était curieux. Il adorait apprendre. Et cela se voyait.

"Il faut comprendre que pour danser comme ça, tu es composé de trois parties. La tête, le torse, et les jambes. Et les trois parties bougent séparément, tu vois?"

La Fausseté hocha la tête, se pinçant un peu les lèvres tandis qu'il la regardait recommencer, observateur.

"Montre-moi, maintenant."

L'intéressé s'exécuta sans rechigner. Il refit le mouvement, tant absorbé dans sa concentration qu'on aurait presque pu apercevoir la fumée lui sortir des oreilles.
Ah, mais non. Il avait oublié de tenir sa tête droite.
Il recommença. Point fixe, point fixe.
Encore. Les trois parties devaient bouger séparément. Oui, voilà. Ça avait l'air d'être ça.
Il dansa une ultime fois le mouvement puis jeta un coup d'oeil interrogateur, presque incertain à Beauty. Son sourire était revenu -mais c'était désormais un sourire plus tranquille et bien moins espiègle.

▬ C'est mieux ?

Après quoi il se permit de rajouter, toujours un peu pensif :

▬ ... Dis, princesse. T'as perdu ton cœur ou bien il s'est brisé ?

Bon. Trop tard.
Sa curiosité s'était irrémédiablement muée en intérêt.

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« Danse comme si ta vie en dépendait, petite. »

Arf, non.
Regarde droit devant toi, petite. DROIT DEVANT TOI.
Ah, tu recommences.
C'est mieux, mais tu as oublié les trois points du corps. Un, deux, trois. Tête, torse, jambes. Recommence.
Je n'ai rien besoin de te dire, tu sais déjà ce qui coince.
Encore.
C'est mieux.
C'est bien mieux.
Les positions restent a peaufiner, mais l'esprit est là, dans une drôle de gamine blonde a peu près aussi éloignée des Indes que le cheval de trait de la sirène moyenne. Comme quoi, la culture, ça se partageait, et ça pouvait se retrouver n'importe ou.
Même chez les enfants du Grand Arbre lobotomisés par Pan.
Ca pour une surprise.

L'enfant revient vers moi, comme si elle savait déjà qu'elle avait réussi. Elle me pose la question tout de même, pour la forme, je le crois.
J'acquiesce, d'un signe de tête.

"Bien mieux. On appelle cette posture le tribhang. C'est la base de cette danse. Travaille le, avec acharnement. Et ça ira tout seul."

C'est que tu finis par avoir envie de lui apprendre à danser correctement, à cette petite. Ne serait-ce que pour te rappeler un peu ton chez-toi, ton ailleurs, tes Indes avec ses épices, ses couleurs, ses odeurs. Tu te sentirais presque dans ton élément.

Et le charme est rompu par la question qui fusille et qui te fout une boule dans la gorge.
T'as perdu ton coeur, ou il est cassé?
Il est cassé, petite.
Il est ruiné, brisé, par un alcoolique.
Regarde comme elle est belle, ta prof de danse, petite. Regarde.

Je réponds, en regardant ailleurs.

"Il est cassé, Pretty. Et je ne sais pas comment ça se répare."

Je connaissais bien un type, il y a longtemps, qui avait réparé mon crâne félé. Mais les coeurs? Même lui n'aurait rien pu faire.

"Ca doit certainement se réparer en dansant. Je te montre autre chose, si tu veux."

Histoire de changer de sujet.
J'allonge les jambes, bras en l'air, avec le voile. Hanche qui remonte. Un-deux. Tourne.
Les cheveux dans les yeu, qui volent aurout de mon visage au gré des mouvements, j'ai envie de pleurer.
Fille de rien.
Moins considérée qu'une putain.
Quand tu rentreras chez toi, personne ne voudra de toi.
T'es rien.
La larme perle et roule, en dansant.
A l'intérieur, c'est tout ravagé.

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Et Pretty reproduisait donc les mouvements, tentant de cerner par lui-même ce qui ne convenait pas aux instructions précédemment données, recommençant au besoin et parfois parce qu'il décelait un petit quelque chose de réprobateur dans le regard de sa nouvelle professeure de danse.
Lorsqu'il jugea que sa prestation méritait enfin un avis de la part de la jeune femme, il se tourna finalement vers elle et lui posa tout simplement la question, sourire tranquille et espiègle à la fois aux lèvres.

"Bien mieux. On appelle cette posture le tribhang. C'est la base de cette danse. Travaille le, avec acharnement. Et ça ira tout seul."

Tribhang. Le jeune Perdu fit de son mieux pour intégrer le terme dans son esprit -même s'il demeurait à peu près persuadé que d'ici quelques minutes, si elle lui demandait de lui ressortir le mot en question, il serait incapable de se souvenir de celui-ci. Ma foi. Cela finirait sans nul doute par s'ancrer définitivement dans son cerveau à force de répétition.
Juste comme venait de le dire Beauty d'ailleurs. Il allait donc devoir s'entraîner sur ce mouvement de son côté afin de le parfaire et rendre les leçons plus rapides. Plus fluides et plus agréables aussi, très certainement. C'était toujours plaisant de voir et de savoir que son élève avait pris le temps de s'acharner de son côté à réussir les points donnés. Pretty appréciait tout autant d'être à la hauteur des attentes que certains pouvaient avoir pour lui. Il ferait donc de son mieux. Et, à vrai dire, la question ne se posait de son point de vue même pas. Il faisait toujours de son mieux.

Il faudrait qu'ils trouvent un moyen de se revoir régulièrement, donc. Il pouvait toujours y réfléchir un peu et, si besoin, il n'y aurait pas de mal à faire part de sa pensée à la princesse au cœur brisée.

Puis les pensées avaient filé et La Fausseté avait été incapable de s'empêcher de poser la question suivante. Il le regretta presque en voyant que cela sembla faire souffrir plus encore le cœur -déchiré ou perdu- de Beauty.
Ça avait l'air de déborder en elle. Elle semblait a contrario d'un naturel plutôt calme et posé ; et cela détonnait d'autant plus, jugea-t-il distraitement.
Cerise sur le gâteau, son regard sombre le fuyait tandis qu'elle répondait à l'interrogation.

"Il est cassé, Pretty. Et je ne sais pas comment ça se répare."

L'intéressé lui adressa un sourire un peu désolé, compatissant.

"Ca doit certainement se réparer en dansant. Je te montre autre chose, si tu veux."

Le sourire s'illuminait de nouveau, comme si de rien n'était, puis la fausse demoiselle retrouva instantanément toute sa concentration tandis qu'il découvrait ce nouveau mouvement avec une attention toute particulière.

Le rythme et les gestes s'ancraient lentement mais sûrement dans l'esprit du Livreur qui la détaillait méticuleusement, des pieds à la tête, et surtout de la tête aux pieds en passant par les hanches. Les trois points du corps, séparés. Ne surtout pas oublier. C'était à l'évidence crucial pour cerner la nature de ce type de danse très exotique.
Il aperçut la larme couler sur la joue de la princesse au cœur brisé ; ne fit aucun commentaire dessus. Il n'allait pas non plus détruire sa fierté, si ?

Puis, lorsque La Fausseté considéra avoir suffisamment mémorisé la chose, il tenta de la reproduire. En fronçant les sourcils, presque en tirant langue sous la concentration, un peu maladroit au début. Même très maladroit, en fait, c'était palpable.
Il grimaça.

▬ Hum. Tu peux me remontrer, Beauty ?

Une hésitation. Une brève hésitation, il fallait l'admettre. Son sourire était joyeux, son regard un peu pensif.

▬ ... J'aimerais bien qu'on se revoit après. Je veux dire, je vais avoir besoin de toi pour m'apprendre à danser comme ça.

Ses mirettes bleutées se levèrent sur Beauty et se faisaient interrogatrices.

▬ Comment on pourrait faire pour s'organiser ça ?

D'autant que, il avait un cœur brisé à réparer lui. Il avait du pain sur la planche.

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Ombres indiennes et voiles dorés.

« Danse comme si ta vie en dépendait, petite. »

Rholalalala.
J'avais séché mes larmes en la regardant tenter le tribhang. Avec application, en tirant la langue, en mobilisant toutes les énergies possibles pour tenter de bien faire. C'était maladroit, c'était...
D'accord, c'était vraiment pas excellent.
Mais je n'arrivais pas à poser un regard malveillant ou moquer sur Pretty, ça, non. Tant d'acharnement, tant d'énergie pour tenter de réaliser à la perfection ce mouvement si technique, eh ben c'était pas risible.
C'était pas ridicule, pas du tout. C'était même plutôt courageux, de s'atteler à un truc pareil si vite, après vingt minutes de danse.

Elle était courageuse.
Ça en faisait une sur les deux, pensais-je subitement.

Grand sourire vers la petite blonde. Et je me redresse, j'étire ma colonne vertébrale, et je remontre, encore et encore, jusqu'à ce que ça me brûle. Je me sentais presque mieux, maintenant, et l'effort physique m'avait fait énormément de bien.

Mais il faudrait des leçons supplémentaires. Pretty n'allait pas devenir experte de la danse en une demi-heure à coté d'un point d'eau. Il nous faudrait un moyen de nous retrouver, et...
Et comment est-ce qu'on allait s'y prendre.

Visiblement, la jeune fille pensait exactement comme moi. Il nous faudrait une solution. Comme avec Grudge, pour se retrouver, mais pas la même. Il ne fallait surtout pas que les messages se croisent, se mélangent, et que les deux filles se retrouvent ensemble un jour. pour leur bien, leur bien à toutes les deux.
Et puis, l'identité de Beauty me plaisait bien, et je n'avais pas l'intention de révéler tout de suite que j'étais en réalité une serveuse dans un rade pourrave qui mentait comme elle respirait. Petite question d'ego, non? Il était grand temps que je me mette à en avoir, de l'ego, après tout.

"On pourrait...attends, j'ai une idée."

Je décrochais une sangle de mes vêtements, en l'examinant attentivement. Si on attachait une bouteille, avec un message à l'intérieur, un message codé, et qu'on le plongeait dans l'eau. Alors, on pourrait se retrouver.
Je saisissais un bâton et traçais des symboles dans le sol.

"Regarde. On peut partir de là. Un carré, c'est une journée. En fonction du nombre de carrés, on sait quand on se retrouve. Ou alors, on peut compacter, genre sept carrés, on fait un rond, comme ça ça permet de faire plus simple. Et ainsi de suite. On met le message dans une bouteille, qu'on met dans l'eau, c'est plus sur. On l'attache avec une ficelle, une sangle, et voila. Ca te convient, comme idée?"

J'espérais que ça lui convienne.
Et qu'on puisse se revoir.
Ça me ferait du bien, de la revoir. Et d'oublier les peines de coeur, et Keith, et les espoirs déçus.
Et on danserait encore.

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Aussitôt la demande faite, un large sourire naquit sur les lèvres de Beauty ; un sourire qui ne tarda pas à trouver écho chez Pretty. Là. Beauty portait beaucoup mieux son prénom en révélant une expression aussi radieuse. Puis, c'était un fait connu : les larmes ne seyaient pas aux demoiselles. Il était relativement fier d'être parvenu à la consoler, ne serait-ce qu'un peu.
Cependant il n'eut pas le loisir de s'étaler sur sa petite victoire, sa professeure de danse effectuant déjà ses nouvelles démonstrations.

Les sourcils froncés, demeurant aussi attentif que sa concentration sous un soleil de plomb le lui permettait, Pretty décortiquait petit à petit les gestes élégamment effectués, en cernant lentement mais sûrement la mécanique. Et, lorsqu'il eut la sensation qu'il pouvait de nouveau faire une tentative sans insulter cette jolie danse exotique, il se joignit à la jeune femme et cala méticuleusement ses mouvements sur les siens, s'adaptant rapidement à son rythme.
C'était fou comme cela lui paraissait facile d'un seul coup, quand il suffisait à priori de mimer L'Hypnotiseuse comme un miroir.

Lorsque les muscles du jeune Perdu semblèrent brûler plus fort qu'un volcan en éruption et que sa respiration quoi qu'étonnement régulière, commença à lui manquer ; seulement là, Beauty s'arrêta de danser.
Elle en avait gros sur le cœur, c'était évident. A voir sa danse, à voir l'énergie qu'elle y mettait.
Enfin, non. Pas l'énergie. Le trop plein d'émotions, plutôt.
La Fausseté avait peiné à suivre, mais, ma foi, il avait fait de son mieux.

Venait à présent le problème pour se revoir. Pour se revoir discrètement, sans éveiller les soupçons, et continuer de danser et de réparer le cœur brisé de la princesse. Le Livreur observa avec curiosité la probable Pirate détacher une sangle de ses vêtements (il faudrait qu'il pense à lui rendre le voile qu'il tenait toujours dans sa main d'ailleurs), la fixer un instant, puis prendre un bâton et commencer à y tracer des symboles au sol. Pretty se pencha avec intérêt sur les dessins.

"Regarde. On peut partir de là. Un carré, c'est une journée. En fonction du nombre de carrés, on sait quand on se retrouve. Ou alors, on peut compacter, genre sept carrés, on fait un rond, comme ça ça permet de faire plus simple. Et ainsi de suite. On met le message dans une bouteille, qu'on met dans l'eau, c'est plus sur. On l'attache avec une ficelle, une sangle, et voila. Ca te convient, comme idée?"

Le jeune Perdu adressa un sourire ravi à Beauty.

▬ C'est parfait ! S'exclama-t-il joyeusement.

Parfaitement simple à retenir, surtout ! Il se sentait à présent tout excité à l'idée de pouvoir retrouver Beauty à d'autres reprises pour apprendre à danser avec elle : cela promettait d'être sacrément amusant, songea-t-il, tout content.
Pretty prit à son tour un bâton entre ses mains et, espiègle, traça cinq carrés à même le sol.

▬ Cinq jours, ça te paraît raisonnable comme premier délai ? Il lui lança un sourire en coin. J'vais avoir besoin d'un peu de temps pour maîtriser le tribhang.

Si c'était pas une gentille preuve de bonne foi, ça.
Ah ! Par contre...
Sa mine se fit soudain une peu plus sérieuse -presque soucieuse.

▬ Si on a un imprévu et qu'on peut finalement pas venir... Il barra les cinq carrés comme exemple et dessina en dessous au hasard, un rond. On peut barrer le premier délai et en proposer un autre ? Il coloria ensuite le rond rapidement. Et si on est d'accord avec le nouveau délai, on colorie le tout pour le faire comprendre ?... Il faudra qu'on revienne régulièrement jeter un œil à la bouteille, par contre.

Il pencha la tête sur la côté. Il espérait s'être fait comprendre.

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Ombres indiennes et voiles dorés.

« Danse comme si ta vie en dépendait, petite. »

La gamine percutait vite, et c'était une très bonne nouvelle. Elle avait compris le code directement, j'avais pas eu à réexpliquer dix fois, c'était très bien.
Baton en main, elle traduisait directement ce qu'on s'était dit, et ma foi ça fonctionnait plutôt pas trop mal. Cinq jours, ça me laissait le temps de préparer une vraie leçon, un truc qui pète un peu plus de classe qu'un cours au débotté sans aucune structure.
Puis il fallait qu'elle se trouve un voile à elle, parce que je n'étais pas exactement approvisionnée pour faire danser la moitié de l'île.
Enfin.
Ce serait une charmante distraction.

"Cinq jours, c'est très bien. Mais sois discrète lorsque tu travailles. Je doute que beaucoup dansent de cette manière au Grand Arbre, et il faut te protéger. Ce sera notre petit secret, Pretty. Et surtout, ne parle jamais de moi. Je ..."

Je suis connue, donc merci, évoque pas mon existence, je suis censée être morte et enterrée, merci bien.

"Je préfère rester discrète. Les coeurs perdus attirent souvent les mauvaises personnes, tu sais. Mais toi, je te fais confiance pour garder notre secret en sécurité."

Et si j'avais su que j'avais la Fausseté en face de moi, j'aurais eu envie de me tirer une balle dans le genou, certainement. C'était idiot de faire confiance.
Mais elle me faisait confiance aussi.
Qui était la plus idiote des deux, alors?

"Le système complémentaire me va. Je me permets juste de rajouter que si la bouteille a disparu, et que l'une d'entre nous s'en rend compte, il faut attacher un morceau de voile a une branche. Cela signifie que la position est compromise, et qu'on se donne un rendez vous autre part. Il faudra le symboliser sur le bout de tissu."

J'allais continuer ma phrase, mais je me suis redressée, tendue comme un ressort.
Un bruit, dans les buissons.
J'ai fait signe à Pretty de ne pas faire de bruit, et, le corps tendu comme un arc, j'ai attendu.
Longtemps.
Très longtemps.
C'était un lapin.
J'étais décidément très nerveuse.

"Tu vérifieras bien que tu n'es pas suivie en venant. Cela nous évitera ce genre de surprises."

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Pretty hocha la tête aux instructions données par sa nouvelle professeure de danse. Il allait effectivement falloir qu'il se montre aussi discret que possible ! Il devrait s'éloigner du Grand Arbre durant ses séances d'entraînements et, s'il se faisait repérer malgré tout, inventer une excuse plausible afin de pas attirer les soupçons. Ce serait certes un peu délicat à gérer mais il serait prêt à faire l'effort. Parce que ce sera leur petit secret. Et que tant de mystère avait de quoi rendre Pretty tout excité -et nerveux. Ce serait grisant. Et pour une fois il jugeait que ce n'était pas des ennuis... Pas que des ennuis qu'il s'attirait là.

Il avait une princesse à sauver après tout.

"Je préfère rester discrète. Les coeurs perdus attirent souvent les mauvaises personnes, tu sais. Mais toi, je te fais confiance pour garder notre secret en sécurité."

Nouveau hochement de tête, accompagné cette fois d'un large sourire lumineux. La Fausseté se laissait certainement trop attendrir dès lors que le mot confiance entrait dans la conversation. Il appréciait de se savoir digne de confiance. Et elle n'avait pas tord en précisant cette histoire de coeur perdu et de mauvaises personnes. Beaucoup aimaient profiter de la faiblesse d'autrui. Pretty en faisait peut-être partie mine de rien, lui qui avait sauté sur la peine de la jeune femme pour l'encourager à lui donner des cours de danse.

"Le système complémentaire me va. Je me permets juste de rajouter que si la bouteille a disparu, et que l'une d'entre nous s'en rend compte, il faut attacher un morceau de voile a une branche. Cela signifie que la position est compromise, et qu'on se donne un rendez vous autre part. Il faudra le symboliser sur le bout de tissu."

Encore et toujours le hochement de tête, celui qui disait qu'il était d'accord et n'avait en somme rien à rajouter.
Du moins presque.

Pretty ouvrit la bouche, s'apprêta à prononcer quelques paroles réclamant la suite du cours de danse ; cependant un bruit fit décoller son cœur de sa poitrine et il s'immobilisa avant même que L'Hypnotiseuse ne lui en ait donné l'indication d'un signe de main.

Qui cela pouvait-il être ? Le jeune Perdu était certain de ne pas avoir été suivi. Ce trajet était parfaitement connu des Livreurs et relativement sûr, aussi il n'avait pas besoin d'être accompagné pour augmenter ses chances de survie. Il ne courrait aucun risque en empruntant cette route, il en était intimement persuadé -plus que de mesure, probablement.

Un silence de mort pesait sur le duo efféminé.
Le genre de silence qui durait une éternité et une fraction de seconde à la fois.

Le tout, pour finalement laisser place à un lapin qui bondit tout à coup des buissons et provoqua un sursaut ridiculement excessif chez Pretty. Bon. D'accord. Il s'était mis les nerfs à vif pour un rongeur.
Il n'était même plus d'humeur à danser avec cette frayeur, remarqua-t-il tandis qu'il jouait pensivement avec le voile qu'il avait plus tôt chapardé à Beauty.

"Tu vérifieras bien que tu n'es pas suivie en venant. Cela nous évitera ce genre de surprises."

La fausse demoiselle, désormais plus détendue, se tourna vers la princesse au cœur brisé puis lui tendit son voile, paume vers le ciel.

▬ Je suis d'accord. D'ailleurs... Cette frayeur, quoi que malvenue, avait au moins eu le mérite de lui remettre le cerveau en marche. Convenablement. Je crois que si je m'attarde trop ici on va finir par se poser des questions. Je ne mets pas si longtemps à faire l'aller retour, d'habitude. Il vaut mieux que je rentre maintenant !

C'était presque désolé qu'il adressait ces dernières paroles à sa professeure.
Dès qu'elle aurait répondu, il irait chercher son sceau, prendrait le chemin vers une autre source pour brouiller les pistes et récupérer malgré tout de l'eau comme il l'avait au départ prévu.
Puis il retournerait au Grand Arbre, tout simplement.

... Et il travaillerait son tribhang.

Hrp:

✘ AVENTURES : 2537

The End

Tout cela relevait d'une bien joli idée,
Et Pretty en Shifty voyait belle amitié !
Mais c'était sans compter les farces de Jamais,
Qui emportèrent Shifty d'une entaille bien placée,
Que deviendrait alors cet étonnant projet ?
Seul l'avenir précaire de l'île nous le dirait...

FIN DE L'AVENTURE

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