Le Printemps est bien installé, à présent. La vie sur l’Île de Jamais a repris son cours, à tel point que certains peuvent déjà avoir oublié l’hiver glacé par lequel ils sont passés. D’autres, nouveaux venus, ont même le privilège de ne l’avoir jamais connu.

Le Port, délaissé de l’apparition du Virus jusqu’au dégel, a lentement repris vie. Certains ont trouvé leurs habitudes au Ranch et choisi d’y rester. D’autres ont bravé vents et marées pour retourner dans leurs bicoques malmenées par la neige et le froid. Mais finalement, pirates de terre comme de mer ont retrouvé leurs rafiots, leurs murs, et la routine -si tant est qu’elle puisse exister sur cette Île.

Mouillant au milieu de la baie, comme si rien ne s’était passé, trône le Jolly Roger. Fier et droit, comme s’il n’avait pas passé plusieurs éternités dans des eaux glacées, contrôlé par un Malade. Comme si le réveil de ce dernier n’avait pas sonné la fin de quelque chose, et le début d’une nouvelle révolution qui ne fait que se chuchoter dans les plus petits recoins, aux heures où les oreilles sont les moins affûtées... Ou peut-être qu’il ne se dit rien, au fond. Les murmures du vent sont parfois les plus parlants.

Sur le navire, matelots s’affairent. On nettoie, on astique, on recoud, on cire, on crie des ordres parsemés d’insultes, on surveille...

On surveille, et pourtant personne ne semble prêter attention à cette lueur Étincelante qui s’approche dangereusement. Trop rapide, certainement. Plus encore pour leurs yeux fatigués. Cela l’arrange. Elle a survolé les énormes bicoques et le calme océan, se faufile à présent sur le pont, plus part curiosité que parce qu’il s’agit de sa route.

Il y aurait bien quelques tours à jouer à ces adultes blasés, sans la moindre trace d’imaginaire... mais elle est en mission, et n’a pas le temps. Au retour peut-être... Si cette rencontre ne lui donne pas entière satisfaction.

Enfin, elle s’éloigne du bastingage pour admirer la coque, jusqu’à trouver l’ouverture promise. Bien assez discrète pour être habituelle, ce qui la conforte dans son opinion : certes, elle joue un jeu dangereux... mais qui ne le fait pas, sur cette Île ?

Et chacun sait jusqu’où une Reine est capable d’aller pour le bien de son peuple.

D’un battement d’ailes agile, elle entre dans la cabine, survole rapidement l’endroit avant de se poser sur le bras d’un élégant fauteuil faisant face à celui de son interlocuteur, qu’elle fixe droit dans les yeux de son port altier malgré sa quinzaine de centimètres, avant de lui accorder un sourire et un léger hochement de tête.

« Capitaine James Hook. »

A-t-il vraiment fallu tant de temps inexistant pour que cette rencontre ait enfin lieu ?

Sur le Jolly Roger, les pirates vaquaient à leurs occupations. La plupart physiques, d'autre fois plus intellectuelles. Ça chantait avec entrain, ça hurlait, parfois des ordres, à d'autres moments de douleur ou des insultes.
Le travail était rude. Dangereux.
Laver le pont, réparer ce qui était cassé, entretenir les voiles, vérifier si le rafiot nécessitait un carénage, surveillance des alentours...

Surveillance des alentours ?

Non, ça, jamais.

Hook était entièrement de retour, cette dernière tache n'avait donc aucun intérêt. Tout le monde sur l’île et même par delà connaissaient bien la réputation du Crochet, et rien que par ce fait, rien ni personne ne se permettrait une quelconque tentative d'invasion.

Il faudrait être fou.

Ou fée.

A l’intérieur de sa cabine, James Hook s'activait lui aussi.
Un large cahier qu'il feuilletait avec attention posé devant lui, sur son bureau de magnifique facture, sourcils froncés, petites lunettes rondes vissées sur son nez aquilin, avec délicatesse et lenteur il tournait les pages, trempait à l'occasion une plume dans l'encre noire de chine pour annoter quelques chose de son écriture fine et délicate.
Propre.
Jamais une tache.
Jamais une faute.
Le capitaine faisait les comptes.

Pas ceux de la trésorerie, cependant. Il laissait ça à un autre.
Non. Pour ce temps inexistant, il répertoriait ses troupes.
Du Jolly jusqu'au port, il mettait à jour les listes de noms, barrant froidement d'une ligne parfaitement droite ceux qu'il savait disparu.
La période Givrée avait lourdement affecté son équipage, que cela soit par le nombre ou le moral. Le degré d'implication et surtout de fidélité.
Du bout de sa plume, sous l'un des nombreux sobriquets, les lettres rondes, magnifiquement calligraphiés du mot "Traître" étaient tracés.

Le capitaine prit une longue inspiration. Profonde. La mine grave.
Etaient-ce les choix douteux de certains de ses pirates qui le préoccupaient tant ?
Avait-il été touché par ces retournements de veste moltonnée ?

En réalité, non.

Pas vraiment.

Hook avait beau s'être débarrassé du Givre, son cœur restait mortellement froid. Insensible.

Non, ce qui lui tiraillait l'esprit était tout autre.
C'était le nombre de disparition, en réalité.
Le nombre de ses hommes s’amenuisait, et fort était de constater que le trop long hiver ne pouvait en aucun cas être la seule cause.
Quelque chose se passait.

Un crime qui se répétait et venait à impacter la piraterie. Impacter sa puissance.
Et ça, le Capitaine ne le permettrait pas.
Il lui faudrait en toucher un mot à son cher Mouche, et le plus tôt serait le mieux.

Cependant, le son typique d'un vrombissement bien connu de cet homme attira son attention, lui faisant relever les yeux et les sourcils.

Alors que la petite créature s'en venait vers lui, se posant avec légèreté et distinction sur le bras du fauteuil qui lui faisait face, le sombre quitta le visage du roi des pirates, remplacé par une sympathie toute factice mais élégamment jouée.

"Capitaine James Hook." Fit la minuscule créature toute en lumière, s'annonçant avec grade classe de savoir vivre.
"Chère reine Mab !" Lui répondit l'autre, aimable, se relevant avec grâce et politesse, retirant ses lunettes tout en sourire.
"Que me vaut votre visite inattendue bien qu'agréable, majesté ?" Car il savait bien à qui il avait à faire !
L'avait-il déjà rencontré ? Certainement pas. Mais Hook était maître en bonnes et dues formes. Il connaissait ses classiques sur le bout de ses cinq doigts. Impossible pour lui de ne pas reconnaître la noblesse quand elle se présentait à lui. Tout en ayant questionné la belle dame ailée, il avait contourné son bureau, se rapprochant d'elle sans pour autant laisser entrevoir ne serait-ce qu'une soupçon d'agressivité.

"Et sans aucune compagnie de surcroît." Il souligna la remarque d'un sourire alors que ses yeux myosotis brillants d'intelligence et de fourberie étincelaient.

Depuis les déboires du Givre, les bruits dans le Palais laissent à entendre que la Reine s’est assagie.

Pas qu’elle n’ait jamais été avisée, au contraire : les paroles de l’Étincelante ont toujours été emplies de cette sagesse responsable, ses actes pesés et réfléchis. Mais ceux qui la connaissent bien -que ce soit dans l’intimité de ses appartements ou dans le secret -tout relatif- de la salle du Haut-Conseil- savent que la fée est toute aussi tête brûlée que ses comparses... parfois plus, elle qui est la première d’entre elles.

Les derniers événements de l’Île semblent avoir ravivé une prudence chez l’être de lumière, qui accepte plus facilement les compromis et les gardes, voire de ne pas quitter le lit. Sa convalescence, bien trop longue et ennuyeuse à ses yeux, a néanmoins été beaucoup plus calme qu’elle n’aurait pu. D’où le constat parmi les habitués du tempérament de Sa Majesté.

Du moins, jusqu’à aujourd’hui.

Mais lorsqu’elle s’installe sur le bras du fauteuil faisant face à celui du Capitaine, Mab n’est pas inquiète. Elle ne l’est jamais vraiment, tant que cela ne concerne pas son peuple. De plus, l’homme chez qui elle se trouve a beaucoup trop de principes pour se contenter de tenter de l’enfermer sans demander son reste.

Si elle n’a jamais rencontré James Hook jusqu’à présent, elle le connaît. Tout comme lui, qui la salue sans rater un battement de la plume de son chapeau.

A sa question, l’Altesse sourit et l’observe s’approcher sans répondre immédiatement. Si la différence de taille peut impressionner, elle est bien trop habituée pour le montrer, elle qui ne fait que très rarement usage de sa forme humaine. Et puis, il peut être facile de ne pas être intimidée. Par exemple, saviez-vous que les défauts vous sautent aux yeux quand s’approche de vous quelqu’un dont la tête fait votre entière taille ? Toutes pores ne sont pas agréables à regarder.

Cependant, là n’est pas la question concernant cette rencontre, et la fée se contente de ranger élégamment ses ailes, comme elle le ferait en s’installant pour prendre le thé chez un ami. Un ami dangereux et objectivement menaçant, quand il mentionne ouvertement l’absence d’escorte, mais un ami tout de même.

C’est avec un sourire aimable et un regard posé qu’elle répond enfin. « Lorsque l’hôte est galant, nul besoin de compagnie. » L’affirmation, pure rhétorique, n’attend aucune répartie et c’est bien pour cela qu’elle ne met que peu de temps à enchaîner.

« Je vois que vous faites vos comptes. » La plume, retournée dans l’encrier, frissonne légèrement alors que les petites poussières éclairées par la lumière de la fenêtre se rassemblent comme par magie autour de quelques noms patiemment tracés.

Uniquement de noms barrés.

Les yeux de l’Étincelante retrouvent leur teinte noisette et fixent sereinement le myosotis qui les surplombe. « Je suis en mesure de vous y aider. »

"Lorsque l’hôte est galant, nul besoin de compagnie" Fit la reine fée, ce qui eut l'effet sur le capitaine des pirates de lui étirer un long sourire satisfait, il se redressa, aussi, visiblement parfaitement flatté.

"Je vois que vous faites vos comptes." Elle continua sans laisser de blanc s'installer ou un quelconque renvoi de politesse.
"Oui, effectivement." Piqué de curiosité.
S'il était d'une évidence perçante que la reine Mab ne venait pas le voir, seule de surcroît, pour de banals échanges de courtoisie, qu'il s'agisse de son équipage bardé certes de cicatrices mais surtout de trous, absences trop multiple, n'en était pas une autre.

"Je suis en mesure de vous y aider." Au même moment de cette affirmation prononcée avec toute l'arrogance dont faisaient si souvent montre sans pudeur le petit peuple ailé, les taches scintillantes émanant de la créature couronnée s'agglutinèrent, comme de par magie, au dessus des pages du grand cahier sur lequel Hook travaillait un peu plus tôt, faisant briller un peu plus fort les fameux noms barrés d'encre.

Le regard du capitaine, qui avait suivit la poudre étincelante, revint à Mab, difficilement déchiffrable.

"Ah oui ? Vraiment ?" Le ton sonnait neutre, voir courtois. Calme, c'était certain. Pourtant, quelque chose commençait à bouillonner au fin fond de l'homme. Quelque-chose fait de méfiance. Saupoudré de haine et de colère.

Hook détestait la magie, et tout ce qui en émanait de tellement déraisonnable. Les fées en faisaient irrémédiablement partie.
Chaque instants ou ces petites choses vrombissaient, butinaient ou simplement respiraient étaient un soupçon d’honnêteté et de cohérence qui était chapardé au monde qui ne tournait plus rond.
Des bêtises enfantines qui donnaient du pouvoir aux bambins et repoussaient les adultes et leur bravoure au loin.
Renversant les mœurs, les coutumes et des empires de convenance en entier.

Il les méprisait. Oui. Au mieux.

"Dites m'en plus, très chère, ne vous faites point prier." Fit-il cependant, ne laissant rien paraître.

Car si dans l'univers des grandes personnes, les fées n'avaient aucunement leur place et encore moins leur mot à dire, au plus grand damne de Hook, sur l’île imaginaire, il en était autre chose.

L’atmosphère s’assombrit rapidement, perdant le peu de complaisance que ces deux-là peuvent avoir l’un pour l’autre pour tomber dans une courtoisie de façade, qu’ils savent parfaitement factice. Pour autant, Mab ne perd pas son sourire. Il y a même quelque chose qui se rapproche de la malice pétillant dans son regard noisette alors qu’elle observe l’adulte qui lui fait face.

Mab n’a jamais eu un profond respect pour les humains. Les adultes, en particulier, lui paraissent avant tout vaniteux et ignares, persuadés d’avoir bien trop d’importance dans le monde. Ils font partie des raisons qui l’ont amenée à accepter de déplacer son peuple sur l’Île de Jamais.

Hook lui semble être le parfait exemple de cette humanité incapable de reconnaître sa place, qu’elle méprise et aime plus que tout chahuter. C’est pourquoi elle semble plus satisfaite qu’autre chose par la tournure que prend la situation.

Pourtant, il lui faut rester prudente. Tout adulte vaniteux qu’il soit, James Hook demeure particulièrement dangereux, pour son peuple comme pour l’ensemble de son Île. Les derniers événements l’ont malheureusement plus que prouvé. Aussi, quand il (ne) la prie (pas) de continuer ses explications, Sa Majesté ne le fait pas trop attendre.

« Vous n’êtes pas sans connaître les dangers que recèlent la terre ferme, mon cher », commence-t-elle, reprenant ses propos sans se départir de son sourire aimable. « Bien mieux que certains de vos hommes, qui ne savent se mêler de leurs affaires et s’aventurent dans des lieux où ils ne sont pas forcément les bienvenus. »

Le ton n’est absolument pas menaçant, mais il est clair que la piste sonne bien plus comme un constat qu’une hypothèse. Toujours assise sur le bras du fauteuil, la fée croise ses jambes l’une sur l’autre et impulse un léger mouvement de balancier.

« Ou peut-être se laissent-ils aisément entraîner dans des pièges dont ils ne réalisent l’existence que trop tard...» Une pause, le temps pour la reine de relever les yeux vers son interlocuteur. « Mais de cela, on m’a rapporté que vous étiez déjà informé... Ou sur le point de l’être, du moins. Je ne me contente que de compléter le messager. »

"Vous n’êtes pas sans connaître les dangers que recèlent la terre ferme, mon cher. Bien mieux que certains de vos hommes, qui ne savent se mêler de leurs affaires et s’aventurent dans des lieux où ils ne sont pas forcément les bienvenus."
L'écoutant avec attention, James Hook s'était à moitié assit sur son bureau, continuant de faire face à la petite fée bien courageuse. Téméraire, même, dirait-il.

Les termes employés avaient de quoi titiller le pirate, ce dernier n'appréciant guère qu'une si minuscule bonne femme dicte les endroits ou ses chiens pouvaient aller gambader ou non.
Mais il ne s'en ému que très peu. Il connaissait sa place, son territoire et jusqu’où il pouvait revendiquer son pouvoir.
Soit, partout et sur l’île de nul-part à la fois. Il était le seul maître à bord, et s'il fallait qu'il en fasse la preuve, il tacherait de rappeler aux mémoires trop courtes ce qu'il en coûtait de le provoquer.

Silencieux et attentif aux mots et aux gestes de Mab, de la pointe de son crochet, il jouait avec le bout de sa moustache noire tandis que son hôte croisait élégamment les jambes, continuant ses allégations.

"Ou peut-être se laissent-ils aisément entraîner dans des pièges dont ils ne réalisent l’existence que trop tard..." Alors que leurs regards se croisaient, tendre brun contre bleu glacial, un léger sourire se dessinait sur les lèvres du Capitaine. "Mais de cela, on m’a rapporté que vous étiez déjà informé... Ou sur le point de l’être, du moins. Je ne me contente que de compléter le messager.
- Mes hommes sont des brutes." Qu'il fit en guise d’acquiescement. "Et de la pire espèce, vous en conviendrez. Mal peignés, mal fagotés et ignares." Rien que cela. Hook ne tarissait jamais d'éloge lorsqu'il parlait de son équipage. "Leurs sottise n'a d'égale que leur puanteur."
Il se contre-fichait de leur sort individuel.
"Nonobstant, ils sont à moi. Dévoués corps et âmes..." Il ajouta sur un semi-ton plaisantin. "Pour ceux qui en ont une."
Cela ne devait en souffrir d'aucun cas.
"Ce sont mes chiens, et en digne maître, je me dois de savoir ou sont passé certains d'entre eux. Et, voyez vous..." Il se pencha vers elle. "Une petite fée me dit qu'elle est au courant de quelque-chose, et qu'elle compte bien éclairer ma lanterne afin d'apaiser mon cœur empli de tracas pour ces bouts de viande faisandée."

Crime confessé à moitié pardonné, ne disait-on pas ?
Et il était clair que la reine trempait dans cette affaire, sinon, pourquoi ce déplacement ?
La visite de fausse courtoisie prenait des airs de négociation, et cela n'était pas sans déplaire à James Hook.

De l’extérieur, la scène est agréable et respire la bienséance. Il ne s’agit que de deux têtes de file qui discutent aimablement. Ne manquent qu’une tasse de thé et quelques biscuits pour affirmer le côté pacifique de la rencontre.

Pourtant, quiconque faisant attention aux mots échangés et à l’attitude des principaux concernés peut se rendre compte que, toute diplomatique soit-elle, cette rencontre est bien plus agitée qu’elle n’y paraît.

« Mes hommes sont des brutes. »

Jambes croisées l’une sur l’autre, Mab continue d’écouter, haussant un sourcil aux qualificatifs tous aussi peu glorieux les uns que les autres que le Capitaine utilise pour caractériser son équipage. Sans autre marque de jugement, un sourcil royal se hausse. Mains jointes, mais doigts écartés, elle pose pouces sous son menton et index au-dessus de ses lèvres, comme pour s’enjoindre à ne rien dire. Dans son regard, pourtant, rougeoient quelques étincelles.

« Nonobstant, ils sont à moi. Dévoués corps et âmes... » Et sa Majesté se demande bien comment quiconque peut baser son régime sur la terreur et non sur l’affection. Soit ces humains sont particulièrement stupides, plus bestiaux les uns que les autres comme leur chef l’a si bien fait remarqué, soit... « Pour ceux qui en ont une. »

Voilà qui est plausible, bien que certains des adultes qu’elle a pu rencontrer lui ont laissé une sensation bien distincte... Mais comment cet homme pourrait-il s’assurer la fidélité de ses troupes autrement ?

Quand Hook se penche vers elle, Mab ne ploie pas d’un millimètre, ne fait pas le moindre mouvement malgré la menace presque évidente qui transparaît dans les mots et le ton de son impressionnant vis-à-vis. Elle est consciente du danger, mais chacun sait ce dont l’autre est capable, n’est-ce pas ? C’est bien pour cela qu’elle se contente d’un sourire en coin, croisant ses mains sur ses genoux, au-dessus de sa robe, avant d’intervenir à nouveau.

« Voyez-vous, c’est là que nos avis divergent, mon cher capiston. » On n’use pas des termes « petite fée » pour qualifier la Reine sans en payer un minimum les conséquences. « Il me semble que vous n’avez pas besoin de savoir où se trouvent ceux dont vous avez si élégamment sabrés les noms, qu’il s’agisse d’un trait de plume ou d’un coup de crochet. »

Sourire aimable aux lèvres, son Altesse se relève délicatement et déploie ses ailes.

« Il me semble que, ce que vous avez besoin de savoir, » continue-t-elle en décollant, volant bien trop rapidement pour qu’un œil humain puisse analyser sa trajectoire, car les fées ne vivent pas dans le même espace-temps, « c’est l’accord auquel nous pouvons parvenir pour que cela s’estompe, à défaut de cesser complètement. »

D’un mouvement élégant, la fée se pose sur l’épaule droite du Crochet. Sans rentrer ses ailes, elle se penche un peu plus vers l’oreille du Capitaine.

« Car il y a toujours des chiens pour lesquels on ne peut rien, n’est-ce pas ? »

Si elle est parfaitement au courant de la dangerosité du jeu auquel elle joue, la Reine Mab ne peut pas s’empêcher d’en apprécier chaque seconde.

"Voyez-vous, c’est là que nos avis divergent, mon cher capiston."
Au sobriquet employé, le capitaine fit les gros yeux, ses moustaches se hérissant presque.

"Il me semble" Continua l'impertinente reine. "Que vous n’avez pas besoin de savoir où se trouvent ceux dont vous avez si élégamment sabrés les noms, qu’il s’agisse d’un trait de plume ou d’un coup de crochet.
- Ah oui ? Vraiment ?"
Il avait demandé d'un ton aimable, quoi qu'un tantinet ironique, sa voix prenant une hauteur qui le trahissait alors que Mab se relevait dans le même temps, déployant ses jolies ailes et décollant tout en continuant.

"Il me semble que, ce que vous avez besoin de savoir, c’est l’accord auquel nous pouvons parvenir pour que cela s’estompe, à défaut de cesser complètement."
La fée s'était déplacée si vite dans l'atmosphère que le pirate du tourner par deux fois la tête pour la rattraper du regard, le tout dans une élégante retenue, évidemment.
"Vous n'y êtes donc pas étrangère, ma chère." Sur un ton qui ne souffrait d'aucun questionnement.
Son savoir vivre le poussait à garder son calme et son amabilité, cependant, le petit jeu imposé par la demoiselle ailée, bien que couronnée, n'appelait pas à sa patience.
Hook n’appréciait pas qu'on lui dicte ses besoins. Simplement qu'on les satisfasse.
Et voila maintenant qu'elle l'utilisait tel un vulgaire perchoir ! Se prenait-elle pour un bête perroquet ?
Cependant, malgré ce manque de dignité, il ne la chassa pas, se contentant de se relever, la monarque papillonnante toujours fichée sur son épaule.

"Car il y a toujours des chiens pour lesquels on ne peut rien, n’est-ce pas ?
- J'en conviens ! Mais par tout les diables, parlez donc. Cessez donc de m'attiser de la sorte, ou bien je ne répondrais plus de mon crochet !"

A force de le titiller, elle allait finir par le faire sortir de ses gonds. D'autant que savoir qu'elle était de mise dans les disparitions de ses sous fifres ne l'enchantait guère !

Il n’y a rien de plus amusant, pour une fée, que de jouer avec les émotions des humains. Puisqu’elles ne peuvent les ressentir dans leur multitude et leur finesse, elles qui n’ont la capacité de ne se laisser submerger que par une seule à la fois.

Pour Mab, l’occasion de jouer se présente beaucoup moins que pour ses sujets, la vie de Reine l’amenant à bien peu côtoyer ces gens dans des situations propices. Peut-être est-ce pour cela qu’elle gère mieux l’affluence de ressentis que la plupart de ses ouailles ? Ou peut-être s’agit-il simplement d’une histoire d’intemporalité... Toujours est-il que, quand l’occasion se présente, sa Majesté ne la laisse pas passer.

Même lorsque c’est le dangereux Capitaine qui lui fait face. Ou profil, en cet instant précis.

L'Étincelante ne prend pas la peine de commenter les questions de James Hook. D’abord, parce qu’elles n’en sont pas exactement, ce qu’ils savent pertinemment tous deux. Et ensuite, parce qu’il finira de toute façon par obtenir ses réponses... Son Altesse ne s’est pas déplacée pour rien, après tout.

Ce n’est qu’alors qu’il perd patience qu’elle laisse échapper, dans un rire qui résonne dans la cabine sombre comme autant d’oiseaux qui chuchotent.

« La curiosité... Voilà bien une émotion commune à nos deux espèces. Adultes, comme enfants. »

Un nouveau mot qui fâche, elle en est bien consciente. Cependant, ainsi perchée, elle sait également que le menaçant crochet peut bien plus difficilement l’atteindre. Et puis, elle reste la Reine des Fées. Il lui faudrait faire preuve de bien plus pour espérer la toucher.

Bien qu’il y soit presque parvenu avec ce satané Givre.

« Mais soit, cessons les badinages. Que diriez-vous d’un contrat ? Ou, à défaut, d’un terrain d’entente. » La fée s’interrompt, pour faire bonne mesure. L’atmosphère de taquinerie qui pouvait presque transparaître de ses mots et son attitude jusque là se diffuse, semblant prendre l’apparence de quelque chose de plus froid, un côté de la reine à qui peu ont fait face. Ou profil. « Personne n’ignore les règles du Capitaine. Ni les sanctions qui abondent lorsque celles-ci ne sont pas respectées. Il y en a une qui m’intéresse plus particulièrement. »

Les yeux de la fée se mettent à luire et devant l’homme se peint un tableau de poussière dorée, si brillante qu’elle en paraît presque blanche. On peut distinguer une figure adulte, en tenant une autre, bien plus petite, entre ses bras. Jusqu’à ce que d’autres formes fassent irruption, arrachant le nourrisson des bras de sa mère, tirant cette dernière par les cheveux pour la tenir éloignée de ceux qui accomplissent la volonté du Capitaine.

Lorsque le bébé est jeté sans plus de cérémonie dans la mer dorée, on peut voir dans les vagues une forme semblable à celle d’un crocodile.

« Pensez-vous qu’il est vraiment rusé de nourrir ainsi votre ennemi ? Reprend la reine une fois le spectacle terminé, toute poussière de fée -autre que celle qui l’entoure en permanence- envolée. Si vous les confiiez à d’autres habitantes des eaux, je pourrais faire en sorte de diminuer vos pertes... »

Un instant de silence supplémentaire avant qu’elle ne précise, telle le Diable sur son épaule.

« Les prochaines, évidemment. Celles déjà engagées sont une bataille perdue. »

"La curiosité... Voilà bien une émotion commune à nos deux espèces. Adultes, comme enfants.
- A la différence que chez les plus jeunes ou les plus sots, cette dernière peut bien mettre fin à leurs médiocres existences."
Bien évidemment le capitaine ne se considérait ni dans l'une, ni dans l'autre catégorie. Il en allait sans dire.
De toute les manières, lui, n'était pas curieux.
Plutôt noblement observateur et friand d'informations. Plus encore lorsque cela touchait à son équipage.
Il était un homme érudit qui se devait de nourrir son esprit, après tout.

"Mais soit, cessons les badinages.
- Je vous en serez gré.
- Que diriez-vous d’un contrat ?"
Hook fronça les sourcils, cette fois ci plus d'un sombre intérêt que par colère.
"Ou, à défaut, d’un terrain d’entente.
- Je vous offre mon oreille attentive, ma chère."
Non sans une pointe d'humour, au vu de la taille et surtout de l'endroit ou la fée s'était perchée, juste à coté de la dite oreille.

"Personne n’ignore les règles du Capitaine." Elle reprit. "Ni les sanctions qui abondent lorsque celles-ci ne sont pas respectées. Il y en a une qui m’intéresse plus particulièrement."

Alors, dans l'ombre de la cabine et devant les yeux du pirate, un amas de poussière de fée brillante se format, luisant de mille feux et merveilles, racontant un brin d'histoire au travers de personnages anonymes.
Ce ne fut que lorsque le nouveau né fut happé par le crocodile qu'un frisson se fit perceptible jusqu'aux épaules du capitaine.

Pas de méprise, pas l'ombre d'un regret pour l'enfant. Seulement, la simple vue d'une représentation du reptile géant avait cet effet sur lui.

"Pensez-vous qu’il est vraiment rusé de nourrir ainsi votre ennemi ?"
Hook n'était pas homme à justifier ses choix, cependant;
"Vous saurez qu'un monstre au ventre creux en vaut deux.
- Si vous les confiiez à d’autres habitantes des eaux, je pourrais faire en sorte de diminuer vos pertes..."
Alors que la malicieuse avait de nouveau parlé, le petit simulacre de théâtre s'était évanoui dans les ombres, rendant à l'endroit son aspect ténébreux.
"Les prochaines, évidemment. Celles déjà engagées sont une bataille perdue"

Toujours la reine à son épaule, l'homme avait prit une longue inspiration, attaquant un début de cent pas, tout pris dans ses réflexions.

"Vous me proposez de donner gain aux sirènes..." Qu'il fit, tout en réflexion. "Cependant, bien que mes bêtes d'hommes ne soient pas tous de sages savants, loin de cela, croyez moi les manquants n'avaient rien de poupons." Il s'arrêta devant le bar. "Vous qui êtes si brillante, éclairez moi donc sur ce que la disparition de moutards dans les entrailles de ce maudit crocodile à avoir avec mes comptes."