Calopsitte a emmené deux guerriers avec elle. Par principe, parce qu'on ne sait jamais, mais également pour transporter les coffrets de bois et sacs en cuir renfermant un échantillon de toutes les richesses qu'ils ont à échanger.

Pygargue et Condor, deux frères forts et grands, l'accompagnent donc ainsi que la fée poète. Celle-ci, posée sur son épaule s'amuse à faire scintiller ses bijoux de sa lumière scintillante.

Vous sentez, reine des reines ? Le marécage des sorciers, nous arrivons bientôt ! le petit être s'envole de joie, fait quelques pirouettes avant de venir atterrir au creux de la paume que la Dorée lui tend.

Merci pour tes indications, joli Hamlet. du bout de son index vernis, de sa serre d'oiseau, elle effleure sa minuscule tête blonde A présent va nous annoncer, nous attendrons ton retour au pied de la tour dont tu m'as parlé. Si tu fais vite je dirais à Héron quel prince tu es.

La lumière de la fée se teinte du même rose pâle que celui qui orne ses joues et son carillon est joyeux lorsqu'il décolle et file comme une étoile en direction du marais, s'adressant une dernière fois à eux d'un ton pétillant.

Alors je m'en vais, ma Dame ! Informer Zeus, tout en haut de son Olympe, qu'une déesse d'ailleurs le visite !

Quelques instants de silence alors que les trois Delawere observent le messager féerique s'en aller porter message de leur arrivée. Silence rompu finalement par Pygargue.

Mais de quoi il parle !?

Calopsitte lui offre un sourire amusé.

Je ne comprends pas toujours. Mais ce n'est pas grave, il est amusant et serviable. Si on sait s'y prendre.

Les fées ont toujours eu son affection, elle aime leur personnalité aussi lumineuse que leur apparence. De ce que Photon lui a dit, entre deux envolées lyriques aux références obscures, ils vont voir le Baron Lundi dit le Baron aux fées. Fils de la véritable maîtresse du Bayou. L'aristocrate a aussi dit qu'il avait de nombreuses amantes mais elle a compris au fil du temps qu'il avait des notions plutôt étranges et changeantes de l'amour.

Autour d'eux le décor commence à se modifier. La plaine des bisons fait place à un sol plus humide et des arbres tortueux.

Arrêtons-nous un instant. Ici une magie différente opère, je préfère que nous soyons protégés.

Les deux frères comprennent, et tout trois ferment les yeux quelques secondes, murmurant une phrase ou restant silencieux; la chose est différente pour chacun. Lorsque Calopsitte rouvrent les sien, son Quetzalcóatl d'or est lové dans son cou, son corps de serpent entourant sa taille. Il est plus grand que d'ordinaire, à hauteur de sa méfiance. Elle effleure son museau vaporeux des doigts, une brève onde d'amour passe entre eux.

Ils progressent lentement, sans se presser, prenant le temps d'apprécier cette nature différente de la leur.

Calopsitte.

Pas d'urgence dans la voix du guerrier mais son timbre est sans joie. La Dorée se retourne et voit le petit passereau figé entre les mains jointes du natif. Un carouge, au plumage noir et à l'épaule écarlate. Elle touche son corps rigide, murmure quelques mots de prières.

Il a rejoint les esprits. de sa sacoche elle sort une bourse de cuir hermétique à l'intérieur de laquelle ils placent avec délicatesse l'oiseau mort. Ils le ramèneront au camp et la beauté de son plumage y sera honorée.

Il leur faut peu de temps ensuite pour rejoindre les habitations. L'ambiance y est étrange et ils n'y croisent personne. Peut-être les observe-t-on. La Dorée, pour autant, ne se sent pas menacée et bientôt ils se retrouvent face à la grande tour de bois et de pierre dont la fée leur a parlé.

Je suppose que nous allons vite remarquer si Photon a porté notre message ou non.

Elle lisse sa robe de soie bleutée comme elle se lisserait les plumes, relevant son menton d'oiseau fier et ajustant sa mince couronne d'or.

Le bois grinçait, il respirait. Les pierres le soutenait, rigide, et rare dans un bayou. C'était dans ce paysage, dans ces airs d'encens et de feu de bois... et surtout dans cette senteur de pluie que le Baron Lundi était éveillé. Souvent le dernier à émerger du sommeil, fidèle à sa réputation, il avait fini par être plus "actif". Moins ronchon.

Et heureusement, car à peine il choisissait qui parmi ses flacons il comptait épier par les cieux, déjà Photon apparaissait. Un peu surpris, il ne put empêcher le ciel de grogner. Un grondement faible et lointain. La colère restait endormie.

C'était bien sa journée, entre la visite d'une des amies fées d'Ailin qui lui avait apporté des herbes féériques et Bardane qui lui avait fait l'honneur de participer aux nattes de ce matin... D'ailleurs, les mèches portaient sur les extrémités des traces brillantes de poudre de fée.

Il avait choisi pour vêtir ses épaules un kimono aux motifs complexes, un tissu particulier de jaunes, de noir et d'une petite touche de bleue. Le Céleste aimait ce qui était beau, pour ses femmes ou lui.

Les yeux tournés sur la fée aristocrate qui se présentait à lui, annonçant avec des mots toujours autant variés et amusants, que le Baron d'orage avait de la visite. La venue d'une déesse venue d'ailleurs, apparemment. Lundi avait un sourire en coin, il comprenait les références mythologiques de Photon. Et s'il avait hérité du surnom de Zeus, il devinait qu'il y avait bien d'autres "victimes".

Le choix de Klere était déjà choisi, il acceptait les visites. Après tout, cela faisait partie de son commerce. Cependant, en effet, il pouvait être plus ou moins disposé.

Aujourd'hui, il était coopératif.

Lundi donna son accord à Photon, puis il envoya Février montrer le chemin jusqu'à lui. Son second enfant était en train de bouquiner, mais sa petite étoile s'attela volontiers à la tâche. Elle guiderait sagement jusqu'à la salle de rituels, le "laboratoire" en quelque sorte.

Le Céleste finit de parcourir les étiquettes de ses fioles pour en saisir une avec soin.

Il relâcha le fin cheveux dans le bassin au centre de la pièce, et y plongea les doigts d'une main pour faire tourner l'eau.

Une image se formait peu à peu.

Satisfait, le Baron Lundi se plaça dans ses coussins. Plongé dans l'observation d'un individu dans le désert. Il entendait le plancher de sa tour grogner de se faire marcher dessus. Tandis que Klere était animé d'une grande curiosité.

Il aimait bien les déesses.

Et un peu de temps après, le troisième fils de Brigitte leva les yeux sur les invités. Et quels invités ! Un sourire en coin, mais il sentait une émotion de surprise.

- Bonswa, j'ai l'impression que vous n'êtes pas n'importe qui. Loin de là...

Lundi délaissait la vision que lui montrait le ciel.

Vraiment, il savait que la femme qui était centrale était importante. Ça se voyait.

Le sol de bois gémit doucement sous les pas des trois Delaware tandis qu'ils suivent la jeune fille venue les accueillir.

Calopsitte devine que ses guerriers, à son instar, ne se sentent pas très à l'aise enfermés dans cette pénombre entourée de murs; leur coeur d'oiseau craint les cages. Accrochant le regard des deux frères un instant, elle leur adresse un sourire compatissant. Sa fumerolle, autour de sa taille et de ses épaules, brille d'un or un peu plus flamboyant et ronronne doucement lui offrant son propre réconfort. La présence des totems leur permet de garder le lien aux esprits peu importe où ils se trouvent.

Ils se font finalement amener à une salle où flotte une agréable et familière odeur d'encens dont elle avait déjà eu quelques effluves le long des couloirs. A l'intérieur se trouve un homme, seul.

Bonswa, j'ai l'impression que vous n'êtes pas n'importe qui. Loin de là...

Tout de suite elle aime sa voix grave et cet accent plus chaud et chantant que celui des Perdus auprès desquels elle a appris son langage.

Salutations. Je suis Calopsitte, Cheffe de la tribu des Delawere. elle désigne ensuite ses compagnons d'un geste, du bout de ses longs ongles. Eux sont Pygargue et Condor, nos meilleurs guerriers, mais ils m'accompagnent en paix aujourd'hui.

Ramenant son attention au Baron, elle l'observe avec l'attention des rapaces.

Et vous êtes le Baron Lundi, les fées m'ont parlé de vous.

Même assis, Calopsitte devine qu'il est grand. Son apparence est étonnante, saisissante même. Les tresses pâles font contraste avec sa peau bien plus sombre que la sienne, presque aussi noire que le plumage du corbeau et habillée d'un tissu chatoyant.

Pour l'instant elle joue l'oiselle amiable et charmante mais reste méfiante. Avec sa fumerolle invoquée ses sens sont spirituels sont accrus et elle peut sentir un peu de l'énergie magique crépitante qui entoure l'homme, bien différente de celle des esprits qui guident son peuple.

À l'écoute, le Baron était sagement assis à contempler ses visiteurs. Et on lui avait répondu : la Cheffe des Delawares ainsi que deux des meilleurs guerriers. En effet, une présence tout à fait hors du commun se tenait face à lui. Klere se trouvait intrigué, il sentait ses propres émotions touchées de curiosité. Il lui était déjà arrivé de voir des indiens, mais pas encore de chef à sa connaissance.

Les Delawares... distraitement, Lundi replaçait une de ses nattes à l'arrière de son épaule droite tout en formulant le nom du clan ainsi que les noms des visiteurs dans sa tête. Un clan très lié aux esprits, et attaché aux animaux dans les cieux. Le Céleste offrit un sourire dévoilant les deux heureuse, par essence, son propre élément devait avoir une forme de favoritisme. Le ciel s'y retrouvait.

Mise à part cela, Klere laissa entendre un rire amusé à la mention des fées. Il pensa à la visite de Photon, celui-ci même qui venait d'annoncer l'arrivée de ces gens.

- Se vre, j'ai cru comprendre que nous avions une connaissance en commun. Je crois bien avoir les faveurs des fées. Enchanté, Cheffe et Guerriers.

En se penchant un peu en avant, il désigna quelques coussins disposés en face de lui de l'autre côté du petit bassin d'eau.

- Venez, installez-vous. Et racontez pourquoi les fées vous ont parlé de moi.

Et il observait, la procession, détaillant la coquetterie connue du clan du Corbeau. Ce qui ne déplaisait certainement pas à Lundi, lui-même friand d'or et de bijoux. Un point qu'il supposait aussi commun pour Calopsitte Royale.

Le Céleste aurait pu deviner lui-même que cette femme portait un rang loin d'être anecdotique. L'attitude d'une reine se dégageait d'elle, Photon n'avait pas menti. De plus, la fumerolle qui accompagnait la femme portait les traits d'une créature qu'il avait pu observer dans des ouvrages de bêtes légendaires.

Un mouvement sous les yeux du Baron le fit quitter la contemplation de la Cheffe pour tomber dans l'image du voyageur errant dans le désert, celui-ci venait d'attaquer un cactus afin d'y obtenir à boire.

- Je doute que ce soit le pouvoir des cieux qui vous amène.

Le "Baron aux fées" ne ressentait pas la rage déborder de ceux qui peuplaient la pièce, il avait bel et bien affaire avec des esprits pleinement lucides.

Comme invoqué par sa mention, mû par la curiosité de son espèce, Photon les rejoint discrètement. Lumière atténuée, il tente de se poser sur l'épaule de la Royale mais en est immédiatement chassé par la fumerolle d'or qui siffle en dévoilant ses crocs.

Entièrement focalisée sur leur hôte, Calopsitte ignore l'échange entre les deux créatures.

Venez, installez-vous. Et racontez pourquoi les fées vous ont parlé de moi.

Se retournant vers les deux frères, elle leur donne quelques indications dans la langue des Delaware. Ceux-ci s'avancent alors et déposent les coffres qu'ils transportent devant les coussins avant de prendre place.

Puis c'est au tour de la Dorée d'aller s'asseoir à l'invitation du Baron, veillant à ne pas froisser la soie de sa robe, à toujours garder un plumage lisse.

Je doute que ce soit le pouvoir des cieux qui vous amène.

A ces mots elle a un léger sourire.

Rien n'échappe aux Esprits, même ici, mais il est vrai que ma venue n'est pas de l'ordre du spirituel.

Pourtant la Cheffe est intriguée, presque effrayé par la présence magique oppressante de l'homme face à elle. Une énergie inconnue, différente de celle des Esprits et même de celle de l'esprit démon. Elle se demande de quel monde il est originaire.

Je sais que votre peuples maîtrise l'art de la magie et des potions, que vous n'êtes pas natifs à l'Île. Je suis moins réticente au contact que mes frères des autres tribus, je pense que nos clans peuvent collaborer ou au moins commercer.

D'un geste, Calopsitte intime à ses guerriers d'ouvrir les coffres qui contiennent herbes à fumer et épices variées ainsi que quelques échantillons des soies qu'elle tisse elle-même.

Quand j'ai fait part de ce désir aux fées, c'est votre nom qu'elles m'ont indiqué, Baron Lundi. Je sais que vous êtes un des fils de votre cheffe mais rien de plus. ses yeux brillent brièvement d'amusement et elle ajoute malicieusement, comme il est de nature des perruches Quoique la plus précieuse des fées m'ait soufflé que vous auriez une multitude d'amantes.  

Collaboration commerciale ? La curiosité se dessinait sur le faciès du Baron, sentiment loin d'être feint. Il se pencha légèrement en avant afin de contempler ce qui venait d'être présenté.

Les coffres étaient de véritables trésors, et le sourire du Céleste confirmait ce constat.

Les oreilles demeuraient à l'écoute, et les yeux les rejoignirent en fixant Calopsitte Royale alors que celle-ci terminait de parler.

- Ah ! C'est malin d'apporter de belles étoffes à un homme qui a bien des femmes à couvrir de présents. Qu'elles soient épouses ou amantes.

Et il rit à gorge déployée avant de sourire aux visiteurs commerciaux.

- Les fées doivent bien vous aimer pour vous conseiller aussi bien... heh, elles m'aiment bien aussi.

Un bon indicateur, peut-être.

Et puis... il n'y avait pas que ses épouses qui aimaient les belles choses ici. En dehors de la soie, les herbes et épices avaient tout autant d'intérêt.

- Pour le moment, Cheffe, vos produits pourraient bien m'intéresser. Quelles seraient vos prix ?

L'aura de la Delaware face à Lundi n'avait rien de banal, il avait connaissance des peuples de l'Île possédant une magie typique selon la tribu. La cheffe venait de se déplacer, d'après les conseils des fées, pour marchander. Les prochaines plages aléatoires du temps risquaient d'être intéressante.

Ce n'était pas tous les jours que le Baron Lundi pouvait taper la discute avec des personnes aussi singulières.

- De l'or ? Des potions ? Mes pouvoirs ?

Une suite de mots dite avec un sourire tout de miel, mais les yeux accrochés à Calopsitte Royale afin d'y voir quelque chose bouger.