Ces derniers temps, Glitter ne manque de motifs pour s’inquiéter. Sa promotion qui nécessite un temps d’adaptation, les réactions de ses artisans pour l’instant partagées, l’état du Grand Arbre qui l’inquiète, et la masse de travail qui ne cesse de s’accumuler. Mais en tête de liste, il y a encore et toujours l’accident.

Quelqu’un a essayé de la tuer. Elle n’y pense pas, essaye de ne pas y penser mais tous les jours ça la rattrape. Elle repasse le film dans sa tête à la recherche d’un détail qui lui aurait échappé : la corde coupée nette, la sensation de chute, les murmures, les regards.
Elle évite d’être seule, ou pire en tête à tête avec n’importe qui. Ceux qui lui sont hostiles lui paraissent trop dangereux. Ceux qu’elle ne connaît pas, trop imprévisibles. Et ses amis… Elle a du mal à les regarder en face tant ses soupçons lui font honte.

Pourtant la vie doit continuer et le travail n’attend pas. Dès le lendemain de l’accident, Glitter a retrouvé sa place, pendue aux branches du Grand Arbre, outils en mains, à essayer de ne pas penser à ce qui pourrait recommencer.
De temps en temps, elle jette un œil en bas et ses jambes se changent en coton. Alors elle mord l’intérieur de la joue, arrache son regard au vide qui l’attire et reporte toute son attention sur ses tâches.

Aujourd’hui, elle consolide une des poutres porteuses qui soutient l’ensemble de la structure. Le risque de voir toutes les cabanes dégringoler, emportant avec elles des grappes de ponts de corde et de plateformes, reste très mince. Mais mieux vaut anticiper les pires scénarios et elle se sent d’humeur très prudente.
Pendue par une simple corde, Glitter se trouves quelques mètres en dessous d’une des plateformes principales où elle a laissé un tas de planches. De temps en temps, elle remonte, glisse une d’elles entre ses genoux et se laisse à nouveau glisser jusqu’à son petit chantier.

Elle a arrêté de compter les vas et viens mais elle voit le bout de son entreprise. D’ici quelques minutes, elle pourra remonter une dernière fois et s’accorder une pause bien méritée.
En attendant, elle chantonne un air faux pour oublier les crampes et ce risque, minime mais bien possible, que l’assassin vienne terminer ce qu’il a commencé.