NB : Cette partie est écrite de façon à être volontairement un peu déroutante à la lecture, si c'est trop embêtant ou "relou" à suivre ou comprendre, n'hésitez pas à me le faire savoir (j'essaie quelque chose d'un peu différent dans cette partie, je peux comprendre que cela ne plaise pas et accepterait vos remarques et opinions avec attention, et beaucoup d'amour, évidemment. Sur ce, courage si vous comptez tout lire, et merci à vous de votre temps !)
Trois.
- Trois, Deux, Un, mesdemoiselles…
Dans le réfectoire, toutes les voix s’élèvent d’un coup, d’un seul.
- Seigneur, puisses-tu bénir ce repas, ainsi qu’accorder ta bénédiction aux plus démunis afin qu’à Monsieur Müller, sans qui nous ne pourrions bénéficier de vos enseignements, et de votre pardon.C’était las, et malgré les dizaines de jeunes filles qui parlaient de concert, la grande salle -munie d’un vingtaine de tables et de trois à quatre fois plus de chaises- ne se voyait pas résonnante d’une cacophonie dissonante. On aurait pu croire que cette mixture vocale composée de voix douces comme rauques, enfantines comme rebelles, aurait résulté en quelque chose de très peu audible.
Pourtant, toutes adoptaient le même ton, ou presque, a peine la prière fut terminé que les bouches redevinrent inanimées, chaque regard était rivé sur cette grande femme, debout elle aussi, et en bout de table, qui au bout, fini par lancer.
- Vous pouvez vous restaurer.Et la voilà enfin, la cacophonie tant attendue, les pieds de chaises crissent sur le sol et ces bruits sont bientôt rejoints par ceux des couverts qui sont soulevés, pris en main..
Puis, les conversations débutent.
Madame Taylor s’accorde enfin un sourire, puis s’assoie à la « table des grands ».
On entends ensuite, au lointain, le même rituel se reproduire, au détail près que les voix qui s’élèvent sont cette fois masculines.
Retour de l’orchestre de chaises et de couverts, cette fois plutôt perçus dans ce qui semble être un écho.
C’était comme ça, la vie, ici, à Bristol, dans l’orphelinat de la fondation Müller. Tout était si uniforme, si parfait.
Les Filles arboraient toutes un uniforme sans aucune faute de goût, les garçons étaient comme de petits hommes. Ce petit monde allait si bien..
Au bout d’une table, là où se trouvent trois jeunes filles, les discussions vont bons train, la plus âgée, peau blanche, uniforme mal rapiécé et cheveux non coiffés, s’adresse aux deux plus jeunes qui la regardent, perdues entre l’envie de la considérer, et cette sensation de toujours « subir » quand leur camarade s’adresse à elles.
C’est que les places au réfectoire étaient attribuées et étaient aussi immuables, alors, elles connaissaient la chanson, Christa, Emily et Susie se connaissaient déjà bien assez.
- Eh, les jumelles, vous, vous trouvez pas ça con qu’on rende hommage à un type qui est mort il y a…Elle marque un temps, réfléchit… puis réponds, fière.
- Il y a 52 ans !L’une des deux silhouette s’arrête de mâcher, puis rétorque, directement, sans pitié aucune.
- 1898 ôté de 1953 donne 55, pas 52.C’était net, rapide, envoyé avec un air des plus coupants, presque méprisant… ah, la cruauté des enfants.
- Oh pardon, mademoiselle je-sais-tout.Vexée, non, jamais. Elle aussi, elle avait l’habitude.
Vous vous rappelez, ici, tout est uniforme. Eh bien, les deux jumelles représentaient bien cette norme, même deux gouttes d’eau se ressemblaient moins qu’elles, c’est dire. Peut-être n’étaient-elles pas aimées de toutes, mais elles rentraient bien dans les cases qu’on leur avait choisies.
Le seul moyen de démêler l’une de l’autre, c’était de faire attention à la façon qu’elles avaient de vous regarder.
L’une vous jugeait constamment, à l’affut de la moindre erreur de langage, du moindre défaut de votre mémoire.
L’autre vous évitait constamment, toujours apeurée d’interagir avec tout autre personne que sa sœur, ou elle-même.
Les deux faces d’une même pièce..
Notre chapardeuse les aimait bien, cependant, elles étaient plus jeunes qu’elle et ses instincts maternels, qu’elle avait hérité de sa mère aimante -qu’elle perdit dans un drame que je tairait- la rattrapaient jours après jours- après tout, à 12 ans elle n’avait plus que quelques années pour devenir une femme, du moins en 1954- et c’est donc tout naturellement qu’elle endossait un peu le rôle de la grande sœur de cette étrange fratrie, malgré leurs différences.
C’est que malgré leurs caractères bien distincts, ces trois-là passaient bien du temps ensemble, surtout les nuits.
Une fois de temps en temps, la « grande, grande sœur » se lèverait, puis irait cueillir à l’autre bout du dortoir les deux jumelles, ensembles, elles iraient dévorer les livres de la bibliothèque, ou dévorer quelques friandises des réserves, ou dévorer les astres de leurs yeux émerveillés, du moins, quand le ciel d’Angleterre, colérique et capricieux, le leur permettait.
Si les gens savaient, peut-être se demanderaient-ils pourquoi, pourquoi ces trois-là, qu’avaient-elles en commun ?
Sans doutes qu’elles étaient les trois plus exclues des petites filles (ou pas si petites, d'ailleurs) de l’Orphelinat, l’une par choix (la plus grande et téméraire), les autres par défaut, leurs origines Slaves n’arrangeant en rien leur image.
Dans cet air de guerre qui n’en est pas vraiment une. Alors que le Royaume-Uni s’entendait avec le Bloc de L’ouest, leurs visages et leurs chevelures eux, criaient « URSS », elles n’en savaient rien, peut-on vraiment être coupables à 10 ans ?
Cela se discute,
Par contre ce qui est sûr, c’est que l’on peut être exclu de cette magnifique masse bien trop droite et structurée, de jeunes filles éduquées a grand coups de livre sacrés, si au yeux des enseignants, bienveillants et matures, leurs origines n’importait pas, au yeux de certains enfants.. c'était plus compliqué, pourtant, pour les jumelles, les efforts avaient étés considérables, mais que voulez vous, parfois, être un peu différent, c'est déjà trop.
Se faire exclure (de l'Orphelinat), c’était d’ailleurs ce qu’elles risquaient, si elles se faisaient prendre, Madame Taylor le répétait à chaque bêtise, mais au fond, ou pouvait-elle réellement les envoyer ?
C’est pas comme si elles avaient quelque part où aller, sans doutes des menaces en l’air, puis, se faire virer d’un bâtiment d’accueil, ça serait un sacré challenge, et un sacré comble.
Et d'ailleurs, elles étaient prises en flagrant délit, parfois, mais en ces moments, la plus âgée des trois s’arrangeait pour les couvrir, ou mentait, disant qu’elle les avaient forcées.. peut-être était-elle mal éduquée, sans doutes, mais elle avait bon fond, et grand cœur.
Elles étaient bien, toutes les trois.
Deux.
Deux ans plus tard, les choses n’avaient pas tant changées, les trois loupiottes s’adonnaient toujours aux cours, à la prière, aux mœurs… mais elles s’échappaient parfois quelques nuits, ça aussi, ça n’avait pas changé, les vieilles habitudes ont la peau dure.
Les jumelles avaient toujours d’excellents résultats -surtout la plus incisive des deux- la « grande, grande sœur » toujours d’odieux résultats, et semblait détruire unes à unes toutes les barrières qui lui servaient à rester enfermée dans cette décence que l’on cherchait à lui imposer. A 14 ans, c’était un peu trop pour elle, ou mieux, c’était trop peu pour elle.
Elle n’aspirait pas à devenir une simple femme éduquée, sans caractère aucun, et qui se soumettrait à « ce système patriarcal à la con »
Rêvait-elle de grandeur ? Peut-être, si la grandeur du monde comptait.
Rêvait-elle de grandir ? Sans doutes.
Vivre entre 4 murs, cela n’était pas pour elle.
Les quelques sorties encadrées ne lui suffiraient pas, c’était sûr, alors, elle entreprit d’étirer un peu plus le « cadre » dans lequel elle évoluait, il lui fallait plus de liberté, même si tout ici était mis en œuvre pour la préparer au monde extérieur, c’était maintenant qu’elle voulait le découvrir. C’était bien d’apprendre à coudre, de se cultiver, mais c’était pas « la vraie vie » tout ça.. et l’immensité labyrinthique des rues, attirante lui tendait les bras.
Ainsi, certaines nuits, elle sortait discrètement, puis s’aventurait, chaque fois un peu plus loin.
Dire qu’elle ne connaissait pas le monde en dehors de l’orphelinait serait un mensonge, en réalité, elle l’avait déjà vu, bien évidemment.
Mais découvrir la ville, de nuit, et sans personne pour lui dire de marcher en rang, cela avait du bon, cet arrière-goût de liberté lui plaisait à merveille
Parfois, elle arrivait à emmener avec elle la plus timide des deux jumelles, l’autre cependant, ne se joignait plus jamais à elles, trop occupée à utiliser son temps à dormir, ou mieux, lire.
Depuis quelques temps, on mettait à sa disposition plus de livres, elle était parfois dispensée d’exercice physique même. D’habitude, tous les enfants étaient traités de manière égale, mais pas elle. Ce traitement de faveur l’avait rendue plus froide encore, plus prétentieuse, ça n’allait pas réellement en s’arrangeant, les bruits de couloirs parlaient d'une élève "surdouée", d'une petite "exceptionnelle" ou des choses dans ce genre.
Il y avait toujours deux sœurs de sang, mais, disons que ce n’était plus les jumelles et la troisième dénotait vraiment.
Puis un jour, cette distance atteint son paroxysme, pour de bon, un matin, alors qu’elle se préparaient toutes à quitter leurs quartiers, les lits bien faits et les uniformes droits (sauf pour l’une d’entre elles, je vous laisse deviner laquelle), elle fut surprise par ses deux camarades à remplir une valise, de toute ses affaires. On allait venir la chercher.
Christa et Emily n’en avaient pas eu vent, mais une famille allait venir leur prendre la troisième -et un peu hautaine- membre de leur petit groupe. En effet, ils avaient eus vent d’une petite fille à l’esprit et aux capacités de réflexions tout simplement.
impressionnantes. Son intérêt très poussé pour les mathématiques et les sciences (bien que n’étant pas vraiment en accord avec L’église) avaient tapé dans l’œil des deux riches anglais, qui voyaient en elle un potentiel à exploiter. Seul dieu sait ce qu’ils en feraient, à cet âge-là, ils pourraient la façonner de la façon qui leur plait le plus, les enfants sont si facilement malléables.
Toutes trois n’échangèrent que de cours regards, affolé pour la première, enragé pour la seconde, désolé pour la dernière.. Tandis que la plus brillante des jumelles, sur le départ, ne laisse perler que quelques larmes, l’autre laisse déferler des torrents.
La question fut posée.
- Pourquoi tu pars, pourquoi tu nous laisse ?La réponse fut donnée, dans un soupir entre la tristesse et l’exaspération.
- Ecoutez, avec ces gens fortunés, je vais avoir accès à une éducation, je vais apprendre encore plus, Madame Taylor a accepté leur offre, ils ne peuvent pas avoir d’enfants..La pleureuse, la voix à demi nouée.
- Tu.. tu peux pas remplacer Maman, ils peuvent pas te prendre, ils ont pas le droit.Pour la première fois, madame je sais tout hésitais, sa réponse se fit attendre.
- Ils.. Ils ont le droit, Madame Taylor est ma tutrice, et elle a dit oui.Elle renifle puis prends une grande inspiration.
- D’après L’ « Adoption of children Act », de 1926, ils ont donc le droit, car ils ont son autorisation…Même lors de ses adieux, elle aura été une incollable et insupportable encyclopédie vivante.
Derniers coup d’œil, poings serrés, elle trace sa route, pourquoi ne l’avait-elle pas dit à sa sœur biologique ? Parce qu’elle n’aurait pas compris.
- J’espère que nous nous reverrons, vous deux.Vous deux.Un.
- Un dernier petit effort, on va se recroiser, et j’en profiterai pour te ramener ta sœur, par la peau des fesses s’il le faut ! Ce départ-là était moins douloureux, car plus préparé, plus attendu, moins brutal.
Même si elle riaient jaune,
Elles riaient.
La grande avait maintenant 16 ans, et les maîtres la jugeaient désormais apte à sortir et vivre dans ce monde pas si accueillant. Peut-être avaient-ils abandonnés l’idée de la soumettre à leurs manières, peut-être était-elle réellement prête, nul ne le savait.
Toujours est-il qu’elle partait, laissant Christa seule, mais bon, elle aussi avait grandi, l’absence de sa sœur de sang pour jouer l’exemple et/ou le garde-fou l’avait peu à peu poussée à se rapprocher plus du caractère de son autre -bien moins officielle- sœur.
Elle était grande maintenant, elle n’avait plus besoin d’aide pour s’échapper, pour répondre aux quelques autres filles qui la dérangeraient. Il ne lui suffisait plus maintenant qu’a continuer d’apprendre et de se construire, dans deux ou trois ans, on la laisserait partir.
C’est ce qu’elle se disait, alors qu’Emily se dirigeait vers la sortie, sans oublier de taquiner les quelques jalouses au passages, s’en sortira-t-elle seule ? Aucune Idée.
Ce que je sais en revanche, c’est que le temps lui paraissait horriblement long, si long… Le venue du soir n’apportais pas avec elle les joies d’aventures interdites en compagnie de sa grande, grande sœur, finalement, le torrent était là, quelque part. L’eau avait du mal à couler sous les ponts, les séparations étaient amères, et les larmes coulaient sous la peau. (coucou Elore)
La plaie qu’avait été le départ de Susie s’était rouverte et après coup, quitter Emily se révéla être une épreuve tout aussi voire plus difficile encore.
Alors ses résultats, déjà bien affaiblis par ses changements de caractère des dernières années, atteignirent le plus bas des niveaux, Christa était seule, c’était le néant, il n’y avait personne autour d’elle, et ainsi, rien en elle.
Et cette timidité -qui l’avait quittée après de lourds efforts, et de longs mois à développer une confiance en elle et une joie de vivre à tout épreuve- vint la hanter de nouveau, on entendait de moins en moins sa voix, elle était sur la descendante.
Pourquoi parler, quand on est trop occupée à ruminer, comment parler même. Elle était enfermée là, alors que ses deux sœurs, de sang ou non, étaient parties, dans l’immensité du monde, comment ferait-elle pour les rattraper si elle ne sortait pas de suite ?
Alors un jour, elle s’arma de courage...
Pardon, j’ai dit un jour ?
Une nuit.
On n’enfile pas de souliers, ils font bien trop de bruits, les chaussettes en grosse laine suffiront donc, on s’habille chaudement, enfin on essaie, et on file.
Elle courut, aurait même voulu voler. Mais comment les retrouver dans cette immensité qu’est le monde ?
Rien que la ville lui paraissait bien trop grande, alors tout un pays… et toute seule…
Tant pis, elle referait ça tous les soirs, elle demanderait au passants…
Quelle innocence, elle devait apprendre, comprendre par elle-même.
L’Angleterre avait avalé ses deux sœurs, ne lui rendrait sans doutes jamais.
Alors à chaque nouvelle escapade nocturne, la course s’abandonnait un peu plus à la marche, jusqu’à atteindre la stagnation totale, l’absence de mouvements, alors qu’après plusieurs dizaines de jours à chercher chaque lune, elle s’abandonnait sur les toits, à contempler la nuit.
Elle rêvait de voir tomber une étoile,
on dit d’elle que quand elles se meuvent, elle exaucent nos vœux les plus cher…Aucune étoile ne tomba,
Cependant, un "astre" vert vint la cueillir, lui proposant une grande famille, qui pourrait l’accueillir.
Meurtrie, la réflexion fut difficile, pourtant, elle n’avait pas vraiment le choix du vœu qu’elle se verrait exaucé.
Oh, et puis mince.Avec cette étoile, Il n’y en avait qu’un.