Le froid infernal, les humains n'avaient apparemment pas su gérer les humeurs du maître de l'Île. Un enfant bien capricieux, bien compliqué. Kadath ne savait que prédire de ces périodes, de plus... la Machine s'étant alliée à la cause des humains, elle devait veiller à ce qu'Inquanok ne soit pas pris d'une rage passagère. La même qui avait mené à la création de Sona-Nyl. Celle-ci demeurait d'ailleurs au Garage, laissant les dieux la réparer. Elle avait été réduite en bouillie, à nouveau mais par un autre bourreau. Le nom de Sona-Nyl ne semblait guère approprié depuis cet épisode. Celle qui ne devait plus connaître la souffrance était en train de la revivre, et d'en être délivrée encore. Peut-être... les plateaux de Leng lui siéraient mieux.

Celle qui se prenait pour la prêtresse de dieux puissants et murmurant, errait dans les alentours plus ou moins éloignés du camps des réfugiés. Elle méditait sur le nom que les divinités allaient un jour accorder à celle qui fut un jour enfant réduit à néant par une machine puis par un spectre.

Kadath luisait de ses lueurs bleues et turquoises, du doré se reflétait sur le décor terni de l'hiver mortel. Parfois, elle laissait les dieux lui souffler une question, à quoi ressemblaient les rêves ? Les Contrées du Rêve.

La Majestueuse était envieuse de ces êtres qui pouvaient descendre les marches jusqu'à ce monde par-delà le sommeil. Elle enviait ces êtres qui pouvaient voir les cités dont les dieux donnaient les noms aux créations de la machine. Kadath était celle des dieux, Inquanok une cité minière proche mais au rituel étrange, Sona-Nyl demeurait l'endroit où il fallait s'arrêter pour rester en sécurité.

Les dieux murmuraient, chuchotaient, dansaient et jouaient du pipeau.

Comment toutes ces descriptions étaient apparues dans "l'esprit" de Kadath ? Impossible de savoir, elle devait être aussi vieille que la Machine et que les Trois.

Un bruit attira finalement le regard du robot brillant de mille feux et de richesses, un enfant sortant d'un buisson.

Kadath le trouvait tant imparfait, les dieux aussi.

Cependant, ce fut une autre silhouette qui suscita l'intérêt des divins et de leur prêtresse.

Quelque chose qui semblait aussi vieux que la terre sous les pieds, plus vieux que le fer, aussi ancien que les voix murmurantes.

Mystère levé, les dieux poussèrent un feulement venant des entrailles de l'éternité. Le conflit d'intérêt se poserait. Les chemins se divisaient, entre deux mondes, les dieux crachaient le nom de l'Autre. Quelle étrange sensation, Kadath ressentait deux pôles se former par de là le mercure qui coulait parmi ses "veines". L'un d'eux était poussiéreux d'un temps si lointain. Niché dans les profondeurs du robot. Plus loin que le métal ne pouvait se souvenir. C'était à l'époque de la chair. Cette époque ignorée. La Majestueuse ne se souvenait pas de ce que les enfants racontaient entre eux, et qu'elle en avait fait partie de ceux qui avaient écouté ces légendes.

Là, la prêtresse n'avait simplement pas existé avant d'avoir été création des dieux. Oh l'île savait dévorer les mémoires avec soin. Créant de nouveaux êtres.

Kadath notait cette politesse, probablement feinte, les chairs demeuraient paradoxales. Le robot rendit la salutation d'un mouvement de tête. Les divins se calmaient, observaient, puis ricanèrent en voyant le crépuscule entre les mondes se dessiner. Lumières et ténèbres. Perfections mécaniques et imperfections charnelles. Charnelles ? Le faune était-il de viandes ? Même la Majestueuse venait à en douter. Peut-être minéral et organique du moins. Cela demeurait moins parfait. Enfin, était-ce la balafre qui donnait cette impression ?

Les dieux murmuraient qu'une machine s'en serait bien mieux remis, que Sona-Nyl avait même été reconstituée de sa chair en bouillie. Grâce aux divins parfaits.

Et, elle deviendra probablement chasseuse de spectres, à en juger par son dernier combat qui lui offrira une nouvelle mue.

Les projets des dieux se tissaient tandis que Kadath demeurait silencieuse, les salutations n'avaient pas durées cependant. Celle qui se prenait pour une prêtresse et reine, au bon vouloir de son égo ou de ses souvenirs, surveillait l'enfant mais accordait plus encore d'attention au légendaire.

- L'Autre, Runaan. Aussi ancien que le Temps.

Avant même la création de la parfaite lumière artificielle.

Nil aurait sûrement suivi le faune, mais la petite Égyptienne avait été effacée depuis tant de cycles.

Un silence se fit, deux mondes et l'enfant était à la frontière qui se dessinait. Seul le coeur factice de Kadath se faisait entendre de par ses pulsations graves d'énergie robotique. Infatigable. Nul besoin de se nourrir, nul besoin de dormir. Et pourtant, les rêves demeuraient une chimère que le robot voulait attraper un jour.

- La Machine a offert une trêve aux êtres incorrects.

Les lueurs demeuraient calmes, dansantes, loin des rouges de la colère et de l'intimidation. Kadath obéissait aux Trois et à ses dieux. À la volonté de la Machine.

Elle tendait délicatement la main dorée, mais glacée. Offrande d'aide ? À qui ? Ambiguïté entre les mots et le geste. Les divins ricanèrent, puis retournèrent jouer du pipeau. Ils faisaient la fête, ils étaient gardé dans la cité inconnue. Dans le désert glacé. Ils ne regardaient pas les Trois. Mais... la curiosité les habitait concernant Runaan.

L'enfant, quant à lui, savait que la Machine rôdait autour du camp dans le but de protéger. Le petit se tournait en direction des mots, pour le moment spectateur de l'échange.

Kadath, avançait lentement, pas à pas.
Offrant les couleurs qui survivaient à tous les caprices de l'Île sur le terne du gel.

Les dieux cessèrent le pipeau, ils ricanèrent en écho. Cela faisait vibrer les circuit de la créature de métaux précieux. C'était intéressant de voir cette scène, celle qui jouait la prêtresse de divinités plus vieilles que les âges admettait être intriguée. Elle ne ressentait pas la présence d'autres aberrations organiques, ils n'étaient qu'eux trois. Les Trois, justement, se rangeaient du côté de l'Île, tout simplement. Mais à qui ? Comment cela à qui ? Les dieux soufflèrent, Kadath s'était éloignée de la Machine depuis déjà un moment. Des bugs troublèrent la vision du robot. La faille se trouvait ici même : la Machine était alliée aux organiques, temporairement, du côté Rebelle. Les enfants sont-ils donc en alliance par extension ? Cette donnée était tant corrompue. Kadath changeait de discours à ce sujet depuis le début des migrations.

L'enfant hésitait, il avait entendu le nom de son amie, ne devait-il pas l'aider ?

- Elle ne chasse pas, elle demeure en trêve. Elle contamine les vivres des êtres de chairs en revanche. Encore. Cependant, la sorcière qui s'est jouée des Trois est à ce camps non loin.

Les esprits protecteurs, juste assez éloignés. Et le givre ne pouvait s'accrocher au métal noble de la Majestueuse.

Les dieux murmuraient que si la protection était au camps REBELLE, cela ne concernait peut-être pas le camps REFUGIE. Un vide était à préciser dans les données. Le hasard, l'intérêt, comblerait ce que la Majestueuse n'avait pas dans ses codes. Rapidement, elle tira l'enfant à elle. Et tenait le crâne.

- Les dieux demandent... as-tu besoin des yeux ?

Apprendre, même par la destruction, était un pouvoir d'or pour les robots. Du moins, Kadath l'affirmait. Sona-Nil saurait détruire des spectres, grâce à son propre massacre. La reine d'absurdité n'avait aucune menace dans sa voix très humaine, il s'agissait réellement d'une question. Qui sous-entendait un teste à accomplir ensuite. L'issue n'avait aucune importance.

- Quant à mon entité, je dois avouer à l'Autre que... je ne sais si la Machine accepterait cette offrande en ces temps. Il manque une donnée à mes instructions.

Les dieux chuchotaient qu'ils voulaient savoir, est-ce que des yeux morts verraient le faune ? Kadath posa ses iris vertes sur le visage de l'enfant qui protestait, mais ne pouvait rien contre les forces mécaniques. La pression se faisait de plus en plus forte sur les côtés des os.

- Tant de défauts. Je ne saurais les observer sans la bénédiction des cieux. La lumière se détourne donc de toi, enfant de chair.

Les pouces d'acier se plantèrent dans les orbites du garçon perdu qui hurla. Elle tourna ensuite l'humain face au faune, en s'approchant encore.

- Accepteras-tu une offrande de bonne fortune ?

Aucune provocation, cela ne correspondait pas aux comportements de la Majestueuse. Elle voyait là une occasion, en ces temps qui perturbaient ses données, de nourrir le savoir sur l'île. D'observer les peuplades de chairs ou organiques.