A l'extérieur, Patches est un amalgame de tissus, de coutures, de vêtements. C'est une poupée de son, mesurant un mètre cinquante, possédant une force humaine. On le voit qu'elle néglige un peu son extérieur. Beaucoup de coutures, beaucoup de morceaux de tissus. Son visage est plat et peint, mais pas inexpressif. Elle peut le changer quasiment à volonté, mais ne maîtrise pas trop cette particularité. Ses cheveux sont encore ceux d'un être humain, mais c'est à peu près tout ce qu'il lui reste d'humain.

Ses habits sont aussi variés que ses couleurs. Toujours cousus à même sa "peau", elle garde généralement une tenue de domestique de nuit pour pas se faire réprimander, mais de jour, quand tout le monde dort et qu'elle en profite pour s'amuser dehors, on peut la trouver avec même des accessoires comme des queues d'animaux ou des ailes cousues à même sa "peau". Evidemment, ces accessoires sont juste cosmétiques et Patches n'arrive même pas à les faire bouger comme elle veut, mais que voulez-vous. Ça l'amuse.

A l'intérieur, Patches est aussi bordélique qu'à l'extérieur. D'un côté, elle est souvent tout sourire, prête à faire des bêtises à tout moment. Elle aime s'amuser, elle aime jouer des farces, elle travaille pour le Comte sans compter, mais d'un autre, elle s'angoisse pour rien. Elle doit être parfaite, intouchable, infaillible. Surtout que maintenant elle ne peut plus se fatiguer ou mourir ou avoir mal. Elle doit y aller à 200% ou elle fait mal. Elle essaie de se battre contre cette sensation, cette culture dans laquelle elle a toujours vécu, mais jamais elle doit se plaindre sérieusement. Elle a une situation privilégiée. Protégée par les vampires, sans crainte du froid, de la douleur ou de la faim, de quoi a-t-elle droit de se plaindre ? Oh, d'après elle, de rien. Alors elle reste souriante, à endurer, à s'amuser.

Patches a un esprit aussi usé que son extérieur.

♪ Les vêtements de Patches sont toujours cousus sur elle.
♫Elle porte à son cou la pilule que Death lui a donnée pour mourir.
♪Patches est très sensible à l'art, principalement la musique et le chant.
♫Patches a des souvenirs qui ne lui appartiennent pas. Généralement des souvenirs aléatoires et inhumains, toujours strictement inutiles.
♪ Quand Patches est blessée, sa paille tombe souvent, ce qui lui fait perdre de ses souvenirs. Les brins de paille sont magique, et si on se concentre dessus, on peut avoir accès à un de ces souvenirs perdus.
♫Mais du coup, quand Patches se remet de la paille qui n'était pas l'originale, elle devient magique et offre à Patches les-dits souvenirs absurdes. La paille doit provenir d'une poupée trouvée dans la Machine ( au bon étage ) pour pouvoir permettre à Patches de continuer à bouger.
♪Patches est Française d'origine et donc jure souvent en Français dans le texte.
♫Y a plein de trous dans le bras de Patches : ce sont les jeunes vampires qui lui mordent dedans.
♪Patches est nounou au service de Dracula et fait souvent la vaisselle ( surtout une certaine vaisselle. )

C'était une horreur, un calvaire. Puis je suis "morte". Maintenant, c'est... Fun ?

Je ne peux plus revenir, mais souvent, quand je suis seule à réfléchir, je regrette mon choix d'avoir suivi ce sale petit escroc.

Peter est un escroc. Un menteur. Un criminel. Un voleur. Il m'a volé qui j'étais en me promettant une vie de jeux et de rêves. Il m'a amené à son cauchemar pour son plaisir. Je déteste Peter. Je l'ignore de toute ma force. Qu'il aille se faire voir, je l'aiderai pas.

Hook, aucune idée. Ce que j'en sais, je l'ai obtenu des enfants, qui eux-même l'ont probablement entendu de Peter. Il m'indiffère. Il peut chasser le petit morveux s'il veut tant qu'il me laisse tranquille je l'attaquerai pas. Et puis le Noir Saigneur a décidé de l'aider un peu donc bon.

Arrivée en pleine Canicule. -> Appelée Sleepless, l'Epuisée
. Armurière.

Pluie salée -> Contactée par Death, se transforme en poupée. N'a plus de nom, va au Manoir. Entre au service de Dracula, se fait renommer Patches la Recousue.

TW suicide

Tu es née à Paris, un jour de Printemps. Première née de la famille, tu auras vécu deux ans tranquilles avant que ton premier frère ne naisse. Pas grand-chose de particulier, un déménagement avant même que tu puisses t’en souvenir. Tes parents vivent en banlieue. Pas dans un HLM, non, dans un joli pavillon, avec jardin. Une vie aisée, que beaucoup t’envient. On te le fait comprendre très tôt : tu es privilégiée. Tu n’as pas peur de mourir de faim. Tu as des jouets. Tu as des frères et sœur, et tes parents sont éduqués. Et toi-même, tu n’es pas à plaindre de ce côté. Tu apprends à lire par toi-même avant d’arriver en primaire, et on te fait sauter une classe. Mais arrivée en CE1, tu ne fais plus rien. Les cours t’ennuient. Tout va lentement, rien ne t’intéresse. On se demande ce qui te prend, on t’envoie voir une spécialiste. On te fait passer un test. Oh, il est amusant, il te fait réfléchir, puis on t’assigne une valeur. Élevée. Très élevée. Tu ne sais pas trop, mais on te dit que tu es au-dessus de la moyenne. Ça te flatte. Et on décide de t’envoyer dans une autre école, avec des enseignantes plus expérimentées. Les quelques amis que tu t’étais fait finiront par t’oublier.

A l’école, c’est encore difficile de te faire travailler mais on y arrive. Les mathématiques, ça t’amuse, même si apprendre par cœur, tu ne vois pas l’intérêt. C’est dur, on te force. Tu as du mal à travailler, mais tu te forces un peu. On te l’a dit. Ailleurs, certains enfants travaillent. Si tu n’étudies pas assez, tu deviendras éboueuse. Il y a de la nourriture que tu n’aimes pas, mais on te force. Ailleurs, ils n’ont pas à manger. Et quand tu es triste, quand tu t’ennuies, on s’énerve. Tu as tant de jeux et jouets, tu as tant de choses, pourquoi tu rêvasses ? On ne rêvasse que quand ça ne va pas. Mais tu sais que ça ne peut pas ne pas aller. Tu sais que tu n’as pas le droit de ne pas aller. Parce que tu es privilégiée. Parce que ta vie est facile. Tu es intelligente, un nombre te l’a prouvé. Plus intelligente que tout le monde. Et pourtant, tu n’arrives pas à comprendre les relations humaines. Et pourtant tu ne réfléchis pas tant que ça. Juste « ça a l’air drôle, faisons-le, ça n’a pas l’air amusant, je ne veux pas le faire ». Ta naïveté t’entraîne à faire des bêtises. « Mais quelle idiote ! » Il faut savoir, tu ne comprends pas. Tu es intelligente ou tu ne l’es pas ?

Dans la culture populaire, tu vois des personnes qui ont du mal avec les matières où tu brilles. Pourtant, c’est facile. Pourtant, ça se fait tout seul. Tu ne comprends pas. Bon, de toute façon, tu sais que ça va bien se passer. On te l’a dit. Tu iras dans un collège privé, c’est d’un meilleur niveau. Bon, il est catholique, donc c’est plein de personnes qui croient en Jésus. Toi, t’as bien compris que Jésus, c’était comme le Père Noël ou la petite souris. Mais tu n’as pas de problème avec ça. Après tout, les cours vont être intéressants, ça va être plus dur. Le challenge t’appelle. Bon, tu as perdu tous tes amis, encore, mais au moins ce sera mieux, non ? Non. L’histoire ne te passionne pas, la littérature ne t’emballe pas. Tes devoirs, tu les fais peu. Et tu te prends des rapports, des rapports que tu ne veux pas montrer. Tu es intelligente, tu es infaillible. Tu es parfaite, ou plutôt tu dois l’être. Quand les rapports, quand les heures de colle tombent, quand les mauvaises notes tombent, tu pleure. Pas parce qu’on t’a punie, non, mais parce que tes parents t’attendent, et te savent parfaite. Et tu reviens avec tes échecs. Tu vas devoir leur présenter tes échecs. Tes failles. Toi qui dois être infaillible. Alors tu les caches. Et tu crains l’arrivée du bulletin. Car tu sais que tes mensonges ne te couvriront plus. Et la colère effrayante de tes parents te retombe dessus. Et c’est pire, car tu as menti. Et tu te sens fautive, tu te sais fautive. Mais tu veux retarder ce moment, à chaque fois, même si c’est pire quand ça explose.

Et le collège, oh, le collège. Tu pensais qu’en restant dans ton coin, déjà, ça t’éviterait à avoir à te refaire des amis, et d’avoir à confronter la religion, mais… Mais la religion ici a des cours. Ici elle fait loi. Tu es la seule athée, et déjà tu le sens. Tu pensais qu’on te laisserait tranquille, non. Quand il y a un problème en cours, c’est que c’est certainement de ta faute. Tu n’as pas leur foi. Pourtant, tu étais adorable, à peine bruyante, curieuse d’apprendre leurs histoires, mais c’est de ta faute. Enfin, on le sous-entend. Oh, sûrement que c’est une mauvaise interprétation des faits, mais le mal est fait. On t’a accusée à tord, et ça t’énerve. Oh, tu ne provoques pas le chaos comme les autres, mais tu te fais moins respectueuse. Plus provocatrice. Mais pas trop, tu es gentille, parfaite, infaillible. Tu ne dois pas être punie. Tu veux juste rappeler que tu ne crois pas à leur Père Noël.

Ça aurait pu être suffisant. On t’a laissée tranquille durant deux ans. Oh, les règles ont évoluées et se sont endurcies, tu dois maintenant participer à leurs séances de confession. Avant tu pouvais rester à la permanence, « parce que pas de confession catholique », mais désormais, tu dois aller dans la chapelle. Soit-disant des catholiques qui auraient prétendu ne pas en être pour aller en permanence plutôt que de se confesser. Étrange. Mais ça ne te choque pas plus que ça. Pas sur le moment. Après tout, il suffit que tu sois celle que tu es d’habitude. Silencieuse. Immobile. Ce seront des heures qui passeront vite. Qui se plaint d’heures inutiles en cours à cet âge ? Mais ce ne sont pas des heures inutiles pour tes camarades qui y croient sincèrement. Tu penses. Tu n’es pas sûre ? Tu sais juste qu’ils suivent les règles. Et qu’ils y croient. Donc tu ne les embêtes pas avec ça. Et c’est réciproque.

Jusqu’à ce cours. Ce cours obligatoire sur les sacrements. Où on y apprend que le mariage ou l’ordination sont les sacrements les plus importants. Mais surtout où l’on y apprend que n’importe qui peut baptiser ou offrir la première communion.  Depuis, un petit groupe essaie de t’intégrer à leur religion. Une parodie de baptême à la piscine, une moquerie de première communion à la cantine. Ils trouvent ça drôle. Tu trouves ça chiant. Mais tu endures, tu te tais. Il y en a qui ont sûrement de plus gros problèmes que toi. Et puis ce n’est pas comme si c’était récurrent. Juste une fois. Si jamais tu t’en plaignais, tu sais qu’on balaierait ta remarque du revers de la main. Alors autant ignorer les faits. Quelque part, pourtant, ça t’a marquée. Mais après tout, tu as une vie tranquille. Seule ou presque. Sans ami-e dans ta classe. De toute façon tu habites trop loin. Pourquoi s’embêter ?

Heureusement, tu le dis quand même à tes parents, et ils ont compris. L’ambiance oppressive de l’établissement n’est pas si facilement supportable. On te dit d’attendre jusqu’au lycée. Après le brevet, tu retourneras dans le public. Ce n’est pas si difficile à supporter. Et puis le peu de lien que tu y as fait se briseront comme les deux fois où tu as changé d’établissement. Même si ce grand benêt de trois ans ton aîné reste proche. Quelque part. Il n’a que deux classes au dessus de toi, mais il y a quelque chose en lui qui attise ta curiosité. Et puis il a les mêmes centres d’intérêts que toi. Mais il disparaîtra en même temps que les autres, right ? Non, et il t’initiera à une communauté qui te permettra d’un peu tenir la suite.

Car si le lycée s’est bien déroulé, en ayant suivi le cursus qui te semblait naturel avec brio, on t’a proposé un cursus qui te semblait naturel. Après tout, une personne aussi infaillible et aussi parfaite ne peut que réussir la Classe Préparatoire. Erreur. Le monde est devenu cauchemar. Toi qui n’a jamais eu à rien apprendre, toi qui ne sais pas travailler, toi qui hais le par cœur et le mécanique, te retrouve dans une classe où on te moule dans un par cœur et un apprentissage mécanique, automatique, sans comprendre. Les notes chutent, le moral aussi. Tu as beau tenter de garder ta santé mentale en t’amusant dans la communauté, ta fatigue s’accumule. Trop de choses à faire. Plus d’envie. Mais tu es parfaite, infaillible. Ça ne doit pas se voir. L’hiver arrive. Tu sais que ce moment de l’année t’es fatal.Tu ne tombes pas malade, mais la fatigue t’étreint, et si ta température ne monte pas, les notes, elles chutent. Et déjà qu’elles étaient basses…

Tu veux t’enfuir. Tu veux parler à d’autres personnes. Mais sur internet, c’est différent. En plus on te dit que n’importe qui pourrait être un pervers dangereux. Tu discutes de tout, de rien, mais comme à ton habitude, tu écoutes plus que tu ne parles. Tu ne veux pas être rejetée de la communauté qui t’a accueillie pour un mot de travers. Alors tu les écoutes. Sans parler. Eux-mêmes ont des histoires tristes qui te paraissent pire que la tienne. Tu veux te plaindre, mais tu le sais. Ta vie est parfaite. Tu es destinée à être au sommet. Ta situation rendrait plus d’une personne envieuse. Alors, seule au milieu de cette foule de personnes qui ne te veulent que du bien, silencieusement, tu appelles à l’aide. Et Il répond.

Pas un dieu, mais le Diable.

Mais tu ne le sais pas encore. Il a l’air gentil. Il a l’air adorable. Et il t’offre une vie de jeunesse éternelle et de jeux. Toi qui va bientôt avoir 18 ans et devenir une adulte, toi qui est naïve et réfléchis peu, toi qui n’a que trop peu de liens avec ce monde, tu vois en ce gamin une porte de sortie. Il parle anglais, mais malgré ton accent, tu le comprends et arrive à te faire comprendre. Les langues n’ont pas vraiment été un problème durant ton éducation. Il t’offre un monde où jamais plus tu n’aurais à apprendre, où les adultes ne te pousseront pas à bout. Ton imagination trop fertile s’active, et tu te sens déjà Reine dans un banquet éternel. La nourriture pousse toute prête dans les arbres ? Voler dans les nuages ? Des FEES? Tant d’impossibilités qui attisent ta curiosité et nourrissent ton envie de partir.

Tu hésites. Le voyage a l’air sans retour. Tu repenses à tes « amis » sur internet, à ce sourire que tu voulais être pour eux. Tu repenses à tes parents, qui te poussent et t’encouragent à t’améliorer, et qui te disputent pour des raisons que tu sais justifiées. Tu repenses à tes frères et sœur. Si tu disparais, que va-t-il leur arriver ?

Mais tu revois ton dernier contrôle. Copie blanche. Tu n’avais pas dormi la veille, ayant trop discuté avec une personne qui voulait vraiment se rapprocher de toi, et la panique qui s’était alliée à la fatigue t’avait empêché de pouvoir écrire quoi que ce soit. Tu ne l’as toujours pas annoncé à tes parents. Tu ne veux pas voir leurs visages déçus. Tu ne veux pas voir la colère. Tu ne veux pas voir leurs reproches.

Alors tu sautes par la fenêtre et suit le diablotin. Au final, ça ne change pas grand-chose. Tu quittes un monde et laisse peu de personnes qui finiront par t’oublier, pour aller dans un autre où tu essaieras encore une fois de te fondre dans la foule.

Il y a cependant quelque chose d’étrange, à ton arrivée. Le petit diable joue un air et te dépossède. Le prénom que tu avais, tu l’aimais bien. Mais comme ton ombre, il disparaît. Quelque chose ne va pas. Quelque chose te dérange. On te dit cependant que c’est le prix à payer pour la vie éternelle et une éternité de jeux. Les jeunes autour semblent venir de mille âges différents. Alors tu y crois. Le prix est dur, mais qu’importe, si les fées, si le jeu, si ce qu’on t’a promis est vrai. On te donne un autre nom. Sleepless, l’Epuisée. Tout ça parce que tu avais l’air très fatiguée à ton arrivée. Ce n’est pas drôle, mais tu encaisses. En silence. Après tout, tu es parfaite, tu ne t’énerves pas sur ce genre de broutilles. Tu n’as pas le droit de t’énerver sur ce genre de broutilles. Ce ne serait pas digne d’une des filles les plus âgées et sages. Ce ne serait pas digne de ton intelligence.

On t’assigne Armurière. Malgré ta fatigue, tu as l’air habile de tes mains et pas très facile à affronter. Tu dois apprendre aux gens à se battre. Contre qui, contre quoi ? Tu dois créer et réparer des armes. Pardon ? On t’aide, bien sûr, tu viens d’arriver. Tu te dis que ce sont des jouets, mais ils ont l’air très… Efficaces. Tu vois des enfants revenir parfois très blessés.

Tu vois revenir parfois des enfants morts.

Qu’est-ce qu’il se passe ? Ce devait être un royaume de joie et de jeux. C’est un royaume de travail et de peur.

Tu ne dors plus. Tu paniques facilement. Mais pas devant les autres. Tu dois être forte, parfaite. Tu es grande, maline, sage, habile. Tu es forte. Ton sourire est de plus en plus forcé. Tu as peur de ce que tu fais. Tu ne joues plus, tu vérifies chaque arme que tu crées. Tu ne fais plus que celle que tu sais faire absolument. Un rituel qui te rassure. C’est pas difficile, tu peux en faire plein, et efficacement. Et ces dagues de pierre tiendront. Tu en fais beaucoup. Tu ne parles pas aux autres. Tu t’enfermes. Le monde autour de l’arbre est beaucoup trop dangereux. Mais tu ne peux pas dormir. Et si les armes que tu avais faites faisaient défaut à leurs utilisateurs ? Et s’ils mourraient par ta faute ? Mais de toutes les personnes, tu es celle qui a le moins le droit de se plaindre. Après tout, ce n’est pas toi qui affronte l’extérieur. Et quand bien même, tu es grande. Tu as plus de chance de t’en sortir.

Enfin, tu le croyais.

Ils ont banni cet enfant. Qui avait osé grandir. Qui avait osé se rapprocher de l’âge adulte. Comment ? Qu’est-ce ? On t’avait dit qu’ici on ne grandissait pas. Et si toi tu grandissais ? Et si toi aussi tu finissais bannie ? Ils n’oseraient pas, n’est-ce pas ? Tu es bientôt adulte. En stase, mais bientôt adulte. Tu vas souvent à l’Infirmerie juste pour vérifier. Tu ne dors toujours pas. Mais à qui te plaindre ? A qui te confier ? On va te dénoncer. On va te bannir. On va te tuer. Alors tu fais des dagues de pierre, tu gardes pour toi. Tu restes prudente. Tu es parfaite, tu ne peux pas craquer.

Puis il est arrivé. Avec ses mots de miels, ses promesses de repos. Son nom veut dire mort, tu le sais, mais tu l’écoutes quand même. Car il sait te parler. Tu ne lui réponds pas car tu as toujours peur, mais le miel de ses paroles t’attirent dans une toile fatale. Un appât bien tendu, des paroles qui t’endorment, un puits piégé. Peut-être qu’il a raison, peut-être qu’il est temps d’arrêter les frais. Il sait t’encourager. Il sait te parler. Et il t’a donné le ticket de départ. Une petite pilule, ronde. Avaler ça, c’est partir. Pour toujours.

C’est très tentant.

Alors tu fais un dernier voyage, voir si quelque part tu as envie de rester. Ton voyage s’arrête dans une énorme machine. Une grande tour. Avec un étage sucré à en mourir, un étage beaucoup trop métallique à ton goût. Et un étage rempli de poupées et de pantins. Quelque part, ça t’amuse. Quelque part tu veux y rester. Alors tu avises cette poupée géante, les bras ouverts, et tu te laisses aller, pour de bon. Toutes les envies de câlin que tu te retenais de faire car tu es trop grande. Toutes les larmes que tu ne laissais pas couler car tu n’as aucune raison de pleurer. Tous les cris de rage que tu ne hurlais pas car tu dois rester sage. Et au final, épuisée, avant de réussir à fermer les yeux pour la première fois depuis trop longtemps, tu avales la pilule de sortie.

Et tu te prépares à ton dernier sommeil.

Et pourtant tu te réveilles. Tu n’es plus fatiguée. Tu n’as pas faim. Tu n’as pas froid. Tu ne ressens plus grand-chose. Au début, la panique t’envahit. Qu’est-ce qui t’arrive ? La pilule aurait dû t’empêcher de te réveiller. Tu devrais être morte. Tu ne sens plus ton visage. Tes bras peuvent se plier bizarrement. Tes jambes aussi. Ta peau ressemble à du tissu. Du tissu doux, mais du tissu. Tu poses tes mains sur ton visage, tu n’en ressens plus les reliefs. Tu cherches un miroir, et tu vois un visage plat, peint, effaré. Puis étonné. Puis amusé. Puis tu t’essaies. Tu te testes. Quelque part, tu veux savoir.

Dedans, c’est de la paille. Et ça ne te fait pas mal. Vie éternelle. Jeunesse éternelle. Des jeux tout le temps. Ne pas craindre la mort.

Et si.

Et si tu avais finalement obtenu ce que tu cherchais ? Et si tu étais devenue une immortelle ? Toute-puissante ? Quelque part, en toi, une voix s’élève. Tu ne l’es pas. Reste modeste. Tu ne sais pas ce qu’il se passe. Et puis une idée. Une idée stupide. Irréfléchie. Pourquoi se retenir ? Que cette première idée irréfléchie soit ta première bêtise de ton après-vie.

Tu t’ouvres le ventre. La pilule y est, à peine digérée. Des brins de paille partent alors que tu essaies de la récupérer. Tu sens quelque chose partir, mais ça ne te dérange pas. Tu es concentrée sur ton objectif. Entre des doigts l’outil de mort qui t’a épargnée. Tu récupères un flacon de perles qui traînait que tu vides. Tu récupères une cordelette. La pilule, dans le flacon, te servira de souvenir. De qui tu étais. De ce que tu as traversé. Il est temps maintenant d’être quelqu’un d’autre et de t’amuser.

Tu n’es plus Sleepless, tu n’as plus de nom. Tu n’as pas d’ombre. Tu n’es plus humaine. Tu es juste une grande poupée, et tu vas t’amuser.

Tu n’as pas envie de revenir à l’Arbre. Pas pour le moment. Les Natifs, tu n’es pas sûre de comment ils pourraient t’accepter. Et puis ça a l’air un peu ennuyeux. Pourquoi ne pas pousser la barre haute ?

Alors ton départ vise un lieu dangereux. Un domaine sombre, un domaine de nuit, un domaine de terreur. La chambre de Bo- MAIS NON, LE DOMAINE D’HALLOWEEN.

Sur le chemin, tu te blesses. Tu perds de la paille, tu te déchires. Une bonne chose que tu aies gardé du tissus et des outils pour te réparer de la Machine. Tu perds de la paille, et certains de tes souvenirs deviennent confus. Tu t’en rajoutes, et tu as l’impression de te rappeler de choses qui ne te sont jamais arrivées. Le temps d’arriver, tu es un patchwork de tissus et de coutures. Tes souvenirs sont confus, et si certains sont étranges mais tu penses pouvoir dire avec certitude qu’ils sont vrais, d’autres sont absolument faux. Tu sais juste qu’il ne faut pas t’y fier. Tu as aussi appris à mieux coudre, et te réparer n’est plus qu’une formalité.

Il fait nuit, quand tu entres. Les créatures ne te remarquent pas, tu n’es pas vivante. Il te suffit de faire la morte pour qu’on te laisse tranquille. C’est très amusant. Autant tu sais que tu pourras te réparer si il y a besoin, autant il faut que tu sois un minimum en vie. Mais tu sais aussi que la douleur ne t’atteint pas. Au pire, tu demanderas aux passants de te réparer. Au pire, tu disparaîtras.

Mais un soir, tu l’as vu. Il t’a tapé à l’œil. La classe incarnée, la Noblesse. Le Noir Seigneur, le Terrible Saigneur. Vlad Dracula en personne. Alors que tu restais immobile pour observer les alentours, il semblait revenir de quelque part pour rentrer dans son Manoir. Et ce fut le coup de foudre.

Il te faut sa cape.

Attention, pas une de ses capes, SA cape. Celle qu’il porte sur les épaules.C’est ton but, désormais. Réussir à la lui dérober, sans finir en nourriture pour animaux. Sans finir en chiffon. Alors tu pénètres le manoir de jour. Chaque fois que tu entends du bruit, tu fais la morte. Parfois, quand on te voit, on soupire, on te ramène dans une salle pleine de jouets et de jeunes vampires. Mais tu te débrouilles et tu finis toujours par ressortir, te rapprocher de ta cible. Des fois, tu la vois – cette cape. Tu la veux. C’est ton but.

Tu finis par réussir à entrer dans un salon. Une pièce bien ornée, avec un fauteuil et une bibliothèque. Du bruit. Quelqu’un entre. Cette cape… C’est le Sombre Maître des lieux. Il te regarde, d’abord intrigué, puis il sourit.

Il n’est pas stupide. Il sait.

Tu n’es pas stupide. Tu sais qu’il sait.

Mais tu sais que le jeu ne fais que commencer. Un jeu de 1,2,3 SOLEIL entre deux éternels. Tu t’empêches de rire. Tu t’empêches de faire la pitre. Lui te surveille en faisant semblant de ne pas te remarquer. Quand il doit partir, il trouve toujours une excuse pour que tu ne sois pas seule. Tu as tout ton temps. Il a tout le sien. Tu es parfois au bord du fou-rire. C’est tellement amusant ! Tu arrives même parfois à déceler un éclat de malice ou un morceau de sourire quand il jette un discret regard vers toi.

Mais ce jeu devra cesser un moment. Après tout, tu dois prendre cette cape pour toi. Quelque part, c’est triste.

Le jeu de cache-cache se termina une nuit, à cause d’un incident bien étrange. Un vampire était venu voir Dracula pour lui demander d’assigner quelqu’un pour les aider – il y avait trop de jeunes vampires, la situation n’était pas facile à gérer. Dans un soupir épuisé, le Sombre Saigneur prononça ces mots :

« Ah, si seulement quelqu’un pouvait être là pour les aider. Si seulement. Peut-être même serai-je indulgent et ne la punirait pas pour son intrusion. »

En gros, bouge ton arrière-train de poupée et va les aider, le jeu est terminé. Et puis s’occuper de petits, quelque part, tu aimes bien. Tu les avais déjà vu jouer en bas, plusieurs fois. Tu t’étais retenue de jouer avec eux. Alors tu obtempères, tu te lèves, tu te proposes. Dracula n’est évidemment pas surpris. Un peu plus l’est son subalterne.

Le dernier échange de regards, cependant, alors que tu te diriges pour aller t’occuper des petits mordeurs, est lourd de sens.

Le tien dit : « Le jeu ne fait que commencer. »

Le sien répond : « Je t’attends. »

Depuis que tu vis chez les vampires, ta vie est beaucoup plus lumineuse. Peut-être que tu as trouvé ta place.

En tout cas, tu surveilles toujours le moment où tu pourras retirer des épaules du Grand Maître sa cape et la coudre aux tiennes. Ça, tu ne l’as pas oublié.