Dracula a ouvert les yeux il y aurait de cela 1000 ans. Il l’affirme. Il est au sommet de la haute caste des Horreurs, les Vampires. Rien à voir avec ces chiens de loups-garous. Même les Frankenstein savent mieux se tenir.

Les spectres ont au moins une légèreté raffinée qui plaît au Ténébreux. Cela donne une danse rappelant peut-être aux vivants à quel point ils sont fragiles. Basiques, faibles. Terriblement en dessous de Lui, Dracula.

Dans une coupe d’or blanc richement décorée on lui verse un vin particulièrement précieux et délicieux. Le vin de vie. Le sang humain. Il en faut toujours plus, la soif ne se calme jamais. Ce besoin est permanent. Il en exige toujours. Eternellement. Rarement il chasse, un être de sa qualité n’a pas besoin de se salir les mains. Ses sbires s’en chargent. Malheur à eux si leur précieux patriarche doit subir une sensation de gorge asséchée. Il ne vaut mieux pas. Veillez à garder votre Maître ivre de sang, qu’il soit sobre serait instantanément un manque. Un manque qui se devra d’être comblé très vite. Car il ne supporte pas perdre ses moyens, perdre sa tenue distinguée et prendre à la gorge l’être sur son chemin à cet instant précis.

Pourquoi donc l’or blanc ? Cela ressemble à l’argent, ce que tous craignent. Ceux qu’il gouverne, et ce que le Ténébreux fuit de même. Alors porter un métal précieux qui inspire l’argent… c’est un peu pour berner ceux qui le pensent vulnérable. Ou pour impressionner encore plus les autres Vampires.

Bien sûr il n’est pas un dieu, d’autres faiblesses le menacent. L’ail, les crucifix ou encore le soleil. Ce maudit astre trônant si fièrement dans les cieux. Il voudrait trouver un moyen de venir à bout de ces horribles failles, devenir encore plus haut, encore plus puissant que les autres et ne jamais ressentir l’atroce brûlure qu’infligent ces choses. Peut-être cela lui permettrait d’accéder à d’autres niveaux ? À ressentir encore d’autres choses ? Peut-être que boire le sang de Peter Pan le lui permettrait. Voilà la quête qu’il mène. Son Horrifique croisade. Il voudrait lentement venir, lentement s’approcher. Et qu’on lui amène ce sang appétissant.

Il fait si froid dans les murs du Manoir, tout paraît mort et terne aux yeux de Dracula. Alors qu’il est si haut, il n’est pas comblé. Alors qu’il boit presque en permanence du sang, il n’est jamais satisfait.

Sa puissance, sa maîtrise des esprits faibles, se changer en chauve-souris, charmer les femmes… Tout est bien trop facile. Aucun effort. Il ne se sent pas vivant. Alors, n’ayez crainte, il ne sort que rarement de sa bienséance. Jamais il n’abuse de ses dons. Les bonnes manières l’empêcheront de s’acharner. Il préfère tant parler. Apprendre à connaître. Savoir ce qui Vous fait vivre. L’hémoglobine, il en a déjà connaissance. Et probablement sa coupe en est déjà pleine. Il veut savoir ce qui fait battre vos existences si misérables. Pourquoi les humains ressentent et débordent de vie alors qu’ils ne sont pas plus signifiants que des fourmis ?

Il a en horreur de devoir courir, certes sa vitesse est impressionnante, mais cela n’est pas un acte digne d’un homme distingué. Il essayera plutôt de faire passer cela pour une forme de téléportation. Alors qu’il n’est réellement question que de rapidité.

Toujours distingué et bien élevé. Même si parfois, il accordera une caresse paternelle en donnant son pardon… il gardera à l’esprit qu’une dette est ainsi née. Il les note. Jamais il n’oublie ces moments. La trahison est la chose qui l’insupporte le plus. Dracula est un homme de parole, et jamais il ne faut le bafouer. Il peut se montrer susceptible.

Le calme demeure sur son faciès si pâle et ses yeux si sombres, difficile de savoir si on a le malheur de le vexer, de l’outrager, de marcher sur la bonté qu’il daigne vous accorder. Probablement la main glacée sera déjà en train d’enlacer mortellement la gorge avant que vous ne puissiez implorer le Pardon. Cette demande qu’il peut accepter alors que cela semble inespérable. Parfois il sera plus indulgent, parfois non. Mais une forme de Pardon pourra être prononcée. Doux ou cruel. Soit il enlacera mais vous condamnera à une dette, soit il exigera preuve de sincérité par des quêtes.

Ses vampires, doivent eux aussi être méritants de sa race. Il les veut beaux, fiers et parfaits. Il joue le père de ces créatures, celui que tous doivent respecter, et que certaines dames vampiriques ont la chance d’être les amantes. Parfois, il jette son dévolu sur une humaine. Cela ne le répugne guère, toucher à la chair vivante. Lui n’a rien d’un vulgaire pirate, lui sait se tenir. Lui sait faire plaisir. Cependant, il s’agit d’une autre faille. Il recherche un peu de son amour perdu. Sans vraiment se rendre compte de cette attirance, de cette autre quête peut-être blasphématoire envers son idéal.

Dès lors qu’il se surprend à s’attacher, il se débarrasse de la captive. La laisse fuir dans les couloirs. Elle doit courir. Et là, il laisse ses protégés chasser.

Un jeu, pour permettre aux vampires de déchaîner leur animosité. Oui, une fois de temps en temps, il autorise la sauvagerie avide.

Un moment rare où le Domaine est bercé par des cris horribles.

Un moment rare où Dracula reste seul et écoute les hurlements raisonnant dans le Manoir. Sa chère coupe à la main, les yeux tournés dans le passé qui se craquèle.

Il ne prend pas plaisir à cela non, il ne fait que se remémorer un être particulier, un coeur battant entre ses mains. Criant entre ses doigts. Les larmes noyant les yeux du Ténébreux. Là, dans la poitrine, il sentait aussi son coeur mort hurler de douleur.

Ces chasses ne servent qu’à cacher les cris dans sa poitrine. Il craint que les autres les entendent. La seule prière qu’il adresse à un quelconque dieu est telle : que jamais aucune oreille n’entende sa plainte.

Dracula ressent de la peur, celle d'avoir à nouveau aussi mal. Et surtout, celle de ressembler à un humain. Il craint d'un jour tomber de son trône horrifique. Jamais il ne doit ressembler au genre de l'Homme. Le Ténébreux avait dépassé ce stade. Les créatures de la nuit n'ont de ressemblance que l'enveloppe corporelle, le reste est tout autre. Bien trop loin pour les mortels. Dracula se trouve même si haut que le vertige le prend à la carotide, il doit garder l'équilibre. Ne jamais faire un pas le rapprochant de l'instinct humain. La nourriture reste de la nourriture. On lui prend ses denrées, et on jette les restes. Dracula avale le sang, mais il essaie aussi de prendre un peu de vie. Savoir les goûts, pourquoi aimer l'odeur ou l'arôme d'une sauce ? Plus fort que lui-même, la curiosité de la vie se bat en lui pour exister.

Probablement les miettes de cette femme du passé, un souffle qui murmure une question. Celle du pourquoi. Pourquoi l'avoir blessé alors qu'il était au-dessus de tout ? Que peut-on y voir de mal alors qu'il ne s'agit que de l'ordre des choses ? Il n'a rien d'humain, il est légitime. Dracula s'interroge, et sans doute cherche à le comprendre au travers ces sensations qu'il ne peut pas ressentir.

Le Ténébreux abandonne ces pensées, elles le détournent du peuple qu'il doit maintenir parfait. Une humaine effacée ne devrait pas l'en détourner. Aujourd'hui elle se tait de toute manière. Aujourd'hui, il l'entend et l'écoute. Et elle fait ce qu'elle aurait toujours dû faire : bien se tenir et faire confiance à ce qui n'est pas humain.

- Dracula est décoré d’un pendentif symbolisant la noblesse de son rang. Un rubis entouré d’or. Impossible de se souvenir l’origine de ce joyaux, mais il dit l’avoir toujours eu avec lui.

- Toujours bien vêtu, jamais son élégance ne faillit. Sauf parfois des tâches de sang sur son col. En ce cas, il ne tardera pas à corriger cette imperfection.

- Il veut absolument goûter au sang de Peter Pan, mais jamais il ne voudrait de celui du Capitaine Hook. L’hémoglobine de ce dernier lui paraît presque toxique, il en a le goût de la cendre rien qu’en y pensant. Cependant, il reconnaît que cet humain est intéressant. Même élégant lui aussi. Et qu’il a bien du courage à mener des pirates sans manière. Une forme de respect habite Dracula pour Hook.

- Dracula boit presque toujours le sang dans sa coupe en or blanc. Il laisse planer le doute sur la matière de l’objet. Il apprécie l’image d’un vampire tenant de l’argent sans se brûler la chair.

- Il garde caché le coeur arraché d’une humaine. Il ne l’a pas revu depuis qu’il l’a déposé hâtivement derrière les planches de sa bibliothèque privée. Mais il l’entend battre et le sent au travers la matière. À ses sens, c’est encore en vie. Un sort le maintient à condition qu’il ne le revoit plus jamais. Du moins, c’était le contrat.

- Il suit à la lettre la mise en garde, il ne parvient pas à vouloir cesser d’entendre l’organe humain vivre. Impossible de savoir s’il s’agissait d’une farce ou d’une vérité. Mais il l’entend. Il le sait. Du moins, il a décidé de savoir.

- Dracula porte des bagues de riches métaux et pierres. Il change régulièrement, il en a toute une collection.

- La musique est ce qu’il préfère en dehors du sang. L’ouïe lui semble être le seul sens étant toujours aussi vivant. Le plus enjoué. Probablement aussi l’élément le plus aiguisé, du moins juste après ses dents. Il cherche sans cesse à ce que les habitants du Manoir puissent lui jouer de la musique. Des mélodies effrayantes, dissonantes, ou des classiques du monde humain. C’est selon ses envies.

- Les danses de salon sont aussi l’un de ses passe-temps, de quoi mêler musique et un peu d’exercice. En plus, l’aristocratie se doit d’être cultivée. Il se peut que lui-même se mette à jouer les professeurs pour ses protégés. Rien que pour les formés à ses exigences. Les voir lors des bals, et adresser un regard fier à son assemblée.

- Dracula voit les couleurs, sent les odeurs et les goûts. Mais tout semble terne, fade ou poussiéreux pour lui. Il y ait accoutumé depuis des siècles et des siècles. Cependant, parfois, il peut perdre son sang froid. Lorsqu’il veut absolument ressentir quelque chose différent du sang, mais qu’il n’y parvient pas. Cela se traduit par une colère noire visant à rester seul. Il s’enferme dans sa bibliothèque, et écoute les battements.

- Sa peau est glacée. Ses yeux brillent de rouge lorsqu’il use de ses pouvoirs ou que la colère monte.

- Il déteste les loups-garous, il les traites comme des chiens. Il n'accepte pas leur présence à table, ou qu'ils ne le respecte pas. Cependant, il ne peut s'empêcher de se demander ce que cela fait d'avoir à ses côtés un canidé dévoué et obéissant.

- Il adore les compliments et voir l'admiration dans les prunelles des autres êtres. C'est plus fort que lui. Il pourrait retenir sa main acérée pour entendre et voir plus de miel au sujet de sa personne.

- Un petit accent de l'est de l'Europe décore son parlé. Il s'accentue lorsqu'il commence à perdre patience.

Un moyen de goûter à un sang particulier. Un moyen d’avoir peut-être plus de pouvoir en buvant le sang de Peter Pan ? Mais en plus, il faut bien quelqu’un pour dominer les aristocrates du domaine d’Halloween.

Le monde ordinaire n’attire pas. La seule chose qu’il offrirait serait peut-être un plus grand peuple. Ou peut-être donnerait-il d’autres sensations…

Peter Pan est un trophée, le sang le plus délicieux et peut-être même magique. Rien de plus. Quant à Hook, un sang toxique. Cependant, un homme d’élégance qui aurait place à un banquet. Pas en tant que plat, évidemment.

Arrivé en même temps que le Domaine d’Halloween. Avant cela, impossible de se souvenir.

Une nuit, il avait laissé courir une femme. Après s’être un peu attendri, Dracula s’était bien vite refait de glace. Il avait dit de courir le plus vite qu’elle pourrait. Il entendit les cris. Sa main se posa sur sa poitrine. Il fallait éteindre son propre hurlement. Demeurer le seigneur vampire, ne pas être aussi faible que les humains. Eux qui ressentaient tant de choses.

Le vampire se glissa dans les couloirs vidés de ses protégés en chasse, il marcha longtemps. Il arriva à une partie du Manoir où lui seul avait le droit de pénétrer. Non loin de ses quartiers. Refermant la lourde porte derrière lui, il s’avança dans ce qui semblait être une bibliothèque. La poussière coloraient les étagèrent chatouillant le plafond voûté. Et, devant l’un des meubles décorés d’ouvrages, il s’agenouilla.

Tout était enveloppé de silence, pas un bruit parvenaient aux oreilles du Ténébreux. Rien à part un faible battement venant de l’arrière de la construction de bois et de livres. Derrière une faible paroi de planches.

Le coeur de celle qui l’avait blessé.

Du moins, son esprit en était convaincu. Tout comme il l’était d’entendre la peine de son propre battant.

Doucement, il retira un bouquin, puis deux, puis trois. Dracula put doucement glisser une main jusqu’à la paroi murmurant le son du vivant. Ses doigts morts et avides caressèrent la surface disgracieuse. Il n’avait pas eu le temps de trouver d’autres matériaux. Il avait voulu faire vite. Avant que cette immonde faiblesse soit vue. Entendue.

Il sentait le bois bouger, battre.

Dans le silence du sanctuaire caché, rien d’autre ne venait à lui. La seule chose qui le fit se retirer, ranger la cachette, ce fut la soif. Les phalanges tremblantes, le rouge se dessinant sur tous les reliefs de sa vision.

Elle revenait. Elle était encore plus pesante lorsqu’il sentait sa poitrine vivre.

Dracula prit alors congé de cette maudite et adorée pièce. Une fois la porte fermée à double tour, il reprit contenance. Ne laissant pas paraître la pire de ses failles.

Ayant retrouvé place sur son siège préféré, entouré de vampires rassasiés, on lui apporta sur un plateau la fameuse coupe pleine de sang. Et c’est avec élégance qu’il se saisit de l’objet pour le porter à ses lèvres et boire.

Lui-même se dégoutait à s’être laissé aller cette fois-ci. Lui, alors qu’il était le chef de l’aristocratie du Domaine. Ignoble.

Il buvait coupe après coupe toute la nuit.
Sa soif était encore plus grande, et sa gorge encore plus sèche.

Ses lèvres dénuées de rosé se teintaient de rouge vif dessinant les nervures. Dracula sentait la chaleur du liquide descendre dans sa gorge, puis s’écraser dans son estomac. Ce plat était décidément le seul à avoir de la saveur. Tout le reste ne semblait être que poussière. De la cendre en bouche. Rugueux en descendant le long de l’oesophage.

Et pourtant, lors des banquets il mangeait. Ne laissant rien paraître. Il fallait montrer le faste, la beauté et l’élégance. Cela même alors que le coeur n’y était pas. Il n’y était jamais. Puis qu’il avait déjà cessé de vivre depuis bien des années. Mort une première fois, si ce n’était depuis toujours de part sa condition vampirique, il pensait à une autre fin de vie. Celle qui ne cessait de le ronger depuis. Ne faisant que le rendre plus avide, plus sanguinaire.

Tout était froid et fade, sauf ce chemin des lèvres au ventre. Cette caresse de vie, il ne pouvait pas vivre une journée sans. Il en avait besoin.

Peut-être le rouge le plus délicieux et salvateur sera bel et bien celui des veines du créateur de l’île. Mais en y goûtant, mettrait-il un terme à tout ? Dracula avait la raison partagée entre l’existence éternelle mais la cendre en bouche et la fin avec la gorge noyée et comblée. Cette dernière option permettrait à son propre coeur de disparaître pour de bon.

Personne ne pourrait lui succéder. Il était le seul. Et il le restera. Même s’il venait à tout détruire derrière lui.

Un regard fier à l’un des vampires en sa compagnie, belle créature haït par la vie. Le Ténébreux était si bienveillant envers ses protégés. Il était sincère, mais il ne fallait pas le décevoir. Il ne fallait pas trahir. Sinon seul le maître des vampires saurait quelle supplice il infligerait. À moins d’obtenir son pardon. Peut-être promettre de lui rapporter le sang Peter Pan ? Un exile du Manoir pour une horrifique quête.