Soudain, deux bras l’entourent et se referment sur lui dans une étreinte chaleureuse, douce. Il sent malgré lui les battements du cœur de Phasme apaiser le sien et il expire lentement.

« Tu es face à un mur mon enfant, les marques laissées dans la vie de ta famille te retiennent, et je te comprends doux Porc-Epic. »

La main de Phasme dans la sienne, il sent une aide indéfectible et une affection infaillible qui lui rappelle celle de sa mère. Et sur l’instant, il n’a pas le cœur de la repousser.

« Ça marchera si tu me fais confiance jeune papoose, laisse-moi te guider. J'ai bien du temps devant moi... »

Peut-il réellement s’autoriser à se reposer sur elle ? A accepter son aide quand bien même il ne la mérite pas ? Est-ce qu’il mérite seulement de réussir ?

« Mon petit, il faut y mettre du tiens, et vouloir le faire...

— Je veux mais… »

Il se sent une part de lui se détacher et un vertige le prend, l’angoisse remonte et un flot de pensées contradictoires l’emportent dans un tourbillon.

Le contact se rompt soudain :

« Je n’ai pas le droit. »

Une vérité le frappe. Aussi universelle que personnelle. Il n’a pas le droit d’atteindre le bonheur qu’il désire, il doit le mériter, réparer…

Il sent les mains de Phasme libérer les siennes. Quand il ouvre les yeux, son regard croise celui de Phasme, ouvert et attentif. Rien ne semble pouvoir lui échapper.

« Pourquoi dis-tu cela ? »

Sur sa tête, des oisillons remuent, certains s’accrochent aux bois de la Dryade et le fixent à leurs tours. Une dizaine de paires de petits yeux le toisent. Pic affronte leurs regard comme il le peut mais il est vite submergé par le nombre.

« Allons, allons mes chers amis, ce n'est pas très poli de dévisager ainsi quelqu'un... »

Sur ces mots, ils prennent leur envol comme un seul volatile géant. Pic peut sentir le vent soulevé par leurs ailes minuscules lui caresser le visage comme une brise.

« Ne leur en veut pas, les animaux sont comme des enfants, plus ils sont petits, plus ils sont curieux hahaha... »

Le visage du papoose n’est que peu expressif mais son regard prend des nuances qui révèlent ses sentiments aux plus attentifs. S’il ne rit pas, ils cillent, se plissent légèrement et parfois même ils brillent un peu. A cette plaisanterie, son regard s’attendrit un tout petit peu. Il pense à son frère qui lui est de plus en plus curieux avec les années. Hérisson semble échapper à toutes les règles.

« Alors...que dis-tu? Je t'écoutes... »

Encore une fois, Phasme saisit ses mains. Comme toujours, il accueille ce geste sans broncher mais se libère finalement. Il se relève.

« Je crois que j’ai compris quelque chose. »

Il a retrouvé son air austère qui jure avec son âge, qui le vieillit considérablement mais qui, après tout, lui est si naturel.

Il commence à comprendre ce qui ne va pas chez lui, à mettre le doigt sur la source de tout le mal. Et une idée naît pour la première fois.

« Je sais ce que j’ai à faire. »

Puis d’un air solennel, il incline la tête, cérémonieusement.

« Merci. »

Et sur ces mots, il fait mine de tourner les talons.