Ses mots comme un baume apaisent les plaies de son âme et de son cœur.
Qu'importe que le monde soit dur et remplie de gens cruels si son Pluvier est avec elle.
Leurs sourires se répondent en chœur, brillants d'amour et de tendresse mutuels, puis celui de l'Ailé disparaît en emportant celui de sa sœur.
Celle-ci fixe sa main caressée puis reporte son regard sur l'Ailé.
Ainsi il n'a pas voulu guérir. Même si elle respecte son choix et qu'elle le comprend en un sens, cela lui coûte beaucoup de le laisser ainsi alors qu'elle pourrait le soulager.
La vie inscrit son passage dans le cœur et le corps des êtres, que ce soit le bon ou le dur, il n'est pas besoin d'en garder encore plus les traces.
Pourtant l'Harmonie ne peut qu'acquiescer gravement à la décision de son frère d'âme.
Elle accueille son tendre baiser et sa douce étreinte, s'imprégnant de cette présence qui lui a été si longtemps enlevée.

"Tu connais ces terres, sang de mon sang. montre-moi... Fais-moi découvrir et oublier que l'homme ne peut pas voler."

Le sourire revient, le sourire espiègle d'une enfant qui va montrer son monde imaginaire à une grande personne.

"Tu n'auras pas besoin de marcher là où je t'emmène."

Elle lui prend la main et l'entraîne doucement vers son lieu favoris.
Vent est tout excité lui aussi et les allège de son souffle, les propulsant quelques centimètres plus loin à chacun de leurs pas.
Ainsi le trajet en est réduit les deux âmes liées atteignent le bord d'un canyon où clapote un lac d'un violet magnifique.
Tout au bord du précipice se tient Loutre Sage, elle ne lâche pas la main de l'Ailé.
Elle lance un regard plein d'excitation à l'eau loin en contrebas puis à Pluvier Doré.
Elle souffles, électrisée :

"Tu ne crains rien frère de mon cœur."

La joie de son Pluvier l'enchante et la comble. Qu'il apprécie ainsi ce qu'elle lui offre, son plus grand trésor : c'est merveilleux.
Elle sourit de plus belle la Loutre, de toutes ses dents.
Elle pose sa main sur la sienne et lui souffles, l'excitation si palpable qu'il est étrange qu'elle n'ait pas déjà bondi :

"Suis-moi, tu vas adorer, j'en suis sûre !"

Et l'Harmonie lâche la main de son frère d'âme. Une pointe - ensevelie sous l'euphorie - transperce son cœur face à cette séparation.
Elle recule, sans le quitter des yeux, sans cesser de sourire, comme pour l'encourager à l'imiter.
Un pas, deux pas, trois pas, dix pas, seize pas.
La princesse se fige, le regard flamboyant, son corps se courbe légèrement, ses jambes fléchissent imperceptiblement.
Puis elle s'élance.
Vent est là, il est toujours là lorsqu'elle veut voler durant quelques secondes, il l'accompagne toujours. Et ses pas se font bonds puis sauts, légers comme les plumes d'un oiseau frôlant le sol.
Elle passe à côté de l'Ailé puis le vide.
L'Harmonie chute, mais à ses yeux elle vole.
Les bras ouverts en croix elle savoure Vent qui embrasse son visage, anime ses cheveux, se colle tout contre son corps, comme pour la retenir, pour la faire voler.
Cela ne dure que quelques secondes, comme à chaque fois.
Loutre Sage joint les bras devant elle et transperce l'eau violette dans une jolie gerbe, presque douce.
Son visage rayonnant sort de l'eau quelques secondes plus tard, elle rit et adresse de grands signes à la silhouette de son Pluvier, tout en haut.

"Rejoins moi !"

Pluvier Doré disparaît un moment, mais pas une seconde la huron ne s'inquiète. Elle sait qu'il ne la laissera pas, plus jamais.
Et elle a bien raison : il reparaît finalement pour donner un sens à son nom. L'Ailé vole, durant quelques secondes, Vent l'accompagne lui aussi, elle le sent. Il est digne de l'Esprit et elle n'en a jamais douté.
L'eau l'accueille avec une délicatesse toute particulière, Fleuve ont senti le lien entre les deux peaux-rouges et jugent eux aussi le Pluvier bon et donc digne de leur bienveillance.
Mais il sort rapidement de l'élément aqueux et s'assoit sur la rive. La huron ne pense pas à sa jambe - ne réalisant pas qu'il faille produire des effort dans l'eau qui représente pour elle le plus douillet des lits - et s'attriste de ce départ.
Elle s'approche de son frère d'âme, ondulant telle une sirène d'ébène, et s'accoude au rivage.
Le menton sur les bras elle soupire de contentement :

"Oui, je trouve aussi. Mieux encore que le Royaume des Cieux."

Elle contemple le paysage autour d'elle et souffle, presque comme si cela lui est interdit :

"Je veux vivre ici."

Arrow ne serrait pas d'accord. Lui qui été venu la faire descendre des cieux, il ne voudrait pas que ce soit pour se réfugier dans un autre monde qui n'est pas fait pour les humains. Un monde à part, loin de la pluie et de la tristesse.