HRP:

La Nuit des MasquesEt après tout, qu'est-ce qu'un mensonge ? La vérité sous le masque...

Il leur avait tout dit, dit tout ce qu'il savait sur cette forêt, tout ce qui lui était passé par la tête, leur avait même avoué ses propres ressentiments ; avait-ce été une bonne idée ? Ça, le petit homme n'en savait rien. Tout ce qu'il souhaitait, c'était de partir de là le plus vite possible, et si c'était sans les trois forbans, c'était encore mieux. Qu'est-ce qui était le plus dangereux d'ailleurs ? La possible présence des trois hommes de la mer ou bien celle probable du Démon ? Allez savoir, surtout qu'il devait bien y avoir encore d'autres terribles créatures cachées dans ces bois, comme Ténèbres par exemple. Qui sait, son oiseau de mauvaise augure était peut-être même déjà en train de les observer à l'heure actuelle, sans même qu'ils ne puissent sans rendre compte. Oh, mieux valait pas qu'ils le remarquent, ni que la terrible fée des étoiles ne vienne pour leur jeter un mauvais sort. Décidément, cette forêt ne cachait absolument rien de bon.

En tout cas, après tout ce blabla, la conversation ne s'arrêta pas pour autant ; au contraire, le pirate avec un œil en moins lui posa même de nouvelles questions, faisant tressaillir le garçon perdu par la même occasion. Bien sûr qu'il était tout seul ici, et bien sûr qu'il ne mentait pas ! Crackers n'était peut-être pas bien vieux, mais on lui avait suffisamment parlé des pirates pour savoir qu'il n'était jamais bon de plaisanter avec eux.

« Je.. j-je suis é-éclaireur a.. alors oui je.. je s-suis tout seul i-ici.. murmura-t-il tout en réprimant un énième sanglot, a-alors p-promis que.. que.. que je mens p-pas.. je.. je.. o-oui.. p-promis. »

Mais sans doute que le Luthier ne l'avait pas entendu, l'éclaireur lui même avait laissé ses mots disparaître dans sa gorge : son interlocuteur avait nommé le capitaine James Hook. Si le Sans-Visage savait ce qu'il faisait aux menteurs ? Oh, ça, non ; mais il pouvait se douter non sans mal que ce n'était rien de gai. Malheureusement pour lui, le petit homme en eut la confirmation lorsque le borgne retira son cache-œil. La vue de ces paupières cousues l'une à l'autre sans aucun œil en-dessous - juste un trou vide, sans doute - donna un haut-le-cœur au blondinet, qui fut forcé de baisser le regard vers l'intérieur sombre de son masque pour ne pas vomir.

Cela ne l'empêcha toutefois pas de sangloter de plus belle.

« Tu vois. C'est une mauvaise idée de contrarier le capitaine, et il s'énerve facilement. Si tu veux pas le rencontrer, tu as intérêt à nous dire tout ce que tu sais. Maintenant, et à chaque fois qu'on te le demandera, finit-il par dire après avoir remit son bandeau en place, avant de reprendre avec une ultime question : de quoi Pan a-t-il peur ? »

Face aux instructions du Luthier, le petit homme s'était tout d'abord contenté de hocher lentement la tête tout en retenant plus d'un sanglot. Ne l'avait-il pas déjà dit, ce dont Peter Pan avait peur ? Là, le Sans-Visage ne voyait que le Démon, ne savait même pas s'il le craignait pour de bon ou si c'était simplement l'état quasi-général des garçons perdus au Grand Arbre au sujet de ce monstre ; sans doute un peu des deux.

« J-Je crois qu.. qu'il a p-peur de.. de cette f-forêt.. répondit-il d'une petite voix, avant de relever les yeux vers l'unique pupille du pirate, p-parce que.. le.. le D-Démon est.. est pas m-mort.. Enfin on-on en a t-tous peur.. Y.. Y a pleins de m-monstres ici.. »

Enfin ça, c'était ce que s'imaginait l'enfant qu'il était et qui voyait des monstres dans chaque ombre ; et dans la Sylve Obscure, il y en avait des centaines voire même des milliers ou des millions. Peut-être même plus encore.

« Je.. je p-pense qu.. qu'il doit au-aussi avoir p-peur du.. du Croqu-quemitaine.. finit-il par reprendre, m-mais je suis.. je suis pas sûr.. je c-crois. »

C'est que demander à quelqu'un ce qui fait peur à Peter Pan, à l'enfant qui ne semble craindre que de grandir, c'était un peu comme si on se demandait si le Soleil craignait autre chose que le fait de s'éteindre.

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Hrp:

Les mouvements de ses collègues n'avaient pas échappés à Kit. Même si Wilhelm l'avait rassuré d'un regard, il avait compris que quelque chose – plusieurs ? – rôdait dans les environs et qu'il ne faudrait pas traîner encore trop longtemps. Ils seraient capable de faire face à une bestiole, mais pas à une meute.

Le coup de l’œil en moins avait fait son effet sur le petit éclaireur. Kit était vaguement tenté de sourire de sa trouvaille – il n'avait pas l'habitude d'intimider de la sorte, ça ressemblait plus au Dragon, mais ça n'aurait pas été déplaisant si le gamin ne lui avait pas fait tant de peine. Quel cœur tout mou il avait, pour un forban. Morbleu ! Il le plaignit même du rôle que lui avait assigné son roi-tyran. Faire de ce gosse malade un éclaireur ? Il était déjà quasiment sur son lit de mort ! Et comme ils l'avaient prouvé juste avant, il était bien trop repérable. Raison de plus pour haïr Pan, raison de plus pour trouver un moyen de l'abattre.

–  J-Je crois qu.. qu'il a p-peur de.. de cette f-forêt.. P-parce que.. le.. le D-Démon est.. est pas m-mort.. Enfin on-on en a t-tous peur.. Y.. Y a pleins de m-monstres ici.. Je.. je p-pense qu.. qu'il doit au-aussi avoir p-peur du.. du Croqu-quemitaine...m-mais je suis.. je suis pas sûr.. je c-crois.
– Hmpf. Je vois.

Kit se redressa et regarda ses camarades. Soit le gamin ne savait pas vraiment de quoi il parlait, soit il disait vrai et les nouvelles qu'ils rapporteraient au capitaine ne feraient pas son bonheur. Il trouverait sans doute quelque chose, un plan visant à utiliser le Démon ou le Croquemitaine contre Pan… Mais ça ne paraissait pas franchement réalisable aux yeux de Kit. Il préférait éviter de se frotter à ce genre de créatures. Il y avait quand même quelque chose à en retirer : apparemment, Pan avait bel et bien peur de cet endroit, encore maintenant. Ils pourraient au moins utiliser ça. Le forcer à s'y rendre pour sauver l'un de ses gamins. S'il avait peur, il serait affaibli, moins concentré. Il ferait le coq pour se rassurer et ne verrait pas le coup venir… Peut-être.

Kit ne voyait pas quoi demander de plus au gamin. Il semblait déjà si peu sûr ce qu'il avait déjà dit, ils n'en tireraient plus grand-chose à son avis. Il espérait seulement que, tirant la même conclusion, les deux autres ne décideraient pas de jouer aux bouchers. Kit lui avait tendu une perche, lui proposant à demi-mots de devenir leur informateur, mais le gamin était sans doute trop angoissé pour relever et Kit n'avait aucune envie d'exposer davantage sa pitié. Hors de question de passer pour un tendre.

hrp:

« Alors ? Ca y est ? Il a tout dit ? On fait quoi maintenant ? On le tue ?  »

Bien entendu, DogFish ne réfléchissait pas plus loin que le bout de ses pieds. Kit leva les yeux au ciel. Puisqu'il n'y avait plus rien à tirer du gamin dans l'immédiat, le blond n'imaginait pas qu'il puisse leur être utile à l'avenir. Tout ce qu'il voyait, c'était les petits petons qu'il espérait pouvoir ajouter à sa collection. Kit grimaça. C'était quand même assez répugnant. Et dire qu'il l'avait laissé lui masser les pieds. Il faisait attention à ce qu'il buvait, depuis.

« Tuer un garçon aussi adorable, ce serait une terrible faute de goût... vous ne pensez pas ? »

Kit eut un petit rire sarcastique. Il savait très bien que Lòng se fichait pas mal de ce genre de considérations et qu'il avait autre chose en tête. Il acquiesça quand même, le regard plein d'ironie. Mais il ne s'attendait pas à ce que Lòng s'empare du petit et lui place le couteau sous la gorge, très littéralement, et il amorça un geste pour lui signifier de se calmer. Mais le Dragon se maîtrisait. La lame était tout contre la chair mais n'avait pas encore tranché.

« Dis-moi, petit... qu'est-ce que tu serais prêt à faire, pour rester en vie ?  »

Kit imagina aussitôt la réponse du gamin : « tout » ou « n'importe quoi », peut-être un ton interrogatif à la fin de sa phrase parce qu'il aurait peur de dire ce qu'il ne fallait pas. Ça ne manqua pas, à peu de choses près.

« T-Tout ! Je..  Je veux p-pas m-m-mourir.. Pitié.. Je.. je veux j-juste.. rentrer chez moi.. P-Pitié.. Me.. Me tuez pas...  »

Le désespoir, la volonté de vivre à n'importe quelle condition... Kit soupira et décida de lui venir en aide. Pour ce qui était de le terroriser, ils avaient réussi. Mais ça fonctionnait bien sur ce gamin.

« On peut te laisser rentrer chez toi, mais tu vas devoir nous faire quelques promesses. Sache que les arbres ont des oreilles, alors n'imagine pas une seconde pouvoir nous berner. Si tu ne tiens pas tes promesses, le Dragon te trouvera, le Pied-Beau te tranchera les pieds et tu ne pourras plus jamais te sauver...  »

Eh bien, la situation l'inspirait. Kit s'imaginait en conteur, un conteur un peu alarmant dont les histoires alimentaient les cauchemars, mais ces histoires-là avaient du bon aussi. Il s'amusait presque, un peu rassuré aussi à l'idée qu'ils ne tueraient pas le pauvre petit chaton aujourd'hui. Le petit avertissement était suffisant, sûrement.

« Je pense... , reprit-t-il en jetant un œil aux autres.  Je pense que tu pourrais promettre de nous dire tout ce que tu sais des plans de Peter, de tous les plans importants qui se trament par chez vous, d'ailleurs. Maintenant, et pour toujours, à chaque fois qu'un pirate voudra que tu parles. Et, bien sûr, tu ne dois pas parler de nous à tes copains, tu dois garder notre accord secret. Peter te tuerait avant nous si tu lui en parlais, de toute façon. »
Kit réfléchit et ajouta, lentement, plutôt pour ses collègues : « Il faudrait peut-être trouver de quoi être certain qu'il tienne sa parole. Si vous avez une idée. »
Il n'avait même pas un doudou qu'ils puissent prendre en otage, si ce n'était son masque peut-être, mais Kit ne savait pas quoi penser de ce drôle d'accessoire, et puis ses camarades lui auraient demandé ce qu'il en avait fait.

HRP:

La Nuit des MasquesEt après tout, qu'est-ce qu'un mensonge ? La vérité sous le masque...

Le petit homme ne voulait pas mourir, ne pouvait pas mourir, pas maintenant, pas avant d'être retourné à la maison, pas avant d'avoir revu son papa et sa maman ! Il n'attendait que ça sur cette fichue île, s'accrochait à la vie pour retourner chez lui, ne laissait pas la maladie l'emporter juste pour pouvoir les revoir, même une dernière fois. Il se blottirait dans les bras de sa mère, sentirait son doux parfum - de quoi encore ? Il avait fini par l'oublier - et s'endormirait sans doute paisiblement, peut-être pour ne plus jamais se réveiller, qui sait. Mais pour ça, il se devait de survivre aujourd'hui. Le mioche se devait de tenir des promesses, et écouter les trois pirates. Mais n'était-ce pas ce qu'il avait fait depuis le début ?

« Si tu ne tiens pas tes promesses, le Dragon te trouvera, le Pied-Beau te tranchera les pieds et tu ne pourras plus jamais te sauver... »

Face à une telle menace, le Sans-Visage ne put s'empêcher de déglutir nerveusement. Quoi qu'il fasse, ils seraient toujours au courant de ce qu'il ferait, de ce qu'il dirait. Et désormais, il se devrait de tout leur livrer sur les plans de Peter, sur ses actions et tout ce qui allait avec. Tout ce qu'il savait, le blondinet devrait le confier aux hommes de la mer, dés que ces derniers le désireraient. Et bien sûr, Crackers ne pourrait jamais rien dire sur cette alliance. Personne ne le soutiendrait, surtout pas Peter. Au contraire, il le tuerait même sans faire de procès. Boum,paf, couic, fin de l'histoire. Alors, bien sûr, l'enfant tiendrait sa parole. Il tiendrait sa langue, ne dirait rien, garderait tout pour lui ; parce qu'il écoutait les ordres des plus grands que lui, des monstres aux douces paroles.

Alors, pour un peu, le petit homme s'attendit presque à pouvoir repartir en un seul morceau, comme il était arrivé. Mais c'était sans compter la véritable nature de ses kidnappeurs d'un jour ou d'une éternité.

« Il faudrait peut-être trouver de quoi être certain qu'il tienne sa parole. Si vous avez une idée. »

Une décharge.

Terrifié par de telles paroles, le mioche ne put s'empêcher d'avoir un léger mouvement de recul tandis qu'il sentait le regard du Pied-Beau se poser sur lui. Quelque chose pour lui faire tenir parole ? Ils n'avaient rien besoin de faire, Crackers n'oserait jamais les contrarier, surtout pas alors qu'il risquait la mort, ou pire encore.

« J-Je.. je vous p-promets de la tenir ! avait-il tenté de dire ; mais cela n'avait sans doute été que des sanglots incompréhensibles. »

Malheureusement pour lui, le Dragon en avait une d'idée. Pas même le temps de comprendre ce qu'il se passait, l'enfant se sentit attrapé entre les griffes du reptile tandis que ses doigts se refermaient sur sa nuque. Impossible de fuir, il était prit au piège une fois de plus. Le Sans-Visage avait alors bien tenté de bouger.. mais lorsqu'il vit l'éclat brillant d'une lame, son sang ne fit qu'un tour ; d'autant plus lorsqu'elle vint déchirer le haut de son vêtement.

« Tiens-toi tranquille ou je t'égorge. »

Ces quelques mots firent office d'ordre.

Aussi stoïque qu'il pouvait se permettre de l'être dans son état de panique actuel, le petit éclaireur retint son souffle sur le coup. Ce ne fut que lorsqu'il sentit la lame déchirer sa peau que le réel calvaire commença ; comme si la situation n'avait pas pu tourner encore plus mal qu'elle ne l'était déjà. Et pourtant, malgré la douleur, les larmes, les poings serrés et les hoquets nerveux, l'enfant ne bougea pas. Parce que s'il bougeait, il aurait enduré tout ça pour rien ; parce que s'il bougeait, seul la mort l'attendrait. Alors il resta sage. Il pleura beaucoup, il eut envie de de vomir à cause de la douleur, mais il resta sage. Comme toujours. Comme à chaque fois.

Et même lorsque la torture fut terminée, le Sans-Visage resta là, le visage et l'intérieur du masque inondés de larme, mais le reste du corps immobile. Pour un peu, on aurait presque dit une statue. Une statue hoquetante, chouinante et bruyante, mais une statue quand même.

« A chaque fois que tu viendras nous voir, je t'aiderais à cicatriser. Par contre, si j'étais toi, je ne montrerai pas ça à tes camarades... avait-il tout d'abord soufflé tout en souriant et en rangeant son arme, ... il ne faudrait surtout pas qu'ils connaissent tes activités, après tout.  »

Crackers reviendrait.

Mais pour cela, il fallait déjà que l'enfant se décide à partir. Le pouvait-il seulement ? En avait-il seulement le droit ? Ça, l'éclaireur n'en avait pas la moindre idée, mais n'avait pas non plus la force de le demander à ses tortionnaires. Alors, il se contenta de rester là, les doigts crispés à sa veste, et le regard bas.

Pourquoi fallait-il que ça lui arrive toujours à lui ?

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Hrp:

« Moi, j'en ai une. »

Le sourire en coin qu'afficha Kit ressemblait un brin à une grimace. Il avait bien compté sur Lòng pour trouver une idée, il espérait juste qu'elle n'implique pas de torture. Du moins pas maintenant. Il avait vu que Dogfish aussi cogitait, les yeux immobiles, rivés sur le petit Perdu, les muscles tendus, et Kit préférait ne pas savoir ce à quoi il pensait. Il n'aimait pas beaucoup son expression. Il le trouvait même plus inquiétant que Lòng.
Lòng qui s'approcha du petit avec sa lame et se mit à lui inscrire des lettres à même la peau. Pauvre gosse. Mais il fallait s'y attendre avec le Dragon.

« A chaque fois que tu viendras nous voir, je t'aiderais »

Kit plissa son œil pour voir le message, mais il était incapable de le déchiffrer. Un jour, il apprendrait peut-être à lire. Ou il réapprendrait, et il n'oublierait plus. Comme Lòng ne prit pas la peine de partager son lyrisme sanglant, Kit haussa les épaules et reporta son attention sur le visage du gamin, à peine visible derrière son masque. Il reviendrait, il était trop effrayé pour risquer de se mettre des pirates à dos, pour risquer que Pan le soupçonne de l'avoir trahi, s'il demandait de l'aide à quelqu'un de son camp. Sûrement à cause de la marque que lui avait faite Lòng. Kit brûlait d'envie de lui demander ce qu'il avait pu inscrire de si compromettant sur la peau tendre, mais il attendrait que le gamin parte. Ce qu'il ne semblait pas disposé à faire. Kit se racla la gorge et lui jeta son meilleur regard noir.

« Je crois que tu peux déguerpir. Ou tu veux qu'on t'escorte ? »

Puis il observa une dernière fois les alentours avant de se tourner vers ses camarades. L'impression désagréable d'être observé par quelque chose d'hostile n'avait fait que s'accentuer depuis leur arrivée.

« Nous aussi, on ferait bien de pas rester là, je crois. »

Il aurait aimé ramener à Hook quelque chose de plus concret qu'un espion qui aurait de la chance de passer la nuit, mais parfois il fallait s'avouer vaincu. Ils ne trouveraient pas le poison pour venir à bout de Pan aujourd'hui.

HRP :

Hrp:

HRP:

La Nuit des MasquesEt après tout, qu'est-ce qu'un mensonge ? La vérité sous le masque...

Tremblant comme une feuille morte sans bouger pour autant, le petit homme avait l'impression que son cœur allait lâcher d'un instant à l'autre. Pourquoi ? Pourquoi est-ce que ça lui était arrivé ? Pourquoi est-ce que ses jambes refusaient de bouger ? Pourquoi ne pouvait-il pas tout simplement partir en courant d'un coup et ne plus jamais revenir ? Impossible, impossible. Ce n'était pas possible. Il n'avait pas l'autorisation de partir. Si ? D'une certaine manière, le Dragon avait mis fin à leur entrevue mais, mais non, il ne pouvait pas partir encore. Ce n'était pas comme ça qu'on faisait, ce n'était pas poli. Qu'est-ce qu'on s'en fichait ? Ah, ah ben. Dans un cas comme celui-ci, cela aurait pu causer la mort du blondinet. Alors oui, oui, il fallait rester sage : ne pas bouger, ne pas - trop - pleurer et montrer qu'on écoute. C'est ce qu'ils veulent tous, non ? Les monstres, oui, c'est ce qu'ils veulent.

Alors, sans dire le moindre mot, l'éclaireur attendit qu'on lui donne l'autorisation de partir, qu'on le laisse s'enfuir comme une proie ; tout en espérant que ce n'était pas pour mieux le prendre en chasse ensuite.

« Je crois que tu peux déguerpir. Ou tu veux qu'on t'escorte ? Lui demanda tout d'abord le Luthier, avant de reprendre : nous aussi, on ferait bien de pas rester là, je crois. »

Très légèrement, l'enfant hocha alors la tête, ayant alors l'impression que ce simple mouvement lui avait dévoré toute ses forces. Sans doute était-ce le cas ; à moins que ce ne soit sa plaie à vif qui l'avait épuisé. A moins que ce ne soit tout simplement le fait de vivre et survivre qui le tuait à petit feu. Ironique, non ?

« M-M-Merci.. Avait-il soufflé d'une voix étranglée de sanglots. »

C'était drôle, n'est-ce pas, que de voir une victime remercier ses bourreaux, non ? Les remercier de quoi d'ailleurs ? De l'avoir laissé en vie ? Sans doute, oui, sans doute. De ne pas l'avoir tué, de lui laisser une chance de retourner aux cabanes ; de lui laisser une chance de survivre pour rentrer à la maison pour voir sa maman et son papa. Mais ça, les trois hommes de l'océan ne le savaient pas. Par contre, ce qu'ils savaient, c'était comme effrayer le Sans-Visage. En effet, dans un dernier acte de torture le Pied-Beau ne tarda pas à se mette à niveau avec le visage du blondinet, arborant son visage le plus effrayant possible.

Gloups. Crackers aurait du s'enfuir plus tôt.

« T'ENTEND ? TU DEGAAAAAAAAAAAAGE ! DEGAAAAAAAGE, MAINTENANT !!!!!!!!! Aboya-t-il - Hurla-t-il ! - alors d'un coup. »

Ok, d'accord, là, ce fut plus que suffisant pour faire déguerpir le petit homme ; et en plus avec une expression terrifiée sur le visage. Mais ça, bien sûr, ils ne purent la voir. Tout ce qu'ils virent fut la veste et la tête blonde de leur victime disparaître dans les bois de la Sylve Obscure ; et au loin, on entendit encore sa respiration saccadée et haletante résonner entre les arbres, comme une triste plainte. Triste ? Bien sûr qu'il était triste, et terrifié en même temps. Tant et si bien que ses jambes se dérobèrent sous son poids à peine fut-il sorti de la forêt noire. Tremblotant et le visage dévoré de larmes, Crackers se recroquevilla alors contre un arbre ; et l'Esprit Nuit seul sait combien de temps il put rester là. A se répéter une seule et même question.

Qu'avait-il fait ?

Jawilsia sur Never Utopia

Hrp: