Ne jamais dormir, toujours continuer, toujours mixer, pulvériser, mélanger. L'Alchimiste est d'abord et avant tout un bourreau de travail. À toute heure du jour ou de la nuit, il sera là, à surveiller, à chronométrer, à ajouter, à observer, à goûter et à noter. Eh quoi ? Dans un univers où la canne à sucre, le malt, le houblon et ces autres mets importants sont rares, et qu'on a une bande de pirates à abreuver, il faut bien les trouver, les ersatz ! En plus, l'Alchimiste porte bien son surnom. Car en plus des alcools si précieux, il se targue de pouvoir créer quelques breuvages aux effets des plus étonnants, si ce n'est détonants.

Bon, en plus d'avoir ce trait de caractère si étrange qui lui offre les cernes les plus noires de l'île et une perfusion d'ersatz de café, Braumeister ne peut s'empêcher de ne rien trouver de sérieux, pas même ses recherches. Il est impossible de faire disparaître ce sourire si étrange de son visage. Que ce soit la joie d'avoir trouvé un nouvel ingrédient ou une nouvelle recette ou le rire provoqué par les réactions de ses camarades en buvant certains breuvages, il n'y a jamais un instant où Braumeister est fâché ou triste. On raconte aussi qu'il serait sous l'emprise d'une de ses premières potions, euphorisante...

Ce qui est sûr, c'est que son tout premier breuvage magique était un élixir de vérité. Permanent. Qu'il a bu cul sec, et dont il a oublié la formule. Du coup, l'Alchimiste dit que la vérité, toute la vérité, rien que la vérité, dites je l'jure. Toute ? Vraiment ? Le temps écoulé lui aura permis de développer quelques résistances, et il lui arrive de pouvoir omettre certains faits. Mais c'est très difficile, surtout quand on est carrément inconscient comme lui.

Des particularités ? Braumeister ? Haha, comme si !

Son sourire est toujours présent et ses cernes sont les plus noires de l'île.

Comme il quitte rarement sa distillerie, il ne mange pas la même chose que les autres. Pas. Du. Tout. C'est un maniaque zoophage. Ses casse-croûtes ? Les rats, les chauves-souris et les grosses araignées qui ont le malheur d'entrer dans son domaine et de s'y faire attraper. Braumeister adore les croquer... vivants.

Empoisonnement ? Impossible. Vu toutes les merdes qu'il a bues et mangées en travaillant sur le Jolly Roger. Certains disent même qu'il serait en fait déjà mort, ce qui expliquerait son teint pâle de cadavre ( outre le fait qu'il ne sorte presque jamais de son antre )

Une véritable aubaine ! Entre les pirates qui lui demandent toutes sortes d'alcools et ses propres expériences, Braumeister vit pleinement sa passion. Toutes ces choses magiques et insensées, et l'absence de tous ces éléments indispensables, tant de défis à relever et de merveilles à distiller !En plus, il y a des cobayes et des rats à portée de main. Que demande le peuple ?

Pour rien au monde Braumeister voudrait quitter cette contrée et retourner dans le monde réel qui, dans ses souvenirs très brumeux, lui semble terne et sans magie. La chimie ? Bwah ! L'Alchimie est tellement mieux !

Peter Pan est le maître des lieux. C'est lui qui a apporté la magie et l'île. Et c'est lui qui a apporté l'Alchimiste, et les pirates. Braumeister le sait. Braumeister lui en est reconnaissant.

Mais dans l'esprit dérangé de l'Alchimiste, une idée sotte et destructrice a vu le jour... Le cœur de l'enfant-roi serait l'ingrédient principal de la pierre philosophale. Alors autant la gratitude est forte, autant il veut cet ingrédient, coûte que coûte, et soutiendra Hook dans sa quête contre Peter. Peut-être qu'il fera en sorte que l'enfant ait une mort rapide, pour avoir l'esprit tranquille...

« DOGFISH ?»

Mais où pouvait être bien passé le pirate ? L'Alchimiste en avait besoin, là, tout de suite, IMMÉDIATEMENT. Il continuait d'arpenter en long en large la distillerie. Il était certain de l'avoir fait entrer un peu plus tôt.

« Doooooggyyyyyy ! Petit petit petit ! »

Une fiole à la main, parcourant les rangées d'alambics et de cornues bouillonantes, Braumeister regardait sous chaque table, dans chaque armoire. Pas de trace du Pied-beau, hélas. Pas de soucis, l'Alchimiste avait encore un peu de temps avant de devoir changer le feu de l'alambic numéro 3 et d'ajouter la poudre qu'il avait obtenu chez les Delawares dans la cuve 5. Et puis le contenu de sa fiole n'allait pas s'éventer comme ça.

« Wilh ? »

En se baissant, il vit un mouvement rapide. Était-ce Doggydog ? Non, trop petit. Trop rapide. D'un geste vif, l'Alchimiste attrapa la queue du rat. Bon, il n'avait pas son cobaye, mais il avait son goûter. Arrachant la tête du rongeur avec ses dents, il entreprit de la mâcher longuement pour faire durer le plaisir. Mais il lui fallait trouver le pirate.

« Wilhelm ! »

Soudain, des bruits de cognement. Quelque chose s'agitait dans la cuve 6, celle d'où venait le rhum. La goule n'avait pas fini de décanter ? L'Alchimiste haussa les épaules en secouant la tête. On lui avait dit que son rhum était meilleur depuis qu'elle était tombée dedans, donc il n'avait rien fait pour l'enlever, au contraire, mais la créature l'exaspérait à essayer de vouloir sortir. Un ingrédient ne s'échappe pas, nom de Nicholas Flamel ! Entre cette goule et les fées, les créatures de l'île semblaient ne pas vraiment comprendre cette notion qu'était la logique... Quand on est un INGRÉDIENT, on ne s'ÉCHAPPE PAS ! C'est pas difficile, pourtant, si ? Bon, au moins, c'était amusant de remettre cette goule à sa place.

Il posa délicatement la fiole et son casse-croûte, et prit un marteau qui traînait là. Oui, un marteau, il faut parfois casser des noix ou des crânes, en alchimie... Bref. Il ouvrit la cuve, et la chose tenta d'en sortir, immédiatement. La réaction de Braumeister ne se fit pas attendre. Il frappa le crâne de la goule une fois, deux fois, cinq fois, et n'arrêta que quand il fut sûr que la créature fut inerte. Puis il poussa le monstre dans la cuve et la referma, comme à chaque fois.

Soudain, Braumeister les entendit. Faible tout d'abord, puis de plus en plus répétés. À la porte. Les frappements. Reposant le marteau, puis reprenant sa fiole et son rat, il alla ouvrir la porte...

« AH ! Te voilà, toi ! Je croyais t'avoir fait entrer, excuse-moi... Entre, entre ! Tu veux du rat ? Il est tout frais... Non ? Bah, écoute, assieds toi et goûte moi ça. J'ai tenté de faire du saké, tu connais le goût du saké ? Fais gaffe, ne bois pas trop vite, ça cogne fort ce truc ! AH ! Excuse-moi, je dois aller faire deux trois trucs... Tu peux aller te servir un verre à la cuve 6 en attendant ! »