C’est en se tenant sur la pointe des pieds qu’il put atteindre la sonnette. L’effort lui était pénible car répété mais il se consolait en se disant qu’à onze ans à peine, il était loin d’avoir achevé sa croissance. Brian pressa le bouton puis entendit la sonnerie automatique caqueter à l’intérieur.
D’autres bruits lui parvenaient de la maison mais ils étaient trop confus pour les discerner. Les bruits de la route n’arrangeaient rien.
En tout cas, ils devaient tous être sacrément occupés à l’intérieur pour ne pas lui ouvrir.

Brian s’apprêtait à sonner pour la troisième fois quand il eut une idée. Il recula de quelques pas pour apercevoir les fenêtres du premier étage. Vue les rideaux, celle de gauche devait être celle d’Alexa. Sans plus se poser de questions, le gamin ramassa une pierre. Mais au moment où il levait son bras pour la lancer, Brian se figea.

La porte venait de s’ouvrir.

Discrètement, alors que sa maman était occupée à expliquer quelque chose à Eliott, Alexa était en train de fouiller dans les placards. Elle voulait se faire un petit baluchon avec des trucs sucrés, elle comptait partir en promenade. Il fallait prendre de quoi manger.

La sonnette résonna, "maman ira répondre" furent les premières pensées de la fillette trop occupée à préparer des vivres. Biscuits, gâteaux, une pomme. Elle était d'un jolie vert cette pomme.

La mère commençait à s'énerver, Alexa l'entendait, la voix était forte. Mais l'enfant mit tout son coeur pour ne penser qu'à fermer silencieusement son sac à fermeture-éclaire. Le même que pour aller en cours. Pourquoi maman s'énervait ? Où était Eliott déjà ? Ah oui, il n'était pas encore rentré et c'était justement pour ça que la mère rouspétait au téléphone. À qui parlait-elle au téléphone ?

Un coup de sonnette, Alexa passait la tête pour voir au salon ce que sa maman faisait. Elle était énervée parce que personne ne répondait au téléphone. Elle refaisait le numéro, elle attendait et tapait de ses talons lourds. Elle n'avait pas pu expliquer quelque chose à l'aîné des enfants, celui-ci ne rentrerait pas tôt en tout cas.

Finalement, la fillette entra dans la pièce, équipée de son sac-à-dos. Elle fit un signe de la main à l'adulte, celle-ci lui rendit un sourire qui contrastait énormément avec l'attitude qu'elle avait dans son monologue avec la machine.

Elle ouvrit finalement la porte d'entrée après avoir tourné les talons, puis la ferma avec soin derrière elle alors qu'elle découvrait le visiteur portant des cailloux.

- Tu voulais lancer ça sur les carreaux ? Maman aurait été fâchée si tu les avais cassés !

Un peu moralisateur comme ton, mais elle avait l'habitude. Brian était plus proche du pitre que du premier de classe à ses yeux.

Alexa apparut dans l’encadrement de la porte. Brian resta figé, le bras levé.

— Tu voulais lancer ça sur les carreaux ? Maman aurait été fâchée si tu les avais cassés !

Laissant tomber son caillou, il esquissa un geste d’impatience.

— Alors d’abord, je vois pas DU TOUT de quoi tu parles.

Brian lui présenta son sourire le plus innocent. Elle lui faisait toujours la morale, mais jamais assez fort pour qu’il ne la prenne au sérieux. Il ne lui demandera pas d’arrêter.
Au contraire, qu’elle rouspète. Ça l’amuse.

— Et ensuite… reprit-il d’un ton boudeur. Ta mère serait fâchée si elle savait comment tu traites tes invités. Les faire poireauter devant ta porte comme ça…

C’était bien elle qui l’avait invitée, sans vraiment lui dire ce qu’elle avait en tête. Mais c’était lui qui se faisait attendre puisqu’il était encore en retard.
Une mauvaise habitude qui ne le quitterait pas.

Alexa n'esquissa qu'une moue boudeuse en réponse tout en descendant les marches, elle vérifia un coup derrière elle pour voir si la porte était fermée. Pour voir si personne ne la retenait. Personne.

Elle passa à côté de Brian et ouvrit son sac à dos pour lui montrer le contenu. Plein de bonbons, de chocolats, de trucs sucrés.

- J'ai pris de quoi pique-niquer, mais attention, faut pas toucher à la boîte à goûter !

Comme d'habitude, elle avait toujours cette boîte verte en plastique avec un dessin de fée dessus. C'était où elle mettait ses sucreries pour les casse-croûtes entre les cours, cependant, elle ne l'ouvrait jamais sauf pour y mettre des gâteaux ou des biscuits, etc.

- Je dois explorer la ville pour trouver le magicien et lui donner la boîte, mais on sait jamais sur qui ou quoi on pourrait tomber. Tu veux m'aider ? Peut-être qu'on croisera des indiens ?

Elle était sérieuse, bien qu'elle avait le sourire qui avait repris place. Elle aimait jouer aux explorateurs de mondes fantastiques. Mais elle devait avoir de bons compagnons pour ça.

La fillette lança un regard en arrière comme si quelque chose allait surgir dans son dos, avant de refermer la porte. Brian l’observa sans émettre le moindre commentaire. D’aussi loin qu’il se souvienne, Alexa avait toujours été pleine de petites manies de ce genre. Il n’était jamais allé chercher plus loin.
Son amie le rejoignit en quelques enjambées. Ce n’est qu’une fois arrivée à sa hauteur qu’elle ouvrit son sac à dos pour lui en présenter le contenu.

— J'ai pris de quoi pique-niquer, mais attention, faut pas toucher à la boîte à goûter !

— Alexa, tu gères.

Il était pris d’une envie furieuse : celle d’y fourrer la main pour rafler quelques friandises.

— Je dois explorer la ville pour trouver le magicien et lui donner la boîte, reprit-elle. Mais on sait jamais sur qui ou quoi on pourrait tomber. Tu veux m'aider ? Peut-être qu'on croisera des indiens ?

Brian émit un sifflement en guise de réponse et décida qu’il allait essayer de la suivre dans son délire. Il lança un regard vers les résidences identiques qui s’étalaient à perte de vue et tenta très fort d’imaginer ces indiens aux visages rougeaux et fermés, leurs yeux cruels excessivement plissés. L’espace d’un instant, il pouvait presque les voir se glisser hors des buissons taillés, enjamber les nains de jardin et autres décorations de pelouses. Le moment d’après, il gloussait. Tout ça lui paraissait trop peu crédible.

— Passe devant. finit-il par glisser.

Et pourtant, il allait forcer un peu sur son imagination. Il lui devait bien ça, après tout.

C'était Alexa qui prit la tête du duo, elle marchait d'un pas décidé, comme si elle savait où elle allait. Elle s'amusait bien. Loin de la maison. De plus en plus loin.

Elle imaginait la route comme une longue rivière où des débris, des animaux et des plantes étaient emportés par le courant. Il ne s'agissait que de voitures, de bus ou de vélos.

Alexa était déjà perdue dans son petit monde, ça semblait plus facile à vivre de se dire qu'elle devait apporter quelque chose d'important à un magicien... plutôt que de se dire qu'elle avait peur que son frère ait faim. Il n'était pas rentré hier soir. La fillette préférait un monde imaginaire à la réalité bizarre qu'elle vivait.

Sans trop s'en rendre compte, la seule chose dont elle était sûre c'était que la réalité était bizarre et moins convaincante qu'un univers imaginaire.

Arrivés à un passage piéton, elle sautait sur les marques blanches, comme s'il s'agissait de rochers émergeants des eaux.

- Brian, regarde !

Alexa montrait du doigt un groupe d'adolescents aux habits étranges. Ils avaient une dégaine vraiment particulière, du moins aux yeux bien trop verts de la petite fille peut-être trop couvée par sa mère.

- On dirait un peu des clowns, non ?

Des gens habillés comme des sortes d'indiens ou des cowboys avec des trucs de toutes les couleurs... les cheveux longs même pour les garçons. Alexa n'en avait pas souvent vu, peut-être parce que la ville n'était pas une de ces mégapoles. En plus, ils sentaient un parfum spécial.

La fillette était réellement naïve, un peu ignorante malgré la bonne élève qu'elle pouvait être. Elle évitait de poser beaucoup de question sur tous les sujets à sa propre mère.

Brian se contenta de la suivre en émettant quelques vagues commentaires sur leur étrange itinéraire. En effet, ils avaient traversé Maple Street, remonté la voie jusqu’au croisement avec la onzième avenue. De là, ils s’étaient enfoncés et emmêlés jusqu’à atteindre des quartiers dont Brian ignorait jusqu’à l’existence. Il lui semblait pourtant qu’ils tournaient en rond depuis tout à l’heure, et qu’Alexa ne savait pas vraiment où elle allait.

C’est qu’à ses yeux, Alexa était et resterait toujours cette gamine bien gâtée par la vie qui ne connaissait rien du manque. Il lui découvrait tout le temps de nouveaux jouets, de nouvelles affaires achetées spécialement pour elle. Lui qui n’avait toujours fait qu’hériter des vêtements souvent trop larges de son grand frère, il était peut-être un peu jaloux, au fond. Et pourtant, il lui semblait bien que la vie d’Alexa malgré sa belle façade ne devait pas être aussi parfaite que ça. Il fallait bien que quelque chose ne lui convienne pas pour qu’elle saute sur toutes les occasions de mettre de la distance entre elle et sa maison…
Quoiqu’il en soit, Brian était certain d’une chose : quand on est élevés dans du coton, on n'a jamais les pieds sur terre.

— Brian, regarde !

Comme pour étayer son raisonnement, Alexa pointait du doigt un groupe de hippies qui bavardait de l’autre côté de la rue.

— On dirait un peu des clowns, non ? ajouta la fillette.

Les clowns tournèrent la tête dans leur direction. Brian s’empressa de baisser le bras de son amie et de l’entraîner à sa suite le plus loin possible. Il avait beau ne pas être un modèle de discipline, il savait qu’on ne montre pas les gens du doigt ou qu’on ne les traite pas de clowns.
Heureusement, les fleuris avaient l’habitude de se faire railler. Comparée aux agressions habituelles, la remarque de la fillette restait innocente.

Brian se demanda comme elle pouvait être aussi insouciante, et comment ça se faisait qu’elle ne s’était jamais faîte frapper avec ce comportement. Et puis aussi, comment elle faisait pour être une des meilleurs élèves de la classe en étant aussi perchée, et comment il avait pu avoir un faible pour elle quand ils étaient petits. Tout ça, ça le dépassait.

— Il est encore loin ce magicien ? s’impatientait Brian. J’ai faim.

La petite fille vivait sans doute dans un petit monde tout doré et rose bonbon. Sans doute, et c'était vrai. Elle apprenait bien les cours, mais elle n'en était pas plus cultivée. Le genre de petit soldat exemplaire, n'apprend que ce qui arrangeait. Encore trop jeune pour se rendre compte des absurdités, encore trop couvée et étouffée par sa mère pour voir plus loin que les barrière blanches d'un jardin bizarrement bien entretenu.

Elle suivit sans trop comprendre Brian, mais elle ne s'était pas privée d'un regard d'incompréhension lorsque son ami lui avait fait baisser la main. Tant pis elle passa à autre chose, accordant un dernier regard en arrière. Les clowns avaient pourtant l'air si gentils avec leurs fleurs.

Puis une plainte, elle tourna les yeux sur le garçon. Elle s'arrêta de marcher et observa autour d'elle. Puis encore, les pas la guidèrent vers un diner, elle tenta de regarder par la vitre. Mais elle ne vit personne qui l'intéressait. Pas de magicien.

Se retournant vers Brian, elle retira son sac à dos afin de l'ouvrir et d'en tirer deux barres chocolatées.

Sa main en offrit une à son ami, avec un sourire sur le visage. Un sourire qui avait un peu baissé en intensité.

- Je pensais qu'il serait peut-être dans cet endroit, mais... je sais pas dans lequel, désolée on va devoir en voir d'autres...

Un toute petite pointe d'inquiétude, elle ne savait jamais où se trouvait exactement ce "magicien". Et ça l'inquiétait, mais elle ne devait pas arrêter de sourire.

- T'as encore beaucoup de trucs à faire ? Sinon c'est pas grave, je continuerai seule. Je veux juste être sûre qu'il soit pas mort de faim.

Alexa n'avait vraiment aucune idée du temps que ça prendrait, elle supposait que ce ne serait pas trop long. Le magicien ne pouvait pas partir de la ville de toute façon.

Alexa fit glisser son sac devant elle et l’ouvrit pour en tirer une friandise. Elle s’était exécutée sans desserrer les dents, de sorte que Brian se demandait s’il l’avait vexé par son impatience. Elle s’efforça pourtant de lui sourire en lui tendant sa part mais elle semblait crispée.

— Je pensais qu'il serait peut-être dans cet endroit, mais... je sais pas dans lequel, désolée on va devoir en voir d'autres...

— Ok.

Il prit la barre chocolatée sans poser de questions. Il en prit une bouchée, un sourire un peu idiot plaqué sur la figure. C’était vachement bon, cette merde. Y’avait du caramel dedans. Il examina l’emballage. Des Raiders. C’était pareil que les Twix, ça n’avait juste pas le même nom et ça coûtait plus cher.

— T'as encore beaucoup de trucs à faire ? Sinon c'est pas grave, je continuerai seule. Je veux juste être sûre qu'il soit pas mort de faim.

— Non, c’est bon.

Il fourra l’emballage dans sa poche, à défaut d’une poubelle. Sa langue passe sur la rangée de dents pour récolter les dernières traces de caramel restées collées à ses dents.

— Je te faisais marcher. J’ai tout mon temps.

Mais s’il avait pu goûter un Raider, son bluff valait le coût.

Une moue prit place sur le faciès de la fillette lorsque son camarade lui avoua avoir menti. Ou fait une farce. Alexa ne saurait pas vraiment dire de quoi il s'agissait réellement.

Mais son côté vexé ne resta pas longtemps, il y avait tellement mieux à faire. Et bouder Brian n'en faisait pas parti. Pour cette fois.

Le sac rangé, Alexa observa par la gauche, puis par la droite.

Honnêtement elle n'avait aucune idée où aller. Ni même vraiment où ils étaient, mais ça ce n'était pas important. Pas du tout, ce ne serait pas grave.

Juste une petite ville.

Elle marcha dans la direction de droite.

- À ton avis, où un magicien se cacherait dans une ville ?

La marche avait cessée d'un coup sec, l'index s'était posé sur la lèvre inférieure. Le regard vers le haut, comme si la réponse allait s'y trouver.

Elle ne voulait pas non plus prendre trop de temps, passé une certaine heure, ce serait difficile... et surtout... loin d'elle l'envie de rester dans la nuit au milieu d'une ville.

Alexa sembla froissée mais n’en fit pas un procès. Tant mieux, Brian aurait gagné de toute façon. Après une brève observation des alentours, elle reprit la tête du groupe. Ça se voyait qu’elle était un peu perdue. Elle ne cessait de jeter des regards dans une direction ou dans une autre. Brian savait qu’il n’aurait pas trop de mal à les ramener chez eux : le plan de la ville ressemblait vaguement à un gros damier.

— À ton avis, où un magicien se cacherait dans une ville ?

Les questions de ce genre était le prix à payer pour la compagnie d’Alexa. Avec le temps, Brian avait renoncé à comprendre ses délires, préférant jouer le jeu.

— Si j’étais magicien, je me cacherais même pas.

Il venait de répondre sur un ton d’évidence.

— Je disparaitrais.

La réponse parut évidente. Tellement qu'Alexa resta un instant sans rien dire, disparaître lui paraissait logique.

La fillette se demanda même pourquoi ça n'était pas encore arrivé d'ailleurs. Pourquoi il n'avait pas utilisé sa magie pour partir, et ne jamais revenir. Cette idée peignit un peu d'appréhension sur le visage. Elle tripota ses doigts et finit par répondre, presque sûre d'elle :

- Lui il le fait pas, il veut pas disparaître. Sinon je serais toute seule après.

Elle le dit avec une évidence, haussant les épaules.
Et pourtant, peut-être que ça arriverait un jour. La disparition.

Alexa se remit en marche, l'air décidé. Mais après quelques mètres, elle fut détournée par une vitrine. Celle d'un magasin de jouets. Il y avait un ours en peluche, elle aurait eu envie de demander à sa mère de le lui acheter.

- Dommage de pas pouvoir acheter avec des sucreries...

Elle était habituée aux cadeaux, elle était habituée à avoir ce qu'elle voulait. Sans comprendre pourquoi ça ne semblait marcher que pour elle.

Finalement elle se détacha de la contemplation, se tournant vers Brian. Elle ne devait pas trainer, il était gentil de bien vouloir l'accompagner.

- Y a un autre endroit que je veux aller voir, il est peut-être là-bas. C'est un peu en dehors de la ville mais c'est pas trop loin.

Elle avait joint les index, comme si elle demandait une faveur. Elle avait l'habitude de se tortiller les doigts, une manie que sa mère voulait lui enlever. Apparemment, ce n'était pas bien de montrer la nervosité. Il fallait être bien propre et sage, ne pas gesticuler.

Il pensait que cette question faisait parti d’un jeu, tout comme la chasse au sorcier d’ailleurs. L’expression qui se peignait sur son visage lui disait le contraire.

— Lui il le fait pas, il veut pas disparaître. Sinon je serais toute seule après.

Brian passa la main sur sa nuque, assez embarrassé. Elle avait l’air triste maintenant, lui qui voulait plaisanter. En même temps, comment savoir où s’arrêtait le jeu quand il était aussi difficile de la suivre ?

Son amie s’était remise à avancer, ouvrant la marche. Il ne pouvait pas voir la tête qu’elle faisait mais il se doutait qu’il allait devoir se rattraper. Il n’aimait pas la voir comme ça.

Alexa s’arrêta brusquement et Brian manqua de l’emboutir. Il suivit son regard jusqu’au sujet de sa distraction : un petit magasin de jouets. Brian se surprit à coller son nez à la vitrine à son tour et observer les jouets disposés en éventails sous leurs yeux.
Il y avait un petit âne à bascule avec une selle rouge, une bicyclette avec les petites roues pour les petites, des voitures de courses miniatures allongées et dépourvues de toits. Il y avait des poupées portant des vêtements flashy, des landaus pour jouer à la maman et des six-coups pour jouer aux cowboys.

Brian économisait pour une boîte de pétards comme ceux qu’ils montraient dans la pub.

— Dommage de pas pouvoir acheter avec des sucreries...

— C’est cher les sucreries.

Brian réalisa que c’étaient pas les poupées qui attiraient l’attention. Elle dévorait des yeux un ourson en peluche avec un ruban rouge noué autour de son cou. Plutôt mignon.

— Y a un autre endroit que je veux aller voir, fit Alexa en se détournant de la vitrine. Il est peut-être là-bas. C'est un peu en dehors de la ville mais c'est pas trop loin.

Elle avait pris un air suppliant. Brian la dévisageait sans un mot avant de prendre enfin une décision :

— Attends ici.

Il se dirige avers la porte du magasin et entra. Le carillon du magasin annonça son arrivée au vendeur qui leva les yeux de son journal. Le vieil homme l’accueillit avec un grand sourire. Il le reconnaissait pour l’avoir vu quelques fois coller son nez à la vitrine pour distinguer l’étiquette du prix d’une boîte de pétard.

— Partis comme des petits pains, déplora-t-il. Mais tu devrais trouver ton bonheur.

Le gamin ne répondit pas, trop occupé qu’il était à compter son argent. Dans deux semaines c’est l’anniversaire d’Alexa.

— L’ours en vitrine avec le ruban bleu. C’est possible de… le mettre de côté ?

— De côté ? Tu veux l’acheter ?

— J’ai pas assez sur moi mais je peux revenir demain.

Et puis Alexa était juste à côté alors pour la surprise, ce serait râpé. Le vieil homme l’avisa un instant avant de replonger le nez dans son journal.

— Demain sans faute, ou je garantis rien.

— Merci ! lança Brian en se dirigeant vers la sortie.

Le carillon retentit une seconde fois et il fut sorti. Son amie l’attendait toujours. Il haussa les épaules et pris une moue dessus.

— Ils ont plus de pétards. On y va ?

Alors qu'elle voulait s'en aller, elle fut retenue par Brian qui lui avait dit d'attendre. Alors un peu surprise, elle suivit le garçon du regard à travers la vitrine. C'était difficile à voir parmi les jouets qui décoraient en premier plan. Durant quelques secondes, elle se hissa sur la pointe des pieds. Abandonnant vite son entreprise. Elle imaginait que son ami voulait des pétards. Alexa, elle, elle n'aimait pas ces choses bruyantes qui lui donnait l'impression de déchirer les tympans.

Et puis, de toute façon, sa maman ne voudrait pas.

La fillette se retourna pour s'adosser à la vitre et regarder les voitures passer, elle s'amusa à compter, enfin, elle ne le fit que durant le passage de trois ou quatre voitures. Ça ne l'amusait pas tant que ça. Ça n'avait rien d'amusant à la base d'ailleurs.

Alexa supposait que le fameux magicien devait passer le temps non-loin d'un centre commercial. C'était un Mall, un de ces bâtiments immenses presque comme des villes dans des maisons. Au moins là-bas, on pouvait attendre au chaud ou au frais selon les saisons. Cependant, ça fermait la nuit venue. Alors il il fallait partir.

Les pensées s'envolèrent lorsque Brian refit surface, annonçant qu'il n'y avait plus de pétards. Alexa l'aurait parié que c'était pour ça qu'il avait voulu jeter un oeil dans la boutique.

- Oh, désolée pour toi. Mais au moins tu ne me casseras pas les oreilles avec.

Lancé avec un ton taquin.

Elle se mit à marcher, d'un pas rapide. Passant trottoirs et passages piétons, elle semblait sûre d'elle. Elle l'était, elle y était allée pleins de fois dans le Mall. Avec sa maman qui sortait toujours des cartes pour tout payer.

Peu à peu, l'énorme parking, probablement bien trop extrême. Beaucoup de voitures, beaucoup de caddies et de gens.

Alexa pointa du doigts la toute petite entrée qui s'agrandirait en s'y approchant.

- C'est par là, c'est par là. Une fois dedans, il faut qu'on regarde les cartes, je veux trouver un endroit dedans où il y a des bancs. Je suis sûre qu'il est par là. Tu me suis ?

La fillette accéléra sa marche enjouée à l'image de sa voix contente de trouver cet endroit absolument pas discret dans la ville en plein développement.

— Oh, désolée pour toi. Mais au moins tu ne me casseras pas les oreilles avec.

— Ça serait pas mon genre…

Les enfants se remirent en route assez rapidement. Brian trouvait Alexa plus confiante dans sa manière de le guidait : elle n’hésitait presque plus lorsqu’ils arrivaient à une intersection et elle avait arrêté de jeter des regards perdus dans toutes les directions. C’était rassurant pour la suite.

Ils arrivèrent dans un immense parking où s’aggloméraient un grand nombre de véhicules rutilants. Beaucoup de femmes parfois accompagnées de leurs enfants déambulaient entre les voitures, poussant d’énormes chariots. Brian était déjà venu ici mais jamais pour faire les courses. Sa mère préférait leur modeste boutique de quartier où ils connaissaient tout le monde.

— C'est par là, c'est par là, fit Alexa en pressant le pas. Une fois dedans, il faut qu'on regarde les cartes, je veux trouver un endroit dedans où il y a des bancs. Je suis sûre qu'il est par là. Tu me suis ?

— Ouais.

Quand ils entrèrent, le corps de Brian se tendit. Il n’aimait pas beaucoup cet endroit, beaucoup trop bruyant à son goût. Le brouha des consommateurs l’agressait, les adultes le bousculaient sans le voir. Le Mall n’était plus seulement un endroit où on pouvait acheter à peu près tout et n’importe quoi, c’était un lieu de rencontre avec plein d’activités et de petits restaurants. Aussi, les ménagères partageaient leurs terrains de chasse avec les ados qui ne se déplaçaient plus qu’en bande.

— Il y a un plan là-bas, dit Brian, obligé d’élever la voix pour se faire entendre.

Du doigt, il désigne un genre de plaque autour de laquelle s’attroupe et circule pas mal de monde. S’en approcher promettait d’être ardu.