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Colibri Pétillant & Capucin Farouche

Ce serait sûrement plus simple que Colibri Pétillant vienne au village. Mais pour ça, il aurait fallu être logique, et Capucin Farouche ne sait pas l'être.

Il court, zigzague, cabriole sur les énormes branches d'arbre qui décorent la jungle luxuriante. Il rit un peu, mais pas trop, parce qu'il faut se concentrer. Son pagne rouge jure sur le vert et le brun des bois.
Les Delaware sont à l'autre bout de l'île et Capucin met certainement ce qui ressemble à plusieurs heures pour rejoindre leur camp. Quand il est fatigué, il se pose sur une branche et dort comme les panthères. Quand il a soif, il descend à la rivière et lape comme les lions.
Lorsque le soleil est haut, Capucin arrive au village du Corbeau.

Il hurle comme un loup, ça ne ressemble pas trop, mais Colibri comprendra. Colibri le comprend toujours, même quand il ne parle pas.

Capucin se perche dans un arbre du Bois Joli, non loin du camp. Il les aime moins que ceux de la jungle, mais ils ont des couleurs si belles qu'il les regarde souvent longtemps.

— Ahouuuuuuuuu !

Il guette, le coeur qui bat, les yeux qui brillent, son frère oiseau.

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Capucin rugit en brown.

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Il y a plein de matins tous plats. On on se réveille comme dans un rêve, on baille, et puis tout se déroule comme une histoire qu'on connaît déjà par cœur. Lisse, morne, sans saveur. On ne prête même plus attention aux petits détails tellement on les a vus, archi-vus et encore revus. Alors on baille à nouveau et on fait ce qu'on a à faire de la façon la plus négligée et désinvolte qui soit.
Il y a des jours comme ça, où il se demande s'il peut vraiment déborder de joie et de Vie, s'il a seulement le droit. Ces fois là, Colibri ne bronche même pas, il se contente de suivre les automatismes de son corps. Il ne s'éloigne même pas du camp. Il aide sa mère, son père. Il ne pense même pas à grand chose en particulier.

Et puis on mange, on badine, on somnole. Les siestes qu'il exècre pourtant tant, il s'y laisse couler comme une perle de rosée sur une feuille qui ploie vers le bas. Inévitable. De temps à autre il baille: de toute façon il n'avait pas assez dormi.
Le papoose finit même par souhaiter que la journée se termine le plus vite possible et que l'esprit nuit étende ses bras sur le camp et le Feu Sacré. Pour ne plus avoir à se fatiguer , parce que c'est un jour sans, et que les jours sans il perd un peu l'espoir que ça change, un peu plus à chaque fois que le soleil monte un peu plus dans le ciel. Lorsque l'astre redescend, c'est même trop tard pour attendre. Passe, soleil, passe chaleur, au plus rapide que vous pouvez.

Cette fois-là , ça avait bien commencé pour encore être pareil, un peu fade et nul. Et puis, alors que le zénith l'éclabousse de ses grands rayons d'une façon qui lui paraît être molle et sans entrain, le vide se brise, se fracasse; il se remplit. Un son retentit non loin, son sang de colibri ne fait qu'un tour, puis il se met à bondir furieusement. L'Anguille ne prévient pas, n'avertit pas, n'explique pas. Elle lâche tout ce qu'elle tenait dans ses mains sans trop en avoir conscience, ou plutôt tellement peu qu'elle ne sait même plus ce que c'était, et puis elle fonce.

C'est que Colibri il entend tout. Chaque cri a sa signification, son importance. Et celui, c'est le leur. D'ailleurs, le pétillant le hurle à son tour, ce hurlement de loup qu'ils ont décidé rassembleur!
Le Delaware s'élance en dehors du camp, raidit les oreilles, plisse les yeux. Puis d'un coup il s'arrête sous un arbre et regarde au sommet.
Capucin Farouche. Toujours. Obligé. La journée est sauvée, elle sera avec.

― Aowh!! Il crie, et ça éclate. Il sourit, et ça explose.
Capucin est là au bon moment. Monter ou laisser descendre à présent? Colibri prend le parti de rejoindre son frère tout là, alors il grimpe avec le plus d'enthousiasme qu'il peut. Il n'est pas le meilleur en escalade, car il n'est pas le meilleur en grand chose, mais ça va. Et l'espace d'une sorte de minute (qu'il n'a certainement pas comptée, il ne sait même pas ce que c'est), ils sont l'un en face de l'autre. Mais ils ne resteront pas ainsi indéfiniment, un battement d'aile et tout change.
Ils bougeront. Le Delaware suivra le Piccanninny n'importe où.
Et vice versa.

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Colibri Pétillant & Capucin Farouche

Elle trépigne, la Bestiole, tandis que les gros cheveux de Colibri remuent dans les branchages. Son sourire ressemble au sien, grimaçant, tordu, sincère. Capucin Farouche sautille et hurle encore, trop de joie en lui.

— Tu venir Canyon Rouge ? Bêtes et pirates ! Ils s'affronter ! Tu vouloir voir ?

Bien sûr, Colibri accepte, comme Capucin aurait accepté, puisqu'ils se suivraient même dans la mort. Mais la mort est loin, là, tant la vie pulse dans chaque morceau d'eux.

— Course ?

Et les oiseaux râleront, les serpents siffleront, les ours grogneront du tapage qu'ils provoquent dans la forêt mère. Qu'importe ! La jungle résonnera avant tout de leurs rires en cascade.

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Capucin rugit en brown.

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Ça saute, ça éclabousse d'énergie, ça s'agite. Capucin est au moins aussi excité et heureux que Colibri, et ils sont là , les deux papooses, l'un en face de l'autre. Ensemble, prêts à partir à l'aventure. Si l'instant où ils ne disent rien est court c'est pour une bonne raison: il n'est qu'un appui pour la suite, la suite qui vient au plus vite. C'est le Piccaninny qui propose, cette fois-ci. Le Delaware, lui, accepte d'un seul cri:

― Oui!

Dangereux, calme, loin, près, tout ça n'a plus aucune importance. Tout son esprit, comme celui d'une fée, n'est plus concentré que sur une chose: le spectacle promis. Il réfléchit un instant, pour se souvenir du canyon, mais c'est très rapide. L'île les a vu naître, ils la connaissent comme s'ils l'avaient faite, et il lui faut une pulsation de cœur pour visualiser l'itinéraire, la route à prendre. La Bestiole propose à nouveau. Alors à nouveau l'Anguille piaille:

― Oui!

Hop! Il bondit en arrière, fait une pirouette, roule glisse danse, en trois sauts et une infinité de difficulté en moins qu'il ne l'a monté, il est déjà au sol. Ses yeux noirs pétillent, pétillent, pétillent. Colibri Pétillant pétille, pétille, pétille. Il sait que le Farouche peut courir dans les arbres aussi vite que lui ne court sur l'herbe sèche. Il sait déjà.

― AhOooooUUuu!

Le papoose s'élance, comme si sa vie en dépendait, il esquive, court, court, se précipite, crie de joie, tombe, roule, et tout sans s'arrêter. Il serpente entre les arbres, rampe sous les racines, toujours, toujours plus loin. De temps en temps il jette les yeux vers là où il croit qu'est son frère, le repère, crie, continue encore. Il traverse les ruisseaux d'un bond, d'une brasse, et continue encore. Il fait une pause.

Ils sont encore loin, mais lui est épuisé, alors il souffle un peu.
Il regarde s'il trouve Capucin. A la place il y a deux yeux jaunes qui le fixent, dans l'obscurité d'un buisson, et un grognement féroce.

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Colibri Pétillant & Capucin Farouche

Pendant qu'il court, tandis que ses pieds appuient sur les grosses branchent qui composent sa route en faisant pleuvoir quelques feuilles, Capucin capte la silhouette effrénée de Colibri Pétillant au-dessous de lui. Les gros cheveux du papoose pénètrent dans son regard entre chaque branchage, chaque éclat de soleil, et Capucin accélère. Les macaques fuient son passage et les daims fuient celui de Colibri, c'est un jeu de miroir, un reflet sur l'eau, sur la jungle.

Capucin Farouche met du temps à comprendre que Colibri s'est arrêté. Il riait encore. Mais à force de ne rien voir entre les grosses branches qu'il martèle, il rit de moins en moins, et n'accélère plus. Il finit par chopper une liane et se laisser descendre – il croit qu'il va faire un beau saut périlleux et atterrir dignement, mais Capucin ne sait pas bien se réceptionner, alors ça fait "bong" et "han" mais c'est pas grave.
Il cherche son frère de ses yeux qui tanguent.

— Colibri ? il appelle, pas très fort.

GRAAAAOUH !
Des oiseaux se dispersent dans le ciel en piaillant, les arbres bougent, les fourrés s'agitent.
Capucin a sursauté. C'est pas Colibri, ça.

— Colibri !!

Pas de réponse = danger.
Capucin court, accélère, dans l'autre sens.

*

Une queue qui remue, dans l'ombre des buissons. Le vent est avec lui, la queue ne le sent pas. Le vent est contre Colibri, la queue sent Colibri. Capucin ne le voit pas, mais il sait qu'il est là, de l'autre côté de la queue et des buissons.
Grondement, grondement, ça s'accélère aussi, Capucin comprend ce langage-là et sait que la créature va bondir. Sur Colibri. Où est César, où est César ? Pas là.

— KAÏ !

Cri de peur et de courage, Capucin s'élance ! Il agrippe de sa force entière la queue, au centre, et la mord avec toute la puissance de ses dents pourries.
La bête grogne fort, s'ébroue, et agite la queue. Capucin s'y cramponne de peur et de courage encore.

Au bout de la queue, il y a quelque chose que Capucin n'a pas vu, une sorte de croc, de pince, un truc qui veut dire la mort.

— Cours, vole ! Colibri !

Il a déjà aidé soeur Salamandre Bleue, une fois. Mais elle était tombée, longtemps. Si Colibri tombe, là, sur le sol, sur lui-même, Capucin ne pourra pas le rattraper.

la créature en question (je n'ai pas trouvé de crédit):

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Colibri est tétanisé. Il sait qu'il est en danger. Le grognement n'était pas apaisé, les yeux ne le sont pas non plus, et la gueule enragée pleine de crocs pas mieux. Elle bave, et le papoose devine que ce n'est pas une maladie mais c'est parce qu'elle a faim. Elle salive en fait, pour mieux le manger ensuite. Et lui, il ne sait pas se défendre. Il ne sait pas se battre, il ne sait pas faire couler le sang.
Il ne sait pas tuer.
Même alors qu'il va se faire dévorer et qu'il le sait pertinemment, il n'est pas capable d'esquisser le moindre geste.

Puis un cri.
C'est Capucin, ça. Il crie, il crache, il n'a pas peur.
Alors la bête à moitié sortie de son buisson se cabre, rue, s'agite. Colibri peut voir son frère accroché à cette queue dangereuse. Il ne réagit pas tout de suite, interdit devant la violence des hurlements, des grognements et des morsures. Il voit un peu de sang qui perle par terre.

Ca le sort de sa torpeur.
Courir, voler, il doit partir. D'un bond il évite la queue qui si longue qu'elle tournoie. Il y a ce pic, pas loin du Picanninny. Mais qu'est ce qu'il peut faire, lui, hein?

―La queue! Attention! Viens! il crie tout en grimpant du mieux qu'il peut à un arbre. Pas question de fuir.
Il prend une liane, il réfléchit pas trop, il essaie de la nouer.
Les nœuds pour lui c'est pas très facile. Il n'y comprend pas grand chose, il espère que ça va tenir. Il jette le bout à Capucin, il espère qu'il l'attrapera.

Déjà il se prépare à bondir.
Colibri ne part pas. Il n'abandonne pas.
Il est déjà prêt à autre chose.
Son cœur tambourine comme un fou.

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Colibri Pétillant & Capucin Farouche

Quoi ?

— La queue! Attention!

Quoi ?

— Viens!

QUOI ?

Ca bouge, ça tangue, c'est un miracle qu'il tienne bon.
Mais il peut pas lâcher, pas lâcher, s'il lâche, il meurt non ? S'il lâche, la gueule de la bête sera tout près de son visage. S'il lâche, il sera devant, sans rien dans les mains, sans rien que...
Colibri !

Y a Colibri, là, là-bas.
Il le voit, en double, en saccadé, est-ce qu'il est loin ou près ?
Il faut lâcher. Allez. Allez, y a Colibri, sûrement assez près. Allez !
LÂCHE !!

Le corps s'envole, valdingue comme une feuille morte emportée dans une bourrasque.
C'est violent, ça lui coupe le souffle, appuie sur sa poitrine. Ses jambes sont toutes tordues, ses yeux brouillés par la peur, la confusion, et les cheveux trop longs.

Il comprend qu'il a atterrit au moins trois secondes après avoir atterrit. Sa respiration a du rester dans les airs car il la retrouve plus. Il force sur son thorax, ouvre grand la bouche, mais ça ne revient pas. Sans air dans son corps, il a du mal à bouger, à fonctionner, et quand il tourne la tête ça ne fait que la moitié du chemin.

— Où tu es...! il crie de sa voix éraillée sans air dedans.

La bête rugit derrière. Mais il ne voit rien, puisque tout tourne si vite, ni la gueule ni le danger qui vient, il ne voit même plus Colibri.

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Capucin Farouche n'a pas attrapé la liane. Il ne l'a pas vue. Capucin Farouche a volé comme les oiseaux volent, comme un Delaware. Comme un fétu de paille emporté par le vent. Colibri reste un instant tétanisé, cherche des yeux son ami, réalise qu'il est encore au sol. Un peu plus loin. Par terre. Et il ne va pas bien.
Le picanninny crie terrible, un au secours caché par d'autres bonds. Et son coeur fait une embardée; Il doit le sauver. Obligé. Il ne peut pas le laisser là, le monstre approche méchant et plein de crocs.
Méchant? Non... personne est méchant, pas vrai?

L'anguille ne peut pas accepter tout simplement qu'une chimère féroce va tuer son ami. Les animaux sont ses amis aussi, non? Il tremble un peu maintenant. La bête prend tout son temps, et ça dure une éternité, comme si l'environnement était pâteux. Même ouvrir la bouche pour s'humecter les lèvres se fait au ralenti. Même son coeur a ralenti artificiellement.
Colibri ne peut pas. Il ne le veut pas non plus alors il se force.
Il ne peut pas, il ne peut pas. Ses bras empoignent une sorte de noix de coco.
Il ne peut pas , il ne peut pas. Ils l'arrachent et la soulèvent.
Il ne peut pas.... Le fruit fuse et s'écrase sur le crâne de l'animal.
Un second suit, un troisième et un quatrième encore.

Le papoose a des larmes pleins les yeux tandis qu'il saute à bas de son arbre et s'élance vers son camarade. Il fait semblant de ne pas le voir en passant à côté de lui, l'animal qui ne bouge plus, étendu de tout son long. Il attrape Capucin par le bras, le soulève avec difficulté , essaie de courir avec.

Vite! V-vite ! Faut... faut...

Ses yeux ruissellent de partout et sa voix se brise d'un coup.
Il l'entraîne à travers la jungle, mais finit par se laisser tomber dans un ruisseau.
Il faut qu'il se débarrasse de cette odeur de violence, de haine , qu'il a l'impression de porter comme une chape de fer.

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Colibri Pétillant & Capucin Farouche

Capucin Farouche n'a rien vu de la scène, il a entendu trois sons mats et senti sur son bras une poigne fiévreuse et urgente. C'est un véritable ballet, l'un après l'autre, les deux papooses se coursent, se cherchent, se perdent, se secourent, s'attrapent et s'entrainent. Ca pourrait même ne jamais prendre fin, ils ne s'en rendraient pas compte.

Capucin reprend ses esprits lorsque Colibri se jette dans l'eau claire. Lui, couvert de boue et d'écorchure, ne se jette pas dans l'eau claire. Il contemple la détresse de son frère et ne la comprend pas. Au loin, les contours du Canyon Rouge se dessinent.
Tandis que Colibri s'étend dans le ruisseau, il finit par s'approcher et poser sa main sale contre la tête du papoose.

— Fini, Colibri. Il est mort. Tu es brave guerrier. Tu as tué lui.

Tes larmes de Colibri repeuplaient ses yeux et la Bestiole ne comprenait pas. Lui, il comprenait la loi de la jungle.

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Tout est rouge sang et noir malheur autour du papoose, et si Capucin n'avait pas posé cette main sur son crâne, Colibri se serait probablement laissé noyer dans le ruisseau. Son corps aurait flotté sur le ventre jusqu'à tomber dans la mer et peut être qu'on ne l'aurait jamais retrouvé. Mais Capucin est là et l'aide à remonter à la surface de ses idées noires. Le tableau s'efface de lui-même, l'encre se délave, la lumière se propage.

Les yeux et le coeur flou, Colibri dévisage son ami qui lui laisse des mots de guerre et de sang, à nouveau. Il ne veut pas comprendre ce langage si simple, si animal, si primaire. Il ne veut pas mais ça s'impose à lui.

― Non! il est pas mort? Pas vrai?

Même si au fond il sait bien que si, la bête est morte.
Et que comble du malheur, c'est lui, qui l'a tuée.

― Capucin, je veux pas être un guerrier, moi…

Colibri se relève, frotte ses yeux, reste planté un instant face au papoose Piccaninny. L'odeur écoeurante du sang, pourtant absent de là, lui donne un haut le coeur et il pose une main sur son ventre. Il montre de l'autre bras, tremblant, le canyon rouge à quelques centaines de mètres de là.

― Tu crois qu'ils se battent encore là bas?

Il espère que non. Il va vraiment vomir si ça continue, même s'il sourit pour la contenance, cet espèce d'abominable rictus crispé.

Sujet: Re: Just good friends Sam 3 Sep 2016 - 14:38

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Colibri Pétillant & Capucin Farouche

Capucin penche la tête en reniflant, un peu comme les chiens. Pas être un guerrier ? Sa pensée tangue et trébuche.

— Toi veux être quoi, Colibri Pétillant ?

Peut-être un animal. C'est vrai, lui aussi il voulait être un animal au départ. En fait, peut-être qu'il veut encore un peu.

Colibri se redresse et Capucin le dépatouille de sa boue avec sa brusquerie habituelle qu'il imagine être douce.

— Tu crois qu'ils se battent encore là bas?

Capucin scrute le lointain en plissant des yeux. Il hume l'air, tente de capter l'énergie du vent. Est-elle violente ou non.

— Nous aller voir. Nous passer par falaises, toi veux ?

C'est dur d'être prévenant, parce que Capucin ne sait pas, ne sait plus, ce que ressent Colibri. Capucin pense que Colibri est comme lui.

Alors il lui prend la main, la serre, la terre sèche de sa paume se colle contre celle humide de Colibri. Il l'entraine, mais doucement cette fois. S'il n'a pas la compassion, il a l'instinct, et son instinct dit que Colibri est fragile à l'intérieur.

*

La poussière ocre du Canyon se plaque contre leurs chevilles. Leurs pieds ont disparus sous des chaussons de poussière. Leurs cheveux aussi sont recouverts, il faut se protéger les yeux et la bouche. Le vent souffle fort, mais c'est comme ça depuis que l'Esprit Vent a été libéré.

A travers les nuages poudreux, Capucin repère une falaise qui s'élève progressivement, boursoufflée de rochers qui ont l'air secs, pointus.

— Toi sais grimper cailloux autant qu'arbres ?

On entend un petit vacarme couvert par le vent, au loin.
On voit les vautours tourner en cercle, en haut.

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Qu'est ce qu'il veut être? Colibri regarde attentivement Capucin, comme s'il se demandait si la question est sérieuse. Alors qu'il sait pertinemment qu'elle l'est, car Capucin dit toujours ce qu'il pense. Tout simplement car il ne sait pas faire autrement. Il se laisse dépatouiller brusquement, mais ne dit rien, car même ce geste maladroit et brutal lui fait du bien. Il a un maigre sourire.

- Un oiseau. Ou juste moi, c'est bien, moi.

Et oui! Pourquoi chercher à devenir autre chose? Il se suffit à lui-même, et c'est plutôt sage comme idée. Il acquiesce doucement, docilement. Il ira, pour suivre Capucin. Il peut faire n'importe quoi, voir n'importe quoi et aller n'importe où, mais il ne veut pas être seul. Il ne le peut tout simplement pas d'ailleurs. Il serre fort la main de son frère et le suit comme il le suivrait au bout du monde, au centre de la terre. Sur la plus haute cime, au fond de l'océan le plus profond.

Les paysages se succèdent avec une lenteur morne, Colibri ne réfléchit plus et se laisse juste entraîner, tout pensif; ce n'est que lorsque le Piccanninny interrompt sa rêverie, au pied d'une falaise, qu'il lève les yeux vers les cimes. Il les plisse, aveuglé. Tout a singulièrement changé depuis la jungle.

- Je peux!

Il n'a de toute manière pas eu la prétention de savoir bien grimper aux arbres. Il sait, c'est tout, c'est suffisant. Et il lâche la main du papoose pour agripper une saillie. Ses pieds nus souffrent mais il progresse sûrement. C'est un tonique, l'Anguille! Sans se retourner pour voir si son camarade est toujours là, car il sait qu'il est là, il est bien meilleur, bien concentré sur ses points d'appuis, il demande, en prenant garde à ne pas trop déserrer les lèvres pour que le sable n'entre pas:

- Tu voudras te battre? ou c'est juste pour... regarder?

Il se mordille la lèvre anxieusement. Le vent lui crache à la figure comme une brute, mais ça le Delaware l'accepte. Il accepte toujours cette brutalité là, elle est naturelle.

Sujet: Re: Just good friends Sam 24 Sep 2016 - 16:09

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Colibri Pétillant & Capucin Farouche

Capucin préfère les arbres, toujours, mais il n'a pas mal sur les cailloux. A force, la plante de ses pieds est comme une semelle.
Il ne pense pas que Colibri peut avoir du mal, plus de mal que lui, à grimper ça. Alors il ne vérifie pas qu'il se débrouille. Il ne pense pas à savoir s'il se fait mal, s'il se fatigue, s'il a peur. Il ne peut pas penser à ça. Quand ils arrivent au sommet, il ne se dit pas que Colibri a fait un exploit. Capucin pense que tout le monde vit les choses comme lui.

En haut, le vent souffle bien plus fort et la poussière agresse les yeux. Il fait même un peu froid. Tout est rouge brun, tiens, comme lui.

— Tu voudras te battre? ou c'est juste pour... regarder?

Mais Capucin est concentré.
Il cherche la bataille des yeux.

— Viens.

Il prend le poignet de l'Anguille. Et il le mène tout au bord. Il n'y a qu'un arbre desséché, tout tordu, Capucin sait par les rumeurs qu'il a entendu que c'est le trône d'un des vautours. Il ne grimpera pas dessus. Il se pose juste à côté.

— Aplatir toi. il commande, doucement.

Il cherche, cherche, oublie de se protéger de la poussière. Elle colle sur ses cils.

— LA !

Il les a trouvé, un genre de sourire, tordu aussi, étire sa lèvre.

On distingue bien un tumulte, loin, loin en bas. Des cris étouffés, des bruits de fer qui s'entrechoquent. Des sons de violence. De combat.

— Ce être braves. On voir plumes dans poussière.

Capucin se saisit du crâne de Colibri et le tourne dans la direction qu'il fixe.

— Tu voir ?

Lors des bourrasques, la poussière se dilue et on voit bien les corps en effort.

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Colibri Pétillant peut à peine souffler d'être au sommet en un seul bout que déjà tu l'entraînes. Mais il te suit, bien sûr qu'il te suit. Son pas traîne un peu quand même, mais à peine. De toute façon Capucin est bien trop rapide, concentré pour se rendre compte de la ridicule résistance que lui oppose son frère. Bien vite cette réticence disparaît d'elle-même.
Au fond de son coeur, le Delaware ne peut pas lui résister.
Il n'y arrive pas.

Le bord de la falaise est si près. Ils pourraient s'envoler, cette fois-là. Le vent les porterait, poids plumes aux coeurs légers comme l'air. Il les déposerait ailleurs... peut être sur le champ de bataille qu'il peut voir tout en bas.
Il vaut mieux ne pas se faire souffler par les bourrasques dans ce cas. Colibri a blémi et ça lui donne une teinte grisâtre que renforce la poussière. Doucement il s'éxécute.

Doucement il s'aplatit, doucement il guette, doucement son coeur bat.

LA !

Mais l'anguille avait déjà vu. Ils sont trop loin pour voir le sang, mais il voit la violence. Il voit les nuages de colère, il entend les cris lointains portés sur l'aile du vent. Il détourne les yeux avec évidence, en silence tapi aux côtés de Capucin. Mais Capucin veut qu'il voie, veut qu'il affronte toute cette haine et tous ces coups.

Je les vois.

Lâche moi. Mais ça ne sort pas. Colibri se sent tout fracassé. Il essaye de sourire mais le soleil ne l'éclaire pas. Le Soleil l'a oublié.

Pas de.. Il accuse le coup. De.. de morts?

Bizarrement, le papoose rampe vers l'avant pour voir un peu mieux. Il se penche, et se penche, son torse nu râpe contre la dure roche couleur ocre rouge. Il se penche encore et il voit mieux. Il est si près. Les rapaces crient au dessus d'eux.
Pour des morts en bas?
Ou pour Capucin? Ou pour Colibri?

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Colibri Pétillant & Capucin Farouche

Capucin Farouche voit mieux de près que de loin. Il arrive à voir les corps énervés dans la poussière. Il n’arrive pas à voir la peine dans les yeux de Colibri Pétillant. Il sent la terre vibrer de violences. Il ne sent pas la voix vibrer de peur.
Alors Capucin répond sans douceur, puisque lui, aujourd'hui, n’a pas peur. Il confond, il confond son enthousiasme avec celui de son frère.

— Des morts, surement. Toujours des morts… Morts de ton clan vont dans grand feu.

Il l'a appris, y'a pas longtemps. C'est impressionnant. Capucin ne sait pas trop si les morts ont mal d'être brûlés. Sa pensée l'entraine ailleurs puis éclate et il revient dans son corps.

Un cri, un cri de rapace. Capucin Farouche lève la tête vers le ciel. Ils sont deux. Des scarabautours. Des charognards aux plumes noires et lustrées. Des charognards avec des pinces de scarabée. Capucin les fixe un moment, alerte, la bouche ouverte, le corps tendu. Il voit le regard du premier scarabautour et ce regard est appuyé sur la tête de Colibri. Capucin appuie aussi son regard sur la tête. Mais la tête est presque tombée, presque en bas !!
Capucin agrippe les cheveux de Colibri, ses cheveux si bizarres, et tire fort en arrière.

— Tu presque tomber !! crie-t-il et sa voix semble grave et aigue en même temps.

Il lève le bras et pointe les oiseaux qui les surplombent sombrement.

— Regarde. Ils espérer tu tombes. Après ils te manger.

Ses doigts tout sales serrent le bras de l'Anguille.

— Quoi, tu as vouloir te battre aussi ? Tu être trop petit...

C'est vrai, Colibri est même plus petit que lui.

— Tu être pas un guerrier. D'abord, entrainer.

Il est encore très stressé, comme s'il n'avait rattrapé Colibri que de moitié.
Son regard cherche une pierre, sa main empoigne la pierre, puis il la jette fort avec un petit cri dans le ravin, juste au-dessous d'eux. Peut-être qu'il se dit qu'ainsi, le ravin sera rassasié et n'aura pas envie de ravaler quelque chose.

— Ici, plus dangereux que la jungle.

En fait, c'est pareil. C'est juste que ce n'est pas chez eux.

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