Macabre

Macabre

C'était une première pour la catin.
La première fois qu'elle s'aventurait au-delà du Port.
Elle s'enfonçait aujourd'hui dans les terres humides et marécageuses qu'étaient le Bayou Vaudou.
La pluie constante semblait être atténuée sous le couvert des arbres. Le peu de lumière habituel était encore amoindri dans ce royaume de pénombre mystérieuse.
Babylone n'était pas habituée à la pluie, à dire vrai elle n'avait jamais connu autre chose que la Canicule, d'aussi loin qu'elle puisse se souvenir.
Les gouttes d'eau qui tombaient du ciel lui paraissaient étranges et pas seulement parce qu'elles étaient salées, mais bien parce qu'elle avait l'impression que quelqu'un lui pleurait dessus. L'Esprit Supérieur ?
Certains pirates murmuraient le nom de Peter Pan. Était-il l'Esprit Supérieur ? Celui qui les créait ?
Aujourd'hui ce n'était pas à cette question que la Courtisane voulait une réponse.
Un client avait évoqué le pouvoir macabre que recelait le Bayou et ses habitants. Ainsi donc ils pouvaient relever les morts ?
Peut-être que...

La barque accosta sur les rives marécageuses.
Babylone salua un de ses clients réguliers qui avait accepté de l'y conduire en échange d'une gâterie.
Ses pieds s'enfoncèrent immédiatement dans la fange et elle releva sa robe au bas déjà trempé et se mit à avancer.
La jeune femme savait clairement ce qu'elle voulait, mais ignorait totalement où et comment le trouver. L'on disait qu'il fallait payer si l'on voulait revenir vivant du Bayou, mais Babylone n'avait aucune richesse, tout allait dans les poches de Lady Ruby. Elle espérait pouvoir payer comme elle payait souvent, de la même manière qu'elle avait payé son conducteur.
Elle marcha ainsi, difficilement car finalement la seule route praticable était la rivière, longtemps, ou peut-être à peine quelques minutes.
Finalement, épuisée par la terre qui semblait retenir chacun de ses pas, elle réajusta la capuche de sa cape bordeaux.
Elle aurait voulu appeler, la catin, mais elle n'osait pas. Tout était affreusement silencieux autour d'elle, comme étouffé, ou retenant son souffle. Elle même respirait peu et le plus discrètement possible.
Le doute et la peur s'insinuèrent, elle les chassa vite, sa détermination flamboyant dans ses yeux gris.
Elle était venue pour Red et elle ne repartirait pas sans réponse.

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Thème et voix

Invité

La nuit vous embourbe le coeur et l'esprit. Vos pas s'y enfoncent, votre regard si perd. Vous êtes noyés dans l’opprobre du jour, indistinct et inquiétant. Ça et là pourtant percent les lueurs incertaines de la lune. L'humidité est de retour et avec elle le pourrissement. L'eau stagnante croupit, larvée comme un serpent dans sa nasse et fait rendre vos poumons. Vous suffoquez. Ce n'est pas un lieu pour les vivants.

Ô voyageurs, quel idée saugrenue avez-vous eu de vous perdre ainsi entre les mondes ?

Le voile est levé, il s'agite vaporeusement et vous happe. Vous sentez sa mystérieuse caresse sur vos flanc. Il n'y aura pas de retour sans paiement.
Vous vous approchez, et le monde se colore de sons et, par touches menues, de lumières. Les flambeaux poinçonnent l'opacité des ténèbres. Votre oreille vous joue des tours. Il n'y a nul bruit, pas un respiration ou un battement autre que le votre, et pourtant résonne dans votre tête, les battements sourd d'un tambour. La percussion s'anime, déambule, nimbe votre cervelle pétrifiée. Vous êtes si proche que vous pourriez tomber dans la fosse à vos pieds.

Ô voyageurs, le spectacle qui s'offre à vous est hypnotique.

Le feux accroche le miroitement de peaux inhumaines : des centaines de serpents sont là, paresseusement étalés. Ils sifflent, repus et apaisés. Alors soudain, l'un d'eux s'avise de votre présence et montre les crocs, imité par ses frères. Une masse s’ébroue sous le volume d'écailles. Langoureusement, une jeune femme s'élève, nue, de cet écrin de chair empoisonnée. Elle danse, offrant son dos au regard. Chaque geste gracieux est d'une lenteur prédatrice. Les serpents, s'enroulent et se délient le long de son corps parfait, épousant sa féminité audacieuse de parures mouvantes. Ses boucles brunes, épaisses, masquent son visage.

Ô voyageurs, elle ne manque pourtant pas de présence, cette inconnue.

Elle se retourne vers vous et vous découvrez son visage poupon d'adolescente en bouton. Elle glisse vers votre direction, déplaçant la marée nonchalante de reptiles à ses pieds. Et comme un seul homme, ces derniers la pousse à votre degré, réduisant hauteur et distance, pour mieux vous faire face.

Ô voyageurs, que votre errance prenne fin, car vous êtes là devant Erzulie-Sans-Nom, la plus jeune de toutes les Erzulies.

- Tu t'es perdue, Chaperon-rouge ? fit la jeune fille, avec un grand sourire chaleureux.

Macabre

La folie sembla envelopper Babylone, comme un étau de mousse puante.
Des lumières flamboyaient alentours sans jamais vraiment brûler, toujours en mouvements indistincts.
Des tambours résonnèrent au fond de son esprit, la faisant regarder tout autour puis se prendre la tête entre les mains.
Ses pas vacillants la menèrent jusqu'au bord d'une fosse où elle faillit chuter; elle retint un cri la catin, devant le monceau grouillant et sifflant de serpents. Et sous ses yeux embués de fièvre émergea une femme, dansant et charmant.
Mais la vision de Saline et ton époustouflante et mortelle beauté garda Babylone du pouvoir envoûtant de la danseuse.
Cette dernière se révéla dans sa jeunesse et rejoignit la catin au plus haut, portée par les écailles et les crochets empoisonnés.
Rassemblant ses esprits la Courtisane s'adressa à l'habitante du Bayou - car elle l'était sans aucun doute :

« Je suis ici pour une raison : je cherche des informations sur une personne morte, l'on m'a dit que les habitants du Bayou étaient des connaisseurs. »

Les tambours résonnaient toujours dans son esprit mais ils s'étaient suffisamment atténués pour que la jeune femme puisse s'exprimer sans divaguer ou tituber.
Elle avait repris toute la détermination propre à sa quête de Red.

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Thème et voix

Invité

Erzulie penche la tête à gauche.
Erzulie penche la tête à droite.
Men, sa ki se ke zwazo a?

C'est une mademoiselle, jolie jolie dans un écrin de peau fardée. Cette chair là a l'habitude de se faire pétrir comme du bon pain, par plus d'une main que celles du boulanger. Une putain ? Siman ! Quelque part l'Amour est un peu leur prophète et elles, ses filles. La joie ! La joie pour tous !

- Dousman, dousman , bèl Wouj ! Je ne vais te manger, dis!Sois pas si effrayée...
- Je suis ici pour une raison : je cherche des informations sur une personne morte, l'on m'a dit que les habitants du Bayou étaient des connaisseurs.

Erzulie éclate d'un rire sonore et chaleureux qui fait taire un temps, tambour comme serpents.

- Rien que ça ?

La mambo laisse ses serpents lui couler le long du corps. Elle est nue comme au premier jour, telle que sa mère l'a enfantée. D'un pas sautillant elle tourne autours de la donzelle égarée.

- Bèl-Wouj, en voilà une drôle d'idée... T'as pas froid aux yeux, dis ! On a bien des grands pouvoir, nous les bayouteux, mais rien ne se fait sans rien...

Elle lui détache la jolie cape aux reflets de sang coagulé et se drape dedans. Noeud par noeud, elle en fait une robe, ni une, ni deux ! Tout cela dans une chorégraphie de gestes gracieux. Erzulie enroule ses bras autours de l'inconnue et colle son menton dans le creux de son cou. La catin est comme un grand livre ouvert plein de pages blanches. Cela donne d'autant plus de poids aux images qui s'y gravent et prennent toute la place.
Dans ce néant il y'a une tâche rouge.

- Ça sent le parfum capiteux et la sueur de monsieur... Elle glousse. Qui c'est l'homme en rouge ? Ton amoureux ? Il est partout imprimé dans ton coeur... badoum Badoum que ça fait... Badoum badoum... là : quand t'as dit "Personne morte". C'est lui que tu veux retrouver ?

Erzulie sourit, malicieuse.

Macabre

Un rire qui fit éclater les tambours et les sifflements. Emplissant de sa chaleur le silence moite du Bayou.
La catin s'attendait à un rire glaçant, effrayant, dérangeant, mais pas à un rire franc.
Le silence des folies mystérieuses lui permit de reprendre complètement ses esprits et de camper ses pieds dans la boue.
La danseuse se dévoile dans son plus simple appareil, celui donné à toutes femmes et qui attirent tout homme.

- Bèl-Wouj, en voilà une drôle d'idée... T'as pas froid aux yeux, dis ! On a bien des grands pouvoir, nous les bayouteux, mais rien ne se fait sans rien...

Un frisson de doute. Babylone n'avait rien à offrir à cette fille. Elle comptait sur son corps pour amadouer un homme mais en cet instant, elle n'avait réellement rien à marchander.

« Que voulez-vous en échange de vos services ? »

Mais l’autochtone parut s'intéresser à sa cape dont elle la dépouilla et se vêtit, la transformant en un semblant de robe.
La pluie, quoique filtrée par l'épaisse frondaison du Bayou, fit vite pour tremper la Courtisane de la tête au pied. Mais elle ne bougea pas, fixant le ballet érotique de la jeune fille.
Peut-être se contentera-t-elle de la cape en guise de paiement.
C'était peu probable.
Elle vint se blottir, la danseuse, tout contre la catin. Et alors qu'elle l'humait, elle lui dit la vérité, pure et dure.

- Ça sent le parfum capiteux et la sueur de monsieur... Qui c'est l'homme en rouge ? Ton amoureux ? Il est partout imprimé dans ton cœur... badoum Badoum que ça fait... Badoum badoum... là : quand t'as dit "Personne morte". C'est lui que tu veux retrouver ?

Son cœur se figea un instant. Jamais encore quelqu'un ne lui avait parlé de Red ainsi. Elle savait, elle connaissait son âme et son cœur, elle avait visé juste, si juste.
Dans un murmure étranglé par l'émotion :

« C'est pour lui que je suis là. Il s'appelait Red et il était mon fiancé. »

Finalement, c'étaient les seule informations que Babylone possédait sur l'homme de sa vie. Bien maigres.
Elle ne savait même pas pourquoi elle était venue ici. Pour le faire revenir à la vie ? Mais il ne serait jamais le même, elle avait entendu parler des morts-vivants du Bayou.
Et pourtant, c'était bien son vœu le plus précieux.

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Thème et voix

Invité

Erzulie fredonne un petit air de chez elle, amusée comme pas deux.

- Kè m 'se wouj lè li ta vole,
li rebondi kè bèl wouj mwen
wonn se tankou yon ti pòm
pòm krok, krok lavi.
Senyen kè, senyen kè ...*

Elle trifouille la chevelure noire de la prostituée avec un air gourmand, comme une gosse qui joue à la poupée.

- Byen, byen, C’est donc bien l'Amour qui t'a guidé jusqu'à moi ! Devine-quoi, "Amour" c'est mon surnom, chéwie : Erzulie-Sans-Nom, mambo de l'Amour ! Itou ?

Elle ondule des épaules pour se retrouver face à elle. Tout son corps semble glisser en permanence sur un tempo imaginaire. Elle est insaisissable, comme de l'huile de monoï qui vous coule entre les doigts.

- Bèl-Wouj joli, tu sais que ramener les morts, je ne puis... Seule Brigitte a le droit. Seule Brigitte se l'octroie.

Elle joue toujours avec ses cheveux, aguicheuse et riante.

- Mais moi c'est ton coeur qui me cause et c'est lui que je peux faire parler, mieux que cette mémoire qu'on t'a effacée vilain, vilain... Elle fait une grimace. En général on me paie avec un souvenir que l'on chérit dans son petit coeur, tu vois ?

Elle hausse les épaules.

- Mais toi, t'es aussi creuse qu'une tige de bambou.

Erzulie a une drôle de grimace.

- Possible même que tu te sois imaginé toute ton histoire de fiancé. T'es pt'êt juste amoureuse d'une idée, qui sait ?

Elle éclate de rire.

- Fais pas la tête, va ! Tu m'as trouvée... et quand on me trouve, Kapuchon Joli, on ne repart pas les mains vide...

* traduction de l'haïtien:

Macabre

Elle dansait et chantait, sans cesse, sans arrêt. Son corps en perpétuel mouvement.
Babylone n'essayait pas de la suivre, elle restait ostensiblement immobile, créant un contraste saisissant. Deux femmes d'amours, l'une vivante l'autre vide.
Ainsi donc Erzulie était son nom et elle était l'Amour. La Courtisane était tombée juste.

« Babylone. »

Les mains de la Mambo coulent dans les cheveux de la catin.

- Bèl-Wouj joli, tu sais que ramener les morts, je ne puis... Seule Brigitte a le droit. Seule Brigitte se l'octroie.

Et bien non, elle ne le savait pas Babylone. Et cette nouvelle la jeta dans un trouble sans nom. Elle était belle et bien venue en ce lieu de danger et de mystères pour rien. Car jamais elle n'aurait de quoi satisfaire Maman Brigitte.
La jeune fille ne demandait qu'un souvenir cher pour pouvoir parler au cœur de la catin.
Des souvenirs : ces choses si craints, haïs ou désirés sur l'Île. Babylone n'avait pas besoin de parler, Erzulie Sans-Nom savait déjà tout.

- Mais toi, t'es aussi creuse qu'une tige de bambou.

Encore les mots qui fusaient et se plantaient dans ce corps vide. Vide, le principe même de son existence.
Elle acquiesça la catin, parce qu'elle n'avait que ça à dire. La fille avait raison, sur toute la ligne, depuis le début.

- Possible même que tu te sois imaginé toute ton histoire de fiancé. T'es pt'êt juste amoureuse d'une idée, qui sait ?

La colère monta, immédiate et violente. Le regard gris devint ouragan et le corps se tendit vers l'insolente, la menteuse.
Red était réel et elle le prouverait. Elle le ramènerait et... Quoi ?
Qu'attendait-elle de la vie la catin ? Une fois son fiancé retrouvé. Avait-il de l'argent pour la racheter à Madame Ruby ? Avait-il une maison où ils pourraient vivre ensemble ?
La colère retomba et l'ouragan redevint ciel gris.

« Que me proposes-tu alors, Erzulie Sans-Nom ? »

Malgré les doutes, malgré les peurs, jamais la détermination ne flanche.
Jamais.

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Thème et voix

Invité

- Babylone, Babylone, Baaaaaabyyyyyyloooone, chantonne Erzulie en coulant ses épaules de gauche à droite, un sourire mutin aux lèvres. "Bébé Solitaire" , c’est ça ton nom ?

Elle glousse.

- C'est ironique pour une pute, non ? s'exclame-t-elle joyeusement en claquant un bécot sonore sur la joue de la prostituée. Pa fè kòlè ! Rilaks, amoure... Tel un serpent, elle glisse et ondule pour lui faire face, coller son visage presque bouche à bouche. Presque. Fais moi un sourire, Bèl-Wouj joli. C’est ton métier d'apporter la joie, dis !
-Que me proposes-tu alors, Erzulie Sans-Nom ?

Le sourire de la mambo se fait plus finaud, plus espiègle encore. Et plus inquiétant aussi. Autour d'elles deux, les reptiles persiflent.

- Un rituel pour débloquer cette mémoire qui te fait défaut.

Elle lui embrasse le front, désinvolte comme jamais.

- Nous débattrons du prix, après... Oké ?

Pichenette sur le nez de la jolie brune.

- Tu peux encore avoir peur, t'sais ? Tu peux encore fuir et faire quelque chose de ta vie, en partant de maintenant. C'est pas grave les souvenirs, l'Oubli les mange comme le Kwokodil. Et moi je les fais fondre sous ma langue comme des sucettes ! Tu vois ? C'pas si important. On vit très bien sans savoir...

Elle se mordille la lèvre inférieure et penche la tête sur le coté.

- Alors ? Bon afè ?

Macabre

Elle lui demanda un sourire et elle sourit. Elle était faite pour ça la catin, sourire, gémir, soupirer et vivre pour le plaisir des autres.
Mais cette fois-ci, on lui proposait quelque chose en échange.
Mais voulait-elle réellement débloquer sa mémoire ? Et si elle n'avait tout simplement aucun souvenir ? Si l'Esprit Supérieur avait été négligent lorsqu'il l'avait crée, ne lui donnant qu'une vie présente ?
Elle avait peur la belle Babylone, peur de découvrir qu'elle était réellement vide. Que ferait-elle alors ?
Trouver Red, le connaître, le faire exister ailleurs que dans son esprit.
Depuis le début elle ne cherchait que lui, jamais elle n'avait voulu se pencher sur son cas à elle. Elle ne vivait qu'à travers son fiancé fantasmé.
Les paroles d'Erzulie sont comme un écho lointain et véridique.
La Courtisane vit très bien sans souvenirs, ce qui lui manque réellement ce sont les souvenirs d'un amour supposé.
Elle fronce ses sourcils fins et assène :

« Je ne veux rien savoir sur mon passé. Je veux voir Red, c'est tout. Si tu ne peux rien m'offrir de concret alors je te poserais seulement une question : comment trouver l'âme de mon fiancé ? Elle est forcément quelque part. »

L'espoir fait vivre n'est-ce pas ?

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Thème et voix

Invité

Erzulie soupire.
Erzulie fait la moue.
Elle n'aime pas trop ce sourire de poupée vaudou : factice, faussement riant, criant de politesse-gadoue.

Elle hausse les épaules, baille un peu, s'ennuie ferme. Bèl-Wouj joli est comme un arbre creux, mystérieux au dehors, tout sec en dedans. Tout vide. Et la complaisance de cette présente vacuité ne retient que peu son tempérament survolté. La putain n'est même pas aventureuse. Toute les amoureuse se doivent de l'être ! Où serait le plaisir sinon ?

Le plaisir d'un baiser-farine voler à un enfant trop grand.
Lui fournir les instruments de votre propre perdition.
Fourbir ses propres tourments.
N'est-ce pas ça l'Amour ? se demande l'Amour.

Son regard d'eau claire se pose sur l'enfant de Babylone. Son Kè s’est trompé. Cette fille n'a pas besoin de ses services. C'est un leurre. Une poupée vilaine et dépenaillée.

- Tsfeuh... Fait-elle avec un dégoût certain. Un mépris brutal. Les serpent sifflent en écho à son dédain. Ta quête est aussi vaine que toi, fait elle en agitant les breloques à son poignet lors d'un gracieux mouvement de balai. Tu ferais mieux de profiter de ton existence au lieu de la bouder, pour un Moun qui n'a peut être jamais existé.

Erzulie a le coeur noir.
Erzulie a le coeur cru.
Et parfois sa nature ténébreuse se révèle dans toute sa dureté. Elle parait alors plus âgée, plus femme. Inquiétante et désirable.

- Va troquer ta misérable vie contre les sorts de Brigitte. Tu converseras avec la Mouri.
Va fumer de la feuille-rêve auprès des rouj-po. Tu sortiras ton Nanm de ton kò.
Va te perdre sur la Lande des Songes Morts. Ta Foli guidera ton pas à la Vérité.
Énonce-t-elle, plus sorcière que jamais.

- Èske li et vas-t-en ! Je ne veux plus te voir, Rouj-Vid. Déguerpis ou mes serpents te goberont.

Le corps d'Ersulie ondule, coule comme les reptiles qui encerclent la putain de Babylone. Les flambeaux s'éteignent d'un coup, à l'unisson. Les tam-tams se taisent.
L'instant d'après, il n'y a plus que la nuit noire et les marais suintants.

Et les lampions du port au bout de ce ponton.

HRP:

Sujet: Re: Macabre Sam 29 Oct 2016 - 1:10

Macabre

L'atmosphère changea brutalement, en écho parfait aux langages de la Mambo.
Les serpents lui répondirent et la belle catin esquissa un mouvement de recul.
Elle avait déçu l'habitante du Bayou et elle apprenait désormais la dangerosité de cet acte.
Malgré la peur une étincelle de colère osa jaillir lorsque l'impudente Amour mit en doute l'existence de Red.
En un geste instinctif de protection et d'apaisement la Courtisane tendit le bras et c'est avec tout son être qu'elle écouta la formule d'Erzuli.
Elle imprima dans son cœur de catin ces paroles qui la mèneraient à son fiancé.

Les mots et les queues reptiliennes claquèrent, la jeune femme sursauta et ferma les yeux de peur.
Lorsqu'elle les rouvrit, les ténèbres moites avaient regagné leur place, enveloppées du silence mystérieux du Bayou Vaudou.
Loin d'être inconsciente, Babylone se précipita vers la rive où elle avait laissé le chalutier dégoûtant, serrant contre son cœur les mots bénis "Va troquer ta misérable vie contre les sorts de Brigitte. Tu converseras avec la Mouri.
Va fumer de la feuille-rêve auprès des rouj-po. Tu sortiras ton Nanm de ton kò.
Va te perdre sur la Lande des Songes Morts. Ta Foli guidera ton pas à la Vérité."
Sa vie n'était pas de grande valeur comme l'avait souligné la Mambo, et son but n'était pas de faire revenir Red sans pouvoir le toucher de nouveau. Elle n'irait pas voir Brigitte.
Mais les peaux-rouges auraient bientôt la visite de la Courtisane.

L'homme était toujours là, bien trop heureux à l'idée de ce que la belle catin lui offrirait en échange du voyage de retour.
Elle s'arrêta un instant sur le bord de l'eau noire, les yeux fixés sur les pieds crasseux du chalutier. La pluie trempait ses cheveux, tombait sur ses épaules pour finir en cascade au creux de ses reins ; elle n'avait plus sa cape, Lady Ruby serait furieuse.

Elle voulut pousser un profond soupir de lassitude mais la Femme avait repris sa place et Babylone monta dans la chaloupe.
Elle s'agenouilla devant l'homme en pensant à Red.
Bientôt elle aurait ses réponses.

HRP:

Moodboard:

Thème et voix

✘ AVENTURES : 2537

The End

Dans les grandes quêtes épiques avides de réponses,
Les ennemis ne sont pas ceux qui terrassent,
Mais bien ceux qui dans l'incertitude nous enfonce,
Jusqu'à ce que notre entière foi s'efface,
Il n'est pas bon, jeune fille, de chercher souvenirs,
Ici le passé est condamné à mourir.

FIN DE L'AVENTURE

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