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Le temps était calme, le Capricieux en profitait. Il tournait en rond dans les rivières, il avait parcouru beaucoup de distance sous sa chère forme complète. Il revint aux abords de la tribu après quelques jours de promenade, cherchant des Piccaninnys qui auraient eu l'idée de s'approcher des eaux. L'apprenti chaman voulait en effet demander des nouvelles de ce qui aurait pu se passer pendant qu'il était absent, et aussi, surtout, de savoir ce qu'il en était de son maître.

Il trouva des personnes qui lui répondirent avant de repartir. Mais le Capricieux frappa la surface de l'eau à plusieurs reprises, réfléchissant. Tournant en rond et finit par choisir. Il devait rejoindre Boa au temple maudit. Il voulait l'aider et se rendre utile par la même occasion. Quelques heures passèrent, le Piccaninny avait décidé de partir en direction du fameux temple. Il réussit à se faire apporter ses affaires dans une besace et ensuite, entama sa nage.

Il était parvenu jusqu'au plus près qu'il pouvait depuis les eaux, et c'est sans hésitation qu'il se hissa hors du monde aquatique pour se traîner dans la direction du temple. Ce fut lent et difficile... La nageoire était si lourde, longue et encombrante. Sans compter que la terre salissant la fourrure agaça l'apprenti qui se permettait de jurer d'ailleurs. Puis, enfin, elle disparu. Le Capricieux se rendit compte que ses jambes et ses vêtements de fourrures avaient repris leur place.

C'est donc les bras courbaturés qui le portèrent sur ses genoux retrouvés, puis les jambes reprirent leur rôle. Il tituba avant de finalement réussir à marcher correctement. Quelques faiblesses apparaissaient parfois, mais ce n'était rien selon le Capricieux. Jamais il n'avouerait les problèmes que causait son entêtement. D'ailleurs, en y réfléchissant, il poussa un soupir en se rendant compte qu'il n'avait pas pensé à toute l'inutilité qu'il aurait engendré en venant au temple sous sa forme complète. Passons.
Capricorne Silencieux accéléra la marche en voyant le temple, puis en cherchant un moment, il finit par trouver Boa Nocturne. La marche étant encore capricieuse par moment, l'apprenti cogna l'épaule gauche contre le coin d'une colonne lorsque ses jambes le firent tituber.

Un peu essoufflé, faisant comme si ne rien n'était, grigris et tatouages en place, il salua le chaman.

L'eau lui manquait déjà, mais qu'importait.

- Aowh Boa Nocturne.

Il se redressa un peu mieux avant de poursuivre de sa voix presqu'atone.

- Je suis venu pour te seconder, on m'a indiqué que tu étais ici.

Ses cheveux goutaient encore, toujours humides à cause de l'eau, c'en était de même pour ses pantalons et des fourrures qui y étaient accrochées à la taille. La terre qui avait agacé l'apprenti lorsqu'il avait rampé avait gardé sa place en tâchant ces vêtements là.

Ses yeux observèrent un instant les lieux et... il fronça les sourcils, déformant quelque peu ses marques au visage. Un cadavre.

- Déjà un mort de plus, ce lieu est donc si dangereux...

L'apprenti chaman écoute avec attention, bien que la fatigue l'aurait laisser s'effondrer au sol. Un léger sourire sur la peinture qui habillait son visage, comme toujours il aimait écouter les paroles de son maître. Elles n'éveillaient jamais les maux du crâne.

Le Capricieux acquiesça lorsque Boa Nocturne souleva la question des torches et le devoir d'être prêt. Les temples, l'île entière, pouvaient réserver bien des surprises. Des épreuves. Nulle ne peut obtenir sans le mériter ou en payer le prix. Il ne pouvait que le savoir, c'était ancré dans son crâne. Voilà ce qui traversa l'esprit de Capricorne lorsqu'il entendit les paroles, lorsque ses yeux avaient scruté les murs.

Puis, un soupir, il reprenait enfin son souffle. Le rythme était calmé, les efforts faits pour arriver jusqu'ici semblaient laisser les conséquences de côté.
De plus, le Chaman des Piccaninny proposait d'attendre le lendemain. L'apprenti chaman adressa encore un regard au lieu avant d'à nouveau acquiescer.

- Oui, attendre est une bonne chose.

Léger rire.

- De plus, je crois que mon corps a besoin d'un peu de repos, je crains de n'être qu'un poisson sur la terre ferme, dans le cas contraire.

Petite plaisanterie illustrant presque ce qu'il avait traversé avant d'arriver jusqu'à Boa, la raison de ses vêtements barbouillés de terre. Mais jamais le Capricieux ne pourrait se plaindre, il faisait toujours en sorte que ses maux ne soient en aucun cas une plainte.
Il payait, c'était tout, et il n'était pas aveugle et voyait la chance qu'il avait de pouvoir apprendre avec le Chaman.

Capricorne Silencieux observa autour de lui, cherchant du regard des éléments qui pourront aider à conception de torches. Quelle chance de trouver deux morceaux de bois épais non loin, mais trouver de quoi en faire les têtes serait autre chose. À moins de se contenter du bois, et de l'allumer qu'une branche à la fois. Une idée aussi, il supposait.

Tiens, le Capricieux eut l'impression que la voix de l'Impassible était plus forte que de coutume. Il se contenta de froncer les sourcils et de passer outre, il devait être déboussolé.

Il se chargea de faire les quelques pas afin d'obtenir les possibles futures sources de lumière. Titubant par moment, il faillit trébucher. Le minuscule parcours fut vite fait et les corps de bois ramassés.

- D'ailleurs, quel est l'objet de la quête ?

Autant savoir quoi chercher. Alors qu'il se redressait pour revenir vers son maître, il eut une illumination dans les yeux et s'approcha rapidement d'une colonne. Il la contourna et réapparu face au Chaman, lui tendant une torche alors que les morceaux de bois demeuraient dans ses bras.
Une complète, pas allumée mais complète.

Son maître lui rendit la torche, Capricorne ne comprend pas sur le coup mais la suite lui apporta le vent des réponses.
Il fallait donc le bracelet pour les papooses, il fallait aussi faire des torches. Pendant que Boa allait chasser. Le Capricieux se sentit être un poids, il forçait le chaman à aller chercher plus de nourriture. Son aide était-elle réellement un atout ou une chaîne que l’on trainait ?

Capricorne Silencieux acquiesça de la tête, il observa la torche pour se faire une idée. Il devrait trouver de quoi en faire d’autres. Il avait su se débrouiller pendant trois ans sans son clan, il pourrait au moins mener cette petite mission à bien.

- Je m’en occupe.

Sur ces mots, il s’en alla de suite tourner autour de la zone de repos. Il fallait bien faire.
Suivant l’exemple de l’objet qu’il tenait, il ramassa les objets nécessaires.

Au fil des minutes, qui devinrent peu à peu des heures, l’apprenti chaman aboutit à quatre torches. La dernière étant plus petite.
Il observa par où son maître s’en était allé, puis ses yeux repartirent en direction du temple. Il se mit en tête d’aller voir s’il pouvait trouver d’autres porteuses de flamme. Il s’y aventura en restant encore en autour de l’entrée. Il ne comptait pas mourir de façon idiote. En tournant autour des colonnes, il dénicha une nouvelle torche. Ils auront de quoi tenir durant un moment. Un sourire satisfait se dessina sur ses tatouages stylisés.

Malgré la migraine qui naissait, il souriait tout de même de sa trouvaille. La faible lueur du jour qui partait peu à peu dérangeait beaucoup le Capricieux. En revenant sur ses pas, il esquiva de justesse une flèche lancé par un piège. Maladroitement, mais agilement, il arriva en dehors du temple. Il lança un regard froid à la flèche plantée au sol. Capricorne laissa échapper un léger bêlement. Agacé par la migraine devenu plus forte car alimentée par la pression plus grande dans la tête. Une plus grande pression née de la carotide ayant monté sa force. Il fallait bien faire réagir les réflex du Piccaninny.

Capricorne Silencieux se laissa ensuite tomber en tailleur là où se trouvaient ses ouvrages de torches et y ajouta la nouvelle.
Il entama de faire un feu. Pour penser à tout sauf à son crâne.
Cinq torches, ça devrait suffire.

Il s’allongea, pour attendre. C’était mieux ainsi, ses jambes n’étaient encore qu’à moitié éveillées. Au bout de quelques minutes, il s’endormit. L’eau dévorait la force plus vite que la terre.

L’apprenti s’est réveillé un peu avant que son maître revienne, ne dormant que d’un œil. Heureusement, car le Capricieux ne put ignorer son estomac gronder. Discrètement car respectueux, il aurait même pu ne rien manger afin de garantir le succès de leur but.

Impossible de cacher que le gibier était le bienvenu, et tout autant impossible de ne pas seconder le chaman dans la préparation.
Une fois le premier prêt, séparé en deux parts, Capricorne attendit le signal de Boa. Le silence qui avait régné n’avait aucunement gêné le Capricieux, le silence était ce qu’il préférait. Choisissant parfois la compagnie des plus calmes ou de ceux qui n’ont pas une voix trop imposante. C’était aussi pour ça qu’il aimait être apprenti de Boa Nocturne, l’un des rares à correspondre au calme.
Certes, jamais ce ne serait comme le silence des eaux. Celui qu’il avait entendu le jour où il avait failli mourir noyé, n’étant qu’un papoose à cette époque, il n’avait pas encore la même affinité avec cet élément qu’en ces jours.

Mangeant, se remémorant le monde aquatique dans ce calme, il se réveille de son petit monde serein aqueux lorsque le chaman parla.
Les dires ne pouvaient être plus justes. Capricorne hocha la tête, finissant son repas.
Il grava même ces mots dans son esprit, ne surtout pas oublier les silex, ça évidemment. Et les torches non plus. Il faudrait vraiment ne pas être à son affaire pour les oublier en réalité…

Le Capricieux n’était pas très bavard, le retour à la terre pouvait être difficile, les mots qu’il disait pouvaient parfois sembler ricocher dans sa tête, frapper jusqu’à l’âme. Cependant, de ce retour difficile, Capricorne Silencieux ne parlait pas. Il ne l’avait même peut-être jamais dit. Cherchant avant tout à accepter son sort.
Pourtant, l’apprenti aurait bien posé des questions, sur les étoiles en particulier. Puisqu’ils se trouvaient dehors, avec la nuit, ça lui avait germé dans la tête. Entre les ricochets.

Après avoir mangé, cette histoire de silex avait été vérifiée par la préparation des sacs. Tout avait été préparé. Il ne manquait plus qu’à dormir. Du moins, en partie, ils étaient tout de même face au Temple Maudit. Ce n’était pas la petite clairière que le Capricieux avait couvert de grigris.

Avant de se préparer à dormir, Capricorne porta les amulettes à ses lèvres. Comme pour chercher à éloigner quoi que ce soit de mauvais qui serait non loin. Du moins, accepter une trêve. Un regard aux étoiles, par pitié, qu’aucune ne décide d’écraser le pauvre crâne souffrant du Piccaninny. Pas comme l’enfant qui avait subit ce sort au sein même de la clairière pourtant noyée sous les grigris et attrape-rêves.

Le lendemain, l’assistant du chaman avait déjà droit à une forte douleur dans l’arrière de sa boîte crânienne. Heureusement, pas de crâne écrasé en revanche.

Le Capricieux se leva, manquant de ne pas tenir sur ses jambes qui fourmillaient. Le sang s’adaptait enfin à la forme de ce genre de patte, oubliant le circuit d’une unique nageoire bien trop longue. Capricorne lutta pour ne pas laisser de bêlement se faire entendre.
Rangeant sa place, espérant que les picotements de ses muscles allaient bientôt s’en aller –il n’espérait rien pour son crâne, il savait qu’il allait avoir ce mal comme compagnon-, il se soucia de Boa. En se retournant, toujours au sol dévoré par le fourmillement qui émigrait doucement, il interpela d’une voix presqu’éteinte son mentor.

- Boa Nocturne ?

Le soleil était encore à peine décollé de l’horizon mais déjà sa lumière ferma les yeux du Capricieux aveuglé. La migraine n’appréciait jamais l’astre solaire.
Il lui faudra quelques instants de plus pour reprendre un peu le dessus et ne pas être un poisson pesant à traîner pour le chaman. Difficile de distinguer les alentours, encore plus de savoir si l’interlocuteur se trouvait vraiment dans la direction où Capricorne parlait. Ce dernier se releva, prêt, sauf ses yeux, à entrer dans les gorges fourbes du temple.

- …

Il voulait dire qu’ils pouvaient y aller, qu’il était prêt. Têtu, il ne visait que de pouvoir aider Boa à mener cette quête. Une tête de mule n’ayant qu’une idée en même temps.
Il voulu parler, mais la voix s’était déjà éteinte. Elle reviendrait d’ici cinq minutes sans doute. Il se massa la base des cornes, là où le crâne se perçait pour laisser ces expansions osseuses rigides passer à l’air. Doucement, il pouvait rouvrir les yeux.
Il se mit en marche sans attendre que sa vision soit correcte, sans attendre un mot de son maître. Il faillit foncer dans une colonne. Un léger gémissement laissant penser à un bêlement échappa du Capricieux.

- Ca va, j’ai compris… j’attends…

Voix basse et faible, s'adressant aux maux qui semblaient parfois décider à la place du Piccaninny. Bien qu’au final, ils n’avaient rien à voir dans ses décisions, c’étaient toujours l’apprenti qui finissait par faire un caprice.

Calme, calme, calme. Pas de bêlement agacé. Capricorne acquiesça aux mots de son mentor, toujours rassuré -s’il doutait- par les mots de son maître.
Machinalement, mais sans oublier toute sa bonne volonté, il s’exécuta sans plus attendre.

Plus tard, Boa revenait avec de quoi se nourrir avant de partir.
Le Capricieux écouta les paroles du Chaman avant d’acquiescer puis de répondre.

- Elles vont mieux, elles apprivoisent à nouveau bien la terre.

Doucement, l’habitude de la physique sur terre reprenait sa place d’origine en Capricorne Silencieux. Il recouvrait les facultés du monde terrestre.
Tandis que l’apprenti prenait quelques denrées pour se rassasier, en partie car il n’avait pas toujours de grands appétits une fois qu’il retrouver le plancher des vaches. Des mustangs, plutôt. La suite des mots de l’Impassible donnèrent un sourire au Piccaninny. La migraine pourrait être plus douce, et le temple était un lieu que Capricorne qualifiait de mystique, il y avait de quoi accrocher l’entièreté de son intérêt.

- Nous verrons bien ce qu'il s’y passera.

L’apprenti était encore infiniment curieux sur ce qui pourrait se trouver dans ces murs. Il avait bien hâte. Mais devait rester raisonnable. Ne pas foncer directement dans l’antre sans aucune préparation.
Mais voilà déjà que plus d’une précaution avait été prise, non ?

Puis ensuite, ils plièrent bagages afin de s’intéresser à l’entrée de ce qui les conduira à leur but. Un but caché dans les profondeurs de la gorge du temple maudit.
Capricorne rend le regard que son maître lui adresse avant d’entrer, et l’assistant le suit. Rapidement, il vérifia qu’il avait tout sur lui. Pour la deuxième fois. On n’était jamais trop prudent dans ce genre de milieu.
Un filet de lumière les accompagne encore un peu, avant de s’essouffler, puis de disparaître. L’haleine du temple est froide, mais ça ne fera pas faire faire demi-tour au Capricieux fidèle à lui-même. Tête de mule cornue.

Des marches, des autres, et encore d’autres.
Le regard de l’assistant du Chaman s’attarde sur les murs fissurés, il cherchait des écrits, des dessins. De quoi leur donner une piste, alors que la lumière mourait peu à peu. Bientôt, il leur faudra allumer une torche. Deux à la fois, ou une seule ? Capricorne imaginait qu’une seule suffirait, ne serait-ce que par souci de quantité.

Le Capricieux s’arrêta finalement face à un croisement entre deux couloirs. Peut-être l’un était un piège, et l’autre les mènerait au but final ?
Un léger courant d’air sortait d’une des allées, l’apprenti fronça les sourcils. Où leur faudrait-il aller pour ne pas périr facilement ?

Les iris sur Boa, Capricorne fit raisonner ses mots parmi les échos.

- Un vent à l’intérieur d’un temple maudit est-il annonciateur de piège ou annonciateur de notre but ?