La soirée tombait doucement sur le Grand Arbre, sa fraîcheur l'accompagnant, chassant les derniers rayons de soleil, la Lune se dessinant dans le ciel comme en transparence.

A ce moment la, puisqu'on ne pouvait pas vraiment parler d'heure, la grande majorité des enfants se trouvait encore dans la grande salle à manger, s'amusant, se régalant de desserts et d'éclats de rire.

Un peu plus loin, dans la cabane des chasseurs quasi déserte, Apache, lui, enfonçait des vêtements roulés en boule dans un sac.

Après la boum, le concert et la violence qui s'en était suivi, il avait fait un séjour à l'infirmerie, son poignet gauche bandé en témoignant, cassé net durant l'altercation.
Il avait encore mal aux côtes, et un beau bleu bien sombre marquait toujours sévèrement son visage. Scar avait eu la main leste, même si pas autant que sa cheffe.

Depuis cette soirée haute en couleurs, camaïeu de rouge, la tension avait du mal à redescendre.
Les regards se faisaient insistants.
Les murmures sur son passage plus nombreux qu'à l'accoutumé.

Il était temps pour le punk de se mettre au vert. S'éloigner un peu et se faire discret ne serait pas du luxe, et ça tombait bien, il y avait ce plan de camping avec Freckles qui était revenu sur le devant de la scène.
Ca tombait à pique.
Il avait décidé d'embarquer avec lui son meilleur pote, Justice, pour une dernière virée avant de se séparer.

Un soupire en y songeant.

Il avait fait le fier, fait mine que ça ne le touchait pas plus que ça ! C'était prévu de toute manière. Ils suivaient le plan.
Mais savoir que ce camping serait la dernière fois ou lui et le cowboy pourraient traîner librement ensemble avant un long moment lui pinçait définitivement le cœur.

Presque une envie de pleurer qui pointait le bout de son nez.

Il enfonça un énième truc dans son sac avec un geste un chouilla trop rageur.

C'était la fatigue.
C'était la tension.
L'accumulation.
Les nerfs à vif. La douleur toujours la.

Et cette rupture brutale d'avec Lacerate...

Peut être plus mal au cœur qu'au corps.
Il eut un reniflement, se passant la main sur les yeux.

C'était mieux comme ça.
Plus sain.
Plus simple.

C'était mieux, ouais.

Il fallait rester vaillant.
Et son cœur se serrait un peu plus fort.

La fin de l'hiver, l'éclosion du cocon, le printemps vivace, redonnant naissance à toute L'Île; c'était peut être la fin?

Non...La Boum, les bagarres, je n'ai fait qu'assister au ballet de haine donné entre Scar et Apache, puis j'ai entendu ça et là les échos de l'altercation entre Lacerate et Apache.

Je n'ai pas vu Apache depuis.

Alors que je me dirige d'un pas calme vers la cabane des Chasseurs, je pense à ce que je veux lui dire, je réfléchis. Je trouve, j'efface, je remplace les mots et les ancre dans mon esprit, m'assure que je ne les oublie pas, il faut être subtile, il faut ne pas laisser passer n'importe quoi par ma bouche.

Je passe devant des cabanes, des enfants qui se poursuivent, jouant à chat me croisent. Mais bientôt j'arrive devant la cabane des Chasseurs.

Tout est couvert de peaux, et ça sent le cuir. Trois Garçons Perdus plutôt moyens jouent au cartes sur un lit, je me fait discrète, histoire de ne pas perturber la vie de tout le monde.

J'y trouve Apache, soupirant, préparant un paquetage. Je ne dis rien, je reste les bras croisés dans l'entrée lui laissant le temps.

Je vois ses mains qui s'affairent à ranger et un instant; le vif souvenir de ceux là s'écrasant sur mon nez, lui donnant un aspect aquilin grossier pour le reste de ma vie me revient. Mais je ne lui en veut plus...c'était d'autres nous.

Puis, je cogne délicatement sur le mur avant de me faire connaître:

-Tu pars pour long?

J'attend que l'on m'invite à entrer, c'est plus correct. Je tente de parler d'un sujet plus anodin pour ne pas rentrer directement dans un sujet fâcheux...pour prendre la température.

Ça cogna sur le mur pas si loin de lui, et l'Apache se retourna illico. Pas si brutalement qu'il aurait pu en ces circonstances pleine de tensions, finalement. Il était plus fatigué que nerveux ce soir la. Les yeux un peu rouge qu'on aurait pu attribuer à l'une des trop nombreuses cigarettes de fumé. Mais en fait c'était peut être pas ça.

Les yeux noirs brillants s'accrochèrent à la jolie blonde qui le regardait, et le punk cligna des yeux, sa mine se marquant d’étonnement, peinant à masquer la surprise de voir cette demoiselle dans les parages.

"Tu pars pour long?"

C'était Crow.
Ou plutôt non. Clenched maintenant.

Il se souvenait l'avoir vu à la boum et ne pas l'avoir reconnu sur le coup, avec ses cheveux blonds plutôt que noirs, et quelque chose dans son attitude qui avait changé.
Son nez un peu de traviole qui lui donnait des airs un peu plus dur, peut être. En y re-songeant, alors que ses yeux se baladaient sur le visage de l'armurière, l'anarchiste se mordit la lèvre inférieure, baissant la tête.

"Euh... Nan. Juste une virée histoire de..." Il hésitait sur les termes à employer. Pas envie qu'on pense qu'il fuyait. "M'aérer." Ouais voila.
Rien de grave. Rien d'important.

Il lâcha un soupire et son sac, se retournant complètement vers La Désenchantée tout en s'asseyant sur son lit, juste avant de se mettre à vaguement fouiller dans ses poches de sa main droite, en tirant de quoi se confectionner une cigarette. A quasi qu'une main ça allait être coton, mais bon, Apache était connu pour sa détermination que d'autres appelaient plutôt entêtement.

"Tu... Voulais un truc ?"

L'Hérissé ne savait pas trop comment appréhender Clenched.
Est ce qu'ils étaient potes ?
Sur que non.
Ennemis ?
Lui en tout cas ne la considérait pas comme ça.
Alors quoi ?

Alors qu'il saupoudrait doucement son tabac sur un petit carré de feuille fine, ses yeux allaient et venaient de ce qu'il faisait à la jeune fille.

"Ça te va bien les cheveux comme ça."

"Euh... Nan. Juste une virée histoire de...M'aérer."

Une réponse hésitante, je distingue un peu plus les séquelles de la boum. Physiques comme mentales, il a l'air fatigué, très fatigué et j'oserai supposer triste.

Il s'assoit, je le regarde faire, fouiller pour sortir son nécessaire à fumer.

-Je comprend.

Je ne m'étend pas plus mais je comprend son besoin de s'aérer, j'ai eu le même après le retour de l'Ordinaire. Les falaises étaient si belle cette nuit là.

"Tu... Voulais un truc ?"

Je sors de mes pensées, j'évite la question, je ne ment pas mais j'omet subtilement la vraie raison de ma venue:

-Je voulais savoir comment tu allais.

Je n'ai pas vraiment un attachement particulier envers Apache...en revanche la démonstration de force à laquelle tout le Grand Arbre a assisté m'a inquiété. Y avait il besoin d'une telle violence? C'était juste une chanson, juste un moment d'expression.

Une répression de l'opinion? Est ce vraiment ce que Peter m'a vendu à mon arrivée au Pays de Jamais? Non, on m'a promis un Pays de liberté et d'amour et d'émerveillement, de camaraderie et de fantaisie. Mais encore une fois c'est bien une preuve qu'il y a quelque chose de pourri au Royaume de Pan.

Mais peut être suis je biaisée? Non, si je commence à douter de mon jugement alors tout ces rires volés, toutes ces victimes alors ne serons jamais vengées. Et comment retrouverais-je ce que j'ai perdue?

Je ne dis rien, je pense, je reste les bras croisés et je m'approche d'Apache:

-Tu veux de l'aide?

Je fais un signe de tête, dirigé vers ses mains tremblantes.

-Je sais que j'en a pas l'air mais on m'a appris...en soirée...J'ai regardé Tool faire...Sick m'a appris, c'est toujours bien d'avoir des compétences diverses...au cas où...

Je sens l'atmosphère de la pièce s'alléger légèrement.

La tension ancienne entre Apache et moi m'a toujours fait douter de l'état de notre relation; nous nous sommes affrontés, nous avons combattus côtes à côtes à plusieurs reprises, mais jamais nous n'avons vraiment....été connecté.

Alors que sommes nous? Je ne sais pas.

"Ça te va bien les cheveux comme ça."

Je rosis légèrement, je m'égosille à nouveau, je le remercie; c'est étrange, je ne suis pas habituée à ce que quelqu'un d'autre que Nobod me complimente.

-C'est...après avoir été transformée en fée...c'est...la Magie qui m'a redonnée ma couleur naturelle...je les préfère comme ça.

Je m'assoit sur un lit en face de lui:

-Donc...comment tu te sens?

"Je comprend."

Vraiment ?
Les yeux noirs s'attardèrent un peu plus longtemps sur le joli visage fin de Clenched. Sa peau pâle. Ses joues qui avaient perdu un peu de leur rondeur d'enfance. Et ses yeux clairs, qui avaient l'air d'en avoir vu.
Elle comprenait. Ouais.
C'était sûr.

"Je voulais savoir comment tu allais."

C'était dit en toute simplicité, et ça sonnait pire que sincère, avec une vraie inquiétude qui tintait en toile de fond.
Ça serra un peu la gorge et le cœur du garçon qui eut un reniflement, sans pour autant de débordement, baissant les yeux sur ce qu'il était en train de faire. Ou plutôt essayait de faire; se rouler une cigarette.

Ce n'était pas difficile de comprendre pourquoi elle était venue lui demander ça. Maintenant.
Apache l'avait vu à la boum, donc, c'était qu'elle l'avait vu lui, et surtout la bagarre d'avec Scar, la violence qui s'en était suivi.
Il en avait encore mal à la mâchoire de la droite qu'il s'était reçu, et les côtes douloureuses, mémoire physique du vol plané, de l’atterrissage moyennement réussi qui avait suivi.
Et puis Lacerate.
Bien sur.
Les coups de Lacerate.

Et ce putain de poignet cassé qui présentement l’empêchait de se confectionner de quoi fumer.
Bordel il avait vraiment besoin de cette cigarette.

Un soupire un peu nerveux.
Ne répondant toujours pas, un peu perdu dans ses pensées, piqué d'une touche de stress. Touché aussi, par l'attention de l'armurière avec qui il n'avait pourtant pas passé que de bons moments.

"Tu veux de l'aide?"

La question tira le punk de ses pensées, lui refaisant lever les yeux vers elle, alors qu'elle s'approchait doucement.
Il ouvrit la bouche comme pour répondre quelques chose, sans pour autant le faire.

"Je sais que j'en a pas l'air mais on m'a appris...en soirée...J'ai regardé Tool faire..."
Tool !
Le regard sombre de l'anarchiste s'alluma d'une lueur plus chaude.
"Sick m'a appris"
Et Sick !
Il cligna des yeux, sa mine jusqu'ici éteinte se ravivant de surprise amusée.
Clenched et Sick... Ça alors. Il aurait pas imaginé.

"C'est toujours bien d'avoir des compétences diverses...au cas où...
- C'est vrai..." Une hésitation, et puis, d'une voix pas très assurée qui ne lui ressemblait pas tellement. "Bein... Je veux bien alors. Merci. C'est gentil."

Une main tendue qui revenait de loin, et qu'il avait saisi.
Comme une saveur d'on repart de zéro, alors ?

Apache ravala sa salive, un goût amère au fond de la gorge. Une amie lui avait fait comprendre il y avait peu que le retour en arrière n'était pas toujours possible.

Il se souvenait encore fraîchement de son regard d'acier, imprimé brûlé sur sa rétine.
Sa colère sombre.
Férale.
Comment elle l'avait foutu au sol.
Comment elle l'avait écrasé.
Humilié.
Démoli.

C'aurait pu être pire.

Ouais...

C'aurait du être bien pire.

Elle avait encore été douce.
Trop douce peut être.

"Ça te va bien les cheveux comme ça."

Retour au présent.
Et les joues de Clenched qui se teintaient de rose. Ça fit sourire le chasseur. La fraîcheur de la jeune fille lui faisait du bien rien qu'à la regarder.
"C'est...après avoir été transformée en fée...c'est...la Magie qui m'a redonnée ma couleur naturelle...je les préfère comme ça."
Elle expliqua, et le punk agita doucement la tête à la positive, écoutant attentivement alors que l'armurière s'asseyait sur le lit juste en face de lui.

"Donc...comment tu te sens?"
Elle lâchait pas le morceau.
Elle voulait savoir.
Et le sourire du punk était resté sur ses lèvres, même si plus léger..

"Ça pourrait être pire." Il fit finalement. "Ça ira." Il ajouta, sans pour autant en être sûr. Affirmation balancée comme ça, gratuitement.
Qu'est ce qu'il en savait, en vérité ?
Il y avait toute les chances que ce qu'il s'était passé à la boum ne reste pas sans conséquence.
Il y avait toujours des conséquences.
Surtout quand ça concernait un de ces foutus chefs à la con.

"T'as bien aimé le concert, toi ?"
L'air de dire; contrairement à d'autres.
Contrairement à Scar.

Il avait connu Crow.
Très rapidement.
Il en gardait un souvenir à la fois vif et flou.
Il se rappelait d'une engueulade brutale.
Pas du sujet.
Du feu de sa main fine sur sa joue.
Comment ça avait claqué.
Et puis l'arène.
Les rires et les encouragements dans les gradins.
Le nez en trompette qui se brisait sous ses phalanges dures.

Mais il n'avait pas connu Clenched.

Peut-être qu'avec elle, ce serait différent ?
Il avait envie d'en savoir plus sur elle.
Et la vraie raison de sa présence, maintenant.

Elle voulait savoir comment il allait.

Ouais.
Mais pourquoi ?

Pourquoi elle voulait savoir ça ?

Je capte sa tristesse, cette boule qui se coince dans la gorge et qui donne l'impression que le sol s'effondre sous nos pieds, qui nous fait nous sentir seul et con.

Alors je prend de quoi lui rouler une cigarette des mains et commence à en rouler une, glissant tabac dans feuille, posant filtre au bout, et roulant un temps:

-J'ai tendance à les tasser assez mais j'essaye de m'améliorer.

Je parle de rien, détendre le moment, lui permettre de s'ouvrir, lui permettre de parler, et me concentrer pour écouter et recevoir.

"Ça pourrait être pire."

Pardon?

Je relève la tête, mon visage mêlant confusion, inquiétude et suspicion.

"Ça ira."

Je retourne à mon roulage de cigarette.

-Je vois...

Je me doute qu'il ment ou qu'il esquive la discussion, je comprend, pas de problème. Je ne vais pas pousser plus loin.

Puis viens une autre question, mais de sa part:

"T'as bien aimé le concert, toi ?"

-Oui.

Je n'ai pas tant participé à la Boum, je suis restée discrète, profitant de regarder les gens danser, regardant Sick s'amuser, mais j'ai écouté et c'était plaisant, brutal, vivant, organique et beau.

Je lèche le bord de la feuille avant de la coller à son autre extrémité.

-J'ai apprécié, votre groupe, c'était vivant, fort, et expressif, culotté.

Je mord ma lèvre inférieure, pas trop dévoiler son être, ses intentions, il ne faudrait pas se faire prendre, se faire dénoncer.

-J'ai beaucoup apprécié, même si les "looks" de votre groupe n'est pas vraiment de mon goût.

Je ris doucement, je fais rebondir le fond de la cigarette contre une commode juste à portée.

Mon visage devient plus sérieux, je cherche le regard d'Apache:

-Mais tout le monde n'était pas de cet avis apparemment.

Subtile, ne risquant rien, cherchant une réaction, une expression.

Je regarde doucement ses blessures, celles qui se trouvent au fond de ses yeux et celles au creux de ses bras, et je me questionne:

-Ce n'est pas que Scar qui t'a infligé ça.

C'est une affirmation, Scar, l'a monté en l'air, l'a cogné, mais il n'avais pas l'air aussi mal en point en sortant de la Boum.

Je lui tend sa cigarette.

-J'espère qu'elle est bien.

Lacerate?

Je ne la connais pas assez pour infirmer ou affirmer cette hypothèse...mon questionnement se précise et une graine merge dans ma tête:

Pourquoi elle et Scar on eu l'impunité de faire ça? Ce sont des Chefs certes, mais il y a des règles, une bagarre doit être faites au sein de l'Arène, enfin...je ne suis plus sûre des règles, je ne suis même plus sûre qu'il y en ait jamais eu...Hein Pan? Tu sais toi?

"T'as bien aimé le concert, toi ?
- Oui." Une réponse franche et sans hésitation qui fit sourire le punk. "J'ai apprécié, votre groupe, c'était vivant, fort, et expressif, culotté." Le sourire se fit plus grand, illuminant la mine du chasseur alors qu'il écoutait la demoiselle, la regardant confectionner sa cigarette, passer une langue rapide sur le papier.

"Cool ! C'est cool que t'ai aimé."

Elle savait rouler. Alors ça voulait dire qu'elle fumait elle aussi ?
Apache n'imaginait pas Crow fumer. Mais peut être que Clenched si ?
Après tout il n'aurait pas parié sur l'idée qu'elle aime le rock punk à la sauce bordel.
Ou qu'elle s'entende bien avec Sick.
L'Hérissé se rendait compte qu'il ne la connaissait pas.
Seulement de loin.
Seulement en surface.
Ce qu'elle avait pu lui renvoyer jusqu'ici, en terme d'image. D'impression.

"J'ai beaucoup apprécié, même si les "looks" de votre groupe n'est pas vraiment de mon goût."
Le rire tout doux de la Désenchantée se mêla à celui bon cœur de l'anarchiste.
Il fallait dire qu'ils n'y étaient pas allé avec le dos de la cuillère, et pas avec grand chose sur le dos, c'était vrai.
Surtout pour Nasty !
Sutout pour Nasty. Ouais.
Bons souvenirs qui diffusaient, réchauffant l’âme et le corps.
Premier et dernier concert des K.O
Normal que ça se soit terminé dans le chaos.
Rien de plus logique.

Les jolis yeux verts rattrapèrent les noirs du révolté.
"Mais tout le monde n'était pas de cet avis apparemment."
La mine enjouée de l'iroquois se teinta de quelques nuances plus douces, moins rigolardes, sa bouille s'étirant d'un sourire de travers sauce ironie tandis que ses sourcils se relevaient brièvement, l'air de dire; "Ça c'est clair."
"Apparemment." Il haussa les épaules juste après.
Est ce que c'était si étonnant ?

Le regard de Clenched se balada sur le punk, glissant sur ses blessures.

"Ce n'est pas que Scar qui t'a infligé ça."
En reflex comme de protection, il posa une main sur ses côtes, son bras lui barrant le corps. Il ne souriait quasi plus et ses yeux sombres se faisaient fuyants.

Pas que Scar non.
Même s'il s'était lâché.
Pas habituel. Un goût satisfaisant sur fond de sang.
Mais c'était vrai, il n'avait pas été le seul.
Pourtant, Apache n'avait pas tant envie d'en parler.
D'elle.

Pourquoi ?
Par ce qu'il l'avait mérité ?
Le mérite ça existait même pas.

Mais peut être plutôt par ce que ce soir, un truc s'était terminé. Brisé pour de bon. Pour de vrai. Et pour de toujours.
Un livre qui s'était refermé. Le punk n'avait pas envie d'épiloguer. Plutôt envie de jeter le bouquin au feu.
Le regarder brûler.
Silencieux.

"J'espère qu'elle est bien."

Qui ça ?
Lacerate ?!

L'Hérissé avait relevé la tête vers la blonde un peu rapidement, avisant la cigarette l'instant d'après. Il se détendit perceptiblement.

"Merci ! Elle est parfaite." Qu'il avait fait en la saisissant. "T'es top." Il l'avait calé entre ses lèvres, et puis s'était levé, farfouillant dans les affaires d'un autre, revenant l'instant d'après pour se rasseoir en face de Clenched, craquant l'allumette qu'il avait fauché, faisant grésiller le papier de la clope en même temps qu'il inspirait pour que le feu prenne.
Un nuage léger soupiré plus tard, il reprit la parole.

"Scar est un gros con qu'est pas capable d'apprécier la musique." Il tira une seconde latte, appréciant cette fois la dose de tabac. Ça faisait du bien. Ça soulageait, même.
"Apparemment chanter un truc qui lui plaît pas ça vaut de se faire envoyer en l'air." Et pas dans le bon sens du terme. "La liberté d'expression il a pas l'air de connaître trop le concept, mais bon..." Il siffla la fumée entre ses lèvres, un petit sourire se dessinant de nouveau sur sa mine abîmée. "C'est pas grave. C'est pas trop étonnant en vrai. Ca m'fait rien. J'm'en fous."

Ca l’empêchera pas de recommencer.
Pire encore. Ou mieux, en fait.

"C'est un chef. C'est comme ça."

Et pour l'autre, de cheffe ?

"C'est vrai, Lace m'a passé un savon après, mais ça va." Il n'en dirait rien de plus. "Elle a fait son taff, c'est tout. Comme l'autre." Comme Scar.
C'était leur rôle après tout.

Un petit temps de rien, pendant lequel Apache inspirait une nouvelle bouffé de tabac, et puis, il lui tendit sa clope.

"Tu fumes ?" Un sourire. "J'savais pas que tu connaissais Tool. Vous êtes potes ?"

"Merci ! Elle est parfaite. T'es top."

Un sourire, une satisfaction, une fierté de recevoir un compliment, ça fait du bien.

-De rien. Si tu le souhaite, je peux t'en rouler d'autres en prévision pour quand tu seras en vadrouille.

Il fait un aller retour pour aller chercher de quoi allumer sa cigarette.

Il aspire la fumée, je vois sa légère pomme d'Adam glisser de haut en bas, ça me donne l'impression qu'il a quelque chose de coincé, comme quand on est triste, comme quand on a toutes ces émotions bloquées et qu'on a envie de pleurer mais que ça veut pas sortir.

"Scar est un gros con qu'est pas capable d'apprécier la musique." Il enchaîne.

"Apparemment chanter un truc qui lui plaît pas ça vaut de se faire envoyer en l'air."

J'admet que c'est très étrange comment les choses se sont déroulées, tout le monde présent était intoxiqué, y compris Scar...pas comme ça que le l'imaginais se comporter.

J'acquiesce, je prend en main le petit anneau que j'ai orfévré, une petite tête de chien, en métal clair, avec des yeux rouges, tout beau, tout discret. Je le passe de doigt en doigt, lentement, de façon régulière, comme pour m'aider à me concentrer.

J'écoute Apache, je ne dis rien, je pense qu'il a besoin qu'on l'écoute.

"La liberté d'expression il a pas l'air de connaître trop le concept, mais bon..." Un souffle de fumée, comme un dragon sommeillant, pas que j'en ait déjà vu un sur L'Île, mais je suis sûre qu'ils feraient comme ça endormis. "C'est pas grave. C'est pas trop étonnant en vrai. Ca m'fait rien. J'm'en fous."

Interloquée, j'interviens:

-Comment ça: "pas étonnant"?

"C'est un chef. C'est comme ça."

Il continue, je hausse le sourcil, c'est un chef et....? Sharpy ne s'est jamais comporté ainsi, pas que je me souvienne en tout cas. Et pour de la musique?

-Il y avait aussi eu ce malentendu entre toi et lui à propos de....cette fille au cheveux blonds...Yes? Yet?

Je range finalement l'anneau sur mon index et soupire, j'affiche un regard vraiment désolé pour Apache, je tend la main un instant, j'hésite à lui prendre la sienne, puis finalement non, ce n'est pas approprié.

"C'est vrai, Lace m'a passé un savon après, mais ça va. Elle a fait son taff, c'est tout. Comme l'autre."

-C'est Lace qui t'as fait ça!?

Ma voix s'est élevée, avec mon dos redressé, je me baisse à nouveau, le regard dans le vide, vers le sol, je suis partagée entre incompréhension, surprise et ...de la colère?

Je....je comprend pas...c'est pas normal que ça prenne de tels proportions. Sharpy...il n'a jamais été ...

Un mouvement, un sourire, il me tend sa cigarette, je soupire.

"Tu fumes ?"

-Non...

Je lui prend l'objet des mains, et aspire la fumée, fait comme Tool m'a expliqué, puis je relâche.

Sick s'est marré quand j'ai essayé une fois et qu'apparemment j'ai un tic de faire "des joues de grenouilles quand j'aspire le tabac".

"J'savais pas que tu connaissais Tool. Vous êtes potes ?"

Je lui tend à mon tour sa cigarette. Je ne me sens pas plus détendue.

-Quand...il faisait froid, j'étais chasseuse, je faisais de mon mieux, les armuriers n'avaient pas grand chose à faire donc...Enfin bref je chassais. Et lors d'une de mes chasses, je suis tombée sur lui, et Corneille et on a discuté toute la nuit. Je l'apprécie beaucoup, il m'as...fait prendre en compte certaines choses.

Tool est une des premières personnes à m'avoir fait comprendre certaines choses sur ce monde, et à m'avoir permis de mettre en question mes certitudes...et à me rassurer. Sur ma place et sur moi.

"Si tu le souhaite, je peux t'en rouler d'autres en prévision pour quand tu seras en vadrouille."
A la proposition, Apache avait offert un beau sourire à Clenched. Du genre chaleureux, du genre reconnaissant, et pourtant, il avait décliné avec douceur.
"T'es trop gentille, t'embête pas. J'me débrouillerai ! Puis en vrai, c'est pas plus mal si je ralentie un peu."
C'était toujours comme ça avec les gros fumeurs. Ils parlaient toujours de ralentir, d’arrêter, sans jamais le faire. Comme une litanie ronronnante dénuée de toute implication réelle.
Autant de paroles semées dans le vent et emportées dans l'oublie comme des feuilles mortes.

Et puis, le punk avait enchaîné, taillant un costard à Scar, du genre qui le mettait bien en valeur. En même temps, ses yeux suivaient la bague avec laquelle son interlocutrice jouait.
Joli bijou bien particulier, qu'il se disait, tout en ramenant la cigarette à ses lèvres pour en faire crépiter le papier et le tabac dans une rougeoiement de braise.

"C'est pas grave. C'est pas trop étonnant en vrai. Ça m'fait rien. J'm'en fous.
- Comment ça: "pas étonnant"?
- C'est un chef. C'est comme ça."

La réponse, qui avait jailli comme elle coulait de source ne sembla pourtant pas convenir à la Désenchantée qui haussa un sourcil.

- Il y avait aussi eu ce malentendu entre toi et lui à propos de....cette fille au cheveux blonds...Yes? Yet?
- Yell !" Ce cher chat perché. Qu'est ce qu'elle branlait à traîner avec un type pareil, hein ? Faudrait qu'il lui demande un de ces quatre. Même si dans l'absolu, elle côtoyait bien qui elle voulait. "Ouais j'ai pas tout compris à ce qu'il s'est passé." Il haussa les épaules. Quand il disait "pas tout" c'était surtout "rien du tout". "C'est vrai j'ai un peu parlé fort quand j'lui ai demandé ce qu'il se passait. Pourquoi elle avait l'air pas bien. Mais il a directe essayé de m'en coller une !" Le punk hocha doucement la tête à la négative, marquant une désapprobation mêlée d'exaspération. "C'est clair qu'il attendait qu'ça, ce bâtard." Et le chasseur aussi, un peu, non ? Il ramena la clope à ses lèvres comme pour en contrôler le sourire qui y naissait.

"C'est vrai, Lace m'a passé un savon après, mais ça va. Elle a fait son taff, c'est tout. Comme l'autre.
- C'est Lace qui t'as fait ça !?" Apache cligna des yeux, son regard s'accrochant au vert de la blonde un bref instant juste avant qu'elle ne se fasse fuyante.
"Je....je comprend pas...c'est pas normal que ça prenne de tels proportions. Sharpy...il n'a jamais été ..."

L'affaire avait l'air de drôlement la retourner.
Ça la touchait. Pour de vrai.
C'est pas normal, qu'elle avait dit. Et pourtant, si, ça l'était. C'était la normalité du Grand Arbre. De son système.
On pouvait remettre ça en question, penser que c'était injuste. Mais aussi imaginaire pouvait-être l'univers à la fois infini et étriqué dans lequel ils avaient tous été embarqué, il y avait aussi une réalité; ici, il y avait ceux qui donnaient les ordres, et ceux qui devaient obéir. De gré ou de force.
En tout cas, c'était comme ça qu'Apache voyait les choses.

Dans la tentative d'un geste vers elle, se voulant un chouilla réconfortant, le punk lui tendit sa cigarette.
"Tu fumes ?
- Non..." Et pourtant, comme pour se faire mentir elle même, elle avait prit la clope entre ses doigts, la ramenant à ses lèvres pour en tirer une longue bouffée qui lui gonfla les joues, ce qui fit sourire le chasseur.
Elle était mignonne.

"J'savais pas que tu connaissais Tool. Vous êtes potes ?"
La cigarette changea de nouveau de main, juste avant que la jeune fille ne réponde.

"Quand...il faisait froid, j'étais chasseuse, je faisais de mon mieux, les armuriers n'avaient pas grand chose à faire donc...Enfin bref je chassais." Curieux d'elle et de ce qu'elle allait lui raconter, l'iroquois agitait doucement la tête à la positif tout en fumant. Écoutant attentivement. "Et lors d'une de mes chasses, je suis tombée sur lui, et Corneille et on a discuté toute la nuit.
- Toute la nuit ! whaou !
- Je l'apprécie beaucoup.
- Il est génial. Je l'adore ce mec.
- ...Il m'as...fait prendre en compte certaines choses.
- Ah ouais ?" En toute simplicité, il l'invitait à continuer. A développer. Sans trop forcer mais sincèrement curieux de ce que Tool et Clenched avaient bien pu se raconter.

Il était clair que Crow n'était plus Crow. La brune rigide et guindée appartenait au passé, et le passé sur l’île de Jamais ne faisait jamais de vieux os.
Cette demoiselle la, aux cheveux comme les blés, elle semblait toute pétrie de questionnements, de doutes, peut être même de remise en question en vu.
Elle entrevoyait les injustices ?
Elle avait aimé le concert.
C'était peut être con.
Mais pour le punk, ça comptait.

Car ce concert n'avait bien évidemment pas été aussi innocent qu'il aimait à le raconter.

Il se débrouillera....pas de soucis, je hausse les épaules.

Je ris légèrement à sa remarque, par rapport au fait qu'il doive ralentir.

On devrait tous ralentir je trouve, poser les choses en stagnation, ne rien faire, se laisser le temps mais non...c'est trop dur apparemment, on fonctionne sur un système basé sur l'émotionnel, la vérité, le pragmatisme, les faits...ça ne fait pas partie du Grand Arbre. La vérité....

La conversation dérive sur questionnements et révélations, plutôt évidentes certes...mais elles remettent les choses en ordre, en perspective.

-C'est un chef. C'est comme ça.

C'est évident pour lui, et en soi oui, on a toujours fait comme ça, depuis le début, c'était déjà comme ça à mon arrivée...mais est ce qu'au final c'est....sain? Normal? Une répression violente? pour de la musique? Je ne sais plus...l'ordre permet une stabilité, mais une punition sans jugement et publique, est ce nécessaire? Et puis un instant je ris seule à mes propres réflexion....une stabilité? Il n'y en a jamais eu, en tout cas on vit une période mais qui sait combien de temps durera-t-elle? Peter ne l'a jamais permis une stabilité...intentionnellement ou non.

Mon visage se fait plus grave alors que les jeunes qui jouent aux cartes non loin s'exclament et rient alors que l'un a perdu.

Je tourne la tête en direction du bruit, puis reviens sur Apache.

Yell? c'est donc son nom...d'accord. Je ne la connais pas trop, mais elle m'intrigue en soit...elle est brave, et extravertie, c'est engageant, ça me donne cette impression de camaraderie, d'amitié contagieuse. Elle est invitante, avenante, c'est sûrement ce genre de personne qui voudra vous mettre à l'aise sinon elle ne le sera pas elle même.

-Ouais j'ai pas tout compris à ce qu'il s'est passé. C'est vrai j'ai un peu parlé fort quand j'lui ai demandé ce qu'il se passait. Pourquoi elle avait l'air pas bien. Mais il a directe essayé de m'en coller une !

-Ça c'est sûr que la situation a très vite escaladé, d'un côté il a réagis de façon excessive, et en soit tu as agis de façon très...brûlante, je ne lui donne pas du tout raison d'avoir réagis ainsi! Loin de là pour tout dire...mais les choses auraient peut être pu se dérouler autrement si tu avais réagis autrement?

Il secoue la tête, désapprouvant peut être?

-C'est clair qu'il attendait qu'ça, ce bâtard.

La violence, je la comprend, elle est le moteur d'action décisives, elle l'a été quand j'ai transpercé le bras de ce garçon, elle l'a été quand j'ai voulu les tuer....et aujourd'hui ils sont encore à vivre au sein de l'Arbre, il n'y a pas eu de jugement parce qu'au final il n'y avait pas de preuve, et la décision de les garder a été décidé parce que j'ai perdu ce combat dans l'Arène...

Mes poings se serrent, une boule de rage chauffe mon ventre et mes dents grincent, les mâchoires forçant l'une sur l'autre et la langue qui claque contre le palais, une envie de frapper, une frustration...en cet instant je souhaite le meurtre, la vengeance, la justice.

Ma tempête d'émotions intérieures est brisée par Apache qui s'exclame face au fait que Tool puisse faire partie de mon histoire.

Je m'adoucis, je m'excuse brièvement de la tension visible que j'ai pu provoquer.

-En effet, Tool est....cool haha.

Comme pour abaisser encore cette tension, un jeu de mot sors de ma bouche. Je le sens que....Crow est encore là des fois, cette sensation de gêne...cet embarras social.

-Je l'apprécie beaucoup, il a beaucoup de qualités.

Je dit juste qu'il m'a aidé à repenser les choses, Apache m'accroche à ça:

-Ah ouais ?

Un regard dans ses yeux, une lance verte qui essaye de sonder son âme, voir au delà des apparences, que penses tu Apache?

-Ouais.

Est ce que je vais trouver ce que je suis venue chercher en premier lieu? Une aide, des informations?

Apache je suis venu te parler pour plusieurs choses: tu es l'un des enfants du Grand Arbre à avoir été le plus au cachot, si tu me dénonce, on ne risque pas de te croire.

Tu connais les ficelles du système de l'Arbre, tu sais peut être des choses qui me serviraient.

Je ne peux plus ignorer certaines choses et Peter...je ne peux pas aller le voir gentiment pour lui demander la vérité, il faut que je la trouve toute seule.

Un instant je réalise que je suis peut être sur un territoire ennemi, je prend de gros risque à poser des questions qui devraient normalement être tues...

Le risque, avec Apache, si je devais estimer un chiffre...ce serait à....80% de chance de réussite, 18% que ça ne m'apporte rien, 2% que je m'attire des ennuis.

-J'ai réfléchis avec Tool...peut être que tout ça...Jamais, l'Île, c'est plein de mensonge et peut être que c'est...

Je jette un oeil autour, puis reviens sur Apache:

-Une prison dorée, un enlèvement...

Tension, l'instant d'après je ris....pour me sécuriser, pour m'assurer une garantie de retrait après coup, c'est peut être trop faux...pas grave, j'ai d'autres moyens de me protéger.

"Mais les choses auraient peut être pu se dérouler autrement si tu avais réagis autrement?"

Ouais.
Forcément.

Tout ce serait déroulé autrement s'il n'avait rien dit. Rien fait. Rien questionné. Rien cherché. S'il s'était contenté de juste suivre le rythme. Baisser la tête quand il fallait. Répondre aux questions comme on lui demandait, pour ne jamais en poser.
Travailler quand on lui disait de travailler.
Faire les missions, aussi suicidaires soient-elles quand on l'y missionnait.
Laisser mourir ceux désignés à crever.
Abandonner ceux auxquels on avait décidé de tourner le dos.
Juste suivre le mouvement.
Dormir quand on lui disait de dormir.
Manger quand on lui disait de manger.
Mourir quand on lui dirait de mourir.

L'anarchiste ramena la cigarette à ses lèvres, tirant une longue bouffée de tabac, appréciant la brûlure dans sa gorge et jusque dans ses poumons, pour ensuite soupirer la fumée en un fin filé nuageux.

Être libre quand on lui donnait l'autorisation de l'être.

"En effet, Tool est....cool haha." Apache eut un sourire, soufflant le reste de fumée par le nez comme un rire enfoui. "Je l'apprécie beaucoup, il a beaucoup de qualités.
- Il est génial. Je l'adore ce mec.
- ...Il m'as...fait prendre en compte certaines choses.
- Ah ouais ?"

Un léger temps de rien.
Le vert des yeux de Clenched s'accrochant aux sombres du révolté.

Quelques chose passa, et ce ne fut pas qu'un ange. Comme une myriade de questions qui se dessinaient dans le regard émeraude de la jolie blonde. A la fois illisibles, insaisissables, et qui pourtant semblaient créer un lien invisible entre le chasseur et l'armurière.

"Ouais."
Réponse brève mais porteuse de quelque chose de profond.
Comme si cet acquiescement voulait tout dire.

Tout.

"J'ai réfléchis avec Tool..." Apache l'écoutait avec attention, s'attendant à ce qui allait venir, maintenant. Tout ça n'était pas innocent. Pourtant, il gardait une attitude détendue. Fumant tranquillement sa cigarette. "Peut être que tout ça... Jamais, l'Île, c'est plein de mensonges et peut être que c'est..."
L'iroquois releva les sourcils, alors que la Désenchantée jetait un regard circulaire autour d'elle.

Elle avait peur.

"Une prison dorée, un enlèvement..."
Comme en reflex, à peine avait-elle terminé ce dernier mot qu'Apache s'était levé, pivotant pour se rasseoir l'instant d'après juste à coté d'elle, croisant les jambes, ne perdant rien de sa décontraction affichée.
Il glissa son bras derrière la jeune fille, sa main, celle libre et au poignet cassé, posée sur le matelas, pour mieux gagner en proximité.

"Le Grand Arbre; je l'appelle la Grande Centrale." Qu'il fit avec un sourire, tapant du doigt sur sa clope pour en chasser l'excédant de cendre qui alla mourir un peu plus bas, sur les planches de bois.
Il avait parlé tout doucement, profitant d'être bien plus près de Clenched pour baisser le ton, s'assurant qu'elle serait seule à l'entendre.
"Le tyran vert nous a tous promis monts et merveilles..." Il continua tranquillement. "Mais il avait pas précisé qu'on y serait enchaîné."

Jusqu’où était allé Tool avec elle ? De quoi est ce qu'ils avaient parlé exactement ? Apache ne le savait pas, mais ce n'était pas si grave. Savoir que son camarade avait semé quelques graines qui avaient visiblement commencé à germer suffisait à lui donner le sourire, faire naître une chaleur au fond de son cœur qui faisait du bien.
Mais la Désenchantée avait semble t-il besoin d'autres mots encore.
Qu'on arrose ce plant qui cherchait à percer.

Cependant, il fallait rester prudent.

Crow ne lui avait jamais donné l'impression d'être du genre à remettre les choses en question.
Qu'en était-il de Clenched ?

Apache espérait que les quelques phrases qu'il lui avait soufflé attiserait un peu plus ses flammes intérieures, ainsi que la légère confiance qu'elle lui avait dévoilé, la pousserait à en dire un peu plus.

Parle Clenched.
Chuchote si tu as peur.

Et une fois de plus le garçon ramena tranquillement la cigarette à ses lèvres, faisant grésiller et rougeoyer le tabac.

Un grand mouvement, mon faux rire disparaît sous le bruit des pas d'Apache, un regard inquiet vers lui, un tremblement, il s'approche, se penche vers moi, je serre le point, griffant le draps sous mes doigts, est ce agressif? Vais je devoir me battre pour sauver la face, provoquer un esclandre pour faire diversion?

"Le Grand Arbre; je l'appelle la Grande Centrale."

Un sourcil haussé, les mains qui se détendent, la gorge qui s'assèche à l'écoute de ses révélations, aurais-je donc eu raison au final?

"Le tyran vert nous a tous promis monts et merveilles..."

Le tyran vert...Pan? Un tyran selon lui....un instant j'hésite...serais ce vraiment ce qu'il est? Peut être bien, peut être que non, c'est un biais, l'avis d'une personne...ou alors...trop de doute, trop de questions.

Un instant je respire vivement, anxieuse, je contemple le décor autour de moi et je me perds sur un point fixe, je perd le nord, je perd l'instant, je perd Apache...

Et je tombe...

Je ne tombe pas, juste du noir, juste une voix...un garçon


Juste ça, juste le ton méprisant et invectif qui tape sur mes tympans.

Mais la fin de la phrase d'Apache me rattrape, comme un filet tissé de la même amertume que j'ai entendue auparavant, mais toujours pour sécuriser, pour rassurer qu'on est sur terre, que c'est la vraie vie et que c'est comme ça que ça fonctionne ici.

"Mais il avait pas précisé qu'on y serait enchaîné."

Un instant je reprend conscience de l'espace et du garçon à côté de moi.

Et j'oublie, je crois...qu'est ce que...quoi?

-Pardon j'ai...j'ai rêvassé...euhm...

Je m'égosille, je reviens à Apache, au Hérissé et à ce qui se dit, je ne m'inquiète plus, je murmure questions après questions, proche d'Apache, nos voix et visages cachés dans la fumée du tabac:

-Tu te souviens d'avant? Pourquoi on se souvient pas d'Avant? Quel est l'intérêt pour qu'on ne se souvienne pas?

Beaucoup de questions d'un coup... un intérêt... quel intérêt?

Je lève ma jambe et la croise par dessus l'autre, réajuste ma jupe doucement, glisse les cheveux derrière l'épaule gauche puis reviens vers lui, pliée sur mes jambes, tentant de me faire petite.

-Apache...je...je pense que le Grand Arbre n'est pas un havre de paix...il y a ...

Je sens les larmes, ces larmes de colères, une envie de frapper...les poings qui se ferment, les ongles qui plantent les paumes.

La mâchoire qui se serre et grince presque, la bouche qui se pince, une envie...de tuer.

Je perd mon regard dans le vide à nouveau un instant puis reviens vers Apache quand la colère se calme un certain temps après.

-Quelques temps après le Givre, une petite fille est morte et les personnes qui l'y ont conduit s'en sont sortis...manque de preuves...j'ai voulu les ...

Mais il a sûrement déjà entendu parler de cette histoire; apparemment, certains enfants étaient bavards sur le fait que j'allais pour la première fois me retrouver au Cachot et aussi la deuxième fois que La Lady se retrouvait à l'Arène...une défaite cuisante, qui a faillit me tuer.

Une haine, une colère bouillonne en moi, les larmes se forment au coin de mes yeux, la bouche distordue, j'enterre d'un revers de ma main mes émotions et mon regard plus concentré vers lui, je sens que si je le regarde à nouveau je vais pleurer; je lui prend doucement la cigarette de ses mains et dit entre deux bouffées de tabac:

-La mission dans l'Ordinaire...ça m'a donné une autre perspective sur la vraie nature de ce Pays et par extension de Peter...étant donné qu'il en est le maître, le créateur.

Je me retourne vers lui, je regarde une énième fois autour et murmure encore plus doucement qu'auparavant:

-Les enfants...qui n'ont rien demandé, ont leur a volé leurs rires, ils ne riront plus jamais, je le sens, je le sais, ils n'auront plus droit à la liberté, on leur a volé...

Elle avait l'air perdu, Clenched.

Elle était la, à coté de lui, tout près. Et pourtant elle semblait parfois si loin. Son regard se perdait dans ce qui devait être des souvenirs que l’île n'avait pas dévoré. Pas encore. Perdue dans ses pensées. Perdue dans des idées qui se formaient doucement, de fil en fil. Rien d'encore tout à fait construit, avait remarqué le punk. Tout juste un début de sentier qui se dessinait.
La question était; vers ou cette esquisse de chemin la mènerait ?
Apparemment, elle avait eu dans l'idée qu'Apache pourrait être un genre de premier guide.
Et ça fit sourire doucement l'anarchiste qui ramenait sa cigarette à ses lèvres, plus attentif que jamais à cette jeune demoiselle à qui il avait cassé le nez dans une autre vie.

"Tu te souviens d'avant?" L'Hérissé leva les sourcils, un peu surpris de la question, mais répondit tout de même d'un hochement négatif de la tête.
"Pourquoi on se souvient pas d'Avant? Quel est l'intérêt pour qu'on ne se souvienne pas ?"
L’intérêt ?
Le punk devait bien l'admettre, il ne s'était jamais vraiment posé ce genre de question.
La Désenchantée quand à elle se repliait quelque peu sur elle même, dénotant d'une certaine anxiété qui transparaissait autant dans son attitude que dans sa voix.

"Apache...je...je pense que le Grand Arbre n'est pas un havre de paix...il y a ..."
Elle ne termina pas sa phrase, ses mots se noyant dans l’émotion. Ses yeux se firent plus brillants, menaçants de fondre en larmes, alors, doucement, le révolté releva la main, la posant doucement sur son épaule, se voulant réconfortant.

Jusqu'ici, Clenched lui parlait de manière très vague, n'osant qu'à peine effleurer le sujet de son malaise. De son mal-être. Un peu comme si elle en avait peur.
Il y avait de quoi en avoir peur.
Qu'est ce qui était arrivé pour qu'elle en vienne à avoir peur comme ça ?
Il y avait forcément quelque chose.

"Qu'est ce qu'il s'est passé ?" Il lui souffla doucement, sa main allant du dos à l'épaule de l'armurière en une caresse qui à la fois voulait réchauffer, mais aussi encourager.

"Quelques temps après le Givre, une petite fille est morte et les personnes qui l'y ont conduit s'en sont sortis...manque de preuves...j'ai voulu les ..."
Le garçon attendit la suite... Qui ne vint pas. Même si elle se devinait facilement.
Si Apache avait entendu parler de cette affaire ?
Vaguement.
Très vaguement.
Pas assez pour s'en faire une idée claire.
Pourtant, les larmes qui brillaient au coin des yeux de la blonde dissuadèrent le punk de trop lui en demander. A la place, il tendit doucement sa cigarette, se faisant partageur comme il espérait qu'elle en partage un peu plus de son histoire.

"La mission dans l'Ordinaire..." Clenched, entre deux souffles de tabac, avait repris sur un autre sujet. "Ça m'a donné une autre perspective sur la vraie nature de ce Pays et par extension de Peter...étant donné qu'il en est le maître, le créateur."
Apache n'avait pas participé à cette grande mission dans l'Ordinaire, mais il se rappelait encore très nettement du visage et des mots désespérés de Nasty qui en était revenue démolie de corps et d’âme.

Les yeux verts de la Désenchantés s'accrochèrent aux noirs du révolté, et elle fit, plus doucement encore que jusqu'ici;

"Les enfants...qui n'ont rien demandé, ont leur a volé leurs rires, ils ne riront plus jamais, je le sens, je le sais, ils n'auront plus droit à la liberté, on leur a volé..."
L'iroquois du macadam restait relativement silencieux. Avait écouté avec attention, scruté chaque expressions de la jeune fille, agitant légèrement la tête à la positive, abondant sans un mot dans son sens.
"Mais..." Il fit doucement, prenant garde de bien choisir ses prochains mots, sa voix toute en douceur. "Tu pense pas que genre... On pourrait la récupérer, cette liberté ?" Clenched restait vague. Alors il fallait rester vague. "Moi... J'me demande si on en a vraiment qu'un seul, de tyran..."
En vérité ça faisait bien longtemps qu'il s'était fait une idée bien solide sur le sujet.
Apache marchait sur des œufs.
Le problème n'était pas que Peter.
Si on se focalisait sur lui, alors tout semblait impossible à changer. A retourner.
Le tyran vert avait une image d'intouchable. Quasi déifié. Mais qu'en était-il de ses lieutenants ?
Sans sa petite police personnelle, Peter perdait en pouvoir sur ses enfants.

"Mais..."

Un instant, je lui redonnais sa cigarette, j'en devenait écœurée très vite.

"Tu pense pas que genre... On pourrait la récupérer, cette liberté ?"

Je tourne la tête vers lui à nouveau, je m'interroge, je commence à voir ce qu'Apache pense...je crois au moins.

Et je regarde encore autour, les gamins jouent encore sur le lit, ils rient, je sourit...c'est presque émouvant.

Mais l'heure est à la discrétion, donc les innuendos sont de mise.

Sait on jamais.

"Moi... J'me demande si on en a vraiment qu'un seul, de tyran..."

Pit, automatiquement je pense à Pit, je sais que j'ai eu longtemps une certaine...méfiance envers lui. Si ce n'est de la haine.

Mais quand j'ai rencontré Nobod, j'ai fait l'effort...pour lui.

Je suis restée courtoise, je suis restée aimable, et au final j'ai éphémèrement cru à sa sincérité, à ses...fabrications.

Pour Nobod, je fais.

Mais récemment, il s'est fait plus distant, et j'ai peur de le perdre à Pit, je comprend qu'il soit...son assistant, son suivant, son confident et ami...mais...je commence à ne plus croire en Pit.

Et puis Bow...je ne lui ai jamais vraiment fait confiance, au départ car j'avais peur que Peter puisse être une victime d'une quelconque manipulation mais maintenant que le mirage de fissure, je ressent que Bow serait plus dangereux encore que je ne l'imaginais.

-Je pense...qu'il y a plusieurs...crabes. Un qui fait rire le crabe vert et un qui manipule tout les petits crabes. Il boîte ce crabe.

J'inspire. Je tente de voir dans ses yeux si Le Hérissé comprend.

Je réfléchit...les chefs? Je n'ai rien contre certains....Freckles, Creepy, Stealth.

Salvo...je ne le connais pas trop, je ne sais pas trop quoi penser de lui... ça me fait bizarre de ne plus avoir Sharpy comme chef.

Lacerate et Scar....

-Les deux crabes avec des cicatrices, celui avec des fissures et l'autre brûlé...je ne sais pas quoi penser d'eux, ils sont...trop inquiétant, trop puissant et en abuserait ? Je ne sais pas trop...

Sinner...je ne le connais pas...et je ne suis pas sûre de vouloir le connaître...

Je pose une main sur le bras d'Apache, je serre et colle mon front contre le sien....

-J'ai...une personne que je doit protéger...que je veux récupérer du crabe qui rit.

Je n'ai plus peur, je décide de croire Apache, je prend le risque mais j'appréhende encore ce que va me dire le garçon.

La cigarette change de main comme les idées se partagent, aussi vaporeuses et insaisissables que de la fumée. Pourtant il y avait bien un lien qui se formait entre les deux adolescents, malgré le passé tumultueux.
Le Temps bien qu'inexistant semblait avoir fait son affaire, dévorant les colères et la rancœur, laissant champs libre à une rencontre maquillée en retrouvailles.

"Je pense... Qu'il y a plusieurs... Crabes." Les mots étaient hésitant. Apache se faisait attentif. "Un qui fait rire; le crabe vert et un qui manipule tout les petits crabes. Il boîte ce crabe."
Le regard clair et brillant de la jeune fille se plongea dans celui de l'anarchiste qui eut un léger sourire, agitant doucement la tête à la positive, renvoyant en réponse silencieuse qu'il comprenait très bien de quoi ou plutôt de qui elle parlait.

Pit et Bow.
Les deux pires dans le panier.
Les deux pires car ils étaient les plus haut placés. Les plus influents. Les plus difficilement atteignables. Intouchables ?
Cela restait à prouver.
Le révolté ramena la cigarette à ses lèvres, faisant grésiller son extrémité brûlante, comme s'il inspirait pour mieux y songer.

"Les deux crabes avec des cicatrices" Elle reprit. "Celui avec des fissures et l'autre brûlé..." Lacerate et Scar. "Je ne sais pas quoi penser d'eux, ils sont... Trop inquiétant, trop puissant" Les deux plus violents de l'équipe. "Et en abuserait ? Je ne sais pas trop..."

Toujours silencieux, réfléchissant à ce que lui disait Clenched, le punk avait doucement tapoté sur sa cigarette d'un doigt, chassant la cendre excédante. L'instant d'après, la blonde s'était rapprochée, lui saisissant le bras, ramenant son attention tout à elle alors qu'elle collait son front au sien dans une proximité quasi intime. Pourtant, l'anarchiste ne cilla pas, se laissant faire.
Il avait l'habitude des contacts de ce type, ils n'étaient jamais rares dans ce genre de contexte.
Remettre en question l'ordre établie du Grand Arbre, même à demi mots, même rien qu'en effleurant l'idée, ça rapprochait.
Le danger poussait à garder les rangs serrés.

"J'ai... Une personne que je dois protéger... Que je veux récupérer du crabe qui rit."
Elle avait donc une dent particulière contre Pit.
Elle ne serait ni la première ni la dernière. Le Joker était un élément bien particulier de ce qu'il considérait lui même comme un vaste jeu.

"D'accord." Fit Apache tout près d'elle sur un ton assuré, si sur qu'il en devenait rassurant. Il continua cependant, chuchotant; "Les crabes fissurés abusent pas de leurs pouvoirs. Je pense que le problème ce situe plutôt dans leur position plutôt que par leur individualité." En d'autres termes ? "C'est pas eux le problème. Ils en font parti seulement. Ils le nourrissent, le problème. Ils le servent. Ils le rendent fort. L'arment. Le protègent. Ils le concrétisent." Une pause. Il ne fallait pas griller les étapes, mais donner assez à Clenched pour faire mûrir son indignation en quelque-chose de plus brûlant.
"Si tu veux frapper le crabe qui rit, il faut frapper tous les autres à la fois. Sinon ils te prendront en pince et te couperont en deux. Tu comprends ?"

De sa main libre, il lui caressa doucement la joue, repoussant quelques mèches blondes.

"Le problème c'est pas les gens à qui on donne le pouvoir."

Un sourire doux qui jurait d'avec les mots tranchants qu'il offrait.

"C'est le pouvoir."

Tu comprends ?