C’est un matin comme un autre.

Dans sa chambre sous les combles, il a tiré son lit sous la lucarne pour être réveillé quand les premiers rayons du soleil franchissent les volets. Alors il ne devrait pas être surpris quand, lorsqu’il ouvre les yeux, il est ébloui par la clarté du matin. Mais il l’est. Comme à chaque fois. Ebloui, l’ancien médecin laisse échapper un grognement de mécontentement avant de rouler sur le côté.
Dans son pyjama un peu trop grand pour lui, il désormais assis au bord du lit. Le sommeil au bord des yeux, la tignasse blonde emmêlée et, sans doute, l’haleine du matin.

Qu’est-ce qu’il aurait pas donné pour pouvoir trainer au lit.

Du bout du pied, Jim cherche ses bottes à tâtons, les enfile. Mais c’est quand il se met enfin debout qu’il se rend compte qu’il les a mises à l’envers. Alors il se rassit.
Dans un coin de la pièce, il y a un seau d’eau pour se laver le visage, et une serviette pour s’essuyer. De l’autre, il y a sa chaise et ses vêtements posés dessus.

Désormais bien réveillé, Jim descend les escaliers à pas de loups. Le silence qui règne dans la maison lui laisse penser qu’Earl n’est pas encore levé. Ça lui laisse le temps de chauffer le poêle et de préparer le petit déjeuner.
Ils n’ont pas beaucoup de vaisselle mais une quantité inquiétante de tasses. L’apprentie médecin en choisit deux, pas trop ébréchées et parvient à dégotter deux petites assiettes. La vieille poêle accroche un peu mais en grattant il arrive à décrocher deux œufs au plats, intact. Dans le bord de l’assiette, il ajoute une tranche de lard et un morceau de pain de la veille qu’il a réchauffé.
Quand la bouilloire siffle, Jim s’arme d’un torchon pour la saisir par l’anse et verse l’eau bouillante dans les tasses. Il ajoute deux cuillères à café de ce mélange d’herbe qu’Earl garde dans un pot. Un genre de thé bizarre qu’il a la politesse de prendre chaque matin pour l’accompagner. Mais Jim préfèrerait un chocolat chaud.

Il s’assit à sa place et des bruits pas à l’étage. Mais son ventre qui gargouille ne lui permet pas d’attendre l’Argenté plus longtemps. Il ne lui faut que trois bouchés pour faire disparaitre l’œuf au plat, plus deux pour la viande, puis une douzaine pour le petit pain rassis. Ce dernier ne le régale pas mais il lui tiendra à l’estomac.
Devant lui, le petit déjeuner de Earl refroidit.
C’est dommage.

Jim grimpe une à une les marches de l’escalier, les bras chargés d’un plateau sur lequel il a posé l’assiette et la tasse du vieux médecin. Il s’arrête devant une porte fermée, parvient à actionner la poignée avec le coude. Il pousse à peine, pour jeter un œil. Il fait encore sombre à l’intérieur mais la lumière du soleil parvient à s’y glisser à travers les volets fermer. Dans le lit, Jim distingue une silhouette massive sous les couvertures.
Il dort encore.

Jim est tenté de le laisser dormir mais il n’a pas trop le choix. Dans quelques heures, les patients vont affublés. Il y aura des filles du port qui demanderont son avis sur des taches suspectes et des pirates à recoudre. Alors, du pied, il pousse encore la porte et entre.

Il l’appelle, doucement la première fois. Rien. Il recommence d’une voix plus forte. Le vieil homme ne répond pas. C’est en posant son plateau au pied du lit que Jim se rend soudain compte du silence assourdissant qui imprègne la pièce. Il sait déjà quand il lui prend le poignet, le presse doucement.

La gorge serrée, Jim scrute la silhouette sous la couverture qui ne se soulève pas. Il reste planté là une bonne dizaine de minutes, à la recherche du moindre mouvement.
Il sait. Il n’a juste pas envie d’y croire.

Quand Jim redescend, c’est avec le plateau dans les bras. Il vide la tasse dans l’évier, racle le contenu de l’assiette avec une fourchette pour la vider dans la poubelle. Ce n’est qu’une fois fait qu’il réalise un peu tard que c’est un foutu gâchis.
Mais c’est trop tard.

Il déglutit, ravale un sanglot qui menace de lui échapper.

Un foutu gâchis.