C’est le retour—de quoi ? De tout ! C’est de pouvoir de nouveau s’extasier sur la beauté du Jolly, courir sur le pont en sentant son cœur vibrer dans sa poitrine. Les visages familiers que Mae ne regarde jamais directement—et les disparus iel ne s’en préoccupe pas, et puis y’en a qui ont été vus avec Kei, parfois un brin congelés, parfois remplis de trésors dans lesquels Mae a plongé ses mains. C’était marrant—tout doux, les dizaines de pattes et de les bouts de chairs grouillant contre ses doigts. C’est sur cet excellent souvenir que Mae déambule, réveillé-e d’une nuit décalée sans véritable sens. C’est le monde qui provoque ça, la soudaine proximité avec bien trop de gugus qui lae heurte sans le vouloir, qui sont trop proches. Et ça serait moche, de leur enfoncer sa lame dans l’estomac juste pour ça.

La taverne n’est pas son premier choix, pour passer le temps—y’a tellement de machins qu’iel pourrait voir vachement bien sous les étoiles, malgré le masque qui limite sa vision. Cependant, l’idée de se chopper un chocolat chaud, ou un thé—ça lui rappelle les mugs qui s’entassent dans son sillage, ceux qu’iel a la flemme de nettoyer jusqu’à ce qu’on l’engueule—prend le dessus. Tandis que ses doigts, super bien récupérés, pas une trace d’insecte ou de sang sous ses ongles peints, tracent des cercles dans l’air, Mae s’engouffre à l’intérieur.

Et là, devant ses yeux interloqués—comme s’ils ne se croisaient pas toujours à cet endroit précis, en pleine nuit quand y’a pas un con qui veut poser ses miches sur les tabourets—Lòng.

Dragon ! L’excitation est suffisante pour que Mae se tortille sur place, chaussure écrasant un lacet défait. Ah, son pote. Ignorant un ivrogne qui lui passe à côté pour sortir vider ses entrailles juste devant la taverne, un brin moche mais ça va nourrir des bestioles ça, le Masque s’élance avec un manque évident d’élégance.

« T’es rentré ! T’es là, salut, » Un gloussement, main devant sa bouche, tandis que Mae s’assied près de son ami de minuit. Ou quelque soit l’heure actuelle dans ce pays déglingué qui a pas ce système, « wesh ma couille, tout roule ? »

La douloureuse absence du dragon ne paraît pas avoir eu une quelconque influence sur Haven qui, en vérité, meurt juste d’envie de lui causer d’insectes là. Tout déverser bien grossièrement. De joie, Mae sort son couteau favori, le plantant dans la table. Ne lui demandez pas pourquoi, ça lae fait juste marrer.

« J’te paye un coup ? » Que Mae demande sans même vérifier si son pote a pas déjà une choppe ou autre devant lui.

« Bonsoir, Mae. Parle encore en français et je t’arrache la langue.  »

Sous le masque, Mae prend le temps de cligner des yeux ; le sourire vient juste après, les élastiques de son appareil dentaire qui tirent juste assez pour lui rappeler qu’il est là quoi. Ah bah si Lòng est pas chaud, va falloir faire sans le français.

« Avec le masque ça serait chiant, j’vais pas le retirer pour ça, » qu’iel lâche, comme si c’était ça le plus gros souci dans ce que son pote vient de lui dire, « J’retiens, et si j’oublie, bah—» Ses mains s’étendent dans l’air avant de retomber mollement. Si iel loupe le conseil, le Dragon aura qu’à lae planter, ou bien lui arracher la langue même si montrer son visage lui poserait grave problème.

Oh, c’est qu’il se sent plus, à être tactile comme ça. Après, ça fait une blinde que Mae a pas été physiquement proche de qui que ce soit—ça c’est surtout parce qu’iel est un brin trigger happy avec son arme en cas de contact. Des détails, des détails. Le Masque se tend, pas beaucoup, plus comme si son corps était déjà prêt pour le geste suivant et que là, y’a un blocage parce que Lòng a interrompu l’truc.

« J’me suis fait de la thune—» qu’iel explique, donnant un léger coup avec le côté de sa tête dans celle de son pote, heureusement les bords du masque ne font pas contact, sinon ça serait moins agréable. Hey, un petit coup de tête c’est une façon de témoigner de l’affection ou une connerie du style. Mae est pas habile avec les contacts, et ignore totalement ce qu’iel essaye de communiquer. Dégage ou je t’aime bien sont des émotions super semblables, voyez-vous.

« Bossé avec un mec trop beau—et des cadavres. Moins beaux, mais mon taf c’était de retirer les insectes un à un des corps. C’était trop bien, j’pouvais même les garder après ! »