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Période du rp : Givre
Autour du camp des peaux-rouges, tout le paysage était couvert de givre. C'était beau en un sens, magnifique même, le genre de décor qui vous coupe le souffle – aussi bien littéralement que métaphoriquement. Loin derrière les tipis, derrière le grand feu – brûlant sans cesse – et l'agitation du camp d’entraînement, se trouvait une sorte de chemin qui serpentait dans les différents lieux avant d'arriver vers les autres camps, ceux que les « indiens » avaient abandonnés pour trouver refuge ici, chez les Piccaninny.
Grumpy n'avait pas grand chose à faire de toutes ces informations, pas plus que de la beauté du paysage. Lorsqu'il s'agissait de voyager – ce qu'il ne faisait jamais de gaieté de cœur – le chef des Artisans n'aimait pas s'émerveiller devant les beautés de la nature. Non. Parce que la nature était une putain de tueuse ! D'abord il y avait le froid – bien sûr – le vent, la neige, la brume, les bêtes, les congères, les ornières, les cailloux – oui, même les cailloux.
Le dehors c'était la mort, il l'avait rapidement compris. Qui mourrait au Grand Arbre ? Ceux qui allaient dehors. Qui se faisait tuer par les pirates ? Ceux qui allaient dehors. Qui se noyait ? Oui vous avez deviné... encore et toujours ceux qui allaient dehors.
Sortir c'était mourir, point. D'ailleurs ça rimait... coïncidence ? Grumpy ne croyait pas. Et pourtant il croyait à beaucoup, beaucoup de choses.
Pourquoi était-il dehors en ce cas ? Me demanderez-vous ? Et bien je pourrais répondre que ça ne vous regarde pas vraiment, que vous pouvez ranger votre longue vue et allumer la télé ; mais puisque vous faites l'effort de lire – et peut-être même d'apprécier, qui sait ? – je dirai plutôt ceci :
Le camp se dégarnissait petit à petit. Les uns tombaient malade, les autres patrouillaient aux alentours pour protéger les plus faibles : on manquait de main d’œuvre. Combien de morts déjà ? Beaucoup trop (et vous savez pourquoi, inutile de faire un rappel). Du coup lorsqu'on avait besoin d'explorateurs, on devait bien aller chercher dans le premier venu, plus le choix. Faute de grives on mangeait des merles et les merles – dans notre cas – prenaient la forme d'un chef des Artisans et d'une petite Mère apprentie des sentinelles. L'un était malade et fatigué – mais refusait catégoriquement de le reconnaître, préférant probablement contaminer l'ensemble des survivants avant de partir en quarantaine – l'autre avait la goutte au nez et n'avait pas vraiment marqué l'esprit de Grumpy. Personne ne pouvait plus le marquer de toute façon. A part Pit. Et Peter bien sûr. Un peu Mirka peut-être. Et Cyber. Et Méteor. Et Virgule. Et Caroline. Et Clover. – même s'il préférait crever que de l'avouer.
Tant de monde... il était temps de se reprendre. On ne vit pas en gardant les gens près de son cœur.
Le duo – très mal assorti peut-être – devait se rendre dans l'ancienne zone Delaware pour prendre des nouvelles d'un groupe qui n'avait jamais atteint le refuge. Grumpy avait répondu qu'ils étaient probablement morts et que ça ne servait à rien de se mettre en danger pour si peu mais, apparemment, il valait mieux vérifier. Dans le doute.
Doute son cul... ça prenait plus la forme d'un « bon débarras », du moins c'est ce que se répétait son esprit paranoïaque. Ah maintenant qu'il avait aidé pour le matériel et certaines structures il n'était plus qu'une bouche à nourrir ! Il essayait de se rendre utile pourtant, ce n'était pas juste !
D'après ce qu'il avait pu comprendre la Mère était un sacré boulet aussi, dans son genre. L'information validait sa théorie : tout le monde se fichait bien du groupe disparu, on voulait juste se débarrasser des brebis galeuses et on trouvait une excuse.
Était-ce vrai ? Qui sait ? Pas nous en tout cas.
Puisqu'il n'avait pas le choix, Grumpy s'était montré prudent et prévoyant, comme toujours. Le dehors était dangereux et incertain, il fallait une bonne dose de préparation pour espérer s'en tirer. Il s'en faisait un devoir, voyez-vous ? Ah on le pensait faible et inutile ? Et bien il leur montrerait le contraire !
Avec ses poumons percés ? Sa fièvre ? Ce sang dans sa bouche ? Son incapacité à combattre ? Son manque d'endurance ? Son absence d'esprit d'équipe ?
Oui certes, il avait quelques handicaps mais il y arriverait : pour le plaisir de contredire et parce qu'il avait décidé qu'il y parviendrait.
Même si c'était sa dernière sortie avant la mise en quarantaine.
Même s'il y laissait un autre petit bout de lui.
Le Mal-léché oui, mais l'obstiné aussi.
Il avait préparé deux sacs : un pour lui, un pour elle. Les sacs en question venaient des raccommodeurs et contenaient des couvertures, du matériel de base pour la cuisine – même si le camp n'était pas si loin – quelques onguents demandés aux soigneurs mais aussi, et surtout, quelques inventions de son cru.
De la corde (toujours)
Deux briquets à amadou (construits par ses soins, après beaucoup de travail)
Deux petites lanternes à combustion chimique (pensées par un autre mais réalisées par lui, évidemment)
Sa dernière trouvaille : des chaufferettes à l'ancienne, en métal mais réduites au minimum pour pouvoir être glissées dans les gants et les chaussures une fois chargées près du feu. C'était la première fois qu'il les testait et il espérait avoir suffisamment travaillé la structure de l'objet pour éviter qu'il ne brûle la peau et le tissu.
Deux sifflets en bois : pour se retrouver en cas de tempête.
Deux petits portes bonheurs sculptés : un ourson pour lui et un lièvre pour elle ; parce que le lièvre portait chance.
Puis ils étaient partis. Il y a un moment déjà, même s'ils ne pouvaient pas quantifier. Sans surprise - à ce moment-là - le Mal-Léché n'avait pas fait les présentations ni demandé son nom à la Mère, la rejoignant simplement à la sortie du campement pour lui jeter le sac dans les mains et commencer son voyage.
Comme il n'avait pas beaucoup de force – et qu'il n'était pas bien – le sac n'avait pas atterri dans les bras mais par terre. Il avait voulu s'excuser mais impossible d'oser.
Juste un rougissement et un regard qui se détourne pour regarder par terre. Pas dans les yeux.
Il ne savait même pas à quoi elle ressemblait. Et ne lui adressa pas un mot du voyage.
Autour du camp des peaux-rouges, tout le paysage était couvert de givre. C'était beau en un sens, magnifique même, le genre de décor qui vous coupe le souffle – aussi bien littéralement que métaphoriquement. Loin derrière les tipis, derrière le grand feu des Delaware qui ne brûlait plus, le silence régnait.
Ils étaient arrivés et Grumpy ne voyait pas le beauté du paysage ou la sérénité des lieux.
On ne voyait que la mort.
Et elle sentait terriblement fort, même à travers l'écharpe.
Et elle était terriblement laide, même à travers les larmes.
Sans surprise il n'y avait pas de groupe à sauver.
Il n'y avait plus de groupe à sauver.