A chaque fois que Freckles et Nasty se quittent, c’est en de mauvais termes. Souvent c’est de sa faute à lui, puisque c’est lui qui s’en va sous le coup de la colère, mais il dira bien sûr que c’est sa faute à elle, puisqu’elle fait tout pour le faire partir.
Quand on les a envoyés en mission - encore - il a un peu espéré qu’elle trouve une excuse et se fasse remplacer, par courtoisie quoi, puisque lui ne peut pas faire ce genre de trucs. Mais non. Elle est venue. Alors Freckles a décidé qu’il allait faire en sorte que ça se passe bien. Il va pas s’énerver, il va pas se laisser faire et … on verra bien.
Le trajet jusqu’au rivage se fait sans encombres en tout cas. Tous les déplacements sont bien plus rapides et moins fatiguants quand on ne traverse pas des mètres de neige. La barque est bien là, comme les éclaireurs ont promis. Quand ils arrivent à son niveau, Freckles pose son pied à l’intérieur pour estimer l’état du truc. Il en conclut que ça flotte. Une paire de rames les attend sagement à l’intérieur, une corde enroulée à côté. Au large, il devine les atolls derrière une nappe de brume matinale s’il plisse un peu les yeux.

« Tu sais nager au moins ? »

Il s’est tourné vers Nasty pour lui demander ça. Il voulait que ce soit une question normale, mais de toute évidence il sait plus faire. Comme s’il s’attendait tellement à la prochaine attaque verbale de l’artisane qu’il prenait de l’avance sur elle, instinctivement.
Quelle merde.

You told me
Nobody likes an angry woman
I always say the things I shouldn't
Oh what a shame my tongue's not tied
You can do whatever you want
I'll do whatever I like

En général, j'emmerde les missions. Je préfère qu'on me colle au mitard plutôt que de faire des trucs stupides pour le plaisir macabre d'un petit con tyrannique. Sauf que là, l'objet de l'expédition m'a titillée l'intérêt.

Pan a égaré sa Plume Rouge.

Et magique ou pas, cette plume est un symbole de pouvoir. Si j'obtiens cette saloperie, on aura peut-être un moyen de pression sur le petit dictateur. Par contre, je dois avouer que Bow a le sens de l'humour. Sur les rares équipées que j'ai faites, il faut toujours qui me colle avec Freckles.

Ah... Freckles !
Le roi des débilos.
Le cliché du rouquemoute.
Le mec que je fous en pelote sans même le faire exprès que ça en devient ennuyeux.
On ne s'est pas recausé depuis notre charmant échange sur la Mort, le Passé et L'Identité. Des thème trop vastes à appréhender pour son petit cerveau de ravi de la crèche. Je me demande si il a oublié la bridée pour qui il en pinçait. Moi, j'ai le vague souvenir qu'elle était ma cheffe. Mais, bon... Des chef d'Artisans il en pleut tous les semestres. Faut croire que le poste est maudit.

Quoi qu'il en soit, bâton ceinturé à la poitrine, sac dans le dos et ceinture garnie de mon boxon usuel, je marche à grandes enjambées, tout en fumant une clope. Le mutisme est mutuel. Je sens l'autre abruti tendu comme un slip, attendant le scud que je pourrais lui lancer, sauf que j'ai pas la moelle d'être chiante, today.
J'ai maigri.
Je suis fatiguée.
Je suis hantée.
Dans ma caboche les vieilles blessures s'ouvrent et suppurent : Love, Wrath... Elle.
Je tiens avec les nerfs. La rage que m'insuffle la Révolte est le seul fil qui me retient.

Quand la mer s'offre au regard, limpide, bleue et tranquille, j'ai un moment d'arrêt. Je regarde l'horizon en me demandant jusqu'où il va.

Nulle part.
Tu n'as plus d'Ombre.
Tu n'es plus qu'un mirage d'être humain.

- Tu sais nager au moins ?

Je regarde Freckles en me souvenant qu'il est là. L'espace d'un instant, trop fugace pour son esprit étriqué, j'ai dû paraitre fragile. Perdue. Mais le moment est passé, heureusement.

- Tu découvriras ça quand t'essaieras d'me noyer... Sourire cynique. Si t'y parviens.

Je pousse la barque qui glisse sur le sable pour la foutre à l'eau.

- Le dernier embarqué ramera tout seul comme un trouduc ! Je saute dans la barque une fois  dérivant sur les vagues et me tourne vers le chef des livreurs, le sourire requin. Trouduc.

Nasty ne le regarde même pas. Elle a les yeux fixés sur la mer avec une expression que Freckles qualifierait de neutre, faute de savoir interpréter ce genre de trucs. Mais quand il pose sa question, elle se tourne vers lui avec un sale sourire mordant, familier autant que déplaisant.

« Tu découvriras ça quand t'essaieras d'me noyer… Si t'y parviens. »

Il fronce les sourcils.

« C’est pas marrant. »

La vérité, s’il a posé la question, c’est juste pour savoir s’il va devoir la repêcher si elle tombe de leur barque de merde.
Des souvenirs plus ou moins vivaces de la pluie, l’île inondée, de gosses noyés à la pelle.
Ça remonte mais quand même.

C’était pas marrant.

La barque glisse dans le sable sous la semelle de l’artisane, finit à l’eau presque sans un remous.

« Le dernier embarqué ramera tout seul comme un trouduc ! » Déjà dans la barque, elle lui sourit de nouveau. « Trouduc. »

Il jette un œil aux bras tous maigres de Nasty et leve un sourcil, l’air de dire qu’il pensait pas une seule seconde que ce serait elle qui ramerait de toutes façons. Si on leur avait filé une deuxième paire elle aurait pu faire semblant, mais là non. Vu qu’il s’est promis de pas être méchant (déjà raté mais bon), il ravale une remarque et il hausse juste les épaules avant de monter dans la barque à son tour, un pied après l’autre. Le bois tangue sous ses pieds. Il commence à avoir l’habitude, mais quand même, l’équilibre et lui ça fait douze.

« Ouais bah tu rameras au retour », il marmonne sans le penser une seule seconde.

Il s’y met, du coup. Il est assis à l’arrière, face à la mer, et Nasty en face de lui. La barque décolle doucement du bord, ils prennent le large à chaque coup de rame. La réalisation lui tombe dessus comme une brique : il est coincé dans ce tête à tête sans porte de sortie jusqu’à ce qu’ils arrivent sur un des atolls. Et d’ailleurs…

« On sait pas trop sur quelle Île chercher … alors euh … » Il s'efforce de pas regarder Nasty directement, plutôt un point un peu à sa gauche. « Faudra décider quand on sera plus près. »

Peut-être que ça leur viendra quand ils auront les atolls en vue. A l’instinct. Quelque chose comme ça.

Le roux a l'humour chafouin.
Pauvre petit rouquin.
Y veut un câlin ?
Un nouveau patin ?
Je sens qu'il va me ouiouiner sur les godasses tout le trajet, ça me donne encore plus envie de le titiller.

- Ouais bah tu rameras au retour.
- Et me priver d' la perspective d'te voir suer comme une porcasse ? Compte là-dessus et active-toi du mulet. J'étends mes longues jambe devant moi et les croise, le privant du peu de place pour les siennes. D'ailleurs, t'essaie d'fou't quoi avec c't'excroissance capillaire ? Te transformer en écureuil ?... Oh j'sais, c'est une sorte d'hommage à ta pote disparue. Tu portes le deuil ou un truc comme ça, en t'laissant pousser une queue! Tu t'souviens d'elle où c'est déjà gommé ? Que je questionne nonchalamment.

Je jette un oeil dans mon dos, par dessus mon épaule. Les Atolls se dessinent sur un horizon bleu lagon. J'imagine qu'on a pas de carte du bousin ou même une indication de direction. Les missions du tyran en lycra sont toujours tellement floues. On pourrait résumer par : "Allez crever par là bas pour mon bon vouloir."

- On sait pas trop sur quelle Île chercher … alors euh … Faudra décider quand on sera plus près.
- Genre... en décidant à "plouf-plouf" ?

J'éclate de rire et me laisse aller en arrière avec un soupir.

- AAAAaaah... Pas de plans, pas d'instructions précises, pas de carte... Juste un "on se démerdera sur place." T'es un chef du tonnerre, mec. Champion ! C'est miraculeux qu'on arrive à récolter des trucs...

Je le regarde avec un sourire presque affectueux.

- J't'envie d'avoir la caboche aussi vide...

La mienne est beaucoup trop pleine...

Nasty s’étale dans la barque, presque jusque là où Freckles est assis. Il sait bien qu’elle le fait exprès et décide de refuser de se pousser, faisant juste semblant de ne pas le voir, ce qui a pour seul effet que leurs jambes sont un peu enchevêtrées. C’est pas très confortable et aucun d’entre eux ne fera en sorte que ça aille mieux.

« Et me priver d' la perspective d'te voir suer comme une porcasse ? Compte là-dessus et active-toi du mulet. » D’instinct, il passe une main dans les cheveux qui couvrent sa nuque. « D'ailleurs, t'essaie d'fou't quoi avec c't'excroissance capillaire ? Te transformer en écureuil ?... Oh j'sais, c'est une sorte d'hommage à ta pote disparue. Tu portes le deuil ou un truc comme ça, en t'laissant pousser une queue! Tu t'souviens d'elle où c'est déjà gommé ? »

Grimace. Freckles s’est fait à l’idée que c’était une immense erreur de se confier à Nasty, et dès qu’il y repense, c’est avec beaucoup d’embarras. Mais c’est fait. C’est trop tard. Maintenant, il s’agit juste de plus lui montrer quoi que ce soit de ce qu’il lui a montré ce jour là.
Du coup il sourit aussi, même si c’est sans doute moins convaincant.

« Ouais je me souviens d'elle. Mais t’as qu’à redemander la prochaine fois, on sait jamais. »

Il a une petite consolation à se dire que Nasty ne saura jamais que son ancienne cheffe, il l’a vue y a pas si longtemps que ça. Et qu’il compte la revoir encore. Ce qui paraitra aux autres une exception pour son cerveau bercé par l’Oubli, pour lui ce sera juste une évidence. On oublie pas les gens qui sont encore dans notre vie. Aussi rapidement que possible, il s’attache le haut des cheveux en une genre de petite couette avec un élastique passé autour de son poignet. C’est ce qu’il fait souvent, ces temps-ci, pour pas les avoir dans la gueule. Là, il a juste oublié. D’ailleurs il a pas de réponse, pour l’autre question de Nasty : ses cheveux, il a envie de les couper depuis leur retour au Grand Arbre, ça lui tient chaud, c’est moche, ça l’emmerde. Juste pas de Mirka pour s’en occuper. Pas de Poncho ou de Pretty pour lui rappeler de le faire en se moquant gentiment. Il pourrait demander à Mirela, mais elle a plein de trucs à faire.
Bref.

En tout cas l’autre conne a l’air de trouver ses instructions hilarantes.

« Genre... en décidant à "plouf-plouf" ? »

(Qu’est ce qu’il peut détester ça quand elle se marre.)

« AAAAaaah... Pas de plans, pas d'instructions précises, pas de carte... Juste un "on se démerdera sur place." T'es un chef du tonnerre, mec. Champion ! C'est miraculeux qu'on arrive à récolter des trucs… J't'envie d'avoir la caboche aussi vide... »

Et puis elle le regarde avec un grand sourire méchant, comme dans l'attente d'une réponse. Freckles hausse les épaules.

« Un grand coup de rame sur le crâne ? », il suggère.

Il se surprend à en rêver. Bam. Gros coup de latte dans la gueule qui reconfigurerait le cerveau de Nasty pour la rendre aussi débile qu’elle le souhaite. Peut-être que ça lui débloquera le gène de la gentillesse. Ça se trouve il est enfoui quelque part.

« On la trouvera pas cette plume », il assène un peu brutalement. « Personne l’a vue s’envoler. On a pas d’indice. » Il rame un peu plus vite, comme s’il s’échauffait en même temps que son explication. « Le plan, c’est qu’on y aille, on choisit une île, on explore et on trouve quelque chose d’autre à ramener d’assez intéressant pour que ce soit pas grave. »

Et puis il s’arrête presque de ramer, fixant Nasty avec un regard noir.

« Ça te va ? » il demande, mais à vrai dire, il se fout un peu de la réponse.

-Ouais je me souviens d'elle. Mais t’as qu’à redemander la prochaine fois, on sait jamais.
- Promis, et on jouera même au memory !  Chuis sûre de gagner... Sourire de connasse, émail diamant sur lèvres noires.

Freckles me déballe son "plan de mission". Evidemment, je le trouve à chier. Comment pourrait-il en être autrement ? Le dude me le fait à l'arrache et cousu de fil blanc. On a pas le cul sorti des ronces.

-...J't'envie d'avoir la caboche aussi vide...
- Un grand coup de rame sur le crâne ?

Je ricane à nouveau.

- T'en meurs d'envie, avoue ?

Il a pas déjà dit qu'il aimerait m'voir morte, lui ? Pratiquement sûre que oui, mais je ne suis plus bien certaine des circonstances, juste que ça pince en dedans quand j'y pense. Je soupire fort. Parfois, j'aimerais être conne et dépourvue d'empathie. La vie serait bien plus simple, vraiment.
Accoudée sur le rebord, je regarde l'écume mousser.

- Essaie... Après tout, ptêt que si tu m'brises le crâne, mon trop plein d'pensées pourra un peu s'échapper et laisser respirer mon cerveau.

Après tout, on est dans le pays de l'Imagination et des téléteubés. Qu'est-ce qui pourrait m'arriver de pire qu'une trépanation à la rame ?

- On la trouvera pas cette plume.

Je tourne la tête vers Freckles avec des yeux ronds.

- Personne l’a vue s’envoler. On a pas d’indice.

Attends. Attends.... Est-ce que ce ne serais pas.... ?

- Le plan, c’est qu’on y aille, on choisit une île, on explore et on trouve quelque chose d’autre à ramener d’assez intéressant pour que ce soit pas grave. Ça te va ?

Un éclair de lucidité.
Oui mesdames et messieurs, public invisible du grand nulle part, afficionados éthérés des retournements de situation improbables ! FRECKLES LE LIONCEAU SE MONTRE LUCIDE SUR LA SITUATION !
Incroyable.

- Wow... Wooow! Mec ! C'est quand j'attends vraiment rien de toi que t'arrives l'plus à m'surprendre. Je porte une main théâtrale à ma poitrine. Bordel, que d'émotions. Faut que mon coeur s'remette d'un discours aussi sensé et clairvoyant dans ta bouche.

Mon rire est, sur ce coup, bien moins grinçant et franchement plus naturel. J'irais pas jusqu'à complice, mais disons, que je nous sens enfin sur le même terrain de compréhension.

- Oui, ça m'va. Je lui laisse de la place pour ses jambes, pour le bonus d'intelligence. Il a bien le droit à cette récompense modeste pour ce bref moment de perspicacité. Un silence. ... Si tu sais qu'tout ça c'est du bullshit pour brosser le King dans l'sens du poil, pourquoi t'accepte d'le faire ? Pourquoi tu dis juste pas "On a aucun indice et 99% de chance de pas la trouver. Pourquoi on irait risquer not' couenne pour rien dans une mission d'exploration dangereuse ?" que je demande avec une sincère curiosité.

Je le regarde, penchée en avant, accoudée sur mes genoux.

- Comme elle va, Nuala, au fait ?

Quand il la voit ouvrir des yeux ronds, puis son expression s’adoucir, Freckles sait qu’il a dit quelque chose qu’il aurait pas dû. Il lui faut juste plusieurs secondes pour réaliser quoi.

« Wow... Wooow! Mec ! C'est quand j'attends vraiment rien de toi que t'arrives l'plus à m'surprendre. Bordel, que d'émotions. Faut que mon cœur s'remette d'un discours aussi sensé et clairvoyant dans ta bouche. »

Et alors qu’il regarde Nasty d’un air un peu interdit, un peu fautif, ça lui vient : c’est la première fois qu’il part en mission sans vouloir la réussir. Ou en tout cas sans être convaincu qu’il en est capable. Il l’a même pas fait exprès. Il sait juste intimement, à ce moment, qu’il aurait pas du le dire à haute voix, maintenant que l’artisane a entendu ça c’est trop tard, elle va s’y accrocher comme un parasite.

« Oui, ça m'va », finit par dire Nasty, qui ne va évidement pas en rester là. « ... Si tu sais qu'tout ça c'est du bullshit pour brosser le King dans l'sens du poil, pourquoi t'accepte d'le faire ? Pourquoi tu dis juste pas "On a aucun indice et 99% de chance de pas la trouver. Pourquoi on irait risquer not' couenne pour rien dans une mission d'exploration dangereuse ?"  »

Freckles souffle avec exaspération.

« T’es con ou quoi ? Tu sais très bien que je peux pas dire ça. »

Là encore, mauvaise réponse. Mauvaise formulation. Bref.

« Et puis c’est pas du bullshit », il s’empresse de rajouter avec véhémence. « C’est important pour de vrai cette mission. On va vraiment essayer de la retrouver, je voulais pas dire que- »

Il s’emmêle. Il retro-pédale. Il s’enfonce. Il sait que ça passera jamais. Bref.
Presque gracieusement, Nasty lui offre une porte de sortie :

« Comme elle va, Nuala, au fait ? »

Trop heureux de changer de sujet, Freckles se remet à ramer à vitesse normale.

« Elle va bien. »

Il repense à la dernière fois, et le rapport presque affectueux que l’artisane avait avec sa petite lionne. Il a l’impression que ça fait une éternité.

« T’as qu’à venir la voir toi-même au lieu de rester enfermée dans ta forge toute la journée. »

Après tout il est presque sûr que Nuwala aime bien Nasty puisqu’elle fait à peu près tout ce qui est possible pour le contrarier.

- T’es con ou quoi ? Tu sais très bien que je peux pas dire ça.
- Ooooh, vraiment ? Et pourquoiiii ? fais-je en me délectant du bourbier dans lequel il s'est mis tout seul. Parce que Pan te couperait la langue ? Parce que t'es un bon chef et un bon chef ça ferme sa gueule et ça baisse son fute si l'grand Manitou lui dit d'se fout' une plume dans l'cul ? Azy, dis-moi, chuis toute ouïe....
- Et puis c’est pas du bullshit ! C’est important pour de vrai cette mission. On va vraiment essayer de la retrouver, je voulais pas dire que-
- ... Que les caprices du roi font chier, surtout quand ils sont complétement irréalisables. Qu'il est quand même gonflé de nous imposer ce genre de corvée débile après tout ce qu'on a pu subir à cause de lui... Grimace amusée, je fronce le nez. J'lui dirais pas vaaaaa, qu'tu crois plus vraiment en lui. Ce s'ra no't p'ti secret... que je ponctue d'un clin d'oeil.

Sourire de connivence, de complicité qu'il doit trouver crasseuse. J'ai envie qu'il se sente sale : c'est ça ton paradoxe mon gars. Tu peux plus jouer au couillon comme avant. Un truc en toi c'est pété, comme nous tous, après une énième déception, un énième mensonge, une énième saison à survivre aux excès du Pan et le sentiment de s'être fait baiser dans les grandes largeurs.... Tes convictions en ont pris un coup et ça se voit.

Moi, je te vois, Freckles.

- Comme elle va, Nuwala, au fait ?
- T’as qu’à venir la voir toi-même au lieu de rester enfermée dans ta forge toute la journée.

J'émets un petit ricanement en haussant un sourcil.

- Je travaille la nuit, dude. La journée j'pionce, parce qu'la journée s'est réservé aux armuriers... C'est ta copine chef qu'a disparu qui m'avait négocié ça... Rien qu'pour ça, elle vaut mieux qu'les deux traine-savates qui lui ont succédée. Un gros soupir.  Je pose sur ce grand couillon un regard sincère. C'bien qu'tu t'en souviennes. Les gens qu'on aime, faut pas les oublier.

Petit silence bercé par ses moulinets cadencés dans la flotte.
Est-ce que je serais oubliée quand j'me serais faite exploser la gueule pendant la Révolution ? Probable.

- T'as d'au't gens qu't'aimes au point de jamais vouloir qu'l'Oubli les efface ?

C'est demandé sur le ton de la conversation et sans la moindre volonté de me foutre de sa gueule. Je suis curieuse, c'est tout.
Oui, puis bon, on a pas cinquante mille choses à foutre en attendant d'atteindre une de ces  iles de chiottes.

« ... Que les caprices du roi font chier, surtout quand ils sont complétement irréalisables. Qu'il est quand même gonflé de nous imposer ce genre de corvée débile après tout ce qu'on a pu subir à cause de lui… J'lui dirais pas vaaaaa, qu'tu crois plus vraiment en lui. Ce s'ra no't p'ti secret... »

Les deux perdus se dévisagent dans un silence brisé par les clapotis des vagues qui s'écrasent contre le bois de la barque. Freckles se concentre sur les rames dans ses mains, la résistance de l’eau qu’il ressent dans ses bras, tout ça pour essayer de toutes ses forces de ne pas être affecté par l'expression de Nasty, qu'il interprète comme quelque chose qui ressemble à de la pitié.
Ou pire, de la compréhension.
Il voudrait rétorquer direct, soupirer, l'insulter, dire quelque chose, mais il sait que c'est trop tard. Il sait qu'elle sait qu'il sait. Quelque chose comme ça. Qu’elle sait que oui, quelque chose ne va pas depuis qu'ils sont rentrés, et même depuis avant. Mais quand quelque chose ne va pas, Freckles se démerde pour qu'en fait, ça aille. Et Nasty, ça, elle le comprend pas, pas vrai ?

Alors il contente de se fermer et de continuer à ramer, les sourcils froncés.

« Je travaille la nuit, dude. La journée j'pionce, parce qu'la journée s'est réservé aux armuriers... C'est ta copine chef qu'a disparu qui m'avait négocié ça... Rien qu'pour ça, elle vaut mieux qu'les deux traine-savates qui lui ont succédée. »
« Mh. »
« C'bien qu'tu t'en souviennes. Les gens qu'on aime, faut pas les oublier. »
« Mh. »

Il jette un coup d’oeil derrière l’épaule de Nasty pour aviser leur proximité aux ilots. Encore trop loin à son goût.

« T'as d'au't gens qu't'aimes au point de jamais vouloir qu'l'Oubli les efface ? »

Cette fois il tique, il cligne des yeux, surpris par la question, ou peut-être par la sincérité candide de celle-ci, mais rétorque :

« Tu me demandes quoi, là ? La liste de mes meilleurs potes ? »

Son sourire un peu incrédule s’efface aussi vite qu’il est arrivé.

« Je vois pas pourquoi je te dirais. Quand je t’ai parlé d’Harmony tu t’es foutu de ma gueule et tu passes ton temps à me le rappeler. »

Y a de ça, oui. Faire une confession intime à Nasty c’est pas loin d’une forme de masochisme. Et puis l’autre problème qu’il découvre dès qu’il s’y penche un peu trop, c’est qu’essayer de faire cette liste mentalement lui donne un genre de vertige. Il pourrait essayer. Non ? Il pourrait faire la liste des gens qu'il aime pour de vrai, ça devrait pourtant être simple. Lace ? Just ? Geyser ? Mud ? Peut-être même Apache. Rien que de penser à dire ces noms à haute voix fait chauffer les joues de Freckles, comme s’il avait pas trop le droit d’admettre qu’il tient à ses potes sans qu’on se foute immédiatement de sa gueule.
Et le pire c’est que c’est pas seulement parce que son interlocutrice est Nasty.

« En plus on peut pas savoir ce genre de trucs en avance, c'est ça le problème, non ? L'Oubli, c'est pas juste pour les gens que t'aimes pas. »

Il a du mal lui-même à comprendre le processus, il sait juste que c'est plus compliqué que ça. Que d'ailleurs, des gens qu'il a aimé, il en a oublié plein. Il se rappelle du regard décomposé de Rainbow l'accusant d'avoir oublié son ancienne mère (comment elle s'appelait ?), et même les circonstances de cette engueulade sont en train de s'effacer de son esprit.
Pourtant c'était important, non ?

« Toi t’oublies rien hein », il marmonne, décochant un regard un peu noir à Nasty, sans bien savoir pourquoi.

- Tu me demandes quoi, là ? La liste de mes meilleurs potes ?

Merde, pour une fois que j'étais sincère et vraiment pas moqueuse. Le gars se confit dans son vinaigre. Quel putain de cornichon !

- Je vois pas pourquoi je te dirais. Quand je t’ai parlé d’Harmony tu t’es foutu de ma gueule et tu passes ton temps à me le rappeler.
- Je.... Je le regarde interdite. Pas au point d'être choquée, mais quand même. J'me suis pas foutue d'ta gueule... enfin j'crois pas ! Enfin, pt'êt, 'me suis pas rendue compte. A force les insultes c'est les premiers mots qui m'viennent au naturel, même quand j'les pense pas. Mais j'me souviens qu'on en a parlé longuement et même qu'c'était la première fois qu'j'avais une vraie discussion avec toi et c'était intérréssant. Alors ouais, j'm'exprime avec l'cul, mais j't'assure Freckles que j'voulais pas t'faire d'la peine. Pas avec... ce genre de sujet.

Je regarde le fond de l'eau, un peu chose.

- Harmony... J'me souvenais plus de son prénom.

Pourquoi j'oublie ça et pas l'horreur d'un Pit qui s'auto-mutile, ou le baiser brûlant de Lacerate ? Pourquoi, j'ai encore des bribes du Placard dans la tête et les échos de voix de ma mère alors que j'ai plus aucune idée de la personne qui m'a enseigné à être souffleuse de verre ?
L'Oubli se marre bien avec ma cervelle. Il me laisse aucun de mes souvenirs heureux.

- En plus on peut pas savoir ce genre de trucs en avance, c'est ça le problème, non ? L'Oubli, c'est pas juste pour les gens que t'aimes pas...Toi t’oublies rien hein.
- Pourtant... ça serait bien. Des fois, de plus avoir conscience de tout ça.... Expression un peu douloureuse. J'aimerais dormir d'temps en temps. Haussement d'épaules fataliste. Mais la verité, une fois qu'tu l'as vue, tu peux plus la dévoir... Elle te colle au ciboulot façon chewing-gum. Toi, t'as commencé à voir, et ça t'fout la trouille. Mais ça ira, j't'assure. c'est important que tu commences à comprendre ce que tout ça a de pourri...

Il se serait jamais attendu à la réaction de Nasty, à ce regard aux yeux ronds, et encore moins à ce qu’elle lui sort ensuite.

« Je.… J'me suis pas foutue d'ta gueule... enfin j'crois pas ! Enfin, pt'êt, 'me suis pas rendue compte. A force les insultes c'est les premiers mots qui m'viennent au naturel, même quand j'les pense pas. Mais j'me souviens qu'on en a parlé longuement et même qu'c'était la première fois qu'j'avais une vraie discussion avec toi et c'était intéressant. Alors ouais, j'm'exprime avec l'cul, mais j't'assure Freckles que j'voulais pas t'faire d'la peine. Pas avec... ce genre de sujet. »

Pas narquoise, pas moqueuse, pas méchante, dégoulinante de sincérité en fait, et Freckles doit avoir tout l’air d’un poisson hors de l’eau pendant un instant, à ouvrir et refermer la bouche sans savoir quoi dire.
Pourtant quand il y pense, la sincérité, c’est plutôt le truc de Nasty.
C’est juste que d’habitude sa sincérité ressemble à tout autre chose.
Il se creuse la tête, vraiment, pour essayer de se rappeler de cet échange brulant dans le repaire de Just, cet espèce de moment de grâce entre eux, jusqu’à ce qu’elle dise le truc de trop. Il voudrait s’en rappeler mieux, pour être capable de savoir si c’est vrai. Si elle voulait vraiment pas lui faire de la peine.
(Freckles suppose que dès que Nasty lui dit quelque chose, c’est pour lui faire de la peine).

« Harmony... J'me souvenais plus de son prénom. »

Un temps où ils n’entendent que le clapotis de l’eau avant que Nasty enchaine sur l’Oubli.
La verité, une fois qu'tu l'as vue, tu peux plus la dévoir...

Le regard un peu pensif de Freckles se change en une grimace. Il sait toujours pas quoi répondre, mais pour d’autres raisons maintenant. C’est encore un truc qui coince avec Nasty ça, sa volonté de chercher les trucs sales et moches là où on veut les garder bien rangés.
Et pourtant …
...

« En fait c’est comme si Apache disparaissait, par exemple, et que toi, tu te rappelais de lui, mais que tout le monde autour de toi s’en foutait », il décide de dire subitement. « Genre, s’en foutait complètement. Bah c’était pareil. Et c’est même pas comme si je pouvais vraiment en vouloir aux autres, je suis sûr que je leur ai fait la même chose. »

Oublié des gens qui leur étaient chers, à eux. Il se tourne vers Nasty.

« C’est pour ça que je t’en ai parlé à toi, parce que t’étais la première personne à me demander, en fait. »

Pour se détourner presque direct.

« J’aurais pas du m’énerver et partir », il lâche, les yeux rivés sur l’eau. « C’était juste. Voilà. »

Voilà. Le truc de trop.
C’est ce dont Freckles est capable qui se rapproche le plus d’une excuse, tout comme la tirade de Nasty en était une.
Et à propos de rien, sans plus d’élaboration, il déclare :

« J’ai pas envie de changer. »

- En fait c’est comme si Apache disparaissait, par exemple, et que toi, tu te rappelais de lui, mais que tout le monde autour de toi s’en foutait. Genre, s’en foutait complètement. Bah c’était pareil. Et c’est même pas comme si je pouvais vraiment en vouloir aux autres, je suis sûr que je leur ai fait la même chose.
- Je comprends, que je dis doucement, sincèrement.

Parce que c'est vrai.
Je comprends.
Peut-être pas exactement pour Harmony, mais pour d'autres choses, pour cette masse de moutons aveugles qui sont si heureux de l'être, alors que toi, misérable borgne, tu peux plus dé-voir l'injustice systémique, la voracité du Grand Arbre, l'Ogre qu'est en réalité Peter...

- C’est pour ça que je t’en ai parlé à toi, parce que t’étais la première personne à me demander, en fait. Nos regards se croisent, comme un semblant de connivence, peu être même de reconnaissance. J’aurais pas du m’énerver et partir. C’était juste. Voilà.
- Je sais...

Je manque de tact à crever.

- Merci, que je souffle, presque gênée.

Parce que ouais, ça me touche ses excuses. J'ignore pourquoi j'y tiens à ce point, de sa part à lui en plus. Bizarre. Le soulagement est présent, malgré tout, et c'est une sensation si rare de nos jours, que je ne vais pas cracher dessus.

- J’ai pas envie de changer.
- Scoop : personne a envie. Mais la vie nous change malgré nous et quoi qu'tu fasses, t'as aucun contrôle sur ça. C'est ça p'têt ça l'pire dans tout c'bordel : c'est qu'avec l'éternité, l'Oubli, on s'croit à l'abri d'l'évolution. Mais on change. Un jour ou l'autre, ça bouge. Et c'est pas toi ou moi qui décidons d'ça.

Long silence.

- J'ai aucune prise sur mon existence. J'crois que ça date pas d'hier, ni de l'Île. Du coup, j'ai décidé qu'choisirais comment j'crèverais. Et j'le ferais à la Nasty, tu vois ? Avant d'grandir et d'perdre l'peu qu'y me reste d'illusions. C'est l'seul truc où j'ai à peu près l'pouvoir de décider....

Pour le reste, je subis, je m'accroche, je me bats.
Parce que c'est trop tard Freckles.
On ne retourne jamais en arrière.

- Hey, Frecks'... Viens on rentre. On s'barre de là... On aura qu'à dire qu'on a fait de notre mieux mais qu'y avait rien là bas. Sérieusement....

« Scoop : personne a envie. Mais la vie nous change malgré nous et quoi qu'tu fasses, t'as aucun contrôle sur ça. C'est ça p'têt ça l'pire dans tout c'bordel : c'est qu'avec l'éternité, l'Oubli, on s'croit à l'abri d'l'évolution. Mais on change. Un jour ou l'autre, ça bouge. Et c'est pas toi ou moi qui décidons d'ça. »

Freckles fait une petite moue, parce qu’elle a raison, même si ça lui plait pas.

« J'ai aucune prise sur mon existence. J'crois que ça date pas d'hier, ni de l'Île. Du coup, j'ai décidé qu'choisirais comment j'crèverais. Et j'le ferais à la Nasty, tu vois ? Avant d'grandir et d'perdre l'peu qu'y me reste d'illusions. C'est l'seul truc où j'ai à peu près l'pouvoir de décider.... »

Il la fixe d’un air un peu interloqué. C’est pas le genre de choses qu’on dit à la légère, ou qu’on dit tout court. C’est même pas quelque chose à laquelle on pense. Pour lui en tout cas. Il pensait que c’était Nasty qui était très forte pour lui délier la langue et lui faire dire des choses regrettables, mais peut-être que l’inverse est vrai.
Elle s’adoucit, soudain.

« Hey, Frecks'... Viens on rentre. On s'barre de là... On aura qu'à dire qu'on a fait de notre mieux mais qu'y avait rien là bas. Sérieusement.... »
« Arrête ... »

Il sent un genre de découragement le gagner, lui presser sur les épaules comme une nappe de plomb, rendre plus lourds ses bras qui tiennent les rames.
Il s’empêche juste à temps de lui dire, encore on peut pas. Elle penserait immédiatement que ça veut dire qu’il aimerait bien pouvoir.

« Je … On a ... »

Il s’interrompt et jette un regard sur le chemin qui leur reste à parcourir, jusqu’aux atolls. Et puis un autre, vers le rivage d’où ils viennent, qui paraît très très loin.

« Si tu veux vraiment », il dit. « On y retourne, je te laisse là bas, et tu fais ce que tu veux, et ensuite je reviens ici tout seul. Je dirais à l’Arbre que t’es venue avec moi, je promets. Mais je vais pas rentrer maintenant. Tu décides. »

- Arrête ...
- Arrête quoi ? C'est toi même qui l'a dit : " On la trouvera pas cette plume. Personne l’a vue s’envoler. On a pas d’indice." C'est bien tes mots , ça, nan ?
- Je … On a ...

Pendant une poignée de secondes, j'ai le sentiment qu'il va flancher, qu'il se rend compte que sa propre lucidité l'accule à un mur. Pendant ce court instant, je me dit qu'il va sortir de sa boite, penser en dehors des cases.
Je me dis que Freckles sera enfin lui-même.

- Si tu veux vraiment....

Mais non.
Le soufflet retombe, dégonflé. Plat.

- On y retourne, je te laisse là bas, et tu fais ce que tu veux, et ensuite je reviens ici tout seul. Je dirais à l’Arbre que t’es venue avec moi, je promets. Mais je vais pas rentrer maintenant. Tu décides.

Je soupire fort et roule fort des yeux dans mes orbites.

-  Putaaaaaaaaaaain ! Mais c'est complétement con ! Sérieux ! Chais qu'le temps existe pas ici, mais c'est pas une raison pour nous l'faire perdre, hein !

Nouveau soupir, exagérément exaspéré, puis je viens poser un regard perçant sur lui.

- Y'a un truc qu' t'a fondamentalement pas compris sur moi, l'lionceau : je lâche rien, ni les gens, ni mes convictions. Dans cette chaudière de sous-marin, dans c'te supérette, dans la fourgonnette après, et dans cette casbah en os où tu t'es confié... C'est pas moi qui part.

Les seules fois où c'est arrivé, c'est qu'il n'y avait plus rien à faire que de lâcher l'affaire.

Quand Pit c'est auto-mutilé en riant comme un dément.
Quand Wrath m'a fait comprendre qu'il avait choisi d'être Orbleu.

Un sourire féroce s'épingle sur ma gueule.

- Tant qu'j'peux encore tenter d'te faire changer d'avis, j'essaierais. C'est comme ça ! J'abandonne jamais personne, mec !

C'est toujours l'inverse qui se produit.

Bien entendu, Freckles n’espère pas que Nasty dise oui. La plage est si lointaine maintenant qu’on pourrait avoir peur de la voir disparaitre derrière l’horizon. Mais il sait que la possibilité existe. Et que si elle veut rentrer, il a plus trop le choix. Intérieurement, il prie. Il essaie de faire en sorte que ça se voie pas trop.

« Putaaaaaaaaaaain ! » elle finit par lâcher. « Mais c'est complétement con ! Sérieux ! Chais qu'le temps existe pas ici, mais c'est pas une raison pour nous l'faire perdre, hein ! »

Elle le fixe avec ses yeux de glace.

« Y'a un truc qu' t'a fondamentalement pas compris sur moi, l'lionceau : je lâche rien, ni les gens, ni mes convictions. Dans cette chaudière de sous-marin, dans c'te supérette, dans la fourgonnette après, et dans cette casbah en os où tu t'es confié... C'est pas moi qui part. Tant qu'j'peux encore tenter d'te faire changer d'avis, j'essaierais. C'est comme ça ! J'abandonne jamais personne, mec ! »

Il cligne des yeux, un peu surpris de cette espèce de déclaration. Sous ces grands éclats dramatiques, il se trouve qu’elle ne ment même pas. Dans cette putain d’expédition qui peine à s’effacer de ses souvenirs, il retient Nasty comme une constante solide. Une constante chiante, mesquine, méchante, mais qui avait le mérite de toujours être là à faire les trucs qu’il fallait faire. Freckles s’est même reposé sur elle, dans cette espèce de bulle étrange, loin de tous ceux en qui il fait habituellement confiance.

« Okay. Compris. »

Il ne peut pas vraiment empêcher un sourire de frémir sur ses lèvres alors qu’il se remet à ramener, tourne un peu la tête pour que Nasty ne le remarque pas.

« Pt’être que c’est moi qui vais te faire changer d’avis », il ajoute avec une sorte de bonne humeur, même s’il y croit pas une seconde.

Un coup d’œil en arrière lui indique qu’ils n’ont plus que quelques minutes avant d’arriver sur le premier îlot, recouvert d’une espèce de jungle luxuriante à travers laquelle on ne voit rien.