Fuck that ! Do that shit ! Shoot that bitch !
Can you afford to blow this shit ? Are you that rich ?
Why you give a fuck if she dies ? Are you that bitch ?

La nuit est son amie.
Depuis le placard obscure à la voute étoilée de l'Ile, c'est là qu'elle a appris à être. Accroupis dans la mercerie déserte, elle achève d'enfoncer les bouts de verre dans le mannequin préféré de Pit, un truc déglingué, ramené du Rivage des Objets Echoués surement, ou figurait sa dernière création, affreusement criarde.  Sous le tissus, il n'y verrait que du feu et se planterait les paumes dessus. La perspective de cette vision sanglante est un bonheur. Elle a été patiente, consciencieuse et incroyablement appliquée.

Quand Nasty hait, elle le fait avec dextérité.

Pit est un connard. Jamais elle ne s'est sentie à ce point perdre ses moyens devant un autre. Rarement on l'a stressée au point qu'elle en éprouve le besoin de vomir.
Sauf...
Sauf.
Elle frissonne en fixant le dernier tesson. Malgré sa présence récente sur l'Île, l'Oubli a déjà effacé le visage inquiétant de sa mère. Il reste cependant la silhouette au brushing parfait, les ongles manucurés de rouge, les paroles glaçantes et le placard. "J... Tu te dois d'être respectable. Tu porte un nom illustre. Tu dois me faire honneur.  Souris. Souris et tais-toi. Porte cette jolie tenue, mets ce ruban dans tes cheveux. Voilà. Souris, sois polie, tu es une princesse. Personne n'attend rien d'autre de toi... Une princesse ne vomit pas sur le tulle de sa robe de bal. Vilaine fille. Tu as désobéis, tu sais ce qu'il se passe quand tu me désobéis..."
Placard.
Sans lumière, sans espoir. Conditionnement pour enfant indocile, imparfaite, décevante. Si décevante...
"J'ai peine à croire que je t'ai enfanté. Tu as si peu d'allure et de caractère, vraiment ! Arrête de pleurer ou je te fais adopter. Ton père ne le remarquera pas tu sais, si tu disparais, il est très occupé...... Sois sage et laisse-moi faire. Moi, je sais."
La gamine en pyjama hurle, terrifiée, appelle pour qu'on la sorte des ténèbres et doucement... doucement... doucement sèche ses larmes, habituée à l'obscurité si paisible, si calme, qui la rend invisible. Qui lisse l'onde de son vide.
"Maintenant que tu es calmée, on fera peut-être quelque chose de toi. Souris et tais-toi. Voilà. Tu vois que tout vas mieux quand tu cesses de t'agiter ? "

Nasty s’ébroue et chasse la voix affreuse, extirpée de sa mémoire.
Marrant, elle n' y avait pas pensé depuis un moment.

Tout ça c'est à cause de Pit. Le Joker a quelque chose de flippant. Ce sourire figé constamment, ses poupées  qui le rendent plus mort que vivant, qui fleurissent et froufroutent. C'est ce que sa mère a toujours fait d'elle. Un mannequin sur lequel coudre ses ambitions. C'est tout.
Le Panda sort discrètement de l'atelier des raccommodeurs, furtive comme une ombre. Quand soudain...

Une gamine.

Une blondinette mal fagotée avec un horrible ours en peluche tout dépiauté aux entournures. Elle pose ses grand yeux verts sur la souffleuse de verre en pleine fuite du lieu du crime. Vert radioactif.
Oh putain !
Nasty a presque arrêté de respirer. Un bref instant, elle a l'impression qu'une mauvaise conscience vient la hanter sous les trait d'un petit Pit en Mignature. Angoisse ! Une chance qu'elle ne soit pas superstitieuse. La gosse n'a pas l'air de sourire. Elle a même les yeux rougis au coin.
Fuck.
Que faire ?
A- Passer son chemin.
B- Intimider la petite pour qu'elle la boucle.
C- La faire disparaitre.
Chier...
A- Pas certain qu'il faille laisser passer un tel témoignage.
C- Galère. Un corps à transporter, de l'huile de coude pour l’enterrer...
.... Réponse B, j'imagine ?

- Hey, toi... Qu’est-ce que tu fous là en pleine nuit ? Je vais te ramener à ta Mère. viens.

Et Nasty de la prendre par le bras pour l'isoler dans un coin abrité des regards.

La Mercerie était en face, enfin, sur une branche opposée de l’observatoire du moment de Soap. Elle s’était un peu isolée, la nuit, elle avait dû prendre soin d’éviter les Sentinelles. Elle avait envie de prendre un peu de temps, pour pleurer un peu. Regardant cette cabane plus joyeuse que les autres de par ses couleurs, les tissus. Elle avait pourtant l’air si douce. Et la réalité était autre. L’Indifférente mettait de côté son surnom, laissant ses larmes couler. Elle avait pourtant voulu venger, devenant indifférente à sa mère, et lorsqu’elle était petite, étant gentille, se taisant, elle n’avait aidé personne. Des éléments étaient flous, l’Oubli avait dévoré ce qui se trouvait autour. Il ne restait à la Récolteuse, qu’une bulle. Celle qui entourait des scènes qui lui donnaient envie de pleurer aujourd’hui. Voyant ce que ça avait créé.

Finalement, elle décida de venir plus près, ça lui avait pris un peu de temps. Essuyant ce qui restait sur ses yeux. Ces derniers n’avaient plus que les coins rougis.

Eliott l’accompagnait, tout délabré qu’il était. Il était mort en même temps que sa moitié. Il payait pour cette moitié pourrie. Parce que Soap ne savait pas tout, mais elle voyait ce comportement si différent. Si. Faux. Un mensonge gravé sur le visage.

L’aîné ne lui souriait que pour mentir et dire que tout allait bien, des mots en miel doux. Maintenant, c’étaient des mots mielleux, et beaucoup trop sucré pour caché l’acide. C’était un sourire qui n’était pas là pour rassurer. Soap le savait, puisqu’elle avait vu ce gentil sourire. Ça n’avait rien de son frère. Ce n’était qu’une chose créée par sa faute et celle de sa mère. Cette dernière qui ne l’était que biologiquement.

L’Oubli dévorait ce visage, l’oubli dévorait les couleurs. Il ne restait que des scènes isolées, des bulles de savons.

Soap arriva face à l’entrée, elle ne savait pas ce qu’elle voulait y faire. Essayer de trouver un peu de son frère peut-être. Un reste, un cadavre caché sous les tissus.

Ses yeux s’agrandirent mais le reste du visage resta de marbre : une fille sortait. Et elle semblait vouloir être discrète.

D’un rapide coup d’œil, elle la vit plus grande qu’elle. Elle devait être plus âgée que Soap, un ou deux ans de plus.

Une dégaine un peu… rebelle peut-être, pour décrire.

Elle fronça légèrement les sourcils à la réplique envoyée.

- Pour qui tu te…

Coupée dans sa phrase, elle fut emportée dans un coin plus tranquille, à l’abri des possible Sentinelles qui rôdaient. Soap se demandait même si elle devrait se passer un peu de savon sur le bras en premier temps, sans doute pour se détacher et rester digne de son surnom.

- Et toi ? Tu fais quoi là ? En pleine nuit en plus.

Elle retournait la question, Soap restait de son air indifférent, fixant l’adolescente de ses yeux beaucoup trop verts. Eliott dans ses bras, les boutons lui servant d’yeux de la même couleur que sa maîtresse.

- T’es pas une stalkeuse bizarre au moins ?

La Récolteuse avait imaginé bon nombre de comportements déviants lorsqu’elle avait appris la vérité, et avait aussi ce souvenir dans une bulle, celui de quelqu’un qui suivait une autre personne.

- T’es pas une stalkeuse bizarre au moins ?
- Une stal... HEY ! Mais sérieux sale mioche, j'ai l'air d'une folledingue qui collectionne les slips sales et les cuillères léchouillées de mes idoles ?

Ça chatouille tout de même son égo dans le creux sensible, là où la peau est plus fine. Il est vrai qu'elle piste Pit comme une sale. Ça lui fait un peu mal de le reconnaitre. Sachez-le bien, c'est uniquement pour trouver ses failles, pas pour se repaitre d'un quelconque vice caché. Le public tout intérieur de Nasty, approuve et applaudit. C'est beau ce spectaculaire déni.

-Chuis plus grande que toi, blondie. Et j'ai une dérogation pour bosser de nuit.

Ce n'est pas tout à fait la vérité. Elle avait imposé son rythme à Harmony, qui avait du l'imposer aux armuriers, qui avaient du le faire comprendre aux sentinelles. Un magnifique bordel. Mais la petiote n'a aucunement besoin de savoir. Ce qu'il y a a retenir c'est que le Panda est dans son droit.
Pas elle.

- Tu glandouilles quoi à chialer devant la mercerie ? Tu veux faire repriser ton horrible machin là ? Il est tout pété ?

Nasty attrape l'ours en peluche et le secoue devant elle, du bout des doigts, comme si il s'agissait d'un ballot de linge sales, plein de caleçons de Sharpy. La Vilaine coule un regard vers la donzelle qu'elle a malgré elle envie de rajeunir. La faute à la peluche ! En réalité elles ont presque le même âge.
Ce regard vert, tout de même, la met mal à l'aise.

- T'es raccommodeuse... ?

Si c'est le cas, il va falloir faire preuve de d'avantage de dangerosité.

- Ce serait ballot, que tu le sois... fait-elle en la coinçant dos contre  l'écorce d'une des branches gigantesque de l'Arbre, une main près de son visage. J'ai aucune envie que tu ailles cafter à ce cher Pit.


Voix trainante, sourire narquois. A détachement, détachement et demi. Et malgré la retenue, brille une flamme de haine glacée dans ses yeux bleus.

Elle réagit au terme de stalkeuse, la demoiselle avec la face pleine de saleté. À moins que ce ne soit que du maquillage, Soap l’espérait, sinon elle aurait eu envie de lui laver le visage au savon.

L’adolescente hausse les épaules à la question qui n’attendait pas de réponse. Oui, Nasty lui donnait cette impression. Demoiselle Stalkeuse. D’un point de vue strictement indifférent. Objectif, peut-être.

L’Indifférente ne réagit pas à la suite, plus grande, plus petite, ça ne changeait pas grand chose. La situation était là. Elle sent Eliott lui glisser des bras, elle le voit ensuite pendre devant elle. Ce nounours aux boutons verts qui étaient sensés être des yeux. Mais Soap ne réagit pas, elle ne lâche qu’un soupir vague.

C’était un vrai interrogatoire, alors elle laissait couler les questions. C’était bientôt la fin, elle mettait son masque d’indifférence, parce qu’elle ne croyait en rien de ce qui se passait. Tous ne faisaient que mentir de toute manière. Alors ce ne serait pas damoiselle Stalkeuse qui allait lui faire peur. Elle avait enduré le rire gras d’un pirate aux yeux baladeurs. Mais voilà que Soap fronce les sourcils, tiquant sur un élément. Tandis que ses yeux suivaient toujours l’ours en peluche. Elle se retrouva poussée contre l’écorce derrière elle.

Il y avait une chose particulière, dans les prunelles de la folle qui venait de lui prendre Eliott. Elle avait parlé de Pit, en plus.

Un ton calme, monotone, répondit alors.

- Récolteuse.

Un temps, toujours cet air blasé sur le visage. C’était que les gens avaient fatigué l’Indifférente.

- Parce que c’était lui que tu stalkais ? Un problème de cœur idiot ?

Haussement d’épaules.

- De toute manière, ça ne m’intéresse pas, comme beaucoup de choses. J’ai aucune envie d’adresser la parole au chef raccommodeur.

L’air le plus spectateur silencieux du monde, Soap redirigea son regard sur le nounours.

- Et je ne compte pas faire réparer Eliott, c’est moi qui lui fait ça.

Parlant des multiples cassures, déchirures, bref… du sale état de la peluche. Elle tendait légèrement la main pour le récupérer. Mais elle bougeait le moins possible, ne se débattant même pas. Indifférente devant presque tout.

- Parce que c’était lui que tu stalkais ? Un problème de cœur idiot ?
- J'ai l'air d'avoir un coeur, Grognasse ?
- De toute manière, ça ne m’intéresse pas, comme beaucoup de choses. J’ai aucune envie d’adresser la parole au chef raccommodeur.

Nasty hausse un sourcil. Cette indifférence affichée aurait pu être crédible si la demoiselle n'avait pas les yeux rougis comme un lapin mouillé. Le Panda plisse les siens, curieuse. Si elle s'en fout la récolteuse, tant mieux, ça lui arrange ses affaires. Mais tout de même, y a burnes dans le potage. C'est qui cette fille ? C'est quoi son problème ?
Je hais le vert de ses yeux.

- Et je ne compte pas faire réparer Eliott, c’est moi qui lui fait ça.

La Vilaine est soudain prise d'un vieux rire qui grince et qui claque. Sa méfiance est remisée pour s'attarder d'avantage sur le cas qui lui est présenté. Celle là, elle est pas piquée des vers. Ce serait un tord de ne pas s'amuser de la situation.
La recherche de bon mot : une priorité absolue.

- MOUHAHAHA ! Je vois... Tu fais pas que lui ressembler... Elle agite sa main devant son propre visage. T'es aussi fêlée que ce bon vieux Pit  !

Nasty regarde l'ourson, goguenarde.

- Alors, Blondie ? On défonce de la peluche pour étouffer ses petites frustrations quotidienne ? hum ? Y'en a qui fond de la dentelle, toi tu troues la peau de ton petit pote ? C'est mooooche !

Elle agite Elliot d'une main, à qui elle fait une grimace.

- " Au secours ! Au secours ! Ma maitresse est grave pétée du bulbe ! Bientôt elle me découpera la peau pour en faire des manteaux ! Aide-moi,  Panda !", fait Nasty en singeant la peluche qui parle soudain avec une petite voix aigrelette de toon. Elle reprend son timbre à elle, avec un air faussement désolé. Ooooh, Elliot... Mon pauuuuuuvre cousin d'oreilles, je ne peux rien pour toi, tu sais bien que tous les blonds au yeux radioactif n'ont pas d'âme. Rien que de les regarder, c'est cancérigène !

Nasty se tourne vers Soap avec un sourire dentu et balance la peluche par dessus son épaule.

- Za vache zdorovie ! claironne-t-elle joyeusement.

Elle renifle, sourire dentu à la clé.

- Bon c'est quoi ton p'tit nom, Miss "Don't Care" ? moi, c'est Miss "Nothing".

L’adolescente regardait l’Artisane jouer avec Eliott, jouer au pauvre ours qui demandait de l’aide. L’Indifférente ne faisait que d’observer cette tête grimaçante pour mieux faire la voix d’une victime quémandant de l’aide. Les sourcils légèrement froncés, se demandant ce qui pouvait bien passer dans la tête du Panda.

Eliott fut à terre, et Soap le vit tomber. Elle soupira légèrement. L’histoire se répétait. Un Eliott noyé dans la boue.

Combien y avait-il de ses frères ? Deux ou trois, mais parmi, un était un cadavre pourrissant dans la vase au fond d’une fosse d’où raisonnaient les rires qui cachaient les douleurs d’avant. La gerbe d’avant. Elle murmura pour elle, mesurant tout de même à quel point certains mots pouvaient être durs. Rien. N’était-ce pas un de ces mots ?

- « Miss Nothing » ?

Les iris beaucoup trop vertes sur l’interlocuteur, demoiselle rien. Pourquoi, Rien ?

- Soap.

Elle avait répondu avec une voix ailleurs, l’esprit occupé à observer le Rien. Pourquoi, Rien ?

L’Indifférente s’avança, et ramassa son ours en peluche.

- C’est plus… une poupée vaudou. Même si elle n’a pas d’effet.

Elle se retourna, encore en train de se poser beaucoup de questions. Indifférente, peut-être, mais le Rien n’était pas ce qui allait un peu avec ce trait de caractère ?

Soap observa la Mercerie plus loin, avant de revenir sur le Panda.

- Et Miss Nothing a un nom au moins ?

Elle n’avait pas vraiment d’expression particulière. Mais d’un côté, elle se demandait vraiment ce que Nasty pouvait bien faire dans les parages.
Inconsciemment, elle voulait savoir si c’était lié à Pit, savoir à quel point il était perdu dans sa propre fosse.

- T’as pas besoin de jouer la brute épaisse, je comptais pas courir dans les jupons des Sentinelles. Et inventer une histoire sortie de nulle part pour te pourrir la vie… j'y vois pas vraiment d'intérêt.

Ce n’était pas elle qui jouait à ça, qui guettait le moindre grandissement. Le moindre faux pas, pour mieux s’en servir. Soap avait même appris, par des « endettés », qu’il y avaient des personnes qui observaient. Qui guettaient quoi rapporter. Soit au Joker, soit au Roi. Ou encore, à Bow. Trois dangers. Ils étaient trois. Jamais on n’était en sécurité, toujours surveillés. Du moins, dans les zones les plus importantes du Grand Arbre. Soap, elle, ça l’étouffait. Elle endurait ça juste parce qu’elle avait voulu porter un cadeau à son frère. Le seul cadeau qu’il ait jamais eu. Mais… il était crevé.

Nasty sent, fugacement, qu'elle a accrocher l'intérêt de "Miss don't Care". Ah ?! La gamine a vraiment le même regard que Pit sauf que d dans ces iris radioactive là, il y a quelque chose. il y'a de l'humain sous l'indifférence. Ça lui fout un frisson.
" T’arrive trop tard"
C’est ce que le Joker lui avait dit.
Faut croire.

Grincement dans le coeur. Foutu organe de merde !

- Soap.

Poétique.
Et complétement con... Pourquoi du savon ? Elle se lavait peut-être trop, d'où le surnom. Peut-être même qu'elle avait un trouble obsessionnel compulsif  ? "L'Ile des Enfants Tarés" avec que des petits blonds possédés, t'sais ? On dirait le pitch d'un mauvais remake de "Village of the Damned".

FEAR ZE BLONDIES:

- C’est plus… une poupée vaudou. Même si elle n’a pas d’effet.
- Tu déconnes, "Gel-douche" ? T'sais que si tu veux vraiment le marabouté ton machin on a des Bayouteux pour de vrai sur ce cailloux de cauchemar. Va les voir au lieu de jouer à l'apprenti sorcière !

Dit l'apprentie terroriste.
Hôpital, charité, tout ça tout ça...

- Et Miss Nothing a un nom au moins ? fait Soap, un peu pincée.
- Nasty... répond le Panda de sa voix un peu fêlée qui traine des grolles. Le regard vers la mercerie ne lui a pas échappé.
- T’as pas besoin de jouer la brute épaisse, je comptais pas courir dans les jupons des Sentinelles. Et inventer une histoire sortie de nulle part pour te pourrir la vie… j'y vois pas vraiment d'intérêt.
- Okaaay, c'est good pour moi, "Gel-Douche".

Elle enroule son bras autour du cou de la donzelle, genre on est trop des potes. Nasty est grande, une perche. Elle l'entraine avec elle sur quelques pas.

- Tu sais que tu lui ressembles vachement. On te l'a jamais dit ?

Elle force sur son coude pour que Soap ne puisse pas dévier de son regard perçant.

- Que tu ressemblais à Pit.

Sourire de fiel.

Blasée, comme jamais elle ne l’avait été, la jeune fille écoutait les paroles de Nasty. Elle avait bien voulu donner son nom, échange de politesse. Comme quoi. Elle en était capable.

Une bonne chose, en soit.

Soap passa outre les termes sans grands intérêt que la perche lui sortait. C’était aussi dénué de sens que les petits noms affectifs que lui donnait sa mère. Une femme idiote, qui avait détruit une bonne personne en un monstre libidineux, selon l’Indifférente. Quant à elle, cette dame n’avait fait que l’engendrer. Restait à savoir si c’était pour se faire pardonner de traiter l’autre enfant comme du rien du tout.

Elle se trouvait à ce moment, traînée comme l’on trainerait un « pote ». Et la Récolteuse se contentait de suivre. Sans penser. Elle n’avait rien à penser.

La voix du Panda la ramène dans le moment présent, elle sent qu’elle ne peut pas détourner le regard. Alors très bien, elle ne tournerait pas les yeux bien trop verts. Pourquoi elle le ferait, d’abord ? Aucune idée. Soap était indifférente. Normalement. Comme une personne normal essayerait de l’être.

Elle lui ressemble vachement, toujours l’expression vide, mais pas creuse, Soap ne comprenait pas ça. « Tu lui ressemble vachement ». À qui ?

À Pit.

- Oh.

Oh. Quelle surprise. Ironie. Les gens auraient été idiots de ne pas se faire cette réflexion. Mais beaucoup ne disaient rien. En général, elle haussait les épaules. Ne répondant que d’un « ah. ». Comme si elle s’en fichait. Mais au fond… dans l’esprit. Ça lui faisait de la peine. C’était comme si c’était quand même son grand frère, alors qu’il n’avait plus rien d’Eliott. Plus rien du tout. Ça ne faisait que ramener un peu trop du passé.

Cependant, là, c’était un « oh. ».

Nasty lui avait donné une attitude à ne pas aimer le Joker, alors Soap pensait que ce devait être plutôt froid entre eux. Ou une histoire d’ignorance.

Les bulles de savon qui faisaient les quelques souvenirs de l’Indifférente disaient que l’esprit de son aîné savait très bien ce que ça faisait d’être mis de côté. Ignoré. Restait à savoir si c’était vraiment ce qu’il avait en tête afin d’avoir autant agacé le Panda. Enfin, si c’était le cas. Rien ne lui avait affirmé que l’Artisane n’appréciait pas Pit. C’était peut-être le fait qu’il revienne dans la discussion qui le lui avait fait penser.

Que répondre ?

Soap, avait pris un air grossièrement étonné. Avant de reprendre l’air blasé. Tout était fait pour que ce soit bien visible. Qu’elle exagérait.

- Je sais pas pourquoi, je suis arrivée bien après lui. Peut-être que c’est mon père.

Elle avait chuchoté, comme si elle donnait un grand secret. Avant de vraiment être « elle-même », l’Indifférente.

- J’en sais rien. On vient peut-être du même coin. Ou des ancêtres éloignés. J’ai pas assez de souvenirs pour te répondre. On m’a déjà fait la remarque, et je veux pas être comparée à lui.

Les bulles de savon avaient décidé de ne pas donner de vrai réponse. Le Panda avait plus l’air d’une personne bien trop… « hyperactive ». À se faire remarquer. Pour une première rencontre, la Récolteuse n’avait pas confiance totale.

Et sachant les manigances, sans la véritable nature, de son aîné… elle imaginait qu’il y devait en avoir d’autres. Mais elle, elle restait dans sa bulle de savon. Et elle flotterait au-dessus des autres, les laissant jouer à leurs jeux. Elle, elle était ici pour rien. Comme un fantôme enchaîné à son boulet l’empêchant de rejoindre l’Autre monde. Son boulet, c’était le cadavre d’Eliott au fond d’un fosse gardée par un Fossoyeur trop joueur.

- Tu le détestes ?

C’était intéressant à savoir.

Il y a des instants, dans la vie, où il vaut mieux être attentif. Ce sont ces petits morceaux d'éternité qui vous font piger des trucs sur l'univers. Nasty est loin d'être bête, juste un peu impulsive -euphémisme-, capable de rater la subtilité de pareils moments. Néanmoins, elle est là toute ouïe et parfaitement réceptive à ce "Oh!" qui découvre soudain plusieurs fils emmêlés.

Entre Soap et Pit, il y a quelque chose, ça lui semble soudain évident. Mais quoi ?

- Je sais pas pourquoi, je suis arrivée bien après lui. Peut-être que c’est mon père.
- Beuh... Ce serait grave dégueulasse ! Ça voudrait dire qui savait déjà pas tenir sa queue dans son slibard avant que Peter l'embarque.

Elle a un ricanement sale.

- Ceci dit,  ça expliquerait pas mal de choses. J'me demande comme notre despote a pu se fourvoyer à c'point en chopant un ver pour se fourrer la pomme. Con, pour con, me diras-tu...

Claquement de langue sur son palais. La sonorité est légèrement chuintante à cause de son piercing.

-J'garde l'idée sous le coude. T'es pt'êt pas sa fille, mais une cousine ou bien... une frangine ? Pas impossible que là d'où tu viens vous soyez tous consanguins, remarque... Sans offense, hein, "Gel-Douche" !
- J’en sais rien. On vient peut-être du même coin. Ou des ancêtres éloignés. J’ai pas assez de souvenirs pour te répondre. On m’a déjà fait la remarque, et je veux pas être comparée à lui.
- Ah ouais ?

Nasty plisse les yeux en le regardant de plus près. Cette histoire commençe à devenir marrante.

- Tu le détestes ?
- Et toi ?

Nasty joue avec le fermoir du clou sous sa lèvre, avec une once d'amusement.

- T'as pas l'air de beaucoup l’apprécier...

Nasty répondait par une question. Miroir, miroir. Le piercing qui servait à l’instant de jouet pour le Panda, eut pour conséquence de déranger quelque peu Soap. Elle imaginait que ce devait être compliqué à laver au savon, à moins de prendre des précautions, il fallait sans doute prendre un bol et y mettre simplement de l’eau savonneuse. L'Indifférente s’écartait un peu du moment présent, pour mieux se cacher dans des pensées plus habituelles : laver, frotter avec du savon.

Finalement, elle réussit à s’écarter de ses idées.

- …Non. Pas vraiment. Disons, qu’il a pris la place de quelqu’un.

C’était ça, il avait pris la place d’une autre personne. Eliott.

L’adolescente se reconcentra sur son ours en peluche, tout cassé, tout mal réparé. Une chose détestée et pourtant aimée à la fois. Ça n’avait aucun sens. Rien de rassurant pourtant, juste un vieux jouet qui avait fait son temps.

Elle parlait d’un air monotone, laissant un vague regard distrait se balader et croiser une de ses propres rougeurs. Celles qu’elle venait de s’infliger, un peu plus tôt, avec le savon. Elle frottait toujours trop fort.

- Et toi alors ?

Elle avait relevé ses yeux beaucoup trop verts en direction de Nasty. Elle avait eu un problème avec Pit ? La fosse qu’avait dévoré son grand frère pour s’habiller avec sa peau ensuite ?

Qu’est-ce qu’il avait fait, à part ne plus être « lui » ?

Soap ne savait pas tout, elle ne savait que ce qu’elle avait pu voir. Le comportement qui ne correspondait pas à celui de son aîné, celui qu’elle connaissait.

Ce n’était pas la même personne.

Comme s’il on avait savonner tellement fort qu’on aurait pu effacer tout l’esprit d’une personne. Ce n’était pas possible pourtant… non ? Pourtant sur cette île, c’était possible. Soap avait déjà perdu des souvenirs. Des détails. Il ne lui restait que quelques bulles de savon importantes.

-…Non. Pas vraiment. Disons, qu’il a pris la place de quelqu’un.

Nasty hausse un sourcil, perplexe. Voilà une réponse des plus étranges et des moins explicites. Elle remarque le regard appuyé vers l'ourson cabossé. Eliott.

- Est-ce que Pit a pris la place.. D'Eliott ? Risque-t-elle.

Ça lui parait stupide, même à elle.
Ils sont zarbis ces blondinets au regard malade : quand l'un affiche un sourire continu comme un circuit, l'autre joue l'indifférence quasi robotique. Rien ne lui parait humain, au Panda, rien d'organique.

- Et toi alors ?
- Moi ?

Elle a une expression un peu brouillée, un peu étranglée.
Pit.
Comment expliquer ce qu'elle même ne comprend pas ?
Pit l'attire, Il y a un "truc" chez lui de fangeux, de dégueulasse. C'est si vicié que ça l’enivre. Elle meurt d'envie de s'y embourber, de toucher le fond et de gratter. De voir en dessous de la boue. Elle veut pouvoir observer son sourire se fendiller. S'il pouvait pleurer ça lui ferait sa journée.
Elle le hait.
Pourtant, elle veut qu'il la regarde. Pour de vrai.

Comme avec "Maman".

Elle espère lui prouver qu'elle est capable. De quoi ? Elle l'ignore. Elle fait des circonvolutions pour attirer son attention, comme autrefois dans le monde ordinaire : s'habiller comme une pute, traîner avec de la mauvaise graine, fumer, jouer la thune familial au poker, dilapider, découcher, se foutre de tout. Remarque, elle n'apprend guère : ses petits actes de rébellion n'ont jamais suscité la reconnaissance de sa mère.
Ni son amour.

Est-ce qu'elle a envie que Pit l'aime ?

L'idée lui fout un malaise indicible, une vrille dans la poitrine qui descend comme une coulure de béton dans son estomac. La gerbe, presque, une fois encore. Bordel, chuis pas Love ! Elle ne laissera jamais plus ce connard poser la main sur elle, entrer dans sa bulle de verre et la faire exploser. Le Joker finira de rire, promesse !

- Ué... Moi aussi il a pris la place de quelqu'un, en quelque sorte.

Elle a un ricanement aigre qui sonne moche. Un peu triste aussi.

- Il fait vraiment pas ressortir ce que j'aime chez moi, t'sais ? Il coule le bon.

Nasty ne rit plus.

- Je ne veux plus qu'on me remise dans un placard comme de la marchandise défectueuse.

C’est aussi cryptique que les propos du Savon.
Blondies are blondies.

Le Panda répondit, et l’Indifférente écouta. C’était pareil qu’elle alors, vu d’un autre angle peut-être. Soap se sentit presque soulager de pouvoir comparer, de s’imaginer que Nasty avait aussi vu un monstre. C’était plus facile quand on n’était pas seul à avoir vu une horreur. Les autres disaient toujours que c’était le vent, que c’était le pull posé sur une chaise, que l’imaginaire faisait dire n’importe quoi aux enfants. Mais elles étaient au moins deux à avoir vu un monstre, non ? C’était ça que l’Artisane voulait dire, non ? L’adolescente ne se risquerait pas à demander des précisions.

L’air du Panda avait quelque chose de dissonant, tout sauf sucré. Et la suite fit ouvrir un peu plus d’étonnement les yeux d’absinthe de la Récolteuse.

C’était entre l’étrange et l’évidence.

Les monstres étaient là pour enfermer les enfants dans les placards, peut-être, pour se venger d’y avoir été congédiés ? Soap sentit une boule lourde dans son estomac, dans ses poumons. Elle pensait vraiment que c’était à cause d’elle que la monstruosité avait pu attraper son aîné, et s’habiller de la peau du Joker.

L’indifférence ne tenait pas très bien, malgré les efforts de la jeune fille. Elle se sentait presque responsable. Parce qu’elle avait été choyée avant, d’autres souffraient encore dorénavant. Comme si tout tournait autour d’elle, serait-ce de l’égoïsme ? Encore ? Cette pensée dérangea grandement l’Indifférente qui ne parvenait pas si bien à le rester. C’était plus facile pour les cadeaux.

Les yeux perdus sur la peluche triturée par les mains, Soap murmura quelque chose qui était honnête. Même si la réalité dirait qu’elle n’était pourtant en rien responsable.

- Désolée… j’ai laissé le monstre le manger…

Elle serra son ours contre elle, et retint des larmes prêtes à faire le grand saut.

- J’aurais dû agir avant…

Soap ne savait pas de quoi Nasty pouvait parler précisément, mais elle s’était interprété une version parlant de monstre qui se jouait des gens. Qui faisait souffrir et avait dévoré son genre humain.

- Il ne faut pas entrer dans son jeu, il faut te préserver.

Elle essayait de ne pas être trop expressive, elle essayait de dire qu’il ne fallait pas agrandir la fosse. La Récolteuse ne se souciait pas particulièrement des autres, mais pour ce cas précis, c’était pour se racheter. Pour être excusée de ce qu’elle n’avait pas fait, qu’elle avait laissé la fosse lui mentir en souriant, alors qu’elle aurait pu faire quelque chose avant. Quoi précisément ? Impossible de savoir, les souvenirs en bulles de savon donnaient l’impression d’être seul au monde avec son frère qui se faisait lentement dévorer vivant par un sourire.

La gosse a les rétines humides et  une expression que Nasty ne connait que trop. C'est le miroir de sa propre culpabilité pour avoir tout eu et n'avoir rien fait, pour avoir raté, pour avoir perdu un combat déjà joué.

- Désolée… j’ai laissé le monstre le manger…

Ces petits mots, prononcés d'une voix à peine audible, compressés par une retenu portée en bandoulière, pénètre profondément la chair du panda. Il gratte en dedans, égratigne son âme. Ça saigne. Constatation que cet organe écharpé n'a jamais cicatrisé.

- J’aurais dû agir avant…

Son indifférence est un masque qui ne tient plus qu'à une ficelle. Nasty porte sa méchanceté de la même manière.
Pour égarer.
Pour se protéger.

- Dis pas ça, dit-elle avec une voix plus cassée qu'elle ne l'aurait souhaité. Qu'est-ce que t'aurais pu faire ? T'es pas responsable.

A vrai dire, elle n'en sait rien. C'est facile de proférer ce genre d'affirmation, en barbotant dans son ignorance. Et si il étaient effectivement de la même famille ? Et si c'était bel et bien sa fille ? Ou bien sa soeur ?
Rien à foutre.
D'un geste maladroit, elle lui essuie le coin des yeux mouillés, d'un bout de mitaine. C'est revêche et bien peu habitué à la démonstration de douceur, néanmoins, l'intention est sincère.
Qu'est-ce qu'on s'en fout, hein ?

- On est que des mômes...
- Il ne faut pas entrer dans son jeu, il faut te préserver.

Nasty a un rire un peu faux. Un peu triste.

- J'peux pas, Soap. J'peux pas, il fait trop de dégâts. Et... elle hausse les épaules avec une nonchalance qui ne l'habite pas. J'l'ai dans la peau.

Bien piètre choix de mots.

- T'en fais pas, c'est toi que ça a l'air de tourmenter le plus, en fait. T'as l'air gentille, p'tit savon. Te fais pas d'mouron pour une stalkeuse cinglée comme moi. J'merité vraiment pas...

Elle lui ébouriffe la frange. Son regard chute vers l'ourson.

- T'aimerais que le vrai Eliott revienne ? fait-elle, sur une impulsion.

Trop tard, il semblerait.

Doucement, Soap répéta ces mots étranges.

- Il…fait trop de… dégâts ?

Hésitante, le regard un peu perdu. Elle en oubliait son masque indifférent. Inquiète de ne pas comprendre ce que Nasty lui racontait. Ce que Nasty lui radotait. Des dégâts ? Quels dégâts ? Son palpitant battait fort, inquiet. Qu’est-ce qu’il se passait ?

Elle fronça les sourcils de plus bel lorsqu’elle ajouta cette expression. Celle de la peau. C’était… affectif ? L’Indifférente demeurait un peu perdue.

La Récolteuse se détendit doucement, essayant de mettre de côté tout ça. C’était difficile, ça pesait sur l’estomac. Ce fut l’ébouriffage de la frange qui lui fit retourner les yeux bien trop verts sur le Panda.

Question, LA question qui rythmait un peu la vie de la fillette depuis la disparition de son aîné.

Elle ne répondit rien d’abord, se contentant de regarder elle aussi l’ourson en triste état.

- … oui… Je pensais le retrouver ici…

Les yeux se tournèrent dans la direction supposée de la Mercerie, ils étaient lourds et tentaient désespérément de rester secs. Dans l’état que Nasty les avait laissés en les essuyant.

- Mais tout le monde nourrit le monstre… alors moi j’ai de moins en moins la possibilité de le ramener. Qu’il soit comme avant…

Comme avant. Gentil, réellement gentil. Même s’il mentait sous son sourire. C’était un mensonge qui ne voulait que du bien. Celui-ci de mensonge ne sert qu’à nourrir le monstre. Qu’à nourrir les fous. Il y a quelque chose de malsain. Soap ne sait pas ce qu’il en était, mais elle savait que quelque chose clochait. Parce qu’elle savait encore voir comment son frère mentait. Elle le savait encore. Ça lui crevait même les yeux de savoir que quelque chose était caché.

Et elle était sûre que ce n’était pas en lien avec le passé. Il n’y avait plus les porcs. Ces gens dégueulasses. Il n’y avait plus Elle, cette femme qui se disait être la mère de Soap. Elle l’était de sang. Malheureusement.

Il faudra frotter encore plus fort au savon. Les yeux aussi, si la fosse emporte son aîné pour de bon. Elle ne voudra plus avoir ces mêmes iris hypnotiques.

Un temps, le temps pour étouffer les larmes dans le blanc des yeux.

- Je sais pas de quoi il s’agit, des dégâts. Mais, tu crois que je pourrai quand même le faire revenir ? Je sais quand il ment, je crois qu’il est encore un peu là. À de rares moments.

Nasty bat mentalement les cartes de son "jeu".
Les paroles du petit savon prennent un sens particulier dans la caboche détraquée de Nasty. Elle y voit une sorte de cohérence, un entrefilet de vérité. Un fil rouge à son obsessive passion du moment : l'énigme Pit. Le puzzle est trop éclaté encore pour complètement révéler le tableau dans son ensemble. Néanmoins, elle se sent approcher de l'extase d'une épiphanie.

- Il…fait trop de… dégâts ?

Nasty se mordille la lèvre. son piercing remue dans son interstice. La gosse a l'air gentille. Elle ne mérite peut-être pas de savoir ce que le Joker trifouille avec ses cartes, ses fleurs, les filles et les peaux. Putain de psycho !

- … oui… Je pensais le retrouver ici…Mais tout le monde nourrit le monstre… alors moi j’ai de moins en moins la possibilité de le ramener. Qu’il soit comme avant…

Définitivement, Soap est une chic fille, le genre de gonzesse qui a encore la foi. Si le frère perdu est Pit, il est peut-être préférable de taire l’entièreté de ses crimes. Et le buter dans un silence magnanime.
Le titiller encore un peu avant, juste un peu. Et lui en foutre plein la tête histoire qu'elle ne sorte plus de la sienne.

- Je sais pas de quoi il s’agit, des dégâts. Mais, tu crois que je pourrai quand même le faire revenir ? Je sais quand il ment, je crois qu’il est encore un peu là. À de rares moments.
- Je...

Merde, c’est un coup au coeur. Nasty ne s'attendait pas à en avoir un. Elle déglutit, lâchement. Elle ne veut pas être responsable des désillusions de "Miss Don't Care". Elle gère déjà mal cette addiction qu'elle n'assume qu'à moitié.

- Chais pas... Respiration en suspend. Soap... T'as l'air d'être chouette comme nana. J'veux dire "clean" quoi. Ironie des mots. Moi, je suis une connasse avec un sale esprit. Je donne à bouffer au monstre et, les monstres me donnent à bouffer. Que je trempe dans la merde, au final, ça va avec ce que je suis. Je suis déjà moche en dedans. J'ai rien à préserver.

Elle lui pose une main sur l'épaule.

- Mais toi tu vaux mieux que toutes ces saloperies. Tu as un bon fond, ça se voit. Ton espoir, il le mérite pas, t'sais. Si y'en a une qui doit se protéger pour pas tomber avec ce bâtard, c’est toi. Chuis pas sur qu'on revienne de là où il est... Mais je te jette pas la pierre de vouloir y croire.

Nasty a un sourire un peu triste.
Elle n'entrevoie pas de "happy end" pour elle non plus. Et, du reste, personne ne s'acharnera à la retrouver. Elle y a consciencieusement veillé.