Vrai qu'avec tout ça, il avait oublié de donner son nom. Habitué qu'il était à ce que chacun connaisse le sien, ou ait eu vent de son surnom. Carne semblait ne rien savoir de l'île, ou du moins rien chez les pirates. Preuve en était qu'il croyait que Smee était le capitaine des lieux. Ou c'était la faute à la fièvre qui continuait à le ronger, ce qui était tout à fait probable.

« Smee. » glisse-t-il entre deux palabres de Carne et de Crow. « C'est mon nom. »

Le navire tangue, secoué par les vagues. Le roulis perpétuel a de quoi bercer les habitués. Mais peut faire perdre pied à ceux n'ayant jamais vécu sur un navire. Sous ses yeux Carne se lève, se fait emporter par le roulis, et tombe sur Crow, dans un enchevêtrement de membres. La scène est presque cocasse. Elle arracha même un rire, bref, au Second.

Se levant, Smee avance par à-coups pour aider Carne à se relever. Une résistance se fait sentir. Il voit alors le sang suinter d'entre les crocs de Carne, les dents plantées dans la chair.

C'est qu'il est presque en train de le boulotter, le Hibou !

Smee inflige plusieurs claques sur la joue offerte de Carne, le tirant par le col en espérant que la mâchoire daigne céder avant que ce ne soit la chair de Crow qui soit emportée.

« Lâche ça, on sait pas où ça a traîné ! »

Smee agrippe un pilon de poulet qui a roulé sur le parquet. Il le secoue sous le nez de Carne. On croirait qu'il tente d'apprivoiser un chien.

« Mange plutôt ça, c'est plus sain ! »

Si le nouveau a des tendances au cannibalisme, ça risquait de ne pas l'aider à se faire accepter par l'équipage.

— Hey hey-ey !

— Me bouffe pas, malade ! T'as la rage ou quoi ?! Smee, il a essayé de me MANGER.

— Nourris-le, moi j'l'approche plus avant qu'il soit rassasié.

Il avait une soudaine envie – non besoin – de se descendre un verre de rhum. Smee suivit, d'un œil, Carne prendre ses aises. Se conduisant comme s'il était chez lui, déjà engagé, alors qu'il était encore qu'un simple potentiel candidat. Au final, deux verres feraient l'affaire. Mais boire hors des heures de service sous le nez de l'apprenti-médecin, le Second préférait éviter. De un pour ne pas se taper des sermons comme quoi l'alcool était néfaste pour la santé. De deux pour ne pas nourrir les nombreux commérages qui courraient déjà sur sa pomme.

Tout de même curieux, Smee vint détailler la blessure de Crow, soulevant sa main pour constater les dégâts. Un sifflement filtra d'entre ses lèvres.

« Il t'as pas raté. Mais je crois que tu vas pouvoir échapper aux points de suture. »

Et, il fallait compter sur les produits de l'infirmerie, à l'infection. L'hygiène des forbans était loin d'être irréprochable – sommaire même pour la plupart de ses membres. Et, de ce que savait Smee, les Peaux-Rouges avaient beau aller se baigner dans des lacs et rivières, si Carne dévorait tout ce qui passait à portée de sa bouche il devait contenir, rien que dans sa bouche, une belle dose de bactéries.

Soudainement Smee s'en voulut de s'être laissé emporté par le besoin de biberonner une bouteille à cette heure indue de la nuit. Ça lui aurait évité une migraine qui commençait, tout doucement, à poindre.

- Et dchonc ? Chfais quoi pour convainchre ton chapitaine de restcher ?

La réponse vint d'elle-même, simple.

« Tu ne manges pas tes collègues. »

Autant aller dans le vif. Smee se cala contre une étagère, bras croisés, l'oeil posé sur Carne, jetant parfois quelques brefs coups d’œil à Crow. Mieux valait vérifier que le Hibou ne commence pas à tourner de l’œil, soudainement emporté par les affres d'une rage carabinée. Ou d'une maladie propre à l'île que les chicots de Carne venaient de lui infliger.

« D'ailleurs, c'est exceptionnel ou tu fais ça tout le temps ? Aucune tribu ne pratique le cannibalisme, que je sache. Pas même les Piccaninny. »

Aux yeux du Second, c'était là le point crucial à éclaircir avant toute chose. Si Carne ne pouvait pas dompter ses instincts, il ne ferait pas long feu au sein de l'équipage. La justice de Hook veillerait à retirer le maillon qui brisait l'harmonie de la chaîne.

« Crois-moi, ça jouera en ta défaveur si tu as l'habitude de dévorer tes semblables. L'équipage, c'est comme une famille, un clan. On ne dévore pas les membres de son clan. Et ceux qui enfreignent les lois du navire, qui portent atteinte à leur propre famille, sont sévèrement punis. Je te passe les détails des châtiments, ils sont multiples... Tout dépend de la faute, de l'humeur du Capitaine... ou de la mienne. »

Menace sous-jacente dans les paroles et le regard derrière les lunettes.

« Tu devrais même présenter des excuses à Crow. »

Par principe. Pour la bonne forme.

—  hmn ? Des excuses ? Qu'il les présente ou pas, je vais quand même avoir une plaie dans le cou. Les excuses c'est pour les enfants, on est pas des enfants, si ?

—  Pouah, je propose qu'on aille sur le pont, parce que je commence sérieusement à avoir chaud.

HRP:

-Tu ne manges pas tes collègues. D'ailleurs, c'est exceptionnel ou tu fais ça tout le temps ? Aucune tribu ne pratique le cannibalisme, que je sache. Pas même les Piccaninny.

Carne a une expression étrange et regard Smee avec un sérieux qui diffuse soudain une aura particulière dans cette pièce mal éclairée.

- Je ne mange pas ce qui ne m'est pas nécessaire. Je respecte la nourriture. Une proie, est un cadeau. Je ne gaspille pas la Vie ni la Viande.
-Crois-moi, ça jouera en ta défaveur si tu as l'habitude de dévorer tes semblables. L'équipage, c'est comme une famille, un clan. On ne dévore pas les membres de son clan. Et ceux qui enfreignent les lois du navire, qui portent atteinte à leur propre famille, sont sévèrement punis. Je te passe les détails des châtiments, ils sont multiples... Tout dépend de la faute, de l'humeur du Capitaine... ou de la mienne.
- J'ai déjà eu un clan, et une famille. Plusieurs fois. Mais j'ai jamais appartenu à personne.

Sauf à Sangre.

-... Mais j'sais respecter un code établi, Lunettes. Si ta parole est d'or, alors elle le restera.
- Tu devrais même présenter des excuses à Crow.
- hmn ? Des excuses ? Qu'il les présente ou pas, je vais même avoir une plaie dans le cou. Les excuses c'est pour les enfants, on est pas des enfants, si ?

Carne s'esclaffe.

Bouclettes est marrant.
Marrante ?

Il hausse les épaules à la correction mentale que son cerveau a tenté d'infliger. Qu’est-ce qu'il s'en cogne que ce soit un "il" ou une "elle". C’est Bouclettes ! Piquantes comme son aiguille et charbonneuses comme la nuit. Hey !

- Vue qu'on est trois à pas avoir d'ombre, j'm'dis qu'on en a tous été, oui. Des "Enfants". Des p'tits chiards pendouillant comme des singes aux branches du Grand Arbre, accrochés aux lèvres du P'tit Despote, à s'exciter comme des cons à chaque "aventure". Croyez-moi, quand la Mort reprend ses droits, ils regrettent TOUS d'pas être assez grand pour lui échapper !

Carne humecte ses lèvres d'un air amusé.

- Absolument tous. Et Pan peut rien y changer.
- Pouah, je propose qu'on aille sur le pont, parce que je commence sérieusement à avoir chaud.

Le Pécheur se redresse en se tenant le flanc. Il se crache dans la paume sans autre cérémonie.

- Carne, "Sirène Affamée", ancien Perdu, ancien Piccaninny....

Et avec un sourire qui en dit long.

- Nouveau pirate, si la Grande Mère et ton Capitaine le veulent.

HRP:

Crow invectivait, Crow protestait. Smee saisit l'arête de son nez entre deux doigts, inspirant longuement. Parfois lui venait l'image, fugace, qu'il n'était qu'une baby-sitter devant s'occuper d'une cohorte de gamins braillards en guise d'équipage. Des excuses, ce n'était rien. Une bagatelle. Il ne leur avait pas demandé de s'octroyer le bisou de la paix. (Carne aurait pu mordre Crow, poussé par on ne sait quel réflexe)

Enfin le drapeau de pais avait été levé. Crow proposait de rejoindre le pont, et Carne se faisait fort de suivre les règles. Un bon point pour lui. Toujours formel lorsqu'il s'agissait de jouer son rôle de second, Smee saisit la main de Carne pour la serrer. Celle-là même où il avait craché. Certains pactes se faisaient ainsi. Dans la salive.

« Bienvenue sur le Jolly Roger, Carne. Dès demain je t'emmène voir le capitaine. On va te dégoter un hamac dans le dortoir. »

Smee posa sa main sur l'omoplate de Carne, le guidant hors de l'infirmerie, laissant Crow avancer à son rythme. Le vent nocturne les accueillit dans ses bras frais, presque glacés. Au-dessus d'eux brillaient les étoiles, inaccessibles. Du doigt Smee indiqua la cabine du capitaine, à la poupe du navire.

« C'est là que se jouera ton recrutement. Quand tu en sortiras, avec l'acception du capitaine, tu seras l'un des nôtres. »

Le Second posa sa main libre sur l'épaule de Crow. Le Second tenait presque, entre ses bras, les deux forbans.

« Quoi qu'il arrive, soyez fiers d'être ce que vous êtes. Des pirates. Des adultes. Des hommes épris de liberté. »

Au loin une étoile filante fusa à travers le ciel. Parabole d'espoir.

Citation :

Du coup Crow je te laisse conclure si tu le souhaites. Ce fut un RP très sympa entre nos trois forbans !

— Sans doute. Mais reste qui a toujours quelques exceptions à la règle.

— Ouais...Bienvenue, heh, toi.

HRP: