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Juniper
Juniper

† Vampire †


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MessageSujet: I still search for you in crowds, in empty fields, and soaring clouds.   I still search for you in crowds, in empty fields, and soaring clouds. EmptyMer 15 Juin 2022 - 22:21

Le froid fige ; membres engourdis, esprit qui peine à vouloir avancer, cette sensation qui traverse les mains jusqu’à la brûlure en les passant sous l’eau tiède. La peine demeure, lancinante, un éclat qui se refuse à quitter l’âme, même une fois qu’il ne reste plus une once de chaleur pour elle. Juniper accumule l’horreur, cette quête sans fin pour ne pas totalement geler. Avec peu de succès, jusqu’à présent. Cette nuit n’a guère été  différente, une traînée de sang le suivant dans sa marche jusqu’au Manoir—mais pas que. Ses ongles sont profondément enfoncés dans une cheville, qui est elle-même reliée à un corps.

Cadavre, espérons-le. Un souvenir ramené par ennui, pas assez grand pour qu’il puisse en vider l’intérieur et s’y réfugier, quoique trop adulte pour que June ne souhaite pas l’étriper à sa vue. Donc, il l’a traîné tout le long, sans réelle difficulté. Le pirate en a égaré son autre chaussure, et probablement quelques dents, considérant que June l’a laissé face contre terre une bonne partie du chemin. Le froid est permanent, il s’infiltre malgré les pulls et chaussettes épaisses, il ronge tout autant que les dents de Juniper déchirent tout ce qui passe à proximité.

Le Manoir—demeure éternelle fixé dans une beauté indescriptible—ne lui manque pas spécialement lorsqu’il s’en absente. Certes, il y a les habitudes, les tasses de sang brûlantes qu’il va quémander dans les cuisines, le confort d’une chambre où il recouvre des pages entières de poésie, et la musique.

La musique. Juniper glisse sa langue sur ses lèvres, lentement.

Les leçons sont nombreuses, depuis qu’il existe sans vivre. De l’étiquette au reste, musique et danse ; tels des poèmes les découvertes s’enchaînent et il manque de place pour tout écrire sur sa peau, pour encrer dans ses veines chaque règle. Le corps bute sur une pierre, l’entraînant en arrière une fraction de seconde. Il n’y a pas de retard, uniquement des absences, au Manoir. Il pourrait dire, sur l’île ; ce n’est pas chez lui, pas une partie de son âme, ou des fragments qui reste. Les malheurs qui frappent les autres habitants ne le concerne pas.

Juniper ne conserve qu’une rage étouffée par l’apathie face à la Canicule qui refusait de se finir, le souvenir de s’être jeté dehors, ou d’avoir tenté, ses ongles déchirants les murs tandis qu’il voulait simplement disparaître, avoir chaud une unique fois. Qu’importe que ça doive être la dernière. Juniper pourrait abandonner le corps, le regarder choir jusqu’à fatiguer son regard, se glisser dans le Manoir et ne plus y penser.

Ce qui le retient n’est ni une quelconque bonté, et encore moins l’aspect pratique de laisser les déchets en extérieur. Il ne voudrait pas échouer, pas écrire la mauvaise ligne dans ce chapitre ; et si le Maître s’en offusquait, de ce cadavre oublié ? Juniper ajuste sa poigne, reprenant sa marche silencieuse jusqu’au porche ou sa main relâche sa victime. Là, ça pourrait compter comme un bon emplacement.

Certes, le sang séché, la poussière et tout ces détails qui collent à la peau des mortels, ça n’est pas du meilleur effet. Néanmoins, Juniper est capable de le porter et de le balancer dans un coin des cuisines pour qu’on en fasse quelque chose, voir de le conserver dans sa chambre pour ses besoins personnels de destruction. Là, ce qui le gêne, outre la mélancolie de l’antre victorienne qu’il commence à connaître par cœur—comme si le sien battait encore—c’est son apparence.

Salir les sols ? Se montrer tel l’enfant de la campagne qu’il fut—ce n’est guère différent, dans le fond, de remplacer le sang par de la boue, de peindre un sourire sur une dentition qui était bien fragile—c’est improbable. Une hérésie qui le pousse à tirer son pull aux manches rongées par un fantôme d’adolescence, au-dessus de sa tête. Puis de faire pareil avec le reste, chaussures dont le brun est devenu imbibé, une main qui secoue ses boucles noires jusqu’à ce que ses cheveux cessent de goutter.

Il ouvre la porte d’une main, jetant un œil à la masse de vêtements qu’il a balancé sur le corps ; en général les serviteurs viennent ramasser le tout s’il se permet d’oublier.

Un peu comme les cours de musique, lorsque le français n’a pas de note sur les partitions et qu’il se retrouve à murmurer tout ce qui lui vient en tête, à remplir chaque blanc par une langue qu’il se refuse à oublier.

Les autres vampires sont sublimes ; monstrueux et si vivants sans l’être, toujours à avoir un jeu en tête, une idée, une musique ou une anecdote. Juniper peine, parfois, à s’écrire ainsi, à ne pas tartiner les pages de remarques peu reluisantes, à se mettre dans des cases qui ne correspondent pas, juste pour prétendre, pour plaire. Il est l’Apathique, après tout, pas le Brillant, ou le Bien-aimé.

(Il le fut, n'est-ce pas ? C'est là tout son malheur.)

Et, l’unique chose qui lui vient, à moitié nu, une traînée de sang qui glisse d’une paupière jusqu’à ses dents en un croissant de lune, c’est « Vindiou qu’y va m’beugner— »

Un commentaire très certainement lié à la présence de son mentor musical à quelques pas de lui.







 
June
"I bear a name found on a makeshift grave
that I created out of fading memories
and it's not enough for me to grieve
at least not properly."
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Mephisto
Mephisto

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MessageSujet: Re: I still search for you in crowds, in empty fields, and soaring clouds.   I still search for you in crowds, in empty fields, and soaring clouds. EmptyJeu 16 Juin 2022 - 23:51

Méphistophélès était très contrarié. Il savait exactement pourquoi, mais il tentait d'en faire abstraction. L'Eploré avait suffisamment perdu de temps à attendre quelqu'un qui n'était pas venu sans qu'il rajoute à ce déplorable tableau en s'autosabotant sous le seul prétexte de sa mauvaise humeur.

Son rôle au Manoir impliquait qu'il ait toujours quelque chose à faire. Lorsqu'il sortait ? Chercher des partitions perdues sur le Rivage, des instruments, des instrumentistes de talent capables d'enseigner ce qui était hors de sa portée. Lorsqu'il était à l'intérieur ? Composer. Préparer des cours, donner des cours, analyser, classer, travailler les partitions de la collection du Manoir, choisir celles qui seraient jouées et à quelles occasions - simples études destinées à améliorer le niveau d'untel ou véritable pièce de Concert à destination des délicates oreilles du Maître des Lieux ?

Eh puis bien sûr il fallait pratiquer. Il était hors de question pour Méphistophélès de laisser son violoncelle rouiller, ni de perdre son aisance à l'orgue ou au piano. Rajoutons à cela l'objectif qu'il s'était donné de réunir, à long terme, un orchestre symphonique complet pour le Manoir.

C'était beaucoup de travail. On en revenait à cette même conclusion : Méphistophélès n'était jamais désœuvré, ce qui était heureux, considérant ce qu'il faisait des peu de temps libre qu'il s'accordait. S'il s'était laissé plus d'espace pour penser, l'Eploré, fou de douleur, ne se serait peut-être jamais relevé de l'absence définitive d'Emile.

Il préférait oublier qu'il était encore en train de tomber.

Juniper. Vraiment. Ce garçon se pensait-il si doué qu'il pouvait se permettre de sauter des séances ? Ce n'était ni la première, ni sans doute la dernière fois que l'adolescent nonchalant se permettait de faire défaut à son professeur. A vrai dire, Méphistophélès n'était pas dupe. Ce n'était pas que Juniper se pensait meilleur que les autres. C'était plus certainement qu'il ne devait pas avoir grand chose à faire des enseignements apportés par l'Eploré. Cela le frustrait, cela le désolait. Quel dommage de voir un talent gâché par un tel manque de dévotion !

Malgré un élitisme propre à son milieu, à son époque et à son caractère dont on aurait du mal à le départir un jour, Méphistophélès voyait du talent chez tous ses élèves. Ils n'avaient pas tous les mêmes capacités, les mêmes forces, ni les mêmes faiblesses. Tous ne deviendraient pas des génies dans leur discipline propre, mais avec un peu de travail et de bonne volonté, tous auraient pu devenir de bons musiciens. Ceux parmi eux qui étaient excellents seraient évidemment bien plus sollicités, notamment pour des rôles de solistes. Mais tous  étaient uniques, avec une touche personnelle à apporter à l'orchestre en cours de formation. S'ils se donnaient seulement la peine de polir le joyau qui existait en eux jusqu'à ce que tout le monde fut capable de le voir briller de mille feux...

Tandis qu'il ruminait cette pensée, Méphistophélès sortit de sa salle d'étude avec en main une épaisse liasse de papiers. Il étudiait une partition ancienne dont il fallait déchiffrer les notations désormais inusitées. Le style archaïque l'avait longuement fait douter : était-ce bien quelque chose qu'on avait envie d'entendre au Manoir ? Et que penser de la qualité d'une œuvre dont les règles suivies étaient ouvertement contraires à tous les traités d'harmonie que suivaient les compositeurs de son temps, sur le modèle des incontournables maîtres des siècles passés ?

Bien sûr, ces règles n'étaient pas absolues. Le XIXe siècle les avait largement faites évoluer. Les poignantes harmonies d'un Schubert n'auraient su se contenter des lois classiques, et que dire du grand Wagner, qui avait exploré la tonalité en poussant ses limites dans des retranchement inédits ? Cependant, la logique musicale restait fondamentalement la même. Ce n'était pas le cas de cette œuvre trop ancienne, tout comme ce n'était pas le cas de l'œuvre trop moderne de Schönberg, ce contemporain aux idées intéressantes mais - selon Méphistophélès - musicalement arides.

En bref, Méphistophélès n'était pas certain de vouloir jouer la partition qu'il avait entre les mains, mais il avait tout de même l'intention de la retranscrire dans un langage plus moderne, de sorte à ce qu'elle puisse être archivée correctement. Il lui manquait pour cela un livre qui lui permettrait de déchiffrer les quelques sigles dont la signification lui échappait. Afin de s'en emparer, il s'était engagé dans le couloir et cherchait à rejoindre la dernière pièce où il avait le souvenir d'avoir vu le livre en question.

Ce couloir n'était pas n'importe lequel : c'était celui du hall d'entrée. Un courant d'air atteignit l'Eploré avant que le vent ne transporte jusqu'à ses oreilles une phrase énigmatique, qu'il identifia - pourtant -  tout de suite comme du français :

"Vindiou qu’y va m’beugner—"

L'autrichien n'avait pas tout saisi de la signification de cette déroutante réplique, mais il avait au moins compris une chose : ce langage n'avait rien de convenable. Ce n'était pas des façons appropriées de s'exprimer, pour un sujet de l'illustre Dracula.

Car, oui, il avait reconnu la voix de Juniper. Il ne savait pas si il allait le "beugner" (quoique cela puisse vouloir dire), mais il avait assurément deux ou trois choses à lui dire.

Méphistophélès fit quelques pas vers la porte, les yeux et les joues inhabituellement secs. Mieux valait éviter les larmes de crocodile lorsqu'on maniait de fragiles papiers. L'humidité n'était pas bonne pour les documents anciens.

Son expression contrariée fondit comme neige au soleil à l'exact moment où ses yeux tombèrent sur la forme inerte aux pieds de Juniper. Les feuilles qu'il avait dans la main lui échappèrent et rejoignirent le sol dans un concert de bruissements chaotiques. Méphistophélès ne devint pas livide car il l'était déjà, mais c'était un peu l'idée.

Il oublia aussitôt le sermon qu'il avait voulu faire à son élève absentéiste. Quel droit avait-il de lui faire le moindre reproche, considérant la situation ? Méphistophélès était le premier à perdre la notion du temps et à n'être plus là pour personne lorsque son esprit déraillait et qu'il retournait chasser contre son gré.

Le contexte n'était pas le même. Juniper ne rechignait pas à se nourrir comme Méphistophélès le faisait. Pourtant, par analogie avec les situations dans lesquelles il se retrouvait bien trop souvent à son goût, l'Eploré était incapable d'en vouloir à son jeune homologue. Juniper et lui partageaient des pulsions contre lesquelles il était impossible de lutter. C'était une raison suffisante pour plaindre l'adolescent, même si ce dernier n'avait pas l'impression d'être à plaindre.

Le musicien se rua face à la jeune personne. Il ne la regardait pas. Il fixait le cadavre à ses pieds. Le vampire adolescent avait recouvert sa victime de tissus, mais on pouvait sans mal imaginer l'ampleur du désastre. Il y avait du sang partout, qui traversait les vêtements jetés sur la carcasse. L'odeur capiteuse chatouillait les narines de l'Eploré, qui eut un haut le cœur, à moitié dégoûté par la vue et l'odeur, à moitié dégoûté par lui-même. Il tira un mouchoir en tissu de sa poche et s'en recouvrit le bas du visage.

Méphistophélès n'avait pas si faim, mais il voulait quand même boire. C'était écœurant et pourtant désespérément alléchant. Seul un monstre aurait été capable de prendre du plaisir à cette vision d'horreur. Qu'y avait-il de bien surprenant ? Repenti ou non, Méphistophélès savait qu'il était un démon de la pire espèce.

"... Fallait-il vraiment que tu l'amènes ici ?" demanda t-il à Juniper dans un français parfait malgré son fort accent autrichien. Il n'avait pas réfléchi. Les deux langues qu'il maîtrisait le mieux étaient son allemand maternel et celle qu'il avait apprise - ou plutôt perfectionnée - à Paris. L'anglais lui demandait plus d'efforts, et il était trop choqué pour penser à y revenir. A quoi bon, si Juniper le comprenait ainsi ?

Une main sur le bord de la porte, il n'avait initialement pas eu l'intention d'approcher plus. Ce n'était pas son cadavre. Il avait déjà bien assez de mal à s'occuper correctement de ses propres victimes. Et puis il y avait bien trop d'hémoglobine dans l'air pour qu'il daigne approcher.

Léger mouvement de tissu. Méphistophélès avait d'abord pensé que c'était le vent, mais il trouva vite étrange la régularité avec laquelle ce mouvement revenait, au niveau où devait se trouver la cage thoracique. Il entendit un râle très faible, à peine plus qu'un sifflement, et la lumière se fit. Nouveau choc qui poussa le mort-vivant à ciller, avant d'ouvrir des yeux grands comme des soucoupes.

"... Il n'est pas mort." souffla t-il, horrifié. Aussitôt cette remarque faite, il s'agenouilla face à l'homme et retira le voile qui lui couvrait le visage. Il allait certainement le regretter, mais ça avait été plus fort que lui.
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Juniper
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MessageSujet: Re: I still search for you in crowds, in empty fields, and soaring clouds.   I still search for you in crowds, in empty fields, and soaring clouds. EmptySam 18 Juin 2022 - 18:16

La solution la plus appropriée est de prétendre qu’il n’y a pas de cadavre à ses pieds. Ignorer le problème jusqu’à ce qu’il s’évanouisse dans la nuit qui les entoure, manteau rassurant pour des êtres qui ne pourraient que brûler à la lueur de l’aube. Et Juniper pourrait inventer les notes, les écrire à la plume sur des feuilles qu’il peine encore à comprendre. Les mots détiennent leur propre pouvoir, cette beauté qui le pousse à rédiger tant de lettres qu’il pourrait en faire une tour. La musique, par contre, c’est plus abstrait. Une de ces lubies qui n’appartiennent pas à Juniper, et qu’il suit pour ne pas décevoir, sans en comprendre le but. Si l’Apathique n’était pas ainsi, nonchalant et enfermé dans une étreinte avec ses propres démons, Mephisto et lui pourraient composer des symphonies ensemble, il ajouterait des paroles aux rythmes mélancoliques de son mentor.

Rien de tout ça ne risque de se produire, par lorsque celui que June surnomme Le Pleurnicheur (quoique jamais à voix haute) est déjà en train de s’avancer, plein de reproches et de ce qui compose les adultes. Junipe se demande à quel point l’univers continue à exister, loin de leur douleur éternelle, qu’est-ce qui évolue et devient meilleur, là où ils se contentent de ravager des populations entières par lassitude.

Méphistophélès est, évidemment, bien différent, peint de remords et de cette explosion dans son cœur qui n’a laissé qu’un vide inconfortable pour lequel on ne peut rien. Il rechigne à tuer, à se nourrir, une notion qui échappe totalement au cadet. Juniper, malgré l’apathie, ne se laisse pas arrêter par les chairs et les organes, retirant tout ce qui se trouve sur sa route pour un soupçon de chaleur. Ou bien une vengeance qu’il estime méritée.

Au français, à se souvenir qu’ils partagent—quoique pas de la même manière, l’accent du professeur de musique étant un brin lourd—June se détend un brin. Qu’importe les reproches, il semble plus prompt à prêter attention si sa langue maternelle est employée. Juste que Mephisto y cause comme un bourge. Pas que ça soit étonnant, mais quand même.

A l’accusation, l’adolescent vampire laisse son regard ennuyé glisser vers sa victime. Pourquoi pas ? Tel un chat ramenant une proie fraîche pour l’abandonner, s’offusquant ensuite qu’on s’en débarrasse, Juniper paraît ne pas savoir quoi répondre. Ils sont vampires, ils tuent—la manière dont Méphistophélès fonctionne lui passe par-dessus la tête. En plus, le corps est en un seul morceau, plus ou moins, ce qui est bien plus approprié que les tentes humaines que Juniper aime à construire.

« Oh ? » Le bougre y a survécu à se faire traîner comme un sac de patates ? Eh beh. Du bout d’un pied nu, Juniper presse contre les jambes de sa victime, qui trésaille à peine.

Un instant, il songe que son mentor s’agenouille pour apporter le coup final, histoire de mettre un terme à la situation et de pouvoir continuer leur nuit. Un espoir aussi vain que d’imaginer ses doigts parvenir à composer un quelconque hymne en l’honneur du Seigneur. Il sait jouer, pas créer. L’opposé de Méphistophélès, qui compose avec son corps désabusé, morbide et terrifiant, uniquement pour ne pas s’en servir comme il devrait.

« Puis-je l’achever, grand-frère ? »

Il s’accroupit avec un soupir, une épaule ensanglantée pressant contre la belle tenue de son aîné ; qu’importe, ce n’est pas son propre sang, uniquement la mémoire d’une victime qui partira au cours d’un bain. Juniper n’a guère l’intention de demeurer toute sa nuit sur le porche, à attendre que l’humain s’autorise à passer de l’autre côté naturellement. Et ça l’ennuie de songer que c’est probablement le plan de l’autre tête de buse là, avec sa tronche de chien battu.

« Grand-frère, » il tente de nouveau, voix teintée d’un ennui marqué, ses doigts trouvant la chevelure du corps, ou presque corps, près à s’y enfouir et à lui arracher la tête d’un coup sec. « Il est mien. »

Mon cadavre, pas le tien.








 
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MessageSujet: Re: I still search for you in crowds, in empty fields, and soaring clouds.   I still search for you in crowds, in empty fields, and soaring clouds. EmptySam 18 Juin 2022 - 20:57

A la question du professeur, Juniper ne répondit rien. Dans un autre contexte, et dans un autre état, Méphistophélès aurait pu s'en offusquer. Pas maintenant. Après tout, qu'importe la raison exacte pour laquelle le jeune vampire avait ramené cette carcasse à l'entrée du Manoir. Elle était là. C'était ça qui comptait. C'était la raison pour laquelle les sens trop fins du mort-vivant étaient actuellement assaillis par les effluves délicieuses et nauséabondes qui se dégageaient du corps. C'était la raison pour laquelle il était au bord de perdre un contrôle qui n'aurait pas dû si aisément lui échapper, car sa dernière chasse était assez récente. C'était aussi la raison pour laquelle une nouvelle envie de pleurer, mêlée à un sentiment de malaise rampant, lui retournait les entrailles. Encore une vie de perdue. Encore du sang. Ce cycle de malheurs et de destruction était voué à n'en jamais finir.

Puis Méphistophélès prit conscience que l'être à ses pieds, malgré ses nombreuses blessures, malgré l'aspect désarticulé de son corps traîné contre le sol irrégulier d'Halloween, n'était pas encore mort. Horreur et pitié ne firent qu'une lorsque le vampire se laissa tomber au sol pour s'occuper de ce pauvre homme, dont il n'osait imaginer les souffrances. Il entendit une exclamation à proximité de lui. Juniper était surpris. L'adolescent devait avoir pensé sa victime définitivement inanimée. Cette pensée consolait légèrement Méphistophélès, même si une partie de lui savait que c'était ridicule. La cruauté était l'apanage de presque tous les vampires. Méphistophélès aimait sa nouvelle famille avec passion, il lui était loyal autant qu'il l'était à Dracula lui-même. Il acceptait l'inhumanité et l'insensibilité des siens sans jamais les remettre en question. Il se refusait simplement d'y penser. Lorsqu'il en était témoin, il ne pouvait plus les ignorer aussi efficacement. Il était mis face à l'une des réalités qu'il fuyait : les mœurs les plus sanglantes du Manoir l'écœuraient profondément. Parfois, quand c'était trop insoutenable, il changeait. Il devenait comme les autres. Tout était plus froid et plus facile.

Rien de tel en cet instant. Témoin de son humanité résiduelle, l'œil gauche de Méphistophélès gardait la couleur anthracite qu'il avait toujours eue. L'œil droit, rouge comme le sang, fut pourtant celui dont les larmes coulèrent en premier. Cette seule et unique goutte d'eau glissant contre son visage trop lisse et trop blanc précéda de justesse le moment où Méphistophélès souleva le voile de tissu qui cachait le visage de celui qui n'était pas assez mort.

La main du vampire, tremblante, lâcha le vêtement ensanglanté avant que son propriétaire l'ait consciemment décidé. Le visage du pirate édenté était en sang. Méphistophélès bascula lourdement en arrière. Tous ses membres étaient désormais de coton. A genoux, mais assis sur ses pieds qui le soutenaient à peine, il fixait le mourant. L'image s'imprima sur sa rétine et par dessus cette dernière, une autre se superposa.

CW : Passage assez évasif sur le détail de ce qui est touché mais "tactilement graphique" et gore

Stern, massacré. Stern qu'il avait défiguré sans la moindre once de scrupules. Méphistophélès avait mémorisé chacune des sensations associées, chaque résistance, chaque à-coup, chaque matière organique qui avait caressé sa peau, et chaque contact avec un os talant ceux de ses mains lorsqu'il atteignait la limite. Il avait éprouvé du plaisir à cet acte innommable. L' ordure n'avait obtenu que ce qu'elle méritait. Elle lui avait pris Emile. Elle avait été la première à mutiler son beau visage. Elle lui avait coupé la tête et truffé son crâne d'ail comme on aurait farci une dinde avant de la cuire. Il avait transformé cet humain en un amas de chair à peine reconnaissable, monstrueux.

Monstre. C'était lui, le monstre. Méphistophélès le démon, à cause de qui Emile était mort. Le meurtre de Stern et celui de son amant se mélangeaient dans sa tête. Sans cohérence aucune, l'Eploré confondait les deux actes. Parfois, il avait l'impression que c'était Emile, qu'il avait tué de ses mains.


... Sa faute. C'était de sa faute, ce corps aussi ? Engourdi, Méphistophélès nageait dans une forme d'étrange confusion. C'était comme d'évoluer dans un rêve dont le contexte changeait en permanence : il ne savait plus ce qui était vrai. Était-ce Juniper qui avait fait ça ? Ou bien était-ce encore un crime à rajouter à la liste de tous ceux que Méphistophélès avait déjà commis ? La main qui tenait le mouchoir, cachant nez comme bouche, tremblait si fort qu'on se demandait comment le vampire arrivait encore à tenir tout ça en place. Son visage entier frémissait, à tel point qu'on aurait cru l'autrichien au bord de la syncope.

"Puis-je l’achever, grand-frère ?"

... Oui. Il fallait l'achever. Ce pirate n'avait déjà que trop souffert. Méphistophélès aurait dû obtempérer sans hésiter. Pourquoi hésitait-il ?

Ce n'était pas de l'hésitation. Il était bloqué, figé, incapable de parler ni de bouger. C'était peut-être un peu de l'hésitation quand même : de qui était-ce la faute ? De qui était-ce le rôle ? Méphistophélès n'avait aucune envie de commettre un nouvel acte de barbarie, mais il se devait de prendre ses responsabilités. Il ne pouvait pas se décharger sur Juniper.

"Grand-frère"

On l'appelait encore, toujours dans cette langue française qui avait tant signifié. Tout désabusé qu'il était, Juniper parlait d'une façon qui aux oreilles de l'autrichien sonnait comme un tapis épais dans lequel il se serait enroulé. C'était doux. C'était aussi amer. Cela lui avait tant manqué.

Et cela lui rappelait tant combien Emile lui manquait.

A ce stade, le visage de Méphistophélès était couvert de larmes. Il contint un gémissement qu'il se refusait à pousser. Ce furent d'autres larmes épaisses qui coulèrent à la place.

"Il est mien."

... Sien. Celui de Juniper. Pas celui de Méphistophélès. Pas son crime. Pas Stern. Pas Emile. Méphistophélès cligna des yeux et revint lentement à lui, se souvenant peu à peu des raisons qui l'avaient poussé à s'agenouiller auprès du presque mort. Juniper était tout contre lui. Du sang tachait son costume noir, ce qui aurait dû le contrarier. C'était allé trop loin pour qu'il s'en soucie tout de suite. Il aurait l'occasion d'être dégoûté plus tard.

Le musicien cligna encore des yeux à plusieurs reprises. Il observa la main que l'adolescent avait mise dans les cheveux du pirate sans beaucoup de délicatesse. C'était l'œuvre de Juniper, alors oui, en effet, il aurait dû se lever, partir, et laisser son jeune semblable finir le travail comme il l'entendait. Ce n'était pas ses affaires, n'est-ce pas ?

Quelque chose le retenait. Un mauvais pressentiment. Il pouvait peut-être encore aider cet humain, même si cela ne devait être que dans ses derniers moments. Méphistophélès ne voulait pas que Juniper agisse avant qu'il ait eu le temps de l'en empêcher, alors pour prévenir toute action surprise, sans aucun égard pour les fluides abjects qui glisseraient nécessairement contre ses doigts, lui aussi posa sa main dans les cheveux de la créature brisée. Il le fit avec douceur, comme pour consoler le mourant, le flatter une dernière fois. S'il fallait, il bloquerait la main de son élève et le prendrait de vitesse. Ou bien en tous les cas, il essaierait.

"... Comment comptes-tu t'y prendre, Juniper ?"

Sa voix n'était pas grand chose de plus qu'un souffle frémissant. Il ne donnait pas l'air d'être sur le point de faire ce qu'il était pourtant déterminé à faire s'il le fallait.
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