Petit morceau de soleil détaché du ciel : Freckles n'est qu'un sourire. Un souffle de bonheur à travers cet écart entre ses incisives, ses fossettes étirant les taches de rousseur qui éclaboussent ses joues. Freckles, son sourire, c'est une arme de destruction massive. Et sourire, il le fait tout le temps.
Et Freckles, ce n'est que passion. Boule de nerf, truc inépuisable à l’énergie solaire. Il s’enthousiasme pour un rien, sa voix part très vite dans des niveaux sonores improbables, son rire est une explosion. Mais il s’énerve tout aussi subitement, fronce les sourcils, jure et s'indigne, puis boude. Et en une seconde, oublie, et sourit de nouveau.

Freckles n'est pas bien grand et pas bien impressionnant. Mais Freckles est athlétique. Il a toujours été comme ça : infatigable. Solide. Les kilomètres qu'il avale tous les jours, à porter des charges lourdes, ont achevé de faire de lui une boule d’énergie sans aucune limite. Parfois, les autres livreurs s'en plaignent. Parce qu'il va trop vite, accepte toutes les missions, transforme tout en compétition. Il est compétitif, Freckles. Pas un mauvais perdant, cela dit. Du moins, pas pour trop longtemps. Et au bout de ses provocations enflammées, ses bonds et ses « tu veux te battre ? » que peu de gens prennent au sérieux, Freckles sait sortir les griffes. Petit chaton qui se change en fauve quand il se sent menacé, yeux d'ambres et crinière de feu. A se révolter pour rien et essayer de faire regner une justice naive, quitte à finir à l'infirmerie. Même pas mal, qu'il dit. Avant d'oublier.

Freckles est dévoré par un instinct de protection presque paternel. Il est persuadé d'être responsable des livreurs au même titre qu'une mère, et certains se plaignent parfois qu'il se comporte comme tel : il câline, punit et aime à peu près autant. C'est pas de sa faute, son cœur déborde. Beaucoup trop d'amour à partager. Des surnoms affectueux fusent de ses lèvres, qui lui donnent l'air beaucoup, beaucoup plus vieux, ou beaucoup, beaucoup plus bizarre, mais il s'en fiche. Trop tactile, presque instinctivement, il cherchera le contact, une main à tenir, des épaules à entourer, viendra placer ses mains toujours trop froides dans votre cou. L'espace vital, ça existe pas, dans sa tête.

C'est foncièrement quelqu'un d'adorable. Gentil et souriant avec tout le monde sans partage. Et parfois sans raison. Freckles a du mal à detester les gens, il faut le dire. Il n'a pas la rancune durable, mais de toutes façons, ce n'est pas le meilleur juge de caractère. Il sera toujours intéressé par ce qu'on lui raconte. C'est le public idéal : il sourit, il pose des questions, il fait exactement les bonnes réactions au bon moment, et même pas que pour vous faire plaisir, mais parce que ça le passionne vraiment. Freckles, il se passionne pour n'importe quoi. Un jour, ce sera un truc, et le lendemain un autre. Ses pulsions sont en général trop courtes pour aboutir, il se lasse en un éclair. C'est parce que Freckles est curieux, il veut tout savoir, le plus vite possible. C'est pour ça qu'il écoute. Mais quand lui essaie d'expliquer quelque chose, il confond, il s’emmêle, et part dans des délires improbables qu'il construit sur ses incohérences. On le croit parfois un peu débile. Mais il s'enflamme, c'est tout.
Pas de ta faute, p'tit soleil. Qui construit sa vie au même rythme qu'il oublie le reste.

✿ Tout le corps de Freckles est couvert de taches de rousseur qui brunissent sa peau. Ouais, même ses pieds.

✿ Il boit beaucoup beaucoup de lait, et encourage (force) son groupe à en faire de même. Parce que le calcium ça fait des os solides.

✿ Il est arrivé sur l'île avec ses deux sœurs : l'une plus vieille et l'autre plus jeune que lui. Elles sont mortes toutes les deux sur l'île.

✿ Il lui manque deux phalanges au petit doigt de la main gauche.

✿ Freckles est super souple. Toujours à faire des acrobaties improbables, et à sauter partout -il fait d'ailleurs des bonds impressionnants pour sa taille.

✿ Il a du mal à rester en place. Quand il doit attendre à un endroit fixe, il finit toujours par s'asseoir n'importe comment, et à se contorsionner dans des poses improbables, souvent avec une jambe derrière la tête ou en pont, comme si de rien était. Il dit que ça l'aide à réfléchir.

✿ Il a un sommeil très souple : capable de s'endormir n'importe où, et récupérer très vite pour se lever aux premières lueurs du jour, complètement survolté.

✿ Il est persuadé que ses cheveux ont une conscience propre et s'en plaint sans arrêt. En réalité, il s'en occupe beaucoup et adore qu'on les touche. Les massages du crane peuvent l'endormir instantanément. Ils sont très soyeux.

✿ Freckles se vante souvent de n'avoir peur de rien. De rien !

✿ Il est doué pour les langues et a un accent léger et indéfinissable.

✿ Il a une très mauvaise mémoire.

✿ Il adore l'eau et nage bien.

✿ Il a un faible pour les bonbons à la fraise.

Il est impliqué dans la vie au grand arbre comme peu d'autres. C'est comme sa maison, finalement, et les autres perdus, une ribambelle de frères et sœurs. Si chaque mort l'atteint profondément, il ne blâme pas l'île pour autant; au contraire, il pense que c'est tout simplement la vie.

Il a oublié. Tout oublié. Si chez la plupart des garçons perdus, les souvenirs partent avec le temps, les siens ont été balayés dans les premiers mois. Il a parfois même du mal à se rappeler qu'il vient d'ailleurs. Quand les autres l'évoquent, il fronce les sourcils comme si il essayait de se rappeler, et renonce. Ça lui fait parfois envie, par pure curiosité.

Peter ? Freckles l'aime bien. C'est le chef, après tout, alors il a toujours raison. Même si il se la pète, des fois. Mais il sait voler. Tu sais voler toi ? C'est bien ce que je pensais.

« J'ai une idée. »

Le petit groupe présent dans la cabane est traversé d'un grognement unanime.

« Non mais attendez, vous savez même pas ce que je vais dire ! »
« Freckles ... »

Ignorant royalement les mines défaites autour de lui, le garçon aux cheveux oranges déplie sur une table la carte la plus moche du monde. Un grand collage de papiers froissés couverts de traits au crayon, traçant des chemins approximatifs. On peut reconnaître la mer, le grand arbre, quelques lieux placés hasardeusement. Le soleil est représenté en haut à gauche, avec un sourire. Ça fait pourtant bien longtemps que le soleil ne s'est pas levé sur l'île.
D'une main d'où il manque un doigt, Freckles désigne un chemin sur le papier, pendant qu'il gesticule de l'autre, le visage éclairé.

« Regardez. Si on contourne la clairière au lieu de passer à travers, et qu'on passe par l'est du village huron, on peut atteindre le point d'eau numéro six sans passer dans la zone de danger. J'ai calculé. Plus de la moitié des attaques se sont passées là dedans. Suffit de faire un détour. Et bam. On risque rien. »

Il a beau afficher un sourire rayonnant, Freckles n'en mène pas large. A vrai dire, malgré ses efforts, son groupe est plein de trous: les livreurs sont, à cause de leurs aller-retours incessants aux mêmes endroits, des proies faciles pour les pirates. Quand ses gosses revenaient vivants, ils restaient blessés et traumatisés. Certains ne pouvaient plus marcher, car pour une raison qui lui échappait, les pirates semblaient toujours viser les pieds. Et du coup, le drame. Il avait beau piquer des crises, les rescapés suppliaient Peter de changer de groupe.
Les quelques gamins autour de la tête se lancèrent des regards de détresse. Une des livreuses commença, d'un ton prudent :

« Chef. » elle sembla chercher une façon de formuler sa pensée sans l’énerver. « Ça fait au moins trois kilomètres de détour. »
« Et ? »
« Trois kilomètres. C'est beaucoup. »
« Je sais pas, je pense que c'est la carte qui fait ça. En vrai, je pense que c'est beaucoup moins ... »
« Chef. »
« Je porterais vos seaux au retour ! Et puis ça fait de l'exercice. »

Son sourire fond doucement sur son visage devant le silence abattu des autres livreurs. Tout le monde est épuisé. Par les blessures, la peur, la nuit perpétuelle qui s'est couchée sur l'île. Ce serait facile de se laisser abattre, lui aussi. Mais à la place, il gonfle les joues, croise les bras, et affiche la mine du chef-pas-content.

« Excusez moi de vouloir vous garder en vie, hein ! Si vous tenez pas à vos pieds, tant pis pour vous. Je suis sûr qu'Eilis serait d'accord avec moi. Elle est où, Eilis ? »

Haussement d'épaule collectif.

« Ok, sinon. Plan B- »

Il est coupé net par de grands cris dehors, des voix qui se rapprochent, et une tête paniquée qui passe par l’entrebâillement de la porte.

« Freckles, tu peux venir voir ? »
« C'est grave ? »

Le garçon avale sa salive, hésitant.

« Plutôt grave. »