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Perdue
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MessageSujet: Il fait toujours plus sombre avant l'Aube   Il fait toujours plus sombre avant l'Aube EmptySam 21 Mar 2015 - 14:35


"Ne livre ton secret qu’à des oreilles sûres, et qu’à des doigts prudents le soin de tes blessures."
- Publilius Syrus

Les dernières heures avaient ressemblé à un rêve. Un rêve étourdissant, absurde, merveilleux et dérangeant. Il y avait eu l’apparition, la proposition, la brève, trop brève hésitation avant qu’elle n’accepte. Puis l’envol, le voyage, l’arrivée. Elle avait perdu son ombre, troqué son nom pour un autre. On la baptisa Green, pour des raisons évidentes.

Puis elle avait été l’attraction de la soirée, accueillie par plein d’autres enfants. Des gamins curieux, ravis, horriblement bruyants. L’ambiance contrastait terriblement avec le calme de sa chambre d’hôpital, la nouvelle Green avait donc, en conséquence, poussé sa première gueulante sur l’île de Never Never Land. Son nouveau surnom était venu peu de temps après, et la nouvelle venue avait réprimé un sourire en l’entendant : au fond, elle se trouvait pas si mal, là. C’était juste que, toute cette attention n’avait rien d’habituel. Dans les situations inconnues, étourdissantes, Green avait sa stratégie de défense : râler, hurler, donner l’impression de faire la gueule alors même que des étoiles brillaient dans ses yeux. C’était qu’elle n’avait pas peur d’élever la voix contre ceux qui n’étaient pas elle. Mais elle n’existait plus, Peter le lui avait assuré. Elle ne pourrait jamais la retrouver ici, elle ne pourrait plus lui faire du mal. Plus jamais.

C’était quand même la principale raison du son bien-être de celle à qui on avait volé ombre et nom.

Après la fête vint la nuit, les histoires du soir et puis... plus rien. Le silence. Green s’était trouvée un coin, une cabane déserte où elle resta, les yeux grands ouverts. Les dernières heures repassaient, la Garçonne Perdue ressassait. On lui avait dit que le lendemain, elle saurait à quel groupe elle appartiendrait. Et l’idée la terrifiait.

De tous les visages qu’elle avait vu défiler, elle n’en avait retenu aucun. Il y avait eu trop de monde, trop d’informations. Trop de questions posées à son intention.

"Y’a quoi sous ton bandage ?"

C’était bien ça le problème : sous le bandage, il y avait le reste d’une plaie bien trop vilaine, bien trop douloureuse. Et le problème qui la tenait éveillée, c’était que le bandage en question, elle se l’était fait elle-même, à la va-vite avant de quitter le monde ordinaire à tout jamais. C’était hors de question de révéler aux autres la brûlure parce que la brûlure amènerait les questions. Et avec les réponses la vieille nausée, les souvenirs et la suffocation. C’était hors de question.

Au cours de la fête, elle avait pu questionner un Perdu à la face peinturlurée. C’était lui qui lui avait parlé des Peaux-Rouges qui vivaient sur l’Île et surtout des Delaware. Et maintenant qu’elle se trouvait seule dans le noir, tenaillée par la peur que lui inspirait l’idée qu’un jour son bandage puisse se défaire, une idée germa en elle. Une idée folle, suicidaire.

Jusqu’où irait-elle pour garder le secret ?

Jusqu’à l’ouest, lui avait dit le gamin. Elle se souvenait de leur conversation.

"Ils sont pas dangereux, au moins, les Delaware ?"
"Oh non ! Là on est pas en guerre contre eux donc ça va."


Dommage qu’il ne lui soit pas resté, à lui, de la peinture de guerre. Cela lui aurait évité le voyage.
***

Le départ, solitaire et secret, avait été une horreur mais cela n’avait rien de vraiment étonnant. Une fois sortie de la jungle, les choses se déroulèrent un peu mieux. Le Pays, une fois le soleil couché, semblait hostile, terrifiant. Green se sentait minuscule, à se débattre avec les ombres de la nuit pour un motif futil mais qu’elle jugeait crucial. Malgré la dizaine de fois où elle chuta, les innombrables instants où elle voulut faire demi-tour, malgré la seconde où elle manqua de gémir, de détresse, le nom de sa mère, elle finit par trouver son repère.

La fumée. La grande colonne de fumée qui s’élevait vers les étoiles. En sortant du bois, elle l’avait aperçue. La rage qui s’était l’avait poussé à ne pas abandonner se fit victorieuse, ignorant les larmes qui lui piquaient les yeux et les éclairs de douleur provenant de ses articulations. Revigorée par cette vision, Green poursuivit sa mission.

Avec la fumée vint le campement. Si la nuit s’était faite silence, ce n’était pas vraiment le cas aux alentours du territoire de ces Peaux-Rouges-là. La Grincheuse aurait dû s’en trouver intimidée, mais voilà : elle en avait marre. Elle voulait juste de la peinture à étaler sur sa blessure. De quoi  faire croire que c’était tout ce qu’il y avait à voir, entre le rouge et le vert.

La nouvelle Garçonne Perdue essuya donc avec brutalité ses prunelles ambrées, inspira un grand coup, fit quelques pas décidés vers ce qui semblait être l’entrée des lieux...

... et s’écroula. Les articulations de ses jambes, malmenées par l’expédition nocturne et le manque de sommeil, s’étaient mises en grève.

- C’est pas vrai... gémit Green entre deux jurons de douleur.

Décidément, elle avait connu meilleure entrée en scène.
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MessageSujet: Re: Il fait toujours plus sombre avant l'Aube   Il fait toujours plus sombre avant l'Aube EmptyDim 22 Mar 2015 - 14:02

Au sein des bois entourant le camp des Delaware, on pouvait régulièrement apercevoir des fumerolles, perchées parmi les branches, ou à demi-assoupies dans les bosquets. Les créatures éthérées faisaient parti des rares êtres de l'île à ne pas être dérangées par le tapage qui alimentait, régulièrement, le clan du Corbeau. Toutes étaient liées à un membre de la tribu, et surveillaient les alentours, dès la nuit tombée, sauf si leurs « maîtres » les appelait à eux.

Fumette, la fumerolle du chef des Delaware, avait été une des premières à apercevoir l'Enfant Perdu. Sa crinière verte se fondait presque à son environnement, mais sa démarche et la lueur de sa peau, rehaussée par l'éclat lunaire, la rendait éclatante aux yeux de l'esprit. Sautillant de branche en branche, la fumerolle suivit le parcours de l'Enfant Perdue. L'esprit était empli de curiosité. Jamais encore il n'avait vu cet humain aux abords du camp. Elle ne ressemblait pas à un pirate, ne semblait pas armé – ce qui excluait la présence d'un ennemi, ou même une attaque de la part de Peter Pan.

Quand l'Enfant s'écroula, Fumette laissa échapper un pépiement. L'esprit sauta de sa branche et, sous sa forme d'oiseau éthéré, vola à tire d'aile jusqu'au camp. Elle remonta le fil invisible qui la liait au chef des Delaware. Comme à son habitude, ce dernier se tenait devant son tipi, tirant de longues bouffées d'une pipe aux vapeurs opiacées. Fumette voleta devant lui, pépiant sur un rythme saccadé. Paon Chamarré déposa sa pipe, et voulut grattouiller la tête de la fumerolle pour l'apaiser. Mais Fumette évitait le contact, invitant le chef à sortir de sa torpeur. La situation demandait son intervention, expressément !

« D'accord, d'accord... » répéta le chef, d'une voix rendue pâteuse par la drogue. Paon se leva, et fit signe à une des sentinelles la plus proche de s'apaiser. L'homme s'était levé, prêt à recevoir les ordres de son supérieur. « Conduis-moi Fumette, montre-moi. »

Il n'en fallut pas plus pour que la Fumerolle s'élance, à une telle vitesse qu'elle ressemblait à un simple feu-follet, une boule blanchâtre, presque spectrale. Paon Chamarré dut accélérer son allure pour ne pas perdre la créature de vue. Il courut, tant et si bien, qu'il dut freiner des quatre fers pour ne pas heurter, et surtout s'écrouler, sur l'Enfant Perdue.

« Hé bien, hé bien, voilà une exquise chevelure comme je n'en ai jamais vu ! »

Paon Chamarré était sensible à la beauté des choses, et à l'extravagance sous toutes ses formes. Rien ne le charmait plus que les créations fantasques, qu'ils soient le fruit de la Nature ou de la main humaine. Le Delaware fléchit les genoux et prit une des mains de l'Enfant Perdue pour l'inviter à se relever.

« Peux-tu te remettre debout, es-tu blessée ? Je peux te mener à notre chaman, si tu en éprouves le besoin. Quand tu seras dispose, nous pourrons discuter ensemble des raisons de ta venue. »

Paon Chamarré n'était jamais réfractaire aux visites, même nocturnes. Il était homme à accueillir le voyageur égaré sous son toit.

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MessageSujet: Re: Il fait toujours plus sombre avant l'Aube   Il fait toujours plus sombre avant l'Aube EmptyMer 1 Avr 2015 - 23:09

La douleur, foudroyante, se répandait à travers son corps comme du poison. À genoux  (c’était toujours plus digne qu’étalée par terre, pensait-elle), Green la sentait pulser à travers chaque muscle, chaque nerf de son corps. Réveillé par la sensation, le souvenir s’infiltra dans la brume de sa conscience sous la forme d’une voix féminine venue tout droit du passé.

"Ma fille a toujours été si maladroite, vous savez..."

- Ta gueule. Grommela-t-elle en réponse, ce qui eut au moins pour don de faire taire la voix. Les poings de Green se crispèrent : en comparaison du souvenir, la douleur n’était rien qu’elle ne puisse gérer. Il fallait juste qu’elle inspire et expire profondément, jusqu’à ce qu’elle cesse d’avoir trop mal pour bouger.

Trop concentrée sur sa respiration, la nouvelle Enfant Perdue ne vit l’autre indien débouler que lorsqu’il ne fut qu’à quelques centimètres d’elle, pilant brusquement pour ne pas lui tomber dessus. Elle leva les yeux, ouvrit la bouche stupidement : pour un indien peinturluré... hé bien, c’était un indien peinturluré. Et apprêté, aussi, très mode. Alors qu’elle le fixait, la Grincheuse se fit la réflexion idiote que celui qui peindrait son portrait aurait besoin d’une palette de couleur monstrueuse... et d’un sens du détail à tout épreuve.

- Hé bien, hé bien, voilà une exquise chevelure comme je n'en ai jamais vu !

Un peu stupéfaite, Green porta la main à ses cheveux. Ah oui, c’est vrai qu’ils étaient... verts. Elle avait failli l’oublier.

Alors qu’elle se faisait la réflexion que ce Peau-Rouge n’avait pas l’air bien méchant, ce dernier se mit à sa hauteur et lui prit la main. Le contact, trop peu habituel, fit naître une expression paniquée sur la visage de l’adolescente. Elle se raidit mais se fit violence pour ne pas se dégager.

- Peux-tu te remettre debout, es-tu blessée ? Je peux te mener à notre chaman, si tu en éprouves le besoin. Quand tu seras dispose, nous pourrons discuter ensemble des raisons de ta venue.

- Je vais bien.

Les mots, prononcés d’un ton exaspéré et bien trop violent, sortirent de sa bouche comme un cri. Aussitôt, Green regretta que son mécanisme de défense se soit activé. D’un geste brutal et quelque peu tremblant, elle porta sa main libre à son visage, couvrant ainsi son bandage de fortune et sa bouche.

- ... pardon. Je... c’est juste que...

Sa voix tremblait, c’était pathétique. Résistant à l’envie de se mettre une gifle, l’Enfant Perdue préféra prendre une grande inspiration, le temps de rassembler ses mots.

- J’ai l’habitude, ça va passer. Finit-elle par lâcher d’un coup, détournant le regard. Elle ferait attention au chemin du retour, voilà tout.

Maladroitement, la Grincheuse s’aida alors de la main tendue de l’indien pour se mettre debout. Une de ses jambes tremblait encore, mais il lui semblait qu’elle allait déjà mieux. Certes, elle avait toujours mal mais c’était là une douleur à laquelle elle n’avait eu d’autre choix que de se faire.

- On peut parler maintenant. Reprit-elle, moins sûre d’elle. Je... je vous dérangerais pas longtemps, promis.

Foutu manque d’assurance, foutues séquelles.
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MessageSujet: Re: Il fait toujours plus sombre avant l'Aube   Il fait toujours plus sombre avant l'Aube EmptyVen 3 Avr 2015 - 14:04

Le regard, les dents montrées, furtivement, tel un animal voulant prendre l'ascendant, rappelaient à Paon Chamarré une autre Enfant Perdue. Les causes étaient différentes, quelques nuances se lisaient, mais il y avait ce besoin, irrépressible, d'attaquer en premier pour ne pas être blessé à son tour. A croire que les demoiselles farouches préféraient se rendre chez les Delaware, que dans n'importe quelle autre tribu. Seuls les Esprits pouvaient expliquer ce fait.

Paon Chamarré laissa l'Enfant Perdue se remettre debout, rassembler ses mots. Le chef pouvait se montrer patient, lorsqu'il le souhaitait.

« Tu devrais manger plus. » asséna-t-il à la fin des paroles de Green. « Les vertiges et les douleurs sont des signaux provoqués par ton corps. Des alertes qu'il faut prendre en compte. »

Le masque de sérieux se fendilla, laissant exploser un sourire éclatant, aux dents si blanches qu'elles en étaient troublantes. Un croissant blanc, au sein d'un faciès de terre brune, ponctué de peintures aux teintes explosives.

« C'est ce que dirait Corneille Ardente, mon ami chaman. Il me l'a déjà dit, je crois, une fois. J'oubliais de me nourrir et je préférais fumer la pipe, en continu. Je mettais mes vertiges sur le compte d'une atteinte de l’illumination. Je pensais que j'allais pouvoir communiquer avec des Esprits méconnus. »

Paon Chamarré riait de sa propre sottise. L'homme finit par claquer ses mains, l'une contre l'autre.  

« Mais bon, nous ne sommes pas là pour parler de moi. On va se poser dans mon tipi, tu pourras me parler, en toute intimité. Je sens que tu as du mal avec le contact humain, et l'exubérance de ma tribu, peut être éreintante pour les non-habitués. »

Paon Chamarré invita l'Enfant à la suivre. Il veillait, depuis le début, à ne pas poser son regard sur le bandage. Si la jeune fille veillait à le cacher, c'était pour une bonne raison.
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MessageSujet: Re: Il fait toujours plus sombre avant l'Aube   Il fait toujours plus sombre avant l'Aube EmptyMar 7 Avr 2015 - 14:43



- Tu devrais manger plus. Les vertiges et les douleurs sont des signaux provoqués par ton corps. Des alertes qu'il faut prendre en compte.

À cette affirmation, Green n’avait rien trouvé de plus intelligent à répliquer que :

- ... hein ?

Dans sa logique adolescente, égocentrée, la nouvelle Enfant Perdue avait bien de la peine à comprendre ce qui avait mené son interlocuteur a une telle conclusion. Ce qu’elle avait tendance à oublier, c’était que l’indien n’était pas dans sa peau et ne pouvait donc pas comprendre qu’elle avait mal à sa mère, pas à sa faim. Alors qu’elle fixait le Peau-Rouge d’un air vaguement perplexe et un peu inquiet, ce dernier se mit soudain à lui sourire, d’un sourire si radieux qu’elle failli presque l'imiter.

Presque.

- C'est ce que dirait Corneille Ardente, mon ami chaman. Il me l'a déjà dit, je crois, une fois. J'oubliais de me nourrir et je préférais fumer la pipe, en continu. Je mettais mes vertiges sur le compte d'une atteinte de l’illumination. Je pensais que j'allais pouvoir communiquer avec des Esprits méconnus.

Et il riait maintenant, comme si sa propre stupidité était le sujet le plus réjouissant du monde. Toujours sur ses gardes, la Grincheuse ne put s’empêcher de se détendre légèrement. Non, décidément, cet indien-là n’avait pas l’air méchant. Au contraire, il avait pris la peine de l’écouter même si elle lui avait aboyé dessus. Un peu confuse, Green se passa la main dans les cheveux. Elle ne savait plus trop quoi penser, quoi dire. Une seule chose était sûre : elle était épuisée, maintenant et ses émotions ne lui laissaient aucun répit. Mais elle ne pouvait pas se laisser aller, pas tant que son secret ne serait pas caché convenablement.

L’homme reprit, après avoir frappé des mains :

- Mais bon, nous ne sommes pas là pour parler de moi. On va se poser dans mon tipi, tu pourras me parler, en toute intimité. Je sens que tu as du mal avec le contact humain, et l'exubérance de ma tribu, peut être éreintante pour les non-habitués.

La Grincheuse haussa les épaules. Elle aurait voulu prétendre le contraire, se défendre, dire qu’elle était parfaitement à l’aise mais cela aurait été mentir à celui qui parlait des autres comme de "sa tribu". Et puis, Green restait lucide : elle se sentait peu à l’aise ici. De trop. Mais bon, cela ne la changeait pas vraiment d’ailleurs...

D’un pas docile, elle suivit le chef de la tribu. gardant la tête baissée pour que ses cheveux viennent naturellement couvrir son visage. Le camp était bruyant, chaotique, impressionnant ; il y avait des oiseaux empaillés partout. Malgré son choeur qui battait un peu trop fort et ses membres qui lui faisaient un peu trop mal, la Garçonne Perdue sentait une part d’émerveillement naître en elle alors qu’elle jetait de furtifs coups d’oeil aux alentours. L’impression qui se dégageait du campement était certes bordélique mais en même temps... curieusement réconfortante. Comme l’idée qu’elle se faisait d’un chez-soi, avec une famille qui idéalement ne chercherait pas à vous tuer.

Green secoua la tête ; la fatigue la rendait bien trop sentimentale. Fixant toujours le sol, elle constata qu’ils semblaient être arrivés. Tant pour briser le relatif silence que pour faire taire ses pensées vaguement nauséeuse, elle prit la parole d’un ton qui, comme toujours, était un peu trop agressif :

- Vous êtes le Chef de ce clan ?
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MessageSujet: Re: Il fait toujours plus sombre avant l'Aube   Il fait toujours plus sombre avant l'Aube EmptyDim 12 Avr 2015 - 15:56

Paon Chamarré avait marché d'un pas vif, se coulant dans les ombres, évitant les nappes de lumière formées par le Feu Sacré. L'homme écarta le pan de peau qui servait de porte, laissant le loisir à l'Enfant Perdue d'entrer la première. Paon lui emboîta le pas, laissant retomber le pan de peau derrière lui. Les bruits de la fête parvenaient encore jusqu'à eux, mais étouffés, presque lointains, formant un fond sonore.

Prenant possession des lieux, tel un roi en terrain conquis, Paon s'assit en tailleur, sur le tapis, auprès du foyer central. Ses doigts saisirent son imposante coiffe, pour l'ôter de son crâne.

- Vous êtes le Chef de ce clan ?

Le geste de Paon demeura suspendu. Ses mains retombèrent sur ses genoux, son regard se planta dans celui de son invitée.

« Je suis Paon Chamarré, chef des Delaware. J'ai omis de me présenter, ce n'était guère poli. C'est que je n'ai pas pour habitude de me vanter de mon rang. Assis-toi, fais comme chez toi. »

Paon Chamarré tapota le tapis, invitant la jeune fille à prendre ses aises. Le chef retira sa coiffe, la posant à côté de lui. Une cascade de chevelure sombre tomba sur ses épaules. Une chevelure retorse, emplie de nœuds, de colifichets – un amas incoiffable, ressemblant aux coiffures hippies. Paon rejeta sa chevelure en arrière d'un mouvement de la nuque. L'homme attisa le feu, accroissant la chaleur qui régnait au sein du tipi. Son regard demeura rivé sur les flammes, contemplatif, mais une voix ferme sortit de sa bouche.

« Dis-moi tout, jeune fille. Ton nom si tu le souhaites, les raisons de ta venue dans mon clan. Est-ce Peter Pan qui t'envoie, ou une demande bien plus personnelle ? »

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MessageSujet: Re: Il fait toujours plus sombre avant l'Aube   Il fait toujours plus sombre avant l'Aube EmptyMer 15 Avr 2015 - 13:39


Suivant l’invitation du Peau-Rouge, Green pénétra dans le tipi la première. Un peu empruntée et toujours sur ses gardes, elle observa son hôte s’installer tranquillement, avec l’assurance de ceux qui se savent chez eux. À la lumière du feu, elle pouvait mieux distinguer la mirobolante coiffe qu’il était en train d’enlever.

- Je suis Paon Chamarré, chef des Delaware. J'ai omis de me présenter, ce n'était guère poli. C'est que je n'ai pas pour habitude de me vanter de mon rang. Assis-toi, fais comme chez toi.

Elle hocha la tête, s’approcha et vint se placer face de lui. Ses gestes étaient raides, douloureux mais elle peu importait : lorsqu’elle fut enfin assise, elle sentit une sensation de soulagement parcourir ses articulations meurtries. Pour un peu, elle aurait presque pu en sourire.

Lorsque Paon Chamarré nourrit le feu, Green ne put s’empêcher d’esquisser un mouvement de recul : plus que les flammes elle-même, c’était la chaleur qui la faisait grimacer et lui donnait envie de s’enfuir à toutes jambes. Elle resta néanmoins, lesdites jambes ayant besoin de repos. Et puis, l’indien avait été gentil avec elle, il lui avait accordé son temps alors qu’elle débarquait de nulle part. Tout en plaçant machinalement sa paume contre la cicatrice sous ses yeux, elle l’observa : il ressemblait vraiment à un hippie, hippie sympa qui plus est. Elle ne pourrait jamais être Chef de quoique ce soit, cela importait d’aimer s’occuper des gens et Green... Green savait qu’on ne pouvait faire confiance aux gens, de toutes façons. Ça, c’était testé et fortement désapprouvé.

La voix du Chef la tira de ses réflexions maussades.

- Dis-moi tout, jeune fille. Ton nom si tu le souhaites, les raisons de ta venue dans mon clan. Est-ce Peter Pan qui t'envoie, ou une demande bien plus personnelle ?

Bon. Elle n’aurait sans doute pas su par quoi commencer mais Paon lui avait donné des pistes. Se passant la main dans les cheveux, la Grincheuse répondit :

- Mon nom, c’est...

Trou de mémoire. C’était quoi, son nom déjà ? Avant l’Arrivée ? Elle ne s’en souvenait plus, mais ce n’était pas important puisqu’elle ne comptait pas revenir, jamais. L’adolescente réfréna la panique inutile qui avait manqué de la saisir et reprit :

- ... Green. Je suis Green.

Un nom évident pour une personnalité hargneuse. Ça, c’était facile. Pour le reste...

- Et pourquoi je suis ici...

Elle se fit violence pour trouver les mots, tenter d’expliquer. C’était qu’elle détestait communiquer et encore plus lorsque le sujet de la discussion parlait de sa faiblesse. Mais voilà, elle n’allait pas repartir maintenant, non ? Pas après tout ce chemin parcouru. Alors Green ouvrit la bouche, la referma puis finit par désigner d’un geste un peu vif le bandage qu’elle avait serré autour de son visage.

- ... c’est pour ça.

Un temps. Elle soupira, vaguement agacée, franchement agitée. Yeux baissés, elle finit par poursuivre :

- J’ai été blessée, avant d’arriver ici. Et je veux pas que les autres mômes le voient, je veux camoufler cette... ce truc, que j’ai en-dessous.

La plaie, sans doute, avait guéri avec les mois. Mais aux yeux de la Grincheuse, la brûlure était pareille qu’aux premiers jours, pareille que la première fois où elle s’était regardée dans le miroir après l’accident. Peu après d’ailleurs, elle avait teint ses cheveux en vert mais ça n’avait pas suffi, les regards restaient fixés sur la plaie. Et il y avait eu toutes ces questions, ces abominables interrogatoires incessants.

Elle n’avait pas envie que ça recommence.

Son regard fixait toujours désespérément le sol quand elle reprit :

- J’ai entendu dire que vous utilisez beaucoup de peintures. Peut-être que si j’en mets, ils ne verront pas que je suis blessée... enfin, bref. Voilà.

Elle inspira, releva la tête.

- C’est pour ça que je suis là.
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MessageSujet: Re: Il fait toujours plus sombre avant l'Aube   Il fait toujours plus sombre avant l'Aube EmptyJeu 16 Avr 2015 - 16:47

Pour ne pas troubler la jeune fille, pour éviter de suspendre le flot de paroles qui, doucement, s'échappait de sa bouche, Paon Chamarré avait posé son regard sur les flammes. Ainsi son invitée se sentirait moins oppressée, et pouvait parler librement. Le Peau-Rouge ne put retenir un léger sourire, touché par la délicatesse dont faisait preuve Green. Elle voulait non seulement se protéger des regards, mais aussi protéger les enfants, ne pas les choquer.

Par les simples mots émis par Green, Paon imagina une ignoble blessure marquer l'Enfant Perdu, juste en dessous de ce bandage maladroit. Mais le Peau-Rouge veilla à ne jamais poser son regard dessus. Il n'avait pas à savoir ce qui se cachait là-dessous.

Le Peau-Rouge se leva, d'un bond. Il partit dans un des recoins du tipi, fouillant sous un amas de peaux, tout en continuant à converser avec Green.

« De la peinture, j'en ai plus que mon content. Au sein de notre tribu, elle a une place essentielle. Chaque membre dessine ses propres signes, ses propres symboles sur son corps. Mh, où les ai-je mis pour la dernière fois ? ... Ah, les voilà. »

Grand sourire aux lèvres, Paon Chamarré déposa, aux pieds de Green, un amas impressionnant de pots en terre. Toutes les couleurs les plus éclatantes, qui puissent exister, se présentaient aux yeux de l'Enfant Perdu. Rouge écarlate, bleu azur, orange, jaune canari, vert anis... Toujours debout, Paon Chamarré croisa les bras, se tenant de l'autre côté de la frontière formée par les pots de peinture.

« Libre à toi de choisir la couleur, et la forme que prendra ta nouvelle marque. Je me permets, simplement, de te donner quelques conseils. Ne te contente pas de masquer ce que tu veux cacher. Approprie-toi une nouvelle image, une nouvelle figure. Choisis une couleur qui te plaît, qui te parle, et dessine sur ta peau, réapproprie-toi ton corps. Et pour ne pas te troubler dans ta cérémonie... »

Paon Chamarré fit volte-face, tournant dos à Green, plaquant ses mains contre ses yeux.

« Je ne te regarderais pas, et resterais ainsi jusqu'à ce que tu me dises que tu as terminé. Il y a un miroir à ta droite, si tu souhaites l'utiliser. »

Le miroir en question n'était qu'un fragment de verre qu'on avait longuement poli pour en ôter toute impureté. Le chef l'utilisait lui-même pour se maquiller.
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MessageSujet: Re: Il fait toujours plus sombre avant l'Aube   Il fait toujours plus sombre avant l'Aube EmptyDim 26 Avr 2015 - 20:07


Lorsque Paon Chamarré se leva brusquement, l’adolescente ne put s’empêcher d’avoir un mouvement de défense... mouvement pour lequel elle s’en voulut aussitôt. Certains réflexes, ancrés sous sa peau, étaient difficiles à perdre et le seraient pendant de longues années encore.

Bien entendu, le flamboyant chef ne lui fit pas de mal. Au contraire, il se mit à fouiller un tas de peaux tout en s’adressant à elle.

- De la peinture, j'en ai plus que mon content. Au sein de notre tribu, elle a une place essentielle. Chaque membre dessine ses propres signes, ses propres symboles sur son corps.

Bien que Paon ne la regarde pas, Green hocha la tête. Elle avait pu le remarquer, alors qu’ils traversaient le camp.

La voix du chef indien se fit à nouveau entendre :

- Mh, où les ai-je mis pour la dernière fois ? ... Ah, les voilà.

Il revint vers elle, alignant entre eux une quantité impressionnante de pots. La nouvelle Enfant Perdue, plus touchée par la promptitude de la réaction de son interlocuteur qu’elle n’aurait voulu l’admettre, ne retint un pauvre sourire devant le choix exagéré qui s’offrait à elle. La vision de cet océan de couleurs était magnifique mais tellement excessif. Tellement... ridicule.

Elle cessa de contempler les pots lorsque Paon Chamarré s’adressa à elle de nouveau.

- Libre à toi de choisir la couleur, et la forme que prendra ta nouvelle marque. Je me permets, simplement, de te donner quelques conseils. Ne te contente pas de masquer ce que tu veux cacher. Approprie-toi une nouvelle image, une nouvelle figure. Choisis une couleur qui te plaît, qui te parle, et dessine sur ta peau, réapproprie-toi ton corps. Et pour ne pas te troubler dans ta cérémonie...

Il lui tourna le dos, reprit :

- Je ne te regarderais pas, et resterais ainsi jusqu'à ce que tu me dises que tu as terminé. Il y a un miroir à ta droite, si tu souhaites l'utiliser.

Un bref coup d’oeil confirma les dires du chef. Détournant avec hâte son regard du reflet, Green hocha la tête à nouveau, répondant de la seule manière qu’elle connaissait : sans sensibleries, efficacement.

- Ok.

À nouveau ses yeux se mirent à contempler les couleurs, passant de l’une à l’autre sans qu’elle ne bronche. Les conseils de Paon Chamarré se répétaient malgré elle dans sa tête comme une mélopée entêtante. Car Green n’avait pas envie de faire dans le cérémonial, elle voulait juste camoufler, en finir avec la plaie. Que s’imaginait l’indien ? Que ses maux allaient s’adoucir si elle faisait les choses bien ? C’était stupide. Illusoire. La souffrance ne partirait pas et ce n’était pas la solennité qui la chasserait.

Pourtant, alors qu’elle restait immobile devant les pots de couleur remplis, Green sentit une émotion intruse s’emparer d’elle et se mêler à son indécision. Elle ne bougeait toujours pas, comme paralysée. Et dans sa tête résonna une question :

Si c’est si insignifiant que ça pour toi, pourquoi tu ne te décides pas ?

Peut-être que la cérémonie ne serait pas si anodine que cela, finalement.

Un frémissement. Parlant d’une voix éteinte sans trop savoir à qui elle s’adressait, la Grincheuse lança :

- ... c’est stupide. Je veux dire... c’est que de la peinture. Ça va rien changer...

Une inspiration.

- ... ça va juste cacher. Pas guérir.

Pourtant, alors qu’elle prononçait ces mots, elle se rendit compte qu’elle réfléchissait. Sa main droite vint survoler les différents pots, s’arrêtant sur la plupart des couleurs. Presque sans qu’elle n’aie besoin de formuler la pensée, une constatation s’imposa à elle : quoiqu’elle choisirait, la couleur ne serait pas froide. Parce que justement, elle ne se faisait pas d’illusions. Elle ne cherchait pas à adoucir la réalité, se faire croire que du bleu sur la brûlure saurait refroidir le souvenir. Alors Green repoussa - d’une main tremblante - les couleurs les plus apaisantes. Elle se força à inspirer profondément.

Réapproprie-toi ton corps.

Oui, c’était sans doute important.

Elle avait cru comprendre que l’oubli, ici, touchait tout le monde. Mais elle ne voulait pas oublier, ne  pouvait pas se le permettre. Cela aurait été plus facile mais aussi tellement imprudent : si elle ne se rappelait pas qu’elle ne pouvait faire confiance à personne, elle se ferait avoir encore. Et cette plaie, si dégueulasse soit-elle, faisait partie d’elle au même titre que ce qu’elle avait de bon. Il fallait donc qu’elle attaque pour se défendre, qu’elle frappe un grand coup, comme lors du jour de ses treize ans, lorsqu’elle était rentrée chez elle avec une chevelure d’un vert vif, quasi-fluorescent. Détourner l’attention par la force, ne pas leur laisser le choix. Elle ne voyait pas d’autre solution.

Alors que sa main survolait plusieurs pots de peinture rouge, elle avisa, au centre de tous, un écarlate éclatant, scandaleux et aussi vif que l’étaient ses cheveux. Rouge sang, rouge feu. Une couleur que sa mère aurait détesté à coup sûr.

Elle soupira, presque exaspérée par l’importance qu’était en train de prendre ce rituel pour elle. Profitant de son choix, ses yeux s’étaient imbibés sournoisement d’une eau aussi salée que suspecte.

Oh, pitié.

Elle n’allait pas pleurer pour de la peinture, quand même.

D’un geste brutal, elle s’empara de la peinture écarlate et la ramena contre elle, la déposant à portée alors que ses bras se figeaient.

Maintenant la partie pénible. Exposer la plaie.

Peu confiante, Green vérifia que Paon lui tournait toujours le dos avant de prendre une grande inspiration. Avec une lenteur craintive, saccadée, ses mains vinrent rejoindre l’arrière de son crâne où, plongeant sous les cheveux, elle finit par retrouver le noeud qu’elle avait fait à la hâte avant de partir. Ses mains tremblaient, pourtant elle parvint à le défaire. Le bandage tomba docilement sur ses cuisses, révélant la parcelle de peau blanchâtre et inégale mais cicatrisée depuis longtemps.

Bien. Ça, c’était fait mais il fallait qu’elle se regarde maintenant. Green n’en avait aucune envie mais à nouveau la volonté de continuer, de ne pas s’être dépassée en vain la poussa à tourner la tête vers la droite.

Deux paires d’yeux ambrés se croisèrent mais la Garçonne ne s’attarda pas sur son propre regard. Ses yeux descendirent sur la plaie et aussitôt, une vieille nausée la prit à la gorge. D’un point de vue extérieur, la blessure était curieuse mais pas insupportable, ajoutant du caractère au visage sans l’enlaidir au point où cela devenait insupportable. Mais la Grincheuse ne voyait pas les choses de ce point de vue, elle trouvait la plaie d’une laideur absolue, elle la voyait déformer son visage, revoyait la peau qui se détachait sous ses doigts, la peau brûlante qui hurlait à sa place.

Un sanglot de tristesse et de rage la fit hoqueter. Avec violence, elle porta la main à son crâne, se força à garder une respiration régulière. C’est arrivé, on ne peut rien y changer. C’est arrivé, on ne peut rien y changer. C’est arrivé, on ne peut rien y changer.

Le mantra finit par avoir son petit effet, la calmant quelque peu. D’un geste rageur, elle essuya ses joues et reporta son attention sur le pot. L’amertume guidait ses gestes.
Elle ferma les yeux, plongeant la main dans le pot. Le bout de ses doigts sembla se teindre de sang.

- ... je lui faisais confiance.

La confession avait été prononcée à mi-voix. Elle rouvrit les yeux, ne parvint pas à s’en vouloir : mettre des mots sur ce qui faisait mal faisait du bien, pour une fois. Une voix sourde dans sa tête siffla qu’elle regretterait cet instant d’abandon mais elle la fit taire : elle n’avait plus la force d’être sur ses gardes. Son autre main vint récupérer de la peinture à son tour. Elle était désormais symétrique dans sa douleur.

Avec une solennité dont elle n’avait aucunement conscience, Green leva ses bras et posa deux doigts sur l’arrête de son nez, là où la peau était moins atteinte, moins sensible. Elle frémit à nouveau, sentit une grande vague de tristesse l’envahir. Elle resta immobile quelques secondes jusqu’à ce que sa voix résonne une fois encore, brisée et emplie d’épuisement.

- Le pire...

Elle était vraiment très stupide.

- ... c’est qu’elle me manque.

D’un geste symétrique, ses deux mains descendirent alors sur les joues, barrant la peau blessée d’une grande bande rouge s’arrêtant aux pommettes. La Garçonne Perdue observa quelques instants ce rouge nouveau qui venait briser son apparence et un sourire étrange souleva les coins de ses lèvres : elle était violente, cette marque. Violente comme son histoire, comme son caractère d’écorchée vive.

C’était parfait.

Les secondes suivantes furent consacrées à la finition. Bientôt la marque fut nette, recouvrant la plaie avec efficacité. Green replaça le pot parmi les autres sans en rajouter : l’unique rouge suffisait bien assez.

Se détournant de son reflet, elle lança d’une voix plus posée :

- J’ai fini.

Elle se sentait mieux, stupidement mieux. Comme quoi le chef avait eu raison.

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MessageSujet: Re: Il fait toujours plus sombre avant l'Aube   Il fait toujours plus sombre avant l'Aube EmptySam 2 Mai 2015 - 21:43

Paon Chamarré avait masqué sa vue, tournant dos à la jeune fille, devenant un simple mur. Un objet du décor. Le Peau-Rouge s'était seulement autorisé, comme seul mouvement, de s'asseoir. Il sentait que le rite prendrait du temps, mais il n'en gardait aucune rancune à Green. Elle devait prendre le temps, qu'importe si le rite durait des heures. Aucun changement ne se faisait d'un claquement de doigts.

Les paroles de Green, son propre monologue, lui parvenaient par vagues. Mais le Peau-Rouge laissait couler les mots, ne tentait pas de les retenir pour les déchiffrer. Ces mots étaient semblables aux formules chamaniques, proférées à la face du Grand Brasier. Porteurs de symbole, de savoir, inintelligible aux novices.

Paon Chamarré ne se retourna que lorsque la parole de fin fut prononcé. Appuyant sur ses mains pour se tourner, toujours assis en tailleur, le Peau-Rouge plissa les yeux. Il se leva, se penchant près du visage de Green, semblant l'étudier sous toutes les coutures. Avec un grand éclat de rire, presque salvateur, l'homme posa son index sur le nez de Green.

« Flamboyant ! Magnifique ! Tu es superbe ! »

Ne manquait qu'un accent latino-hispanique pour que Paon Chamarré, à cet instant, fasse songer à une grande diva de la mode.

« Le rouge, je n'y avais pas songé, mais tu as eu une idée fabuleuse ! Il casse la verdure de ta chevelure. On dirait une marque guerrière, la trace d'une bataille que tu as su remporter par ta seule force. Je n'aurais pas mieux trouvé. J'ai tendance à... hm... me laisser emporter. »

Ce qui n'était pas peu dire. Nombre de Delawares pouvaient témoigner en ce sens. Tous avaient, au moins une fois, vu leur chef passer une journée entière à se préparer et se lamenter si un seul élément de sa tenue ne répondait pas à ses exigences. Une véritable diva.

D'un geste rapide, l'homme attrapa le pot qu'avait utilisé Green. Il lui tendit, avec un sourire.

« Je te l'offre, de bon cœur. Ainsi tu auras de la ressource pour quelques temps. Tu pourras revenir lorsque ta réserve sera épuisée. Si, bien entendu, je ne t'ai pas effrayé ! »

Taquin comme à son habitude, le Peau-Rouge tentait de jouer avec les limites imposées par la jeune fille, de voir si le rite avait permis une véritable transformation. Ou si le temps devait être aussi de la partie.
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MessageSujet: Re: Il fait toujours plus sombre avant l'Aube   Il fait toujours plus sombre avant l'Aube EmptyMar 12 Mai 2015 - 12:02


Le chef Delaware se retourna, fixant Green avec une instance que cette dernière eut vite fait de trouver dérangeante. Vaguement gênée, elle fit de son mieux pour soutenir son regard. L’avis du Peau-Rouge ne lui aurait importé que peu en temps normal, mais... là, c’était différent. Parce qu’il avait été gentil avec elle, parce qu’elle s’était pliée à la cérémonie et que du coup, l’avis de son allié prenait toute son importance.

Il y eu un temps, puis un rire aussi flamboyant et exubérant que celui qui y laissait libre cours. La Garçonne Perdue frémit, fixant son interlocuteur avec perplexité. Sa marque était-elle si risible que cela ? Elle n’eut pas vraiment le temps de se poser plus la question : Paon venait d’établir un contact physique qui - si minime soit-il - eut le don de court-circuiter ses pensées.

- Flamboyant ! Magnifique ! Tu es superbe !

- Merci. Répliqua-t-elle en reculant sans aucun tact. Elle ne savait trop que penser de la soudaine excitation de l’indien, restait donc vaguement sur ses gardes en l’observant en silence.

- Le rouge, je n'y avais pas songé, mais tu as eu une idée fabuleuse ! Il casse la verdure de ta chevelure. On dirait une marque guerrière, la trace d'une bataille que tu as su remporter par ta seule force. Je n'aurais pas mieux trouvé.

Les mots du chef, son interprétation la firent très légèrement sourire malgré elle. Elle n’avait foutrement rien d’une guerrière, mais c’était gentil de la voir ainsi. N’empêche, c’était beaucoup d’enthousiasme pour un bête trait de peinture écarlate.

- J'ai tendance à... hm... me laisser emporter.

Bon, au moins il en avait conscience. Elle hocha la tête pour confirmer ses dires, sans trop savoir quoi rajouter. Puis il récupéra prestement le pot qu’elle avait utilisé (il avait direct reconnu la bonne nuance, ce type était vraiment une diva mais bref) et le tendit dans sa direction.

- Je te l'offre, de bon cœur. Ainsi tu auras de la ressource pour quelques temps. Tu pourras revenir lorsque ta réserve sera épuisée. Si, bien entendu, je ne t'ai pas effrayé !

C’était gentil, vraiment trop gentil. Mais pourtant la Grincheuse ne perdit pas son temps à le dire. Se nimbant d’une nonchalance qu’elle ne possédait - de toute évidence - pas, elle s’empara rapidement du pot pour le serrer contre elle et haussa les épaules.

- Je suis pas aussi craintive.

Vaine tentative de garder la face alors qu’elle l’avait perdue - et reconstruite - juste avant. Mais bon, Green s’en foutait, elle faisait ce qu’elle pouvait avec la dignité qu’elle avait. Retrouvant une expression plus sérieuse, un peu plus dure, elle chercha le regard du chef.

- C’est stupide, de me laisser piocher dans vos réserves de peintures.

Frémissement. Elle baissa les yeux malgré elle.

- Gentil... mais stupide.

Nouvelle tentative de maintenir le contact oculaire.

- Pourquoi vous faites ça ?

La question avait sonné comme une accusation. Green voulut porter la main à sa bouche, un peu surprise par la violence avec laquelle les mots avaient sonné mais finit par la porter sur le côté de son cou, refusant d’avouer même par les gestes que pour une guerrière, elle manquait sacrément de self-control.
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MessageSujet: Re: Il fait toujours plus sombre avant l'Aube   Il fait toujours plus sombre avant l'Aube EmptyMar 19 Mai 2015 - 0:32

La demoiselle aboyait fort, mais ne mordait pas. Le sourire de Paon Chamarré ne bougeait pas d'un iota, comme si les paroles de l'Enfant Perdu se contentaient de couler sur lui. Comme si les mots ne l'atteignaient pas, que toute la fureur qui les enrobait s'effaçait à son contact. Le Delaware ne répondit pas immédiatement aux interrogations de Green. Se baissant, le chef ramassa les pots, les emportant dans ses bras, telle une portée d'oiseaux, les replaçant chacun à sa place attitrée, avec des gestes précautionneux.

Paon Chamarré prenait délibérément son temps, montrant à la demoiselle qu'il n'était pas homme à s'enflammer pour si peu. Déposant le dernier pot, le chef se retourna, tout sourire.

« Je pourrais retourner ta question. Pourquoi ne t'aiderais-je pas alors que tu es venue jusqu'ici ? Ce serait faire preuve d'un égoïsme exacerbé. »

L'homme avait plissé la bouche en prononçant ces derniers mots. Égoïsme avait une saveur amère sur les lèvres de Paon Chamarré. Le Peau-Rouge se rassit sur les tapis qui recouvraient le sol de terre battu, reprenant la place qu'il s'était octroyé en rentrant dans son tipi.

« Je suis chef, il est de mon devoir de prêter assistance à ceux qui viennent à ma rencontre. Qu'ils soient de ma tribu ou non. Tu n'es pas la première Enfant Perdue à qui je tends la main. Au risque de me la faire arracher. » Paon Chamarré en rit comme d'une bonne blague. « Ce n'est que de la peinture. Je ne t'ai pas confié une arme. Même si elle peut le devenir, entre tes mains. Tu es libre de la partager avec tes compagnons, ou d'en faire ton bien exclusif. »

Assis en tailleur sur le sol, Paon Chamarré posa ses mains sur ses genoux, basculant lentement son buste en avant pour que son visage se rapproche de Green. Non sans veiller à conserver un minimum de distance, ayant compris que l'Enfant Perdu n'appréciait guère la promiscuité.

« Tu m'as l'air de ne guère aimer partager ta confiance avec qui que ce soit. C'est ton choix. Mais tu devrais laisser une chance aux gens. Tous les gestes ne sont pas intéressés. »

Le ton du chef était posé, calme presque comparable à celui d'un grand sage. Intriguant comme l'homme pouvait faire preuve d'une exubérance presque étouffante, puis prendre le visage d'un chef presque paternaliste.
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MessageSujet: Re: Il fait toujours plus sombre avant l'Aube   Il fait toujours plus sombre avant l'Aube EmptyMer 24 Juin 2015 - 13:39


Le Chef, comme insensible à la rage qui perçait à travers les mots de son interlocutrice, entreprit de ranger les autre pots de peinture sous les yeux d’une Green vaguement embarrassée. La légère sensation de plénitude, de confort qui l’avait saisie à son arrivée s’était dissipée, laissant place à l’habituel décalage, impression de ne pas être à sa place aussi dérangeante que familière. L’adolescente attendit donc, sans trop savoir quoi dire après son coup d’éclat. Tout ce qu’elle savait, c’est qu’elle n’allait pas s’excuser : elle voulait éviter de perdre la face.

- Je pourrais retourner ta question. Pourquoi ne t'aiderais-je pas alors que tu es venue jusqu'ici ? Ce serait faire preuve d'un égoïsme exacerbé.

Alors là, la réponse était évidente : Green n’avait rien à faire là, rien à offrir en échange de tout ce que Paon Chamarré avait fait pour elle. L’échange n’avait rien d’équitable, l’aider était donc - à ses yeux - un geste incompréhensible, preuve d’un altruisme idiot. Mais que pouvait-elle dire ? Elle avait envie de ne pas lâcher le morceau, mais ce serait stupide : à force de trop tirer sur la corde, elle risquait de faire perdre patience au Peau-Rouge et c’était la dernière chose qu’elle souhaitait. Elle se contenta donc de hausser les épaules, un air vaguement perplexe plaqué sur son visage.

- Je suis chef, il est de mon devoir de prêter assistance à ceux qui viennent à ma rencontre. Qu'ils soient de ma tribu ou non. Tu n'es pas la première Enfant Perdue à qui je tends la main. Au risque de me la faire arracher.

Et ça le faisait rire, en plus. Green le fixa avec des yeux ronds, surprise par les termes que Paon employait comme par sa réaction. Sa réaction, bien qu’incongrue, avait quelque chose de rassurant. Et de bizarre également. L’adolescente peinturlurée baissa les yeux : elle aurait bien aimé pouvoir rire de tout aussi...

- Ce n'est que de la peinture. Je ne t'ai pas confié une arme. Même si elle peut le devenir, entre tes mains. Tu es libre de la partager avec tes compagnons, ou d'en faire ton bien exclusif.

Oui, il avait raison à nouveau. Green hocha la tête lentement, sans trop trouver à y redire. Mais ses gestes parlèrent pour elle alors qu’elle resserra sa prise sur l’écarlate qu’elle avait en peau et aussi en pot, désormais. Elle n’avait jamais été très sociable, elle doutait franchement qu’elle se lierait à quiconque parmi les Enfants Perdus. Et puis, ce rouge, c’était sa marque de guerre. Si elle voulait en faire sa signature, il faudrait qu’elle le garde pour elle.

À nouveau assis en face d’elle, le Chef des Delaware s’approcha d’elle tout en prenant soin de respecter son espace personnel - ce pourquoi elle fut reconnaissante, même si elle ne fit aucun commentaire.

- Tu m'as l'air de ne guère aimer partager ta confiance avec qui que ce soit. C'est ton choix. Mais tu devrais laisser une chance aux gens. Tous les gestes ne sont pas intéressés.

- C’est pas ça le problème, en fait.

Bon, elle avait encore parlé sans que son coeur et le comité de censure ne se consultent. Vaguement agacée par ce travers qu’elle espérait corriger, l’adolescente resta muette quelques instants avant de reprendre :

- J’pense bien que les gens sont capable de faire le bien et méritent la confiance, c’est vraiment pas ça. Mais...

Comment dire ça, comment expliquer. Parce que d’un coup, cela lui tenait à coeur, la Grincheuse se fit méticuleuse, cherchant les meilleurs mots pour expliquer le fond - bien triste, en vérité - de sa pensée.

- ... je crois aussi que personne n’est parfait. Et que c’est inévitable : les gens finiront par se blesser. Par me blesser. Même s’ils veulent bien faire, même s’ils sont juste malades... même s’ils m’ai-

Sa voix s’étrangla presque automatiquement, comme si une main invisible avait commencé à l’enserrer. Green se figea, ravala ses mots et les larmes que ce simple petit mot avait menacé de faire couler. La confession spontanée était décidément un exercice qui ne lui allait guère. Elle inspira un bon coup, rassembla le courage d’aller au bout de son raisonnement et poursuivit :

- Enfin, bref. Voilà, je pense que les gens sont comme ça. Et j’ai rien contre le fait de leur faire confiance, mais... plus je le ferai, et plus j’aurais mal quand ça se passera.

Parce que ça se passerait, elle en était persuadée. Le revirement aurait lieu, il aurait tout le temps lieu. Green haussa les épaules : elle se sentait très détachée, d’un coup. Son raisonnement, après tout, cela faisait des années qu’elle s’y accrochait.

- C’est pour ça que j’me méfie. Que j’suis comme ça.

Un bref éclat scintilla dans ses yeux ambrés. Décidant que de toutes façons elle avait baissé sa garde, la Grincheuse s’autorisa quelque chose de rare.

Un sourire.

Un peu crispé, un peu figé mais un sourire quand même. Toujours aux aguets mais déterminée à faire un effort, la Grincheuse se pencha, mimant une révérence.

- Ça m’empêche pas d’être reconnaissante, comme maintenant.

Elle se redressa.

- Merci de m’avoir aidée. Je l’oublierai pas.

Pourtant on l’avait avertie, qu’ici l’oubli était lot commun. Mais elle voulait croire, la nouvelle Perdue. Elle voulait croire qu’elle saurait se rappeler de la générosité dont avait fait preuve Paon Chamarré. Ça lui semblait important, sur le moment et - même si elle ne pouvait le savoir encore - cela le serait encore des années durant.
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MessageSujet: Re: Il fait toujours plus sombre avant l'Aube   Il fait toujours plus sombre avant l'Aube EmptyMar 30 Juin 2015 - 11:26


« Je vois. »

Simple constat pour montrer qu'il l'avait écouté mais, surtout, entendu.

Suivant le mouvement de l'Enfant Perdue, le Peau-Rouge se leva à son tour. L'attitude de Green annonçait un prompt départ, une volonté de partir sans pour autant fuir. Une volonté de préserver l'entente, tout en cherchant à ne pas s'attacher.

Paon Chamarré répondit à la révérence par une brève inclination du buste.

« Tu es libre de revenir quand tu le souhaites. Et si croiser d'autres Delaware te gêne, je m'en vais te montrer un chemin plus secret. » Sourire enfantin sur les lèvres, le chef se permit de préciser, le regard pétillant de malice. « Je l'utilise moi-même pour, parfois, quitter le camp et me ressourcer seul, quelque part dans la jungle. La solitude n'est pas un mal en soi. Tout est une question de dosage. »

Paon Chamarré s'enfonça dans les tréfonds du tipi indiquant, par un brève geste de la main, à Green de lui emboîter le pas. L'homme déplaça sa couchette, rendant accessible le pan de toile qui constituait l'ensemble du tipi. Tâtant l'étoffe, il finit par en saisir un bout qu'il écarta lentement, précautionneusement. L'air glacé du soir entra en trombe dans le tipi, balayant les flammes du foyer, accroissant leur fureur.

Le chef sortit par l'ouverture pratiquée, attendant que Green emprunte, à son tour, ce chemin détourné.

« Tu n'auras qu'à donner quelques coups sur la toile, pour m'avertir de ton arrivée. Nous pourrions même créer un code. Deux coups pour dire oui, trois pour dire non... C'est à méditer. Si, bien entendu, cela te convient. »

De ce côté du tipi se terminait le camp Delaware, et la Nature reprenait ses droits. Le tumulte du camp se faisait toujours percevoir, mais à demi, comme si les Peaux-Rouges se trouvaient loin, que la frontière amenuisait les bruits humains, amplifiant ceux des animaux. Les insectes stridulaient, une chouette lâcha un ululement. Perchée sur sa branche, elle observait, muette, les humains, se contentant de tourner la tête lorsque Paon lui rendit son regard.

« Je te nommerais Pirolle. » asséna-t-il à Green. « Je surnomme toujours les gens, du moins ceux qui ne sont pas Peaux-Rouges. N'en prends pas ombrage. La pirolle est un oiseau à la parure chatoyante, oscillant entre le bleu et le vert, et semblant porter un masque. » Du doigt, Paon Chamarré traça sur son propre visage la marque écarlate de Green. « Comme toi. Il est solitaire, et discret. Un jour, je t'en montrerais un. »

Excuses a écrit:
Désolé, j'ai beaucoup de mal à me remettre dans la peau de Paon. Si quoi que ce soit cloche, dis-moi.
Photo de Pirolle verte
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MessageSujet: Re: Il fait toujours plus sombre avant l'Aube   Il fait toujours plus sombre avant l'Aube EmptyLun 6 Juil 2015 - 18:01

- Je vois.

C’était tout, et cela suffisait bien assez. À travers cette observation, Paon lui faisait signe qu’il l’avait écoutée sans pour autant éprouver le besoin de critiquer sa façon de penser, de la juger. Pour Green, c’était un vrai soulagement. Elle n’avait pas vraiment envie de se lancer dans un débat, et puis... il fallait qu’elle garde ses forces pour le retour.

Paon se leva à son tour, lui rendit son salut et reprit, sourire aux lèvres :

- Tu es libre de revenir quand tu le souhaites. Et si croiser d'autres Delaware te gêne, je m'en vais te montrer un chemin plus secret. Je l'utilise moi-même pour, parfois, quitter le camp et me ressourcer seul, quelque part dans la jungle. La solitude n'est pas un mal en soi. Tout est une question de dosage.

Sans qu’elle ne puisse s’en empêcher, Green ressentit une forme de fébrilité face aux dires du Chef : après tout, elle restait enfant malgré tout et, comme tous les enfants, savait s’émerveiller à l’idée de découvrir un passage secret. Serrant contre elle son pot de peinture, elle suivit le Peau-Rouge jusqu’au fond du tipi, l’observa déplacer un meuble pour révéler l’endroit où la toile se repliait sur elle-même. Puis il écarta un pan et se faufila par la sortie, laissant Green seule avec un feu ravivé par le courant d’air.

Inutile de dire qu’elle se hâta de sortir à son tour. Dehors, l’air était frais et la nuit se faisait moins agitée qu’au campement. Green accueillit ce calme avec soulagement, inspirant à fond l’air du soir.

- Tu n'auras qu'à donner quelques coups sur la toile, pour m'avertir de ton arrivée. Nous pourrions même créer un code. Deux coups pour dire oui, trois pour dire non... C'est à méditer. Si, bien entendu, cela te convient.

- Ça me va. Et on verra, pour... quand je reviendrais.

Parce qu’elle comptait revenir, c’était quasiment certain. Pourtant, elle se trouva presque mécontente de l’annoncer, comme si cela la plaçait en position de faiblesse. C’était stupide, mais elle n’y pouvait rien : ce genre de pensées avaient des goûts de vieux réflexe. L’idée d’un code lui plaisait, mais elle ne voulait pas perdre de temps à en discuter maintenant. Après tout, mieux valait qu’elle parvienne à rentrer avant que les Enfants Perdus du Grand Arbre ne se réveillent et constatent sa disparition.

-  Je te nommerais Pirolle.

- ... hein ?

Décidément, elle savait toujours trouver le mot juste.

- Je surnomme toujours les gens, du moins ceux qui ne sont pas Peaux-Rouges. N'en prends pas ombrage. La pirolle est un oiseau à la parure chatoyante, oscillant entre le bleu et le vert, et semblant porter un masque.

Ah, c’était donc ça. Green acquiesça en silence, fixant l’indien avec une sorte de demi-sourire incrédule lorsqu’il fit mine de tracer la marque qu’elle portait sur son visage à lui.

- Comme toi. Il est solitaire, et discret. Un jour, je t'en montrerais un.

- Ça marche.

Il y eut un temps, puis Green reprit, songeuse :

- Si cet oiseau a aussi mauvais caractère que moi, il m’attaquera sans doute avant qu’on fasse connaissance.

Elle l’avait dit sérieusement, comme si cela n’avait rien de vraiment drôle. Puis, comme pour se donner la réplique, elle haussa les épaules.

- Va falloir que j’y aille. Je crois pas qu’on ait trop le droit de traîner dehors, en fait. Mais merci encore. Vraiment.

Peut-être voulut-elle dire quelque chose, mais ses mots semblèrent se coincer dans sa gorge. Fataliste, elle l’accepta et se détourna brutalement, détestant les adieux comme beaucoup d’autres choses encore. Elle fit quelques pas dans la direction d’où elle était venue, se figea...

... et se retourna une dernière fois.

- À bientôt !

Elle avait des manières, tout de même.

Puis, sur cette ultime salutation, elle se mit à courir en-direction de la Jungle, prête à retourner dans son nouveau chez-elle même si, désormais, elle savait qu’elle pourrait toujours revenir au campement lorsqu’il le faudrait. Décidément, Paon Chamarré était trop stupidement gentil. Tellement qu’elle avait une fois encore la gorge qui se bloquait.

Elle se jura de lui ramener un cadeau lorsqu’elle reviendrait. Quant à ce que ce serait... elle avait le temps d’y penser.



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