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Peter Pan
Peter Pan

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MessageSujet: Tu sais pourquoi tu es là ?    Tu sais pourquoi tu es là ?  EmptyLun 21 Avr 2014 - 19:17



Tu sais pourquoi tu es là ?

PETER & ELZA


Les doigts pianotent sur la table, agités agités. Les yeux mobiles s'affolent, contrariés, contrariés.

Y avait quelque chose de sacrément étrange à voir Peter Pan, symbole d'insouciance immuable, se montrer si soucieux. Les contrariétés, si éphémères en sa personne, n'avaient d'ordinaire pas le pouvoir de raidir ainsi les traits de son visage lutin. Elles y flottaient un instant, le zébrant comme un éclair dans un ciel orageux, puis s'évaporaient avant qu'on eût pu en discerner correctement les contours.
Aujourd'hui, Peter était confus, perturbé, irritable aussi. Il avait rejeté les jeux et les compagnons, exigeant que la Maison Souterraine fût désertée pour le laisser à sa solitude. Il avait pensé – comme il haïssait cette activité morne et stérile –, il avait marché, il avait tâché de comprendre. Elza. Elza. Pourquoi Elza était comme ça. Elza.

Au terme d'un temps incertain – comme toujours – il commanda qu'on la fît venir. Ses cheveux d'ambre, dont l'éclat était encore celui d'une toute jeune fille, la précédèrent tandis qu'elle débouchait gracieusement dans le repaire de l'Enfant Roi, qu'elle n'avait encore jamais foulé.
Peter l'observa un moment. Lui ne prêtait guère plus attention à la petite source clapotante qui coulait dans un coin, aux étagères bancales, aux fauteuils champignons, aux armes, aux coffres, aux vêtements de Peaux-Rouges et de Pirates, aux dessins accrochés aux murs, à la longue table encombrée, aux chandelles dépareillées, au désordre. C'était sa maison, et aussi loufoque fût-elle, il y était accoutumé depuis... Depuis vraiment longtemps. L'extraordinaire était l'ordinaire de Peter Pan.

– Tu sais pourquoi tu es là ? annonça-t-il d'un ton un peu grave.

Il s'assit à la table et lorgna d'un air bizarre la jeune fille, comme s'il essayait d'analyser son comportement. Mais l'on sentait qu'il était avant tout désemparé, embrouillé. Quant à savoir pourquoi...

– Tu veux une tasse de thé ?

Vague sourire, feint, sec.
Peter saisit deux tasses sales posées sur la table, s'installa sur un siège et invita d'un geste la jeune mère à l'imiter. Il fit mine de servir du thé à l'aide d'une vieille théière, mais aucun liquide ne vint s'extraire du récipient. Du thé imaginaire. Peter ignorait certainement qu'aucun enfant n'avait l'imaginaire aussi puissant que le sien. Et que si lui pouvait se gaver de mets et de gourmandises fantasmés, tout autre que lui se contentait d'en rêver, la bouche écumeuse et l'estomac troué.




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MessageSujet: Re: Tu sais pourquoi tu es là ?    Tu sais pourquoi tu es là ?  EmptySam 26 Avr 2014 - 23:44

_ Elza.
C'était comme la dureté d'un roc, la solidité d'une autorité forte.
_ Peter veut que tu viennes dans la maison.

Elza pose le garçon qu'elle avait égaré dans son étreinte, dans ses plumes d'oiseau. Elle entre dans la petite maison peu de temps après l'annonce. Les méandres des racines s'enlacent et Elza se souvient de cette fascination qui avait éclot en elle comme un bourgeon timide. Sourire franc, c'est avec cette excitation palpitante qu'elle pénètre à l'intérieur – l'éclat luisant de cette petite cascade, ces petits trônes de champignon et ce petit monarque qui s'alourdit de cet air grave. Elza remarque qu'il possède une tête de prince déchu, ou de n'importe quoi qui brode ces visages busqués et sombres, qu'on oublie rarement et qu'on emporte un peu partout dans ses souvenirs. Elle fronce un peu les sourcils imperceptiblement – ce maquillage d'incompréhension qui luit dans ses yeux. Peter, pourquoi ton éclat semble se tâcher de tout ces soucis ?


_ Peter. Ses lèvres un peu charnues, parées de ce manteau vermillon caresse un sourire léger, ça flotte dans l'atmosphère comme des sortilèges – comme un poison qui injecte un venin – c'est presque tendre et violent à la fois.

C'est surgit.
C'est surgit avec l'imprévisibilité de la pluie,
C'est surgit avec l'hostilité divine de la foudre qui irradie de lumière avant d'être étreinte dans les ombres.

Tu sais pourquoi tu es là ? Elza cligne des paupières un peu plus rapidement – comme le battement  frénétique des ailes d'un papillon. Son cœur palpite comme un volcan impétueux, comme une sorte d'ivresse fragile – mais son sourire ne s'évente pas, il s'accroche inlassablement à ses lèvres avec la fermeté d'une ancre de bateau. Douce, toujours douce. Elza siège au côté du petit prince avec docilité et toujours avec ses sourires qu'elle emmène toujours partout. L'écume de ses iris l'observe, prête à l'étreindre de cette marée de bienveillance. Elle décline la tête avec cette nonchalance captivante, et l'ambre de ses cheveux suit amplement le mouvement négatif de son menton.

Non, on m'a juste dit que tu voulais me voir. C'est tout !

Elle dit ça avec la légèreté du Moineau.

L'étincelle des yeux de Peter crépite, reste intacte – mais il y a comme ce faux contact dans son sourire qui ombrage son visage. C'est comme un rictus – quelque chose qu'il cache avec cette habilité un peu maladroite. Il y a comme cette manière étouffée d'adulte, dans la manière un peu grave qu'il a de la regarder. Cette manière un peu contenue – mais peut-être n'était-ce qu'un mirage. Il lui propose le thé qu'elle accepte d'un hochement de tête un peu vif – elle saisit la tasse doucement, elle reçut le froid hivernale de la tassé contre sa chair d'été comme une décharge. Sa main apporte doucement le liquide imaginaire sous son nez, elle mime d'en humer l'odeur.

_ Alors, Peter. La phrase s'avorte net, comme si elle est trouée d'une pause – d'un de ces silences indécis. C'était pour capter l'attention du petit prince. Tu pars pas à l'aventure, aujourd'hui ? C'est pour le récupérer, pour ne pas qu'il se pare de ce linceul de silence et que son pli de paupière sévère ne s'arque encore plus.

Elle fait mine de boire une gorgée du thé et la repose sur la table toujours avec cette douceur de maman. Peter Pan, quelle est cette sorte d'échantillon d'angoisse qui hante ton visage ? Pourquoi tu n'es pas comme d'habitude ? Pourquoi elle sent que tu lui échappes, que tu sombres un peu plus dans tes interrogations mystiques, ces questions qui te perturbes - qui peut limite ressembler à des peurs d'adultes. Tu ne peux pas, tu es la jeunesse incarnée – tu es l'éclat avide d'une flamme – tu ne peux pas te ternir de tout ça, continue de flamber de cette étincelante innocence.
Elza sourit encore un peu.

_ Peter... Tu veux que l'on joue à un jeu ? Si tu veux pas parler, on peut toujours jouer trouver ce qui va pas en jouant aux devinettes !

Cette fois-ci, Elza n'est plus vraiment déstabilisée. Elle se contente d'être ce qu'elle a toujours été. À l'écoute, comme le ferait son rôle de mère – tout sourire qui illumine un peu tout. Ses yeux fixent avec cette tendre espièglerie Peter ; apaiser ses maux d'enfants en les travestissant en rêve. Parce que Pan est un songe – un rêve et si les rouages de sa joie ne fonctionnent plus bien – Elza est prête à réparer pour que Pan aille un peu mieux. Parce que Elza ne s'imagine qu'il est comme les autres enfants perdus. Fier et fragile à la fois, comme un funambule le serait sur son fil.

Spoiler:
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MessageSujet: Re: Tu sais pourquoi tu es là ?    Tu sais pourquoi tu es là ?  EmptyMer 30 Avr 2014 - 16:21



Tu sais pourquoi tu es là ?

PETER & ELZA


Ses doigts étaient un peu rêches, un peu raides. Il était pas à l'aise dans son habit trop grand. Son pouls pulsait avec vigueur, vaguement garrotté, contre la bordure de la tasse qu'il serrait contre ses phalanges. Elsa avait ce quelque chose de volatile, d'aérien, de léger placardé sur le visage. Plus qu'une expression, c'était comme un parfum, comme un aura. L'aura ne l'avait jamais quitté, depuis le premier jour elle l'avait embarqué avec elle, l'arrachant à ceux qui en avaient été bénis et qui seraient condamnés à vivre dénués de ce souffle chaud. Peter essayait de se souvenir de leur rencontre, de la première fois. En général, il se remémorait plus aisément les mères. Mais les contours s'étaient dilués, embrouillardés. Ne restait qu'une impression, vaporeuse et enchevêtrée, comme un miroir cassé, comme une flaque brouillée. Elza était une veilleuse, elle en avait la force et la fragilité. Une grande veilleuse aux cheveux dorés.

Ça le perturba un peu. De constater que le Moineau n'était pas ébranlée par la solennité de son timbre, par la rigidité de ses traits. Chacun de ses mouvements avant pourtant été minutieusement planifié, alourdi et raidi, afin que la mise en scène laissât comprendre que l'heure n'était pas aux fariboles. L'effet demeurait terne, mou, sur Elza. La légèreté qui émanait de la Mère, comme si sa bouche sifflait le vent lui-même, lui pinçait le cœur vilement. C'est lui le léger d'habitude. C'est lui qui crache du vent.

Peter Pan, contrit dans son silence, enfargé dans sa confusion, ne réagissait pas à la gaieté du Moineau. Alors le Moineau virevoltait en solitaire, autour de lui qui ne se souvenait déjà plus pourquoi il avait tenu à demeurer enclavé sur le sol. Il avait voulu être grave, faire peur, faire mal, imposer sa présence et sa grandiloquence, mais l'absence totale d'effroi d'Elza compromettait l'ensemble. Il tanguait sur la scène, oubliait son texte, il jouait faux. Elza, Elza, tu ne sais pas voir les efforts entrepris pour être le plus grave des deux. C'est encore rien qu'un jeu, mais rien n'est plus sérieux qu'un jeu. Tu le sais, Elza ? Tu le sais que c'est comme ça chez l'Enfant Roi ?

– Pas d'aventures, aujourd'hui. J'ai des choses importantes à faire. Des choses de père.

Même sa voix était retombée légèrement, s'engouffrant dans des profondeurs encore rares. Il rabattait lui-même ses ailes. Il comprimait lui-même son sourire. Et c'était étrange, finalement, comme il était distrayant pour l'enfant des enfants de prendre le rôle du parent, du grand. Comme il s'installait dans cette place bien trop large, bien trop loin, comme il y creusait son confort avec effort. C'était si intense que parfois, il venait à en oublier la vérité. Il semblait alors s'éveiller d'un songe terrifiant, dangereusement réaliste, et tâtait son corps, son visage, afin de s'assurer qu'il n'avait point poussé.
Pour l'instant, la douce innocence d'Elza, ainsi exhibée, l'empêchait de se plonger trop viscéralement dans ces états de paradoxe, contre-nature, la conscience reculée. Pour l'instant, il vacillait à la frontière, encore retenu, encore ailé.

Elza le rattrapait. Elle devait sentir tout cela. Les mères ne sont-elles pas les plus à même de capter les tourments qui déferlent dans le cœur des enfants ?
Peter finit par sourire, mais d'un sourire presque poli, presque attendri. C'était foudroyant comme ça ne lui ressemblait pas.

– Oui. Je veux bien pour les devinettes. Je vais te donner un indice. Tu dois trouver la réponse.

Et tout bascule.
Elza a amorcé l'autre jeu, le plus noir, le plus macabre. Le sourire se mute, s'étire, il ressemble à ceux qu'on voit dans les cauchemars. Il est encore supportable, encore beau même. Parce qu'il est celui d'un enfant ravissant. Le regard s'anime d'une flamme gourmande. Le jeu fait écumer ses lèvres et agite ses veines. Il sort son poignard et le plante d'un coup vif dans le bois meurtri de la table. L'ôte, le plante, l'ôte, le plante. Tac. Tac. Tac.

– Indice. Hier, tu as fait quelque chose. Et je ne suis pas content.

Tac. Tac. Tac. Le regard noir se plante, lui aussi, dans le regard d'Elza.





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MessageSujet: Re: Tu sais pourquoi tu es là ?    Tu sais pourquoi tu es là ?  EmptyLun 30 Juin 2014 - 23:23

D'habitude, Peter sentait l'odeur du Printemps avec ses pluies tièdes et fleurs parées de ces boules de perles d'eau. Il était froid, aussi distant et cassant que l'hiver. Lorsque ses lèvres glacées s’entrebâillaient, c'était comme si c'était le blizzard qui s'en échappait ;  soufflant des flocons froids qui vinrent cribler les ailes du Moineau de trous béants. Comme pour la faire chuter, comme s'il inséminait au travers de ses plumes du plomb pour que ça soit plus douloureux de voler, comme s'il voulait  exorciser son sourire de ses lèvres. C'était très étrange ce qui se passait dans le ventre d'Elza, ses paupières se soulevèrent comme si elles étaient prêtes à éclater comme des bulles de savons.  Elle n'était pas effrayé non, elle était étonnée. C'était l'étonnement qui martelait ses clignements de paupières un peu plus vifs. C'était l'étonnement qui laissait sa bouche un peu plus ronde, toujours contourné par un sourire, mais plus gêné cette fois-ci. Elle ne se sentait plus à sa place, Moineau, elle désirait  hâtivement regagner son nid et ses petits.

Et ce poignard qui se plantait, les complaintes douloureuses du bois à chaque impacts – comme s'il était le décompte de la patience décadente de Peter. Mais elle sentait, c'était peut-être sa douceur de maman, son passé défunt de grande sœur – elle sentait l'esprit de Peter se noircir, comme s'il ébauchait frénétiquement des desseins qui ne saurait lui plaire, comme une mauvaise farce qui lui exploserait entre les mains. Mais Peter n'était plus Peter – il se maquillait de ces manières d'adultes, mais elles restaient encore maladroites pour apeurer Elza. Elle n'était pas si bête, néanmoins, et le fait de jouer les ignorantes l'arrangeait de son côté, elle savait qu'il lui reprochait quelque chose, mais peut-être brillait-il encore l'infime espoir qu'elle se dérobe du courroux de Peter. C'était une menteuse Elza, elle n'était pas loyale et chaque mensonges étaient comme des enchantements pour désamorcer les colères et les méfiances.

Comme si cette histoire de sortilèges marchaient encore.
Elle récupéra soudainement son sourire.

_ Ah... Bien, je commence alors. Son regard dévia conte la lame blanche, puis elle sourit à nouveau. C'est par rapport à Navy, n'est-ce pas ? On a du te cacher beaucoup de chose, c'est pour ça que tu m'en veux ?[/color]

Elle brodait les mensonges pour attirer l'attention de Peter sur autre chose, pour qu'il se pose la question de quoi pouvait-elle parler, qu'elle sottise allait-elle déblatérer ? En quoi Navy était-il lié à ça ? Ce n'était que du charabia, de la réalité modifiée comme modelée par magie entre ses lèvres. Elle fronça légèrement les sourcils, arborant une mine déçue.

_ Non, ce n'est pas ça ? Mince, j'ai du confondre avec la surprise qu'on – J'en ai trop dit !

Sa main se plaqua contre ses lèvres pour signaler qu'elle s'était trompée, qu'elle avait trop dit de choses. Trop de phrases qui étaient sortit par inadvertance de ses lèvres, trop de syllabes qui s'étaient enchevêtrées  – mais si cela lui permettait d'éviter la sentence, elle mentirait. C'était une forme de survie un peu plus aiguisée, beaucoup plus lâche aussi.

Parce qu'elle savait Elza, elle commençait à comprendre les reproches effarouchés qu'allaient lui cracher Peter, comme s'il allait se transformer en dragon. Comme s'il allait jaillir de ses narines de la fumée noire, comme si lorsqu'il ouvrirait les lèvres, ce serait pour la recouvrir de lave. Mais elle n'abandonnait pas, elle ne voulait pas qu'il s'égare dans ses colères. Alors elle continua.

_ Ou alors c'est par rapport au fait que j'ai raconté ton histoire et que j'ai dit que Crochet était difficile à battre dedans? Pourtant je pensais avoir bien refait la scène de combat.

Elle balançait des subterfuges pour attirer son attention, l'océan de ses iris ne le lâchait pas du regard, elle espérait qu'il délaisse sa peau de père pour redevenir l'enfant qu'il était.
Elle espérait.
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MessageSujet: Re: Tu sais pourquoi tu es là ?    Tu sais pourquoi tu es là ?  EmptyLun 4 Aoû 2014 - 16:29



Tu sais pourquoi tu es là ?

PETER & ELZA


Spoiler:

Comme il était simple de semer Peter dans un dédale de confusions, aigres à sa pensée, qui faisaient tressaillir ses lèvres rosées. Ses mots étaient abrutis par les méandres que provoquaient ceux, maitrisés, habiles, du Moineau. Il sentait l'anarque, il se sentait dupé, nettement, mais se trouvait incapable de riposter. Le jeu lancé par Elza allait plus loin que le sien, il était habillé d'une complexité qui le dépassait. Peter n'était ainsi, malgré lui, qu'en prise avec des sensations extraordinairement vagues et lourdes, sans être capable d'en comprendre le sens, la portée. Le but.

Chaque nouvelle phrase projetée de la bouche d'Elza, qui se déformait en un sourire que Peter trouvait bizarre, mécanique, était une nouvelle attaque, une nouvelle fourberie. Ca lui donnait envie de pleurer, et ses ongles sales se plantaient dans la chair de sa paume avec une douleur aigue qui le soulageait.
Très brusquement, il quitta le fauteuil-champignon sur lequel il s'était posé, raide et leste, en se dirigeant vers la source qui s'écoulait sur une paroi de la maison souterraine. Quelque chose grésillait dans ses oreilles. Il plongea ses mains dans l'eau, grimaçant en constatant qu'elles tremblaient légèrement, et s'aspergea abondamment le visage. Son geste fut si violent que cela provoqua un claquement résonnant, comm une gifle.

L'Enfant Roi soupira, respira, déglutit. Il n'aimait pas l'effet qu'Elza infligeait à son corps, à sa conscience. Il se sentait chanceler à l'intérieur de lui. Le pire dans l'affaire, ce n'était pas cela. C'était qu'Elza lui faisait du mal, un genre de mal indéfini, et qu'il n'avait rien à punir.

– Elza. Tu as raison. Ce n'est pas bien de me cacher des choses.

Sa voix était plus faible qu'il ne l'espérait, et il toussa plusieurs fois, trop fort.

– Elza.

Même ce nom lui semblait outrageusement libre, c'en était indécent, arrogant.

– Elza, depuis combien de temps tu es ici ? As-tu oublié ta maman ? Est-ce que les Sentinelles ont oublié leur maman ? Est-ce qu'ils comprennent bien que c'est toi leur maman, maintenant ? Pour toujours ?

Il se retourna, et s'approcha lentement de la mère. Son visage ruisselait d'une eau froide qui venait coller et foncer ses cheveux rubescents, au-dessus du front. Des goutelettes tombaient de son menton et s'échouaient sur sa tunique en feuilles molles.

– Elza. Tu sais que c'est ton rôle le plus important. Les enfants ont besoin d'une maman. Pour raconter des histoires. Les enfants ont besoin que tu sois leur maman, Elza.

Il était tout près, à présent.
Il fit mine de resserrer ses doigts contre les bras du Moineau, mais se retint au dernier moment. Ses prunelles semblaient vibrer, comme la flamme d'une bougie.

– Je punirai Navy pour ses cachoteries.

Un sourire vint éclore sur ses lèvres, mais son air était presque surpris. Son assurance ravivée était inattendue, y compris pour lui-même. Il savait où blesser Elza, où retrouver l'ascendance, la soumission. Peter n'aimait pas Navy, car il s'en méfiait, car Navy était trop libre. Peter ne punissait quasiment jamais les mères. Peter respectait les mères. Lorsque leur faute était trop grave, il les chassait, lorsqu'elle était minime, il se fâchait. Les mères ne connaissaient ni le cachot ni les punitions.

Ainsi, que prennent garde les mères qui s'attachent aux garçons. Les garçons sont leur faiblesse, la tendresse est une fissure qui viendra gangréner leur coquille. Peter plongea son regard noir dans celui d'Elza, attendant de discerner quelque tressaillement, quelque trouble, qui lui assurerait que la jeune mère ne jouerait pas trop longtemps. Trop loin.

– Quelle punition proposes-tu ?



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MessageSujet: Re: Tu sais pourquoi tu es là ?    Tu sais pourquoi tu es là ?  EmptySam 13 Sep 2014 - 22:58

C’était comme si l’univers s’étendait entre eux deux – comme une expansion coléreuse, un écho agressif qui résonnait dans leurs deux âmes à moitié écorchées. Elza s’était sentie mal à l’aise quand Peter s’était exilé - comme si des tremblements douloureux agitaient son âme d’enfant. Elle s’était sentie mal, et ses dents avaient violemment mordus ses lèvres. Il l’appela, dans une faiblesse presque plaintive qu’Elza ne discernait pas, comme si Peter avait enterré son ton jovial. Sa voix elle-même chancelait, secouée par des tremblements de terres qui agitaient ses lèvres.
Elza ne voulait pas lui faire du mal.

_ Je suis là depuis moins d’un an, je dirais. Quelque chose comme ça.

Le temps, il y avait longtemps qu’Elza avait oublié le temps et ses mirages, le temps et ses visages, le temps et ses silences. C’était comme un maelström électrique qui agita son front et ses idées, et dans un voile opaque, elle se souvint de Betty. Betty, sa maman qu’elle avait oubliée. Sa maman que sa rancœur avait  exorcisée pendant un temps de sa mémoire.
Elle marqua une pause, s’humecta les lèvres, puis continua.

_ Oui, j’ai oublié ma mère, Peter. Elle n’existe plus. Oui, ils savent que je suis là pour eux, Peter. Pour toujours.

Elle accentua encore une fois, comme si toute la conviction qui palpitait dans son cœur d’oiseau jaillissait des tréfonds de sa gorge.

_ Pour toujours.

Lorsqu’elle releva les yeux, il était déjà proche.
Il surplombait comme une ombre le monde d’Elza et ses bras s’étendaient comme des branches d’arbre jusqu’à serrer ses bras. Mais tout se relâcha, Elza ne comprenait pas ce que ça voulait dire, alors l’océan de ses yeux se plongèrent dans ceux, énigmatiques, de Peter. Ils étaient comme une jungle, sauvage et dangereuse, comme si. Comme s’il savait. Comme s’il avait su quelque chose, un secret, et Elza sentit sa chair se hérisser.

Et la sentence sortit, aussi violente que la hache d’un bourreau, les yeux d’Elza s’écarquillèrent et semblèrent brutalement s’éteindre, comme l’aube des beaux jours faisait face à un crépuscule de tristesse. Une fissure terne sur sa chair porcelaine, et le rouge vinrent faire scintiller de gêne ses tâches de rousseurs. C’était à mi-chemin entre de la colère et l’empathie, son cœur irradiait comme une chapelle ardente. Pourquoi Navy ? C’était si injuste.

Mais Peter avait gagné, il avait décelé son talon d’Achille qu’elle avait pris soin de dissimuler et qu’elle venait de stupidement exposer. Elle s’en voulait tellement que sa culpabilité naissante germait dans son ventre comme une tornade douloureuse. Elle s’en voulait tellement, si les gens savaient comme elle s’en voulait.
Il lui posa la question, elle eût l’effet d’un coup de poing en plein visage.
Elle ne pouvait pas choisir.

_ Peter…

Elle ne pouvait pas. Elle ne pouvait pas.

_ S’il te plaît. Je ferais tout ce qu’il faut, tout ce qu’il faut pour que tout aille bien, que l’on sâche que je serais une mère modèle pour tous mes enfants.

Sa voix éclata en des milliers de fragments mais elle chercha une contenance, elle puisa dans ses dernières forces pour ne pas montrer qu’elle était à terre, que ses ailes n’étaient pas brisées.
Qu’elle aussi, comme Le moineau, elle pourrait à nouveau voler.  

_ Je ne fauterai pas, Peter, je ferais tout pour que tout aille bien. Que tu sois fière de moi. Mais s’il te plaît, ne punis pas Navy.

Elle le regarda à nouveau, en clignant plus des yeux cette fois-ci.

_ Je serais la meilleure des mères.

Et cette phrase résonna étrangement juste.

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MessageSujet: Re: Tu sais pourquoi tu es là ?    Tu sais pourquoi tu es là ?  EmptyVen 3 Oct 2014 - 19:20



Tu sais pourquoi tu es là ?

 
PETER & ELZA



Spoiler:



– Elle n'existe plus...

Peter répète la phrase dans un murmure éteint, qui ressemble à un soupir. Cette perspective, la confirmation d'Elza, dépose sur son cœur un baume épais. Peter n'est pas seulement celui qui fait exister les choses, il est celui qui les fait désexister. Il gomme, annule le vrai, le réel, le remplaçant par ses propres fantaisies, qui sans comparaison avec la réalité n'ont d'autre choix que d'être, précisément, réelles. C'est toute sa psychologie qui est fondée sur ce principe inconscient, c'est toute l'île qui repose sur ces fondements.

Même Elza, qui semble pourtant sentir, pressentir et ressentir tout ce qui l'entoure avec une justesse rare ici, même Elza doit avoir du mal à saisir tout cela. C'est brutal, tant que c'en est cruel, mais c'est tordu aussi. C'est un jeu d'enfant qui est allé trop loin, car l'enfance a trop duré, et l'enfance durera toujours.

Peter répéta ces mots-là aussi, d'ailleurs. Toujours. Il aimait ces mots, fatals, où le temps était annihilé, mort. Jamais, toujours. Éternel.
La plupart des gens auraient trouvé ces concepts vastes et flous, ils auraient dit « mais enfin, sois plus précis ! » mais Peter y trouvait bien plus de sens que dans les notions abstraites de mois, d'années ou de minutes. Le Jamais, le Toujours, il y avait fait son nid. Never Never Land.

Et puis, la voix d'Elza changea.
Peter, qui s'était égaré dans son propre esprit, fut ramené à elle à cause de la fissure qu'il y avait dans cette voix. Le jeu s'était achevé. Très doucement, et de loin personne ne l'aurait remarqué. Peter trouva ça bref, mais il était satisfait car il avait gagné. La fissure de la voix d'Elza était son du. Il avait le choix, à présent, entre se montrer magnanime pour sublimer sa superbe ou faire preuve d'une sévérité inflexible, féroce, afin de faire flancher la nuque, le corps et les ailes d'Elza. Il était partagé, car les deux options lui convenaient et ne lui convenaient pas.

Et puis surtout, il voulait comprendre. Pourquoi.
Ses yeux luisants vibraient comme un reflet dans l'eau, dardant un regard intense sur ceux du Moineau.
Brusquement, il s'empara de son poignet et la fit s'asseoir sur un tabouret, plus loin dans la maison, où l'atmosphère était plus sombre et silencieuse, étouffée par la terre sèche emmêlée de racines.

– Elza. Pourquoi ta voix change quand tu parles de Navy ?

Ce qu'il aurait voulu dire, certainement, sans qu'il le sache vraiment, c'était : « Pourquoi tu aimes Navy et pourquoi veux-tu le protéger? »

Si elle avait voulu démontrer d'une certaine noblesse chevaleresque – ce qui était déjà bien étrange pour une fille – elle aurait combattu Peter à l'épée ou lui aurait lancé un défi, elle ne l'aurait pas supplié en changeant sa voix.
Alors, ce que Peter tentait si ardemment de comprendre en cet instant, n'était rien d'autre que l'amour. Bon courage, petit moineau. Personne n'y est encore parvenu.


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MessageSujet: Re: Tu sais pourquoi tu es là ?    Tu sais pourquoi tu es là ?  EmptyMar 4 Nov 2014 - 13:50

The End


Mais devant ce silence tendu,
Qui englobe la maison sous terre,
Peter comprend que ce mystère,
Jamais ne sera résolu.
D'une voix blanche, vibrante de rage,
Il chasse celle qui lui fait ombrage,
Petit moineau, prends garde à toi,
Tu as offensé l'enfant roi.



FIN DE L'AVENTURE




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