Le petit prince était prostré dans sa chambre.
Comme à l’accoutumée, me direz-vous, mais cela s’était intensifié. Depuis le Givre d’abord, et à force de persuasions empreintes de douceur et de sévérité successives de la part de sa mère, il avait fini par comprendre, puis consentir. A moins que ce fut l’inverse.
Rien de nouveau en cela, rien même d’extraordinaire, pour une jeune fée qui n’avait connu, pour seul foyer, que la prison dorée d’un palais royal étincelant.
Mais le Givre était fini, Ciel ne l’ignorait pas, et son confinement redoublé n’avait pas pris fin. On le dissuadait toujours autant d’aller se promener dans les jardins, à moins d’être lourdement accompagné, on le dissuadait de se joindre aux repas mondains, on le dissuadait de participer à ces anciennes activités, et surtout, surtout, on le dissuadait avec force de voir la Reine.
Et cela, Ciel ne savait l’entendre. Ciel ne savait y consentir.
*
N’ayant pour seule compagnie que ses dessins qu’il continuait d’enchanter pour briser sa solitude, il était justement en train de finir de colorier un anaconda, accroupi sur l’un des grands tapis qui décoraient le sol de sa chambre, et il ne prit même pas la peine de lever la tête quand on frappa à la porte de ses appartements, ni même quand ladite porte s’ouvrit.
Ce ne fut qu’en entendant le timbre si reconnaissable du Sigisbée qu’il se décida à lever les yeux.
—
Bonsoir, mon Prince. Puis-je m'entretenir avec son altesse ?Ciel se leva, figure pâle et frêle dans son joli vêtement de nuit immaculé qu’il ne quittait plus. A quoi bon se vêtir, puisqu’il ne sortait pas.
Ses ailes frémirent légèrement à la vue du Bras Droit de Mab. Ses sentiments envers lui étaient mêlés, et il était trop jeune pour savoir les dénouer. Il connaissait la proximité d’Obéron envers sa Mère, mais n’avait jamais pu véritablement comprendre la teneur de leurs rapports, et ce que Ciel ne comprenait pas lui était intimement pénible.
La déférence qui suintait du ton d’Obéron avait néanmoins quelque peu tempéré l’impétuosité avec laquelle il recevait chaque visiteur en cette période pétrie de privation et de frustration, sachant que le visiteur en question ne ferait que s’assurer de son état avant de s’éclipser à nouveau.
Ainsi Ciel se contenta de le lorgner de ses yeux d’un bleu sombre — ils s’éclaircissaient rarement en ce moment, de toute évidence —, à demi dissimulé par les mèches d’or bouclées qui encadraient son visage.
Et puis, il fallait bien l’admettre, Obéron était la seule fée depuis longtemps qui demandait à parler
réellement avec lui.
—
Oui. répondit-il simplement, de sa voix fluette, à la fois faible et franche.
Il s’assit au bord de son grand lit, dont les rideaux avaient étés méticuleusement rattachés, et posa sa main à son côté, invitant Obéron à s’y placer.
Ciel n’ignorait pas qu’une telle familiarité n’était pas très à propos, en particulier en vue du rang du Sigisbée. Il décidait juste de ne pas en tenir compte.