Il y avait des milliers de façons de se détendre entre deux missions. Et mieux valait se détendre en étant Haut Conseiller, car une journée dans la peau d'une telle personnalité du peuple féérique n'était pas de tout repos !

Aujourd'hui, la source de détente de Flammèche était l'une de ses consœurs de la Caste des Forêts, Écorce. Elle devait lui demander quelque chose qui lui trottait dans la tête depuis un bout de temps.
L'Archéologue était l'une de ces Fées plus vraies que nature, fière de ce qu'elle est et dévouée à son peuple. Non, l'Impétueuse n'avait pas eu vent de quoi que ce soit de compromettant à son sujet, mais elle devait lui parler.

C'est ainsi qu'en fin de journée, la Fée des Feux s'était rendue au sein de l'Archeforêt, cette fois accompagnée de Freesia.
Depuis ce qui s'était passé récemment, elle prenait son Lapillon le plus souvent possible avec elle, histoire de ne pas trop s'épuiser.

C'est que les crampes aux ailes après le sauvetage d'Éclipse, elle s'en souvient. C'est supportable une fois, mais pas deux, oh non.

Le petit duo de noir, violet et rouge tranchait avec le vert et le brun de la cité des Fées des Forêts. Certaines d'entre elles qui se trouvaient justement là s'étonnèrent même qu'une Fée du Grand Conseil vienne leur rendre visite.
Des "tout va bien ?" et des "quel bon vent vous amène, il s'est passé quelque chose ?" tintaient en-dessous d'elle, ce à quoi Flammèche répondit qu'elle venait simplement rendre visite à quelqu'un, et qu'il n'y avait rien de grave, qu'il ne fallait pas s'inquiéter.

Ce ne fut pas si difficile de trouver l'habitation d'Écorce, après avoir repéré Plumbo. L'Impétueuse fit un petit signe de la main à l'oiseau, alors qu'elle descendait du dos de Freesia pour la laisser avec lui.
En une série de geste devenus automatiques par habitude, la Conseillère des Feux se recoiffa et réajusta sa jupe de pétales, s'avançant alors vers la maison de l'Archéologiste.

- Écorce ? C'est Flammèche. Je peux entrer ? Nous devons parler.

S'annonce-t-elle d'un ton grave, toquant trois fois à la porte.
Il lui faut un renseignement de la plus haute importance !

C’était une journée merveilleusement reposante pour Écorce. Le nez plongé dans un énorme ouvrage emprunté à la bibliothèque royale, la fée prenait des notes assidument. Autour d’elle s’amoncelait une pile d’ouvrages, soigneusement triés entre ceux lus, et ceux à lire. Bref, sa journée était parfaite... jusqu’à ce que l’on frappe à la porte.

Écorce sursaute et sort la tête de son ouvrage, tout en remontant sur son nez les lunettes rondes qu’elle porte lorsqu’elle lit. A peine a-t-elle réagit que Flammèche, la haute-conseillère des feux, se présente et lui demande si elle peut entrer. L’Archéologue cligne des yeux, en proie à une panique montante. Pourquoi une haute-conseillère viendrait la voir sans prévenir, elle, une « simple » fée ? Aux dernières nouvelles, Écorce n’avait pas souvenir d’être si proche de Flammèche au point que celle-ci vienne la voir spontanément, et ce même si elles s’étaient déjà adressées la parole quelquefois.

L’Archéologue met du temps à réagir. Elle se relève lentement, s’emmêle les pieds et manque de s’écraser tête la première contre la porte d’entrée. Heureusement pour elle, ses ailes réagissent à temps. Seul le plat de ses mains s’écrasent lourdement contre le bois de l’encadrement, tandis que la fée retient un juron. Tout comme Flammèche, elle se redresse, remet de l’ordre dans sa tenue et ajuste le chignon et les boucles rebelles qui composent sa coiffure du jour.

Après une très longue inspiration, Écorce ouvre doucement la porte de sa demeure... et tombe nez à nez avec l’expression grave et sérieuse de la conseillère des feux. Avec tout ça, elle en a oublié d'enlever ses lunettes qu'elle n'assume pas du tout.

- Bon... bonjour, Flammèche.

Ecorce est presque à deux doigts de suer. Pourquoi la regarde-t-elle aussi sérieusement ? Il y a un problème ? A-t-elle fait quelque chose de mal ? C’est vrai qu’elle avait été au palais dernièrement. Peut-être avait-elle provoqué un incident diplomatique sans s’en rendre compte ? Une panique profonde se lit sur le visage d’Écorce, ponctuée par son habituelle timidité maladive. D’habitude, elle se prépare mentalement aux relations sociales avec les autres ! Là, on la lui impose presque, et ça la rend longue à la détente et encore plus gênée que d’habitude. C’est qu’elle en oublierait presque ce qu’elle voulait dire. Par réflexe, Écorce cherche Plumbo du regard. Malheureusement pour elle, il est sans doute posé au sommet de sa maison : impossible de le voir.

- Je, euh... i-il y a un problème ? J’ai fais quelque chose de mal ?

L’expression de Flammèche lui  donne presque envie de s’excuser spontanément alors qu’elle ne sait même pas ce qu’il se passe.

Il y eut un semblant de vacarme qui se voulait discret - ça ne fait aucun sens - derrière la porte. Un peu plus, et Flammèche aurait dû s'assurer qu'il ne soit rien arrivée à Écorce.
Imaginez seulement qu'elle fasse une mauvaise chute par sa faute, alors que la Conseillère des Feux était juste venue régler un petit souci capillaire lors de son temps libre ! Aïe aïe aïe...

Heureusement pour elle, l'Archéologue, en un seul morceau, vint lui ouvrir, alors qu'elle se trouvait visiblement en pleine séance de lecture, comme pouvait en témoigner sa monture qui se trouvait toujours sur son nez.
Ces lunettes la rendaient parfaitement adorable ! Il n'y a pas à dire; quand on trouvait la forme qui s'accorde le mieux avec les traits du visage, les lunettes devenaient un redoutable accessoire de mode...

Si la Fée des Forêts se trouve bel et bien en bonne santé et sans aucune égratignure visible, elle est par contre en train de littéralement se liquéfier sur place.
Ça a un petit quelque chose de très amusant, et Flammèche la laisse mijoter encore quelques instants, pour savourer l'inquiétude qu'elle, Grande Conseillère des Feux, peut inspirer à autrui.
Puis, elle laisse son expression s'adoucir avant de déclarer, avec un grand sourire :

- J'aime beaucoup tes lunettes. Ça te donne un petit air érudit qui te sied évidemment à ravir ! ~

Joignant le geste à la parole, elle désigne la monture d'Écorce du doigt, avant de laisser échapper un gloussement.
Oh, si seulement elle voyait sa tête ! On pourrait croire qu'elle pensait qu'elle allait la croquer toute crue et sans assaisonnement !

- Bon, la raison de ma venue est simple : nous devons parler cheveux. C'est très important, il me FAUT ta tactique pour les faire changer de couleur lorsque tu utilises tes pouvoirs !

Expliqua l'Impétueuse, qui ne tarda pas bien longtemps avant de directement rentrer dans le vif du sujet.
Elle désigna sa propre tignasse flamboyante, se saisissant d'une mèche entre ses doigts pour la caresser avec passion.

- Vois-tu, je fais pâle figure au sein du Grand Conseil... alors, je me dois de me démarquer de mes collègues, qui sont, pour la plupart, naturellement beaux ! Et comme la plus belle chose de mon anatomie est ma chevelure... j'ai donc besoin de ton aide pour la rendre encore plus belle ! Qu'elle resplendisse !

Exposa ensuite la petite Fée des Feux. Son discours fut ponctué d'un petit mouvement de tête, qu'elle rejeta en arrière afin de donner du mouvement à l'objet de sa venue.
Qu'elle lui donne son astuce, maintenant ! Flammèche était toute ouïe.

Les épaules d’Écorce s’affaissent.

Ah.
Ouf.
C’est juste pour ses cheveux... La fée des forêts pousse un immense soupir de soulagement, et reprend un peu de contenance en entrouvant plus largement la porte. Un poil bougonne - elle a quand même bien remarqué que ça amusait l’Impétueuse de la voir aussi nerveuse - Écorce relève ses lunettes et les place sur le sommet de son crâne, tout en marmonnant un très timide "merci" à Flammèche. Elle vient donc la voir, elle, uniquement pour ça ? Ça a l’air très important pour elle.

- Ma... tactique ?

Sa tactique pour changer ses cheveux de couleurs ? Il y a un court instant où Écorce pose un regard interdit sur Flammèche. A vrai dire, elle ne comprend pas trop où elle veut en venir. Ils sont déjà si flamboyants, elle ne doit pas passer si inaperçue que ça.

- Je suis désolée, mais je n’ai aucune tactique. Ça... ça se fait tout seul, je ne contrôle rien. Mais j'imagine que ça doit être faisable... Quand on le souhaite.

Peut-être que c’est contrôlable ? Les fées sont des êtres de magie, après tout. Leur apparence n’est pas aussi plate que celle des humains.

- Pardon, mais pourquoi tu voudrais changer la couleur de tes cheveux ? Ils sont déjà si beaux ainsi. Le rouge te va à merveille, surtout pour une conseillère des feux.

Étonnement, Écorce prenait la demande de Flammèche à cœur. Après tout, elle la comprenait : les deux fées sont tout aussi coquettes l’une de l’autre, et adorent prendre soin de leur apparence.

- Tu gardes toujours les cheveux détachés ? Hm...

Elle hésite un court instant. Peut-être que Flammèche n’aimera pas son idée. Peut-être qu’elle va l’ennuyer. Ou se moquer d’elle...

- Si tu as le temps, je peux peut-être te coiffer. On peut essayer plusieurs coupes de cheveux pour te mettre en valeur. ... Qu’est-ce que tu en penses ?

Écorce se décale d’un pas, afin d’inviter Flammèche à entrer si elle se souhaite.

Ah, comme la réponse de l'Archéologue la déçoit ! Misère ! Il n'y a donc pas de tactique particulière. Elles ne sont juste pas faites pareil.
Elle

- Pardon, mais pourquoi tu voudrais changer la couleur de tes cheveux ? Ils sont déjà si beaux ainsi. Le rouge te va à merveille, surtout pour une conseillère des feux.

- Ah, c'était juste pour avoir des tons orangés, tu vois... un peu comme des flammes au vent. C'est qu'au Conseil, à défaut de me démarquer par une attitude irréprochable, j'aimerais jouer sur le fait d'avoir un truc en plus... physiquement. Je sais que je suis déjà très belle, mais j'aimerais faire encore... mieux. Impressionner avec un changement quelconque, quoi.

Le point positif, dans tout ça, c'est qu'Écorce avait l'air de s'intéresser à son problème.
Oh, elle n'est pas bête, et la Conseillère savait très bien qu'elle arriverait à trouver quelque chose...

- Tu gardes toujours les cheveux détachés ? Hm...

Tiens, voilà une curieuse affirmation. C'est vrai qu'elle avait toujours le même style, et la seule chose changeant sur sa chevelure étant les fleurs dont elle la parait.

- Si tu as le temps, je peux peut-être te coiffer. On peut essayer plusieurs coupes de cheveux pour te mettre en valeur. ... Qu’est-ce que tu en penses ?

À cette proposition, les yeux de l'Impétueuse s'illuminent. Quelle idée merveilleuse !
Un changement de coiffure serait tellement plus voyant qu'un simple changement d'accessoires !
En plus, avec sa tignasse, il y avait de quoi faire.

- C'est FANTASTIQUE ! Je me demande pourquoi je n'y ai pas pensé plus tôt... Qui plus est, se faire coiffer par autrui est si relaxant; ça ne fait pas de mal. J'accepte donc avec joie !

S'exclama Flammèche en joignant le geste à la parole. La voilà maintenant entrée dans la maison de sa comparse des Forêts.
Tiens, c'était bien une première, non ? Il faut un début à tout... Quel mignon intérieur, d'ailleurs ! Le style était clairement différent des maisons de l'Archefeu.

- Hooo. C'est confortable, par ici !

Fit la petite Fée des Feux en observant les alentours. Jugeant trop impoli de se mettre à l'aise elle-même, elle attendit patiemment son hôte.
Comme elle avait hâte de voir ce qu'elle allait faire de ses cheveux ! Cette petite visite allait probablement vite se transformer en une séance de SPA féérique.

Ça lui fait bizarre de voir une fée à l'intérieur de chez elle... ... n'est-ce pas la première fois, d'ailleurs ? Misère. Ne pas stresser, ne pas stresser... Pourquoi elle n'y a pas pensé avant de l'inviter à entrer ? Écorce pousse un long soupir, tout en fermant la porte en bois après le passage de Flammèche. Elle se tourne vers son acolyte des feux, qui regarde dans tous les sens et qui lui lance un compliment sur l'intérieur de sa maison.

- M... Merci...

C'est vrai que l'intérieur de sa maison était digne d'une fée des forêts : du bois partout, des plantes à perte de vue, et des fleurs qui éclosent çà et là, accrochées à divers endroits par Écorce. Plus loin, un creusement dans sa maison donne accès à l'extérieur et à un perchoir naturel où va et vient Plumbo, mais également les autres oiseaux. Il faut dire que dernièrement, l'Archéologue n'attire pas que les moineaux. La seule différence avec les autres fées des forêts réside peut-être dans le fait que les murs sont couverts de diverses choses comme des papyrus, mais également de bibliothèques emplies de livres à taille féerique. Ceux à taille humaine sont à l'abri des regards.

Avec tout ça, Écorce en oublierait d'être polie.

- Oh, excuse moi, bredouille-t-elle en voyant que Flammèche est debout depuis un petit moment déjà. Suis-moi.

Elle contourne très lentement sa table de travail, histoire de ne pas trébucher bêtement, puis se dirige vers l'arrière, face à un grand miroir sur pied. La fée glisse une chaise, puis la désigne à l'attention de son amie. Elle avait, un court instant, hésité à l'emmener dans sa chambre, face à sa coiffeuse... Mais non. Soit c'est trop gênant, soit elle n'ose simplement pas.

- Je t'en prie, installe-toi. Tu aimerais boire quelque chose ?

Toujours aussi tendue, l'Archéologue espère bien que ce sentiment passera durant leur séance de coiffure. Après tout, c'est l'une des activités qui la détend avec les études. C'est aussi pour ça qu’Écorce a un petit regain de confiance : il est toujours plus aisé pour elle d'avoir une discussion ou le sens de la conversation est tout vu et ne nécessite pas de grandes réflexions.

- Tu as des préférences particulières pour ta coiffure ? Parce que si ce n'est pas le cas, je peux essayer plusieurs choses.

Il est évident que tout irait à Flammèche, de toute façon.