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De la fleur d'oranger pour Rowan, Klere dû prendre un instant pour vérifier mais il lui semblait qu'il en avait. Mais, impossible de répondre. Une fée venait d'entrer et s'était plantée devant le Baron alors qu'il comptait acquiescer à la demande de son invitée.

Une Cigüe était apparue, avec de l'herbe aux fées. Lundi afficha sourire en coin, et tendit donc la main pour récupérer le butin de l'amie de son épouse.

- Heh, merci à toi. Tu me gâtes.

Il fallait dire qu'il se trouvait bien chanceux à avoir droit aux bienfaits de bons liens avec des individus du genre féérique. Des trésors de plus pour les rites et sorts. Après avoir pris un bocal vide pour y ranger les plantes offertes, il fut témoin d'une scène un peu étrange. Enfin, étrange dans l'ambiance. Dans l'aura. Les yeux passaient de Cigüe à Rowan et inversement, sans vraiment saisir. Klere ferma le récipient avant de s'appuyer contre le meuble en croisant les bras, juste un instant comme pour jauger la situation. Avant de se mettre à préparer l'infusion demandée précédemment.

Rowan avait l'air de n'avoir jamais rencontré de fée, et Cigüe avait fini par donner une mise en garde un brin surprenante. Le Céleste mit cela sur la bienveillance féérique, sans en être bien convaincu... Pas du tout au final. Cependant, impossible pour lui de dire ce qui tentait à la normalité chez l'amie de Ailin. Quant à la demoiselle... ce n'était en effet pas au Port qu'elle allait côtoyer un grand nombre des sujets de Mab.

Bref, Lundi ne faisait pas parti de ceux qui chercheraient des réponses à tout prix. Surtout sans y avoir un véritable intérêt. Le but actuel ne s'y retrouvait absolument pas.

Ce ne fut que lorsque Cigüe s'en allait que le guédé se fit à nouveau entendre.

- À la prochaine.

Et un sourire à Rowan, après un bref rire soufflé.

- Cigüe. Une amie d'une de mes femmes.

L'appel de la préparation qui ne demandait plus qu'à être versée dans une tasse fit tourner Lundi dos à son invitée, le Baron trouva du temps pour simplement placer au bon endroit sa nouvelle dose d'ingrédient. Chose faite, quelques pas et voilà une main offrant une tasse de boisson chaude à la fleur d'oranger.

- Tu trouves étrange qu'une fée se promène dans ma tour ?

Question lancée avec un sourire taquin, encore un peu amusé par la scène à laquelle il avait assisté. Quelques petits mètres passés, le guédé se pencha sur un genre d'étagère pour y prendre... une bouteille de rhum. Evidemment. Il y en avait un peu partout dans cette "maison". Mieux valait en avoir toujours sous la main.

Lundi trouva place avec une nonchalance trop habituelle dans un des grandes coussins, et il tapota à côté de lui :

- Installe-toi. Je te promets qu'il n'y a pas d'autre fée qui va apparaître.

Instant d'hésitation longue en regardant Rowan.

- Ou...

Et il balayant de la main libre l'air devant lui.

- Non, c'est le matin qu'une autre peut débarquer par surprise comme ça si elle a du temps.

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Bon. Cigüe était partie et avec elle, le risque pour Prisme de se faire griller sans rien pouvoir faire pour l'empêcher. Il fallait qu'elle se reprenne. Il était hors de question qu'elle trahisse la panique qui avait été à deux doigts de la submerger. Fichtre ! Elle valait mieux que ça. Contrairement à cette idiote de fée des champs, Prisme était excellente actrice. Elle avait été à la meilleure école, et il était grand temps qu'elle en donne une preuve supplémentaire.

"Cigüe ? Pas très rassurant comme nom... Tu n'as pas peur qu'elle t'offre des herbes empoisonnées un des ces jours ? Il paraît que les fées sont souvent un peu trop farceuses..."

C'était du moins l'avis d'un grand nombre d'humains sur la question, surtout parmi les pirates du Port qui avaient eu l'occasion de rencontrer certaines de ses congénères (voire de subir personnellement leurs humeurs). En réalité, on ne pouvait pas leur en vouloir de penser ça... C'était un peu vrai. Même entre elles, les fées n'étaient pas toujours très tendres. Elles pouvaient se montrer capables de coups bas que Prisme, à la longue, finissait par trouver fatigants et pas si amusants que ça. Cela participait sans doute aux raisons pour lesquelles elle était partie. Prisme avait la sensation que chacune ou presque de ses relations à la Citadelle était fausse, superficielle. Susceptible de couver une nouvelle trahison qui achèverait de la briser.

Bref.

"Tu trouves étrange qu'une fée se promène dans ma tour ?"

Il fallait qu'elle se montre prudente lorsqu'elle répondait à ce genre d'interrogations. Elle devait se mettre entièrement dans la peau de Rowan et oublier le point de vue biaisé de Prisme sur la question. La jeune femme ramena anecdotiquement ses mains dans son dos, se pencha en avant et jeta un regard malicieux dans la direction du Baron. Le malaise des instants précédents s'évaporait progressivement.

"Hmmm sans doute un peu, oui... Je ne pensais pas que les fées s'aventuraient jusqu'au Bayou. Déjà qu'on n'en voit pas de notre côté."

Quiconque aurait su ce qui était réellement en train de se tramer aurait sans doute trouvé la réponse de Prisme très ironique. L'Irisée ne développerait pas plus : après tout, Rowan n'était pas censée connaître dans le détail ce qui empêchait les fées de se présenter sans risque parmi les pirates, et encore moins le mal-être d'origine magique qu'elles pouvaient ressentir lorsqu'elles venaient au Bayou. Mal-être que l'elfe était pourtant en train d'expérimenter dans les grandes largeurs, bien qu'elle fit de son mieux pour ignorer cette sensation. C'était comme d'avoir une couche de douleur froide et diffuse qui recouvrait son épiderme entier, s'insinuait dans ses pores, et créait des vagues visqueuses voyageant sous sa peau. Ca lui faisait légèrement friser les nerfs, même si c'était encore faible, si bien qu'elle parvenait à en faire presque entièrement abstraction quand elle n'y pensait plus.

Lundi s'était assis, prêt à leur servir à boire, et déjà Rowan pensait à tout à fait autre chose. Un sourire de chat s'étira sur ses lèvres tandis qu'elle s'imaginait s'installer tout à côté de lui, dans les coussins. C'est qu'elle en aurait presque ronronné... Le contexte n'était-il donc pas tout à fait propice à ce qu'elle se love contre le Baron ? Et qu'allait-il faire si elle s'y essayait ? Elle avait bien envie de tenter le coup, de voir quelle réaction elle allait lui tirer... Elle ne risquait rien de très grave, n'est-ce pas, puisqu'il avait promis de respecter les limites qu'elle avait imposées ?

Ses plans très agréables dégringolèrent avec la confiance en elle qu'elle avait retrouvé au moment où le Baron posa les yeux sur Rowan et la fixa trop longtemps, suite à une réflexion passablement inquiétante :

"Je te promets qu'il n'y a pas d'autre fée qui va apparaître. Ou..."

Un noeud douloureux bloqua immédiatement sa gorge. Prisme fit de son mieux pour ne rien montrer de la nouvelle vague de panique qui la prit encore aux tripes. Non. Impossible ! Son personnage était parfaitement travaillé. Cette rencontre avec Cigüe avait été malheureuse mais elle se justifiait par bien d'autres explications moins tordues que l'appartenance de Rowan au peuple féérique et... Depuis, elle n'avait fait aucune erreur ! Lundi ne pouvait pas avoir deviné. Et les choses resteraient ainsi, sauf si Prisme était assez idiote pour baisser son masque à la moindre frayeur.

Elle fit passer avec brio sa peur pour une profonde perplexité. Elle se fit violence et avança en direction du guédé comme si de rien n'était. Puis, quand vint enfin l'explication, son soulagement fut tel qu'elle n'eut aucun mal à adopter le comportement requis : elle émit un éclat de rire qui se plaçait à mi chemin entre le pur amusement et une surprise sincère.

"... Tu accueilles toutes les fées de l'ïle sous ton toît ma parole ! je ne m'attendais vraiment pas à ça."

En réalité, ça ne lui plaisait pas trop de savoir qu'il y en avait une deuxième qui risquait de se pointer sans prévenir et de la reconnaître. Lundi semblait penser qu'elle ne risquait pas de débarquer à ce moment de la journée, cependant. Il fallait espérer qu'il avait raison.

"Hmm.. Qu'est-ce que tu vas faire avec ça ? Tu vas en mettre dans le thé ?" demanda t-elle finalement pour changer le sujet de la conversation, en fixant la bouteille de rhum que le guédé avait en main. S'était-elle largement penchée sur lui ce faisant, soucieuse de créer le contact physique qu'elle avait imaginé plus tôt ?

... Oh, oui. Peut-être un peu. Les doigts de l'une de ses mains s'étaient vaguement égarés sur le bras de son interlocuteur, aussi. Oups alors.

Sujet: Re: La foudre et l'arc en ciel Mar 26 Oct 2021 - 20:45

Lundi laissa échapper un rire un peu jaune à la remarque de Rowan, il haussait les épaules à ce sujet. Une seule fée offrait déjà une présence bien singulière au Bayou, alors il était vrai qu'une seconde... Il fallait dire que la deuxième était une visiteuse plus rare au moins, et plus attachée au matin.

Les mots et le léger contact de la jeune fille arrachèrent l'esprit vagabond du Baron pour le ramener à la discussion. Les yeux se tournèrent sur la bouteille désignée, avant de revenir sur le visage qu'ils pouvaient presque atteindre. Et ils aimaient le sourire félin qui se révélait à eux de temps à autre.

- Le rhum ? Heh, je vais en boire un peu. Mais si tu en veux dans ta tasse... je partage.

Une réponse offerte avec le plateau du sourire scindé du guédé.

La main libre qui avait désigné auparavant la place prête pour l'invitée vint attraper, avec une douceur qui contrastait le fouet de l'électricité, les phalanges de la jeune fille. Lundi voulait attirer Rowan plus près de lui. Il suivait les règles, il aurait perdu bien des épouses s'il ne les avait pas écouté lorsqu'elles posaient leur cadre. Tant que les coups de foudre et femmes lui permettaient d'au moins leur prendre la main, ça lui convenait.

- Vini, vini. Installe-toi, et tu peux me parler un peu plus d'où tu viens. Avant l'Île.

Si le monde des diurnes demeurait moins important que celui du Bayou, Klere restait curieux de la terre qui portait les demoiselles que la foudre choisissait. L'éclair cherchait la connexion la plus rapide, peut importe par quel chemin, jusqu'au sol. Diurne ou non.

- Je sais que tu es venue avec ton frère, mais dis-moi plus sur toi.

Il voulait la connaître, il lui accordait d'ailleurs plus de regard qu'à son rhum.

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Sujet: Re: La foudre et l'arc en ciel Ven 5 Nov 2021 - 15:01

Comme si le sujet de ses préoccupations avait eu une grande importance - spoiler : ça aurait pourtant pu être considéré comme un détail - Prisme s'adonnait à une profonde réflexion. De ce fait, elle avait un peu perdu son sourire. Elle fixait avec un grand sérieux la tasse fumante qu'elle tenait entre ses deux mains.

L'Irisée étudiait la proposition que le Baron venait de lui faire. C'est qu'elle n'aurait rien eu contre boire un peu de rhum tant qu'il était savamment mélangé à autre chose et que le goût de l'alcool fort n'était pas dominant, mais elle n'était pas certaine qu'en mettre dans son thé soit une très bonne idée, considérant le choix d'ingrédients qu'elle avait fait plus tôt.

Elle décida finalement d'être raisonnable, soit d'opter pour l'expérience qui lui semblait être la plus raffinée, même si cela serait certainement un peu moins amusant.

"Hmmm... ce n'est peut-être pas une si bonne idée que ça. Le goût de la fleur d'oranger est subtil et le rhum le masquerait certainement. Peut-être plus tard !"

Un coup d'oeil mutin du côté de son hôte, qui aurait certainement compris - d'une manière ou d'une autre - le sous-entendu. Elle n'était pas pressée. Il pouvait bien y avoir plusieurs services que cela ne la dérangeait absolument pas. C'était au Baron de voir s'il était d'humeur ou non à prolonger leur rendez-vous, et à lui offrir quelques boissons supplémentaires une fois que la première serait avalée.

Le guédé vint prendre entre ses doigts l'une des mains de la jeune femme et il lui proposa de s'installer plus confortablement. Voilà qui n'était pas tombé dans l'oreille d'une sourde ! Il ne faisait pas très chaud, en ce moment, que ce fut à l'extérieur à cause du Givre ou bien... "à l'intérieur". Ce froid là, celui de la solitude et du rejet, était causé par des facteurs personnels tragiques auxquels la fée des lumières revenait sans cesse même quand elle essayait de ne pas y penser.

Elle se lova sans vergogne contre le Baron et sentit un long frisson parcourir son échine. On versait une eau chaude agréable à l'intérieur de son ventre et pourtant, elle n'avait même pas commencé à boire son thé. Là. Elle se sentait déjà beaucoup moins isolée. Et elle se sentait désirée. Plus rien ne manquait, à présent - pour l'instant. Elle aurait voulu que ce moment s'étire éternellement, car cela aurait signifié qu'elle n'aurait plus jamais à souffrir. En bonne compagnie, pour toujours. Ce n'était pas le pire des destins.

Bien sûr, ce n'était qu'un fantasme passager. Rien ne durait pour toujours, même lorsqu'on avait l'impression que c'était le cas. Les humains en étaient ironiquement beaucoup plus conscients que les fées, en règle générale. C'était pourtant eux qui vivaient le plus longtemps. Sur cette île où le temps ne s'écoulait pas pour eux, il leur était même possible d'atteindre une véritable forme d'immortalité.

Tant qu'ils ne rencontraient pas une Horreur, une Sirène, une Créature ou un quelconque élément de décor malintentionné, cela allait sans dire.

"Eh bien... Comme je te l'ai dit nous sommes arrivés ensemble sur un bateau, oui."

Raconter la vie de Rowan n'était pas un problème pour Prisme, qui était donc complètement détendue. Au fur et à mesure que le temps passait, elle avait creusé ses deux personnages, leur donnant une profondeur, un réalisme nécessaire pour qu'elle parvienne à n'attirer sur elle les soupçons d'aucun des humains avec lesquels elle discutait. Elle prenait des éléments de sa propre vie et elle les modifiait pour que cela colle à l'existence que les jumeaux auraient pu avoir dans l'Ordinaire. Ainsi, elle se sentait plus proche d'eux. Ca les rendait simultanément plus "vrais" (pour elle) et plus crédibles (pour les autres).

Reste qu'elle n'avait développé l'histoire de la famille Rose qu'assez récemment. Avant qu'elle ne rencontre Carmine, puis qu'elle fugue pour s'installer au Ranch, le sujet n'était jamais tombé. Elle ne s'était jamais sentie obligée d'y réfléchir. Elle se disait qu'elle pouvait se contenter d'expliquer "qu'elle n'avait pas envie d'en parler".

Sauf qu'elle avait eu besoin d'en parler, finalement. De manière détournée, elle s'était confiée à quelques pirates qu'elle considérait comme des amis. Le scribe du Port, Vijendra, était notamment une oreille très attentive. Il avait fait preuve à son égard de beaucoup de bienveillance. Il lui avait donné plein de conseils attentionnés.

"Je n'aime pas beaucoup parler de l'endroit d'où je viens. Ma famille était assez aisée, mais ça ne nous a pas rendu la vie beaucoup plus facile, à Morgan et à moi. Nos parents... Disons qu'ils étaient de ce genre de personnes qui feraient mieux de ne pas avoir d'enfants du tout. D'ailleurs ils n'ont pas vraiment fait exprès d'en avoir, je pense... Enfin, c'est le cas d'une majorité de gens chez moi, je suppose."

Le regard en coin, elle plongea le nez dans sa tasse et sirota une courte gorgée. Elle soupira d'aise. Ca faisait du bien. Même si il y avait beaucoup de choses fausses dans ce qu'elle racontait, les tout aussi nombreux parallèles qu'elle faisait avec sa véritable situation rendaient les explications difficiles à produire.

"Mais eux... Disons qu'il n'ont même pas essayé. Ils ne se souciaient pas de nous. Ils faisaient le minimum vital pour que nous survivions mais... Bref. Morgan et moi, on n'a jamais vraiment pu compter que l'un sur l'autre."

La gorge de Prisme se noua douloureusement. Si seulement Ether avait eu une autre pupille... Si Prisme avait eu l'équivalent d'un adelphe, les choses auraient peut-être été très différentes. Mais elle était Morgan et Rowan tout à la fois. Elle était seule. Dieu qu'elle aurait voulu que la situation soit inversée. Que les jumeaux soient réels, et que Prisme ne soit que le produit de leur imagination. Elle enviait cette relation qu'elle leur avait créé de toutes pièces.

"La seule chose qui intéressait nos parents, c'était de nous utiliser. Ils ne se montraient gentils avec nous que si ça pouvait leur permettre de se faire mousser... Morgan a beaucoup de talent. Il a des idées, il crée de jolies choses. Ca faisait bien, évidemment, à la cour."

Morgan avait avoué à Carmine qu'il avait servi une Reine. Elle avait gardé cet élément. Si elle commençait à se contredire et que la nouvelle se répandait, ça finirait par mal se passer.

"Moi je..."

Elle fronça les sourcils. Elle n'aimait pas beaucoup cette facette des cultures humaines au sujet desquelles elle s'était renseignée, mais il fallait bien qu'elle la prenne en compte, puisqu'elle avait décidé de placer la vie de Morgan et de Rowan à une époque où les inégalités entre les genres étaient particulièrement marquées chez les humains. Beaucoup de pirates étaient issus de ce type de cultures, si bien que sur le Port, les choses n'étaient pas nécessairement brillantes. Ca n'avait pas été une histoire très difficile à inventer.

"Disons que je faisais une monnaie d'échange valable, si tu vois ce que je veux dire. Mais ça a été la goutte d'eau qui a fait déborder le vase. J'ai refusé de me laisser faire. Morgan était de mon côté. Alors on a fugué. On est allé en ville, et on a volé ce navire. Heureusement, on en faisait déjà de temps en temps pour s'amuser sur notre temps libre alors on savait comment le manœuvrer Enfin. Ca ne nous a pas empêché d'atterrir ici. Mais bon... On a fui et maintenant on est libre. C'est ce qu'on voulait... donc c'est bien."

Ses yeux brillaient, remplis de véritables larmes. Le passé de Rowan - contrairement à celui de Morgan - était une pure invention, mais faire mention des parents opportunistes et négligents des jumeaux suffisait à lui casser le moral, indépendamment des bouts d'histoire auxquels elle ne s'identifiait pas du tout. Elle but une large gorgée puis se força à accrocher sur ses lèvres un sourire, ainsi qu'à émettre un éclat de rire - peu convainquant.

"... Et voilà toute l'histoire, mais ce n'est probablement pas celle qu'il y avait de plus drôle à raconter. J'arrive et je casse l'ambiance tout de suite avec les gros dossiers... Bravo Rowan, belle prestation, c'était parfait pour un premier rendez-vous !"

Tandis qu'elle se moquait amèrement d'elle-même, elle plaqua le dos d'un doigt contre sa paupière inférieure pour s'assurer qu'aucun vicieux filet d'eau ne venait empirer une situation qu'elle jugeait déjà catastrophique.

Sujet: Re: La foudre et l'arc en ciel Dim 16 Jan 2022 - 22:00

La réponse de Rowan à la proposition de rhum ravissait le Baron, en fait c'était surtout la partie mentionnant "peut-être plus tard". Ça lui convenait si son invitée n'était pas pressée de s'en aller. Un sourire avant d'écouter attentivement le récit de la jeune femme, il apprenait un peu de sa vie, de quoi tisser des liens.

Malheureusement, il pouvait sentir la peine peser sur les mots et sur l'âme de la belle. Il en avait abandonné son rhum pour raffermir un peu sa presqu'étreinte.

Plus d'une de ses épouses portaient les marques d'un passé où il aurait aimé être là plus tôt, au bn moment pour les préserver. Il détestait tant qu'on fasse faiblir la lumière de ses étoiles. Elles étaient parfaites, et ceux qui refusaient de les contempler avec respect ne méritaient que des tourments éternels. Autant dire qu'il en allait de même pour ses amantes, même celles qui refusait doucement ses demandes en mariage.

La pluie était belle, mais pas dans les coeurs de celles qu'il aimait.

À la moquerie étrange, Klere esquissa plus un sourire interrogateur qu'amusé. Avec une douceur calculée, il porta les doigts de sa main libre au menton de Rowan afin de l'amener à son regard. Celui-ci se montra à l'image de son geste : doux. La peur de la briser au moindre mouvement brusque le prenait en la contemplant ainsi.

- Je suis plutôt honoré que tu te sente assez bien en ma compagnie pour me livrer ces sentiments.

Il la libéra avant de poursuivre.

- Tu es forte, et j'en suis content. Ça nous a permis de faire croiser nos chemins.

Puis un ton taquin, pour peut-être essayer de ramener le soleil sur le visage de son invitée.

- Et voilà donc, un "premier rendez-vous". J'espère faire le poids à côté des prétendants qui ont déjà essayé par le passé.

Un léger rire à sa propre plaisanterie, il se souvenait encore de ces gens du monde ordinaire. Ceux qui paraissaient malades tout au long de l'année.

- S'ils étaient comme ceux que j'ai pu voir avant, tes larmes ne m'étonnent pas. J'espère qu'ils ne t'ont pas trop ennuyée.

Plus tendre, il pencha la tête dans une trainée de sons provenant de ses bijoux. Lundi se trouvait comme rassuré qu'elle soit à côté de lui, pas ailleurs. Comme il pouvait l'être avec d'autres femmes. Rassuré qu'elles ne risquent rien. Bien entendu, voilà qui était relatif. Ses colères pouvaient faire beaucoup de mal, mais il ne partait jamais du principe qu'une situation pouvait se présenter... du genre de Tissia.
Cette épouse qu'il avait tuée... elle lui manquait toujours. Malgré sa traitrise.

- Rowan, je crois que tu m'inspires beaucoup de tendresse. Anpil tandrès.

Le Céleste faisait une grande différence avec la luxure ou tout autre jeu de séduction, il était toujours attiré sentimentalement. Fleur bleue qu'il était au milieu des orages.

- Aucun prince de cette fameuse cour où ton frère travaillait ne viendra s'aventurer aussi loin sur cette Île, j'ose espérer ?

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Sujet: Re: La foudre et l'arc en ciel Mer 19 Jan 2022 - 19:42

Le regard préalablement fuyant de Prisme chercha celui de Lundi tandis que le guédé soulevait son menton avec une douceur appréciée. Elle réagissait toujours autant à ces gestes en apparence anodins - ou presque anodins. Elle buvait sa gentillesse et ses attentions sans, peut-être, prendre la pleine mesure des mouvements qui avaient lieu en elle ni de leur direction exacte. Elle était entrée dans le jeu du baron guidée par la curiosité, l'envie de découvrir, l'amusement que lui procurait leurs échanges, l'attrait chromatique du personnage... Elle l'avait aussi suivi par choix stratégique. Enfin, elle était venue parce que leurs interactions ne se contentaient pas de la distraire. Elles lui faisaient beaucoup de bien.

La dernière des raisons listées était actuellement devenue prédominante. C'était étonnamment intense, mais Prisme n'avait pas le bon sens de se sentir étonnée. Elle se concentrait sur d'autres détails, à commencer par ce qu'on lui répondait.

Elle considérait vraiment avoir ruiné l'ambiance en racontant son histoire - même déformée pour coller à la vie des deux bermudons qu'elle incarnait. Ce n'était vraiment pas ce qu'elle avait eu l'intention de faire. Elle voulait que ce moment soit agréable ! Pour tout le monde. Ce serait mieux.

"Je suis plutôt honoré que tu te sente assez bien en ma compagnie pour me livrer ces sentiments."

Le regard de la fée se fit vague. Elle réserva sa réponse pour plus tard. Elle ressentait un drôle de pincement au cœur, et c'était inattendu. Elle n'avait jamais eu de mal à mentir aux humains sur son histoire et son identité. Quand elle était beaucoup plus jeune, elle trouvait cela au contraire très amusant. Désormais, elle considérait ça nécessaire : si elle ne le faisait pas, elle serait découverte, et ce serait la fin de ses aventures parmi les pirates. Il pouvait même lui arriver des malheurs.

Et puis elle ne mentait qu'à peine. D'une part, elle se basait sur des événements de sa propre vie. D'autre part, les jumeaux étaient très réels, pour elle. Il lui arrivait de se sentir plus "Rowan et Morgan" qu'elle ne se sentait Prisme, surtout ces derniers temps.

Pourquoi, alors, était-elle sujette à cette étrange culpabilité ? Elle était bien suffisamment authentique, non ? C'en était bien la preuve : raconter tout ça avait mis ses émotions en pagaille !

"Tu es forte, et j'en suis content. Ça nous a permis de faire croiser nos chemins."

Elle se força à esquisser un sourire probablement un peu trop pâle pour être convaincant. Elle était restée trop silencieuse, trop timorée. Il ne fallait pas que ça continue. Il ne fallait pas mettre la puce à l'oreille du guédé... Ca aurait été simultanément dangereux et contrariant.

Ah. Elle n'était pas si "Rowan" que ça, finalement. Les raisons des fugues de Prisme et de son alter ego humain étaient trop différentes.

Je ne me sens pas forte du tout...

Fort heureusement, ce qui vint ensuite fut une plaisanterie à laquelle elle put réagir par un rire sincère qui la soulagea de ses inquiétudes autant que de la pesanteur qu'elle ressentait.

"Oh... Si tu cherches du challenge ce n'est pas là que tu vas le trouver, je crois. Ce n'est pas difficile de faire mieux qu'eux."

Sur le Port - un peu moins au Ranch, peut-être parce que les pirates étaient moins nombreux, et qu'il fallait une certaine tournure d'esprit pour décider sciemment de se rebeller contre Hook et ses congénères glacés - Prisme avait eu de nombreux exemples dont elle avait pu s'inspirer. Elle aimait beaucoup les humains, certes, mais ici comme ailleurs, on trouvait toujours des gens qui ne donnaient vraiment pas envie qu'on les fréquente.

"S'ils étaient comme ceux que j'ai pu voir avant, tes larmes ne m'étonnent pas. J'espère qu'ils ne t'ont pas trop ennuyée."
"Ne t'inquiète pas, ils n'en ont pas eu le temps. Nous sommes partis avant de le leur donner."

Rowan perdit très vite le sourire qu'elle avait eu bien du mal à remettre sur ses lèvres, vaguement déconcentrée par le geste de Lundi qui se penchait sur elle, rapprochant incidemment leurs deux visages. Elle fut incapable de masquer complètement la surprise que provoqua la déclaration suivante. Il avait l'air drôlement sérieux, drôlement sincère. Plus déconcertante encore, l'explosion d'émotion qu'une simple phrase avait su provoquer en elle. Elle avait l'impression que quelque chose dans sa poitrine était littéralement en train de fondre. Ca faisait un peu mal, mais ça faisait surtout du bien. Lorsqu'elle eut enfin réussi à absorber l'information, elle orna ses lèvres d'un nouveau sourire, mais elle ne parvint pas à paraître aussi malicieuse qu'elle l'aurait voulu. Elle était encore un peu perturbée.

"Rowan, je crois que tu m'inspires beaucoup de tendresse. Anpil tandrès."
"Je... Je crois que j'aime bien ça..."

Zut, flûte, Que fichait-elle ? Il fallait qu'elle remette son cerveau en route tout de suite. S'amuser avec Lundi n'était pas interdit, mais il ne fallait pas qu'elle oublie que la prudence était de mise. Fréquenter le guédé était dangereux pour sa couverture. Elle n'en savait toujours pas assez sur la méthode dont il pouvait l'espionner par le ciel. Cigüe en saurait peut-être plus... Après tout ce n'était pas comme si l'Irisée pouvait ramener le sujet sur le tapis sans contexte. Pas si elle ne voulait pas paraître suspecte.

"Aucun prince de cette fameuse cour où ton frère travaillait ne viendra s'aventurer aussi loin sur cette Île, j'ose espérer ?"

Léger rire sardonique. Ah ça... On pouvait dire qu'il n'y avait aucun risque. Mais elle ne pouvait pas dire ça comme ça.

Surtout, penser Rowan.

"C'est très improbable... Tant que la plage est sous le Givre, je ne l'espère d'ailleurs pas pour eux. Même si celui que je n'ai plus envie de voir en peinture venait par un triste miracle à se perdre jusqu'au Ranch, ça ne risque pas grand chose. Les règles ne sont pas les mêmes, ici. Il l'apprendrait vite à ses dépends. Je serais sans doute très loin d'être sa priorité."

Le point final fut donné lorsqu'elle retourna boire une nouvelle gorgée de thé dans sa tasse, sans quitter Lundi du coin des yeux.

Sujet: Re: La foudre et l'arc en ciel Mer 19 Jan 2022 - 22:16

Le Céleste aimait savoir que quelque chose plaisait à ses coups de foudre, et donc si Rowan appréciait sa tendresse... ça lui convenait. Ça lui convenait même très bien. Malgré le petite tristesse qu'il pouvait avoir en ressentant des variations plus lourdes dans les humeurs de la demoiselle. Il l'aurait bien embrassée, mais il était hors de question d'empêcher un rire.

Il nota un simple mot en revanche.

En prenant une gorgée de rhum pendant que son invitée était en train de boire un peu de sa boisson chaude. Assez de temps pour que le Baron revête un sourire à peine aguicheur.

- Celui que tu ne veux plus voir ?

Presque chantant dans le phrasé, le troisième fils de Brigitte était piqué de curiosité. 'autant plus qu'il s'agissait de quelque chose pouvant ternir le ciel de Rowan. L'amour de Lundi le poussait à se plier en quatre, à offrir la lune.

- J'espère qu'il ne t'a rien fait que je ne saurais réparer.

Un temps, léger, en observant la surface de la tasse de Rowan.

- Si tu as quelque chose de lui, je peux le retrouver et le punir. Si ça en vaut la peine. Mais je ne ferai rien sans ton approbation.

En cherchant à ramener gentiment l'Irisée à lui, pour qu'elle se love contre lui, le contact physique ne restait jamais loin.

- Quoi qu'il en soit, tu peux faire partie de mes priorités~

Dévoilant les dents du bonheur, le sourire du Céleste jouait au charmeur. Pas une seconde, l'aura étrange ne fut remarquée par la raison de celle du guédé.

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Toi, moi, ta soeur, mes frères, on va causer.

"Celui que tu ne veux plus voir ?"

Prisme tourna un regard aigu, insondable, sur le Baron. Ding ding... Elle sentait le danger arriver.

Cela tenait partiellement au fait qu'elle venait de rebrancher son cerveau. Elle se laissait un peu moins porter par les agréables émotions que lui procurait son actuelle proximité avec Lundi et se souvenait qu'elle était en train de jouer avec le feu et qu'il lui fallait prendre de nombreuses précautions si elle ne voulait pas se brûler les ailes - dans un sens potentiellement littéral.

Cela tenait aussi au fait qu'elle n'avait pas développé le personnage du fiancé de Rowan dans l'Ordinaire. Elle n'en avait jamais eu besoin jusqu'à présent. Aucune des discussions personnelles qu'elle avait eu avec les pirates n'étaient allées si loin, ou en tous les cas pas concernant cet individu là.

Elle haussa les épaules.

"Oui... Tu sais. L'homme à qui mes parents voulaient me marier...
- J'espère qu'il ne t'a rien fait que je ne saurais réparer."

Lundi partait dans des suppositions sordides que Prisme n'avait pas prévu d'inclure à son personnage pour la très bonne raison qu'elle aurait été incapable d'en faire une interprétation sincère, eut-elle joué sur ce tableau. Elle avait beau être très curieuse à leur sujet, elle était consciente de ne presque rien connaître aux pratiques humaines à base de dessous de jambes. Ce n'était pas quelque chose sur quoi il était facile de se renseigner sans griller sa couverture, et les gens sur le Port, lorsqu'ils en parlaient, ne disaient pas grand chose. Pour eux c'était évident. Et puis selon les cercles ce n'était pas nécessairement des sujets de conversation très bienvenus en société... bref.

"Non... Ne t'inquiète pas. Comme je disais tout à l'heure, il n'en a pas eu le temps."

Elle lança un sourire rassurant en direction du guédé, mais sa joie s'évapora bien vite comme Lundi insistait pour parler de ce fichu fiancé fantôme... Voilà qu'il proposait à Rowan d'exercer sa vengeance contre ce personnage - toujours aussi désespérément fictif. Heureusement qu'il laissait à Prisme le choix d'accepter ou de refuser la proposition ! Heureusement, aussi, qu'il lui fallait un objet pour faire fonctionner sa magie... Prisme n'avait même pas besoin de mentir (à ce sujet) :

"Non, je n'ai rien qui soit à lui. Tu sais... Je l'ai à peine rencontré une ou deux fois. Je ne sais même pas si c'est une si mauvaise personne que ça. Je ne voulais juste pas qu'on m'utilise. Cette vie là ne m'intéressait pas..."

Bon. Rien de neuf sous le soleil... Prisme savait déjà que le Baron avait besoin d'un objet ou d'un cheveux pour espionner les gens. Mais maintenant que Lundi avait abordé ce sujet, peut-être que l'Irisée pouvait se permettre de se montrer curieuse, comme par exemple en lui demandant de quelle manière il était capable de punir les gens qu'il retrouvait de cette manière...

"Quoi qu'il en soit, tu peux faire partie de mes priorités~"

... Ah. Eh bien ce serait pour une autre fois. L'opportunité de Prisme s'était tout aussi vite évaporée. Elle sentit la pression de la main du guédé l'inviter à s'installer plus confortablement contre lui. Elle se laissa faire, cependant très consciente d'elle-même, et des parties d'elle-même qu'il valait mieux que Lundi ne touche pas. S'il avait le malheur de vouloir passer la main sous sa cape, il fallait absolument que Prisme le remarque et qu'elle parvienne à l'en empêcher, sans quoi il allait forcément remarquer les membranes organiques qui partaient de son dos et qui s'enfonçaient dans la doublure...

Prisme se lova comme un chat contre son hôte et ne put retenir un éclat de rire gentiment mordant. Il en avait, des manières de parler, ce Baron... Qu'il fasse attention ! Prisme aurait pu se vexer. On aurait dit qu'il lui faisait une fleur incroyable en lui octroyant un peu de son temps... C'était pourtant lui qui s'était intéressé à elle en premier lieu, et en prenant des initiatives assez osées !

La fée retourna au Baron un regard pétillant de malice.

"Oh, eh bien dans ce cas... Peut-être que je pourrais envisager de t'ajouter à la liste de mes priorités, moi aussi.. Quelque part en bas peut-être hmmm laisse moi réfléchir..."

Bien sûr, elle n'était pas sérieuse. Elle ne faisait que jouer avec les mots. Elle n'aurait pas été ici si elle n'était pas intéressée. Enfin... Peut-être que si. Pour éviter que le Baron soit tenté de l'espionner sans son accord. Mais dans un cas pareil, elle aurait été beaucoup moins jouasse.

Donc, il suffisait de laisser l'Île effacer les dernières traces du passé tragique. Et bien trop familier au Monde Ordinaire dans lequel le Bayou avait originellement baigné. À différentes échelles. Il était content que Rowan n'ait donc plus rien à relier à cet autre univers.

Lorsqu'elle lui répondit de peut-être avoir de la place pour lui sur sa liste d'attente, en bas, il rit franchement. Elle le taquinait ? Lui ? Un Guédé ?

C'était qu'il avait ce faible pour les femmes qui ne craignaient en rien leurs mots à l'encontre d'un esprit de la mort. Ou au moins, qu'elles brillent de naturel avec lui. Qu'elles n'aient pas peur de dire ce qu'elles pensent. Il ressent les émotions sous la peau, de toute façon, il le devinait lorsqu'elles tremblaient.

Rowan donnait l'impression d'être joueuse, et lorsque Lundi se retrouvait foudroyé il ne pouvait pas être raisonnable. Il ne savait pas user de la raison.

Il ne voyait que ce que son coeur voulait lui montrer.

- Oooh~ il faudrait que je cède quelque chose à ma demoiselle si veux avoir une bonne place ?

S'il lui avait resté un peu de boisson, il ne s'y intéressait plus. Le Céleste n'avait d'yeux que pour son invitée du soir. Une main distraite se promenait sur l'une des jambes de la jeune femme, il veillait à ne pas entraver les règles qu'on lui avait imposées. Klere s'en voudrait terriblement de blesser Rowan. Il poursuivait son phrasé, se retenant de s'intéresser à nouveau aux lèvres de la jeune dame.

- J'aime bien les échanges, ce n'est pas un secret...

Un tout petit temps, juste pour offrir un nouveau sourire charmeur.

- Alors... Qu'est-ce qui te ferait plaisir en échange ?

Si le ciel pouvait ronronner au lieu de grogner, il le ferait. Seulement, Lundi n'était 'pas fâché, alors les cieux demeuraient silencieux. Seules les lumières d'orage sur la peau de nuit jouaient de la magie passive de Lundi.

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Une opportunité se formait que Prisme n'avait pas vue venir. L'Irisée était tentée de s'emporter, mais elle fit de son mieux pour calmer ses propres ardeurs avant d'avoir commis un acte spontané, irréfléchi, qu'elle pourrait regretter plus tard. Elle ne faisait que jouer, minauder, et en réponse, elle avait reçu une véritable proposition.

Les négociations étaient ouvertes. Cependant, il était impossible pour Rowan de savoir si Lundi était mortellement sérieux, juste un peu sérieux, ou s'il plaisantait sur le même ton que celui qu'elle avait adopté précédemment. Que pouvait-elle se permettre de lui demander ? Si elle en faisait trop, le Baron refuserait certainement, et il risquait de devenir suspicieux.

Il fallait donc éviter de revenir trop vite sur le sujet de ses pouvoirs d'espionnage offerts par le Ciel. C'était un secret qu'il n'avait pas voulu lui révéler précédemment. Il aurait été surprenant que le guédé ait si rapidement changé d'avis, même si leurs échanges étaient devenus beaucoup plus amicaux (pour ne pas dire beaucoup plus échauffés) depuis cette première discussion qu'ils avaient eue sur le pont.

Prisme aurait bien fait de ne pas tout casser en abattant ses cartes trop vite. Ca aurait été comme mettre dans le plat des pieds qu'elle aurait précédemment équipé d'énormes sabots. En revanche, un des dits pieds pouvait être mis dans la porte... Une fois cette ouverture garantie, elle pourrait peut-être s'y immiscer progressivement (on se demandait bien quelle éducation elle avait reçu pour se montrer si naturellement manipulatrice - kof).

L'elfe ronronnait elle aussi en silence. Elle adorait sa proximité actuelle avec le Baron. A sa manière féérique, elle était ravie des sensations que lui procurait la main qui lui caressait la jambe avec tendresse. Elle avait envie de maintenir cette ligne de conduite. Elle aspirait à prolonger ce début de relation jusqu'à le rendre pérenne. Il ne faudrait pas que Lundi prenne beaucoup plus d'aises que celles qu'il se permettait déjà, mais ça ne serait pas un problème s'il était sincère lorsqu'il se disait prêt à respecter les limites de Rowan, n'est-ce pas ?

Il fallait espérer qu'il ne nourrisse pas l'espoir d'en obtenir plus d'elle sur le long terme. Sur le principe, Prisme n'avait rien contre, même si elle n'était pas en capacité d'apprécier les étranges cabrioles des humains de la même façon que ceux-ci pour des raisons anatomiques et physiologiques évidentes. Elle était curieuse et prête à tester plein de choses. Ca ne la dérangeait pas, non : ça l'intéressait vraiment d'en découvrir plus sur les mœurs des pirates et des gens du Bayou. Même sur celles qui se déroulaient dans une chambre close, ou derrière d'épais rideaux.

Le souci, c'est que ça aurait demandé à ce qu'elle admette au Baron qu'elle était une fée. Et ça, c'était strictement impossible. Ce secret ne pouvait et ne devait pas être éventé.

Le sourire taquin de Rowan s'étendit encore un peu. Son regard pétillait d'une malice assortie. Lundi n'osait pas toucher ses lèvres, mais Rowan ne les lui refusait pas. Elle ne se gêna pas pour chercher la mâchoire du guédé afin d'y déposer une nouvelle caresse aguicheuse, ni pour rapprocher leurs visages, alors qu'elle répondait en badinant :

"Voyons voir... Je viens de t'en raconter beaucoup sur moi, mais que sais-je sur toi si ce n'est que tu es un Baron bien agréable à regarder, avec des bras très fermes, des lèvres très douces, beaucoup de femmes, beaucoup d'enfants, des mœurs "de groupe" intéressantes, et une certaine propension à espionner les gens grâce au Ciel... Les On dit ne font pas tout, souvent c'est même l'inverse. Je suis chez toi mais je ne sais pas vraiment où je suis non plus. Pour commencer, je serais curieuse d'avoir plus de détails à ton sujet et à propos de ta propre vie, des personnes qui la composent... Est-ce que tu accepterais de me parler de ça à ton tour ?"

Ce n'était pas très juste car beaucoup des choses qu'elle lui avait raconté étaient fausses, même si basées sur un gros fond de vérité qu'elle avait déformé pour rendre ses personnalités humaines plus crédibles. Mais bon. Ce n'était pas comme si elle pouvait faire autrement.

Qu'est-ce que Lundi aimait et chérissait les contacts de toutes sortes, et bien plus encore lorsqu'ils étaient teintés de liens attirants. Il adorait déceler l'envie d'être avec lui dans les yeux de l'âme à laquelle il se faisait tout de miel, car lui-même le faisait savoir. Klere savourait chaque seconde aléatoires. Oh, qu'est-ce qu'il était tenté d'emporter son invitée sur ses genoux pour la regarder autrement. Pour la sentir contre lui, d'une nouvelle façon. Cependant, les demandes de Rowan avaient été claires, et suffisamment précises et directes pour qu'il comprenne parfaitement. Ainsi, il n'ose pas tout. Il se demande s'il doit caresser avec autant de soin et de précaution que ses épouses blessées.

C'est pour cette raison qu'il craignait de blesser la demoiselle sans le vouloir... il avait envie de croire en la timidité, en des barrières qui servaient à cadrer un jeu. Cependant, par triste connaissance, il ne pouvait pas s'enlever cette autre possibilité de la tête.

Alors il essayait de trouver le juste milieu. Et il était déjà heureux de savoir que pour le moment il ne semblait pas avoir traversé de ligne rouge.

Pourtant, Rowan était tout à fait entreprenante. Et Lundi lui souriant en réponse à la malice qui se reflétait dans le regard de la jeune femme alors qu'elle caressait le bas du visage, il aurait pu l'embrasser fougueusement tout de suite. C'était avant qu'elle ne commence à répondre à la question, cette réponse qu'il attendait.

Alors il écoutait sagement, sans se lasser de parcourir un peu la jambe pâle.

- Oooh, tu veux savoir plus de détails ?

Un rire soufflé avant de prendre un baiser tendre.

- J'ai une grande famille, tu le sais déjà. En tant que troisième fils de Maman Brigitte, j'ai six autres frères. Je suis né d'un rituel, le Loa qui s'est lié à ma mère est Shango. Ou Hebioso... ses noms sont multiples. C'est le Loa des orages. J'ai cette affinité. Mais là aussi, je ne pense pas t'offrir de la nouveauté...

Un sourire tendre naquit en se noyant dans les yeux de Rowan.

- Je passe beaucoup de temps à reprendre conscience après le sommeil, j'en passe tout autant à m'adonner à la magie. J'offre la vengeance en échange d'émotions que je mets en bouteilles. J'aime les sentiments, je les aime bruts sans la raison pour les enchaîner. Le ciel grogne pour moi lorsque je suis fâché, la pluie me manque terriblement.

Ses caresses s'arrêtèrent ensuite.

- Et je suis à l'image de la foudre, impatient. L'amour me foudroie sur place, et je n'écoute que mon coeur. C'est pour ça que j'ai autant d'épouses, et d'amantes... C'est difficile de te raconter des choses... il y a le monde ordinaire et le monde ici. Mais je peux jeter un oeil sur l'autre univers, si l'on me donne de quoi retrouver une personne vivant dans cet ailleurs... Je visite mes femmes dans cette tour, ou elles viennent à moi dans ma chambre. Ça m'arrive d'être seul, mais je préfère toujours la chaleur.

Sur ces mots, il chercha à embrasser à nouveau Rowan. Avec un empressement un brin bestial, peut-être une impatience vorace qui pensait qu'elle pouvait s'exprimer de cette façon sans faire de mal à la dulcinée.

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Après un baiser court mais amusant et tout chaud - on appréciait la chose à sa façon lorsqu'on était une fée - Prisme recula la tête juste assez pour observer Lundi qui, à sa demande, commençait à donner plus de détails sur sa propre vie.

"J'ai une grande famille, tu le sais déjà. (...) Mais là aussi, je ne pense pas t'offrir de la nouveauté..."

En réalité, ce n'était pas tout à fait vrai... Pour des raisons qui n'étaient évidentes que pour elle, Prisme ne connaissait pas très bien le Bayou ni les habitants qui le peuplaient. Les fées, après tout, vivaient bien loin des préoccupations des humains - et de ceux qui l'étaient un peu moins, après s'être greffés à l'Île sans le consentement de cette dernière. Les natures féériques et vaudous étaient à l'opposé l'une de l'autre, tant et si bien qu'il serait impossible pour Prisme de rester très longtemps dans cet environnement, qui la rejetait aussi fort que l'Île rejetait les bayouteux quand ils sortaient de leur domaine.

Rowan avait appris beaucoup de choses, sur le Port et au Ranch, mais elle n'en était pas une habitante régulière depuis si longtemps. Elle ne savait pas tout ce que savaient les "vrais" pirates. Ainsi, les informations que Lundi pouvait lui donner sur ses parents et sa fratrie étaient toutes bienvenues. Elles lui permettaient d'en apprendre plus sur son interlocuteur et sur l'univers dans lequel il évoluait. Cependant, elle ne pouvait pas se permettre de trop le montrer.

Prisme hocha la tête pour indiquer au Baron qu'elle était déjà plus ou moins au jus de ce qu'il lui racontait... Même si ce n'était pas tout à fait la vérité.

La suite était inattendue. Rowan ne montra sa surprise qu'en cillant brièvement. Elle restait autrement parfaitement immobile, pokerface bien en place : elle se donnait l'air d'écouter Lundi passionnément. Son intérêt était plus ou moins sincère : elle prenait tout ce qu'il avait à lui dire. Seulement, elle aurait pensé qu'il allait lui raconter son histoire personnelle, de la même façon qu'elle venait de le faire au préalable. Au lieu de ça, il lui faisait un tableau haut en couleur de la façon dont il se percevait lui-même, et de sa personnalité.

Le Baron avait une haute estime de lui-même, mais ça ne dérangeait pas Prisme : après tout, elle avait été élevée par Ether et elle côtoyait aussi Opium et Absinthe. Prisme elle-même n'était pas la dernière lorsqu'il s'agissait d'avoir les chevilles enflées par un égo démesuré. D'autres auraient pu trouver le monologue du guédé anormalement long et gonflé de beaucoup d'orgueil, mais pas l'Irisée.

C'était très bien d'être capable de voir ses propres qualités et d'être conscient de la manière unique qu'on avait de briller parmi les autres étoiles qui peuplaient ce monde.

C'était un peu dangereux, mais c'était très bien que le Baron Lundi aime ses sentiments purs et intenses. Même si Prisme aimait considérer que les fées et les humains n'étaient pas aussi différents qu'on pouvait bien le dire, sa nature avait tout de même ses spécificités : émotions justement intenses et littéralement hautes en couleur. Ca lui parlait. Lundi avait l'air colérique. Oh ! Ils étaient deux.

Enfin. Il fallait bien dire que tout le monde se donnait le mot pour contrarier Prisme depuis l'instant où elle était née. Quoi d'étonnant à ce que le vert, celui de la rage, de la frustration, de la vexation, soit devenu sa couleur préférée, et celle qui - trouvait-elle - lui allait le mieux au teint ?

"L'amour me foudroie sur place, et je n'écoute que mon coeur. C'est pour ça que j'ai autant d'épouses, et d'amantes..."

Un sourire mutin naquit sur les lèvres de Rowan, qui appréciait beaucoup avoir été choisie - pour une fois. C'était une drôle d'aventure, dans laquelle elle se lançait là. Elle avait conscience de jouer avec le feu. Mais c'était une aventure qu'elle avait envie de vivre.

Peut-être avait-elle été foudroyée, elle aussi... Un tout petit peu.
Ce n'était pas de sa faute si ce Baron avait de si jolies teintes, n'est-ce pas ? Prisme ne résistait pas à un monochrome tel que celui-ci, coupé d'élégants éclats de lumière plus colorée. Espérons tout de même que le Baron ne soit pas rouge, au-delà des apparence qui souvent étaient trompeuses faute à son défaut de vision. Mais il n'était sans doute pas rouge : cela s'éloignait trop du teint que la plupart des bayouteux arboraient. Il n'était certes pas très humain, mais il y avait des limites à tout.

Elle était un peu déçue que le Baron ne lui en raconte pas plus sur sa vie d'avant... Sur l'Île, comme dans l'Ordinaire. Surtout dans l'Ordinaire, ce monde dont elle ne connaissait presque rien. Tant pis... Elle lui poserait peut-être des questions plus tard, à moins qu'elle ne se rabatte sur autre chose.

"Ça m'arrive d'être seul, mais je préfère toujours la chaleur."
- Je peux voir ça..." ronronna t-elle en riant doucement après qu'il lui eut arraché un autre baiser. Rowan s'accrocha au cou de Lundi. Elle se sentait d'humeur curieuse, et ce n'était pas juste parce qu'elle essayait de sauver sa couverture.

"Tu peux vraiment voir l'Ordinaire si on te donne un objet qui en vient ?"

Les yeux arrondis, elle attendit une réponse. En tant que fée, Prisme pouvait plus ou moins voir l'Ordinaire quand elle voulait. Elle ne s'y était jamais intéressée, même si c'était paradoxal, considérant son intérêt pour les humains. Les couleurs de l'Ordinaire étaient réputées ternes, ce qui suffisait à ce qu'elle ne se sente pas très attirée par ce monde. Il y avait assez d'humains sur l'Île de Jamais pour la satisfaire.

Cela dit, c'était un sacré pouvoir que le guédé avait là, s'il était en mesure d'observer ce lointain plan grâce aux fameux pouvoirs sur lesquels Prisme cherchait à obtenir plus d'informations (tiens donc, comme c'était pratique). C'est qu'elle aurait bien voulu qu'il lui montre tout ça... Mais c'était sans doute trop en demander pour le moment. Il ne fallait pas qu'elle se précipite.

Ce fut un exercice un peu difficile pour le Baron que de parler de lui-même, la première chose qui lui était venue en tête fut celle concernant sa propre personne. Lui, et pas ce qu'il avait vécu. Pourtant, il aurait pu en parler un peu. De cet autre monde, où il a rencontré ses premières femmes. Où il a été patient pour que Zélia accepte enfin sa demande. Ces aventures d'un monde aux océans déchainés, aux terres déchirées, aux guerres avides... cependant, depuis le temps... tout avait changé. Il n'y reconnaissait rien lorsque ses yeux scrutaient la surface de l'eau paresseuse.

Le Baron Lundi se laissa volontiers encercler par les bras de Rowan, il avait fini de se soucier du rhum. Lorsqu'une jolie dame l'accaparait, difficile de vouloir faire autre chose.

La question posée accrocha le regard de Klere.

Sa charmante invitée voulait-elle voir ? Un sourire en coin, le demi-dieu attendit un instant avant de répondre.

- Wi, l'eau me sert de fenêtre. Je vois depuis le ciel, je peux m'approcher et entendre un peu.

Il se prit à imaginer s'endormir. Lundi se sentait bercé lorsqu'il était enlacé. Comme pour illustrer ses mots, il s'enfonçait dans les coussins. Emportant Rowan avec lui. Comme s'il comptait simplement la garder contre lui, même si abandonné ainsi à l'océan moelleux des tissus, le Céleste risquait de s'endormir.

Lundi fermait déjà les yeux, le visage dans le cou de Rowan.

- Mais je ne verrai jamais au travers des murs. J'ai pu voir ce monde bien différent de celui que j'ai laissé, mais jamais je ne voir dedans.

Un baiser sur la peau pâle qu'il pouvait atteindre.

- Le monde a énormément changé. Heh, mais le Temps est très capricieux. Je ne sais jamais ce qui est le présent ou le passé lorsque j'observe au-delà de l'Île.

Il ne verrai que le monde en lien à l'objet.

Lorsque Lundi redressa la tête, il caressa amoureusement le visage de la demoiselle. La foudre ne lui donnerait jamais de répit, et peu lui importait... les émotions n'étaient pas faites pour être refoulées.

- Tu voudrais voir quelque chose depuis mon miroir d'eau ?

C'était chantant, c'était un cadeau. Pas un deal délicat qui volait les sentiments des âmes aveuglées de vengeances.

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Toi, moi, ta soeur, mes frères, on va causer.

La tasse de Rowan n'était pas entièrement finie, mais elle l'avait posée pour pouvoir nouer ses bras autour du cou de Lundi. Elle n'était pas pressée. Et même si l'eau refroidissait, ma foi... Il y avait des priorités, n'est-ce pas ? Elle n'était pas venue ici pour la boisson. Faire plus ample connaissance avec le Baron et profiter de sa chaleur l'intéressait bien plus que de siroter cet autrement délicieux thé à la fleur d'oranger.

"Wi, l'eau me sert de fenêtre. Je vois depuis le ciel, je peux m'approcher et entendre un peu."

Il commençait à s'ouvrir et à lui dévoiler les secrets qu'il avait refusé de partager préalablement ! Prisme fit de son mieux pour contenir son excitation. Il y avait des détails qu'elle pouvait difficilement masquer, tels que la modification de la taille de ses pupilles. En revanche Lundi ne devait pas être en mesure de sentir la façon dont son rythme cardiaque venait de s'accélérer, n'est-ce pas ? (ce qu'elle ne savait pas encore, c'est que le Baron pouvait interpréter ces signes comme autant de marques d'une autre forme d'excitation à laquelle l'Irisée ne connaîtrait jamais rien, mais passons).

Les voilà qui basculaient en arrière. Très vite, Prisme fut confortablement calée entre le Baron et les coussins en dessous d'eux. Oh comme c'était agréable... Elle n'avait pas l'air d'être la seule à le penser. Le guédé avait l'air drôlement posé... Il fermait les yeux. Il calait sa tête dans son cou comme un gros chat... Prisme aimait beaucoup les chats ! Lundi lui faisait penser à Frousse en cet instant précis. Le chatmousse de la fée des lumières s'était plus d'une fois blotti de cette façon contre elle quand elle se reposait sur son lit, au Palais.

Mais ce n'était pas exactement pareil non plus. Quoiqu'incapable de ressentir les attirances que les humains avaient les uns pour les autres, Prisme comprenait malgré tout certaines choses et en éprouvait aussi d'autres. Un large sourire aux lèvres, elle se lova tout contre le Baron. Son bras entoura le visage de Lundi tendrement, et elle glissa les doigts dans ses cheveux, sur son crâne, pour caresser sa tête du bout des doigts. Les câlins, c'était drôlement bien. Là, c'était le plus gros câlin que Prisme avait jamais fait à quiconque.

Une petite alarme s'alluma dans l'esprit de la fée au même moment... Lundi lui avait dit qu'il était difficile à réveiller. Il ne fallait surtout pas qu'elle le laisse s'endormir ! Même si c'était diablement tentant de se laisser aller au sommeil avec lui, le Baron était potentiellement sur le point de lui révéler des informations cruciales. L'Irisée ne pouvait pas laisser cette occasion passer de connaître le danger exact qu'elle courait.

"Mais je ne verrai jamais au travers des murs. J'ai pu voir ce monde bien différent de celui que j'ai laissé, mais jamais je ne voir dedans."

Grand cri de victoire intérieur. Prisme aurait bien dansé de joie, mais ce n'était vraiment pas le moment. C'était exactement ce qu'elle avait besoin de savoir ! Tant qu'elle était à l'intérieur et qu'elle évitait d'être visible depuis ses fenêtres, la fée ne risquait pas d'être découverte les ailes à l'air. Autrement dit, le Baron Lundi n'allait pas être en mesure de découvrir sa véritable nature si facilement, quand bien même il lui aurait volé un cheveu.

Ce serait différent le jour où Prisme retournerait à la Citadelle mais... bah. Elle n'avait pas prévu de le faire de sitôt. Ce ne serait tout de même vraiment pas de chance que Lundi l'espionne pile au moment où elle s'infiltrait furtivement au Palais pour voler les nourritures dont elle ne pouvait pas se passer - et qu'il lui fallait donc se procurer occasionnellement.

"Le monde a énormément changé. Heh, mais le Temps est très capricieux. Je ne sais jamais ce qui est le présent ou le passé lorsque j'observe au-delà de l'Île.
- Oh... Lorsque tu observes l'Ordinaire, tu vois différentes époques ? C'est... c'est un peu comme pour nous les bermudons. Nous venons tous d'années ou même d'ères différentes mais nous sommes réunis ici, dans cet espace hors du temps, comme si de rien n'était. Ca doit être le fonctionnement de ce pays qui veut ça...

A ce sujet, Prisme pouvait se montrer curieuse sans que cela semble trop suspect. C'était tout de même ironique de se dire que les fées, quant à elles, ne pouvaient pas voyager dans le passé quand elles allaient dans l'Ordinaire. Elles n'arrivaient jamais qu'à l'époque la plus récente qui fut, ou en tous cas la plus "présente" qui fut, comme si elles évoluaient sur une ligne chronologique précise et parallèle à ce qui était pourtant sur l'Île une absence de Temps. Leur magie avait beau être prédominante au Pays de Jamais, les fées étaient dépossédées de ce pouvoir qu'avaient les humains et les autres créatures de l'Île de jongler avec les époques. Les fées étaient aussi les seules qui vieillissaient et qui mouraient "normalement" quand tout le reste du Pays de Jamais était figé dans une forme d'éternité inconcevable pour l'esprit de Prisme, qui comme toute fée avait l'impression que le temps de vie qui lui restait était immense, et déjà éternel. Ce que vivaient Mab, Obéron, les humains et tous les autres habitants de l'Île... C'était astronomique. Ils étaient là, tels des rochers, tels des montagnes, témoins de temps qui allaient au-delà de l'infini. C'était impossible à imaginer.

Lundi releva la tête. Rowan quitte ces pensées profondément perturbantes et le regarda dans les yeux.

"Tu voudrais voir quelque chose depuis mon miroir d'eau ?"

Rowan venait d'apprendre ce qui pour elle était le plus important à savoir. Il n'y avait plus d'opportunisme dans le sourire qu'elle lui rendit, alors qu'elle goûtait la caresse qu'on laissait sur sa joue. Sa curiosité était libre de s'exprimer avec plus de pureté, dorénavant. Certes, plus elle en savait, mieux ce serait. Mais ce n'était plus une priorité.

"Tu me montrerais vraiment ? Maintenant ? La façon dont tu en parles donne vraiment envie de voir..."

Elle attendit qu'il lui confirme la proposition pour lui prendre les mains et pour les serrer dans les siennes Elle laissa s'échapper un rire mutin :

"... Alors ne t'endors pas tout de suite, de ce que j'ai cru comprendre, tu ferais une curieuse contrariée..."

Sujet: Re: La foudre et l'arc en ciel Dim 11 Sep 2022 - 14:55

Même si le Baron aurait pu se laisser aller au sommeil dans les bras de Rowan, il avait proposé de montrer le monde depuis les cieux. Sans se douter une seconde de la véritable Nature de l'âme qu'il s'était mis à aimer en un éclair.

Elle s'était montrée curieuse, comme bien des humains pouvaient l'être devant la magie du Bayou.

Il acquiesça à la demande, celle qui attendait qu'il confirme ses dires. Un sourire en coin, le corps redressé, il laissait son invitée lui prendre les mains et dire des mots qui arrachèrent aussi un rire au Céleste. Elle avait bien retenu que Klere dormait bien trop profondément.

Alors, il se glissa hors des coussins sans rendre l'une des mains de la demoiselle qu'il emporta doucement avec lui.

- Se konsa, vini avè m '!

Presque comme un enfant, le grand Baron emmenait donc Rowan dans les couloirs. Délaissant rhum et thé pour s'adonner à la sorcellerie au moins centenaire.

Lundi guidait jusqu'à une autre pièce, celle où il passait le plus clair de son temps. Ouvrant la porte de bois, une salle circulaire se présentait à eux. Elle n'était pas bien différente du reste de la tour, si ce n'était que le puit de lumière terminait sa course ici. Le bassin d'eau de pluie attendait, entouré de quelques piliers boisés et de coussins colorés.

Ce fut dans ces nuages moelleux qu'il abandonna Rowan afin de s'enquérir d'une fiole dans une étagère. Il avait dû y réfléchir un peu.

Qui allait-il observer ?

Pourquoi pas simplement un pirate ? Ça amuserait peut-être la demoiselle de voir une tête connue.

Une fois le petit récipient de verre élu, Lundi se retourna pour se glisser aux côtés de Rowan, offrant un baiser électrique sur la joue. Peut-être qu'être séparé durant ce laps de temps avait paru bien trop long au Baron.

- Regarde...

Un sourire de toutes ses dents avant d'ouvrir le flacon contenant un fin cheveux pour le déverser dans l'eau. Lundi y plongea ensuite une main et créa un léger tourbillon, de sa main et du cheveux s'échappa un nuage noir comme si le ciel de nuit avait toujours habité l'épiderme du Céleste. La sombre couleur se déversait dans le miroir d'eau stagnante, quelques vagues semblèrent électriques avant de laisser une image apparaitre. Là, Klere retira sa main.

Le port se dessinait, le territoire habité par le givre.

Et parmi, des Orbleus erraient.

Lundi fit en sorte de rapprocher la vision de la personne visée.

- Eh bien, eh bien... celui-là a penché du côté du froid ?

Ou était-ce simplement un rebelle en mission, peut-être. Il faudrait s'approcher un peu plus pour le savoir.

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