Si tu vas vers la Plage, tu trouveras
Un homme devant un grand feu de bois.
Suis la fumé qui t'y mènera,
Et ramènes-en moi.

Les ordres étaient tellement plus faciles à retenir lorsqu'ils étaient tournés en chansons. Du coup, pour ne pas oublier ce que son cher Tonton lui avait demandé, Lynn trottinait en chantonnant les vers qu'elle venait d'inventer dans les allées du Port.
Elle se rendait en direction de la Plage, plutôt rapidement d'ailleurs afin que l'on ne prête pas trop attention à elle. Elle détestait qumon la remarque et qu'on l'abord, de quelque manière que ce soit, surtout quand dlle avait une mission de la plus haute importance à accomplir.

La jeune Domestique dut ralentir la cadence une fois qu'elle arriva sur le sable froid de la Plage. D'habitude d'apparence plutôt paradisiaque, elle était devenue, depuis quelques temps, un genre de décor digne d'un film tragique.
La pluie, le ciel gris sombre et maintenant le froid devenant de plus en plus mordant avaient durablement changé l'atmosphère du lieu. Il n'y avait qu'elle, que ça rendait triste ? Ou était-ce le temps qui voulait ça ?

- Si la mer gèle, je te souhaite de t'y endormir et de ne plus jamais te réveiller. Voilà !

Lança soudainement le Loir en direction de l'eau. Elle seule savait qui elle visait, et elle espérait bien que sa prière soit exaucée d'une manière ou d'une autre.
Que le rouge devienne blanc, et qu'il meure. Il n'y avait que ce destin qui paraisse valable, pour quelqu'un qui s'amuse à torturer des humains avant de les manger.

Oui, en soi, ce n'était pas simplement le fait de savoir que les Sirènes mangent de l'humain qui chagrinait Lynn, car après tout, eux mangent bien du poisson. Chacun son régime alimentaire.
Non, non, ce qui l'ennuyait, c'est le fait qu'elle en avait vu une s'amuser avec sa nourriture... et ça ne lui avait pas du tout, du tout plu. C'est tellement cruel de faire souffrir un être quelconque simplement pour s'amuser.


Repartant d'un bon pied, la jeune Pirate s'arrêta aussi brusquement qu'elle était repartie pour humer l'air. Il y avait dans l'air cette bonne odeur de barbecue, typique des feux de bois. Oh, elle devait avoir atteint son but !
Avisant un léger panache de fumée d'elever dans le ciel, la Domestique remonta bien vite jusqu'à sa source. Et, plus elle avançait, plus son semblant d'assurance et son insouciance semblaient s'envoler pour se faire remplacer par sa timidité habituelle...

Elle avait affaire à un homme qui faisait des feux. Et qui dit faire des feux, dit couper et porter du bois soi-même.
En chemin, Lynn s'était donc imaginé une armoire à glace aux allures de bûcheron faisant au moins 3 fois sa taille.
Guère rassurant.

Cependant, alors qu'elle arrivait à hauteur du feu en question -plutôt haut pour un simple feu-, le Loir ne remarqua qu'un homme banal non loin, et non un géant de plus de 3 mètres.
Quelques peu rassurée, elle s'approcha plus près. Il n'avait pas l'air très commode, malgré tout...

- Bonjour, pardon, excusez-moi... est-ce vous le Monsieur aux morceaux de bois ?

Finit par timidement demander la jeune fille, ses mains crispées sur sa longue robe noire. En se rendant compte qu'il n'avait affaire qu'à une Domestique, il devrait se montrer plutôt sympathique, non ?

Bientôt, les pirates devraient se séparer. Ceux qui suivraient Hook, et ceux qui seraient contre cette magie. Allan ne savait pas encore que ce choix viendrait, et qu'il suivrait. Parce qu'il l'avait déjà fait auparavant, et par honneur il le referait. Mais il était encore loin d'imaginer à quel point cette satanée sorcellerie n'allait pas lui plaire. Non, à ce moment précis, il n'avait connaissance que de l'air qui se rafraichissait. Il avait machinalement fait un énième bûcher, mais sans y mettre une âme corrompue au centre. Beaucoup de travail, juste pour ériger une telle installation éphémère. En fait, ça lui vidait la tête. Se concentrer sur la coupe du bois, sur le transport et l'assemblage... Ça l'empêchait de revoir ces maudites images.

Les voies du Seigneurs étaient impénétrables, il y avait probablement une raison. Et l'Inquisiteur le comprenait bien tard. Il pourrait se dire à nouveau que la diseuse de bonne aventure mentait, que tout était faux. Cependant, la cicatrices à la main se mettait à brûler à ces pensées. Comme pour rappeler. Allan avait toujours son ombre, l'Île ne dévorait pas ses mémoires. Pas totalement. Il s'agissait simplement du temps. Même aussi abstrait qu'il demeurait en ces terres, il finissait pas atteindre les esprits des plus anciens.

Bien des années avaient passées. Il ne restait plus rien.

Et le matelot avait eu la tête divisée en bien des parties, tentant de se créer à nouveau.

Un moment de faiblesse, le voilà devant le bûcher qu'il allumait. Laissant la scène revenir à ses yeux, cette femme dans les flammes, ces filles pendues. Des bien trop jeunes filles.

Une voix sortit finalement le pirate de ses souvenirs enfuis, il tourna la tête vers la source. L'air surpris. Il ne reconnaissait pas la personne qui se présentait. Du moins, qui demandait s'il était la personne qu'elle paraissait chercher. L'interrogation se lut dans le regard cette fois, avant de chercher au loin comme pour voir si quelqu'un était responsable de cette gamine. Mais rien, et un coup d'oeil au sol ne l'aida pas à beaucoup. L'ombre était là, ce qui brouillait un peu les pistes. Mais à en juger par l'accoutrement, il supposa qu'il s'agissait d'une habitante du port.

Une repentie donc.

Comme beaucoup.

- Le monsieur aux morceaux de bois ?

Il se pencha pour prendre une souche qu'il lança dans le bûcher. D'habitude, il y avait des cris, il y avaient aussi d'autres matelots qui s'amusaient à torturer des gosses.

Puis il percuta. On aurait pu, plus ou moins, le désigner ainsi. Alors, en débarrassant les mains de morceaux de terres qui étaient restées sur le bois, il répondit en se tournant vers le Loir.

- Peut-être bien, enfin, je suppose. C'est quoi cette histoire ? Ce n'est pas une excellente idée que de venir dans les pattes des matelots. Surtout si on a l'air si jeune.

Sur ces mots, il regarda en arrière. Juste au cas où. Après tout, il avait tendance à s'entourer des plus hargneux. Ce qu'il faisait plaisait plutôt à ce genre de personne. Bien que son rythme se soit un peu ramolli depuis cette satanée histoire.

Il avait l'impression de voir ces pendues partout.

Il faut se rendre à l'évidence; Lynn n'est clairement pas à l'aise. Se retrouver si près d'un feu si imposant, et face à un homme tout terne paraissant antipathique n'avait rien de rassurant.

- Le monsieur aux morceaux de bois ?

Il n'avait las l'air de capter que c'était à lui que la jeune fille s'adressait. Pendant un bref instant, le Loir crut même qu'elle s'était trompée de personne, qu'il pouvait s'agir de quelqu'un d'autre.
Mais la quiétude de la Plage ainsi que l'absence de personnes aux alentours acheva de la conforter dans l'idée que cela ne pouvait être que lui. Elle avait suivi la fumée, après tout...

- Peut-être bien, enfin, je suppose. C'est quoi cette histoire ? Ce n'est pas une excellente idée que de venir dans les pattes des matelots. Surtout si on a l'air si jeune.

La demoiselle rentre la tête dans les épaules. C'est vrai qu'elle ne trouvait rien de rassurant dans le fait de sortir ainsi pour aller faire la causette à quelqu'un qu'elle ne connaissait pas et qui l'impressionnait, il fallait bien l'avouer.
Mais, elle avait une mission, et sa réussite valait plus que tout. Prenant alors une grande inspiration, elle se remit bien droite et répondit :

- Je ne suis pas là pour faire la conversation, mais bien parce que l'on manque de bois, ces derniers temps. Mon hôte m'a donc chargée de venir en chercher auprès de vous. Enfin, il m'a surtout dit de suivre la fumée...

Expliqua donc Lynn, le plus naturellement et poliment du monde, ses deux mains posées sur l'avant de sa robe. Plus facile à dire qu'à faire, quand il s'agissait de cacher ses tremblements !
Interagir brusquement avec des adultes alors qu'elle avait passé une bonne dizaine d'année, si ce n'est plus, à ne parler qu'avec des enfants et des Fées n'était pas une partie de plaisir.
C'est parce qu'Azel fut indulgent avec elle qu'elle en était arrivée là.

- J'ai de l'argent, et je pourrais même me débrouiller seule pour ramener le bois à la maison si ça vous ennuie de m'aider, quitte à faire plusieurs trajets. Je ne suis pas là pour vous déranger. J'ai juste besoin de bois, s'il-vous-plaît.

Jugea-t-elle bon d'ajouter. Son ton sérieux l'impressionnait elle-même. Était-ce vraiment comme ça que l'on devait se comporter, en étant adulte ?
Honnêtement, ça ne lui plaisait pas trop. Ça la gênait un peu, comme si ce n'était pas vraiment elle qui parlait. Mais il fallait faire avec.