La jungle profonde et périlleuse.

La dernière fois que Righteousness s'y était rendu, il n'avait pas souvenir qu'elle eut été aussi peu accueillante. Mais après tout, le grand blond était connu pour sa mémoire défaillante.
Cela faisait un petit moment déjà qu'il marchait entre les hauts arbres. Contournant les rochers et buissons trop touffu, sautant par dessus les petits ruisseaux, se dépêtrant à l'occasion des lianes qui lui barraient le chemin, sortant parfois semblait-il de nul part, s'enroulant autour des chevilles, cherchant à piéger l'adolescent perdu. Mais celui la ne s'en laissait pas compter, s'en débarrassant sans trop de mal.

Au moins, au contraire de la fois d'avant, cette fois le sentinelle se rappelait du chemin.
Un coup de chance, sans aucun doute.
Et puis il s'était aussi souvenu de faire attention à ou il foutrait les pieds.
Alors, éternellement armé de sa lance, il progressait relativement prudemment, testant le sol à l'occasion du bout de sa pique.
Pas du luxe, en fait.
Une ou deux fois, il avait réveillé un serpent ou une grosse araignée, bestioles peu avenantes s'il en était.
Il avait pour l'occasion empalé une tarentule dont l’abdomen devait facile faire dans les 20 centimètres !
Putain de saloperie de grosse bête !

Heureusement, il n'était plus bien loin du but. Déjà, il entendait le son de la cascade. Sa chanson, perpétuel roulement grondant se faisant entendre derrière les feuillages. Un éclat de lumière vive attira un instant son attention. Mais il ne s'en formalisa pas.

Il écarta deux gros buissons, se faufilant entre eux pour mieux atterrir un peu lourdement sur la surface plane du terrain bien connu de celui à qui il venait rendre visite.
Les rondins de bois autour d'un reste de feu, les peaux qui reposaient paresseusement sur une petite structure de bois montée à cette effet, tout y était. Sauf le principal !

Le sentinelle jeta un regard circulaire, à la recherche du propriétaire des lieux, sans succès.
Son regard s’arrêta sur la petite cabane, et sans trop se formaliser, il se dirigea vers elle.
Une fois en face de la porte qui sonnait pas bien solide, il posa sa main contre les planches, y exerçant une pression sans trop forcer, et celle ci s'ouvrit sans rechigner avec un grincement pas des plus accueillant.

"Twice ? T'es la ?"  Righteousness risqua un regard dans l’entrebâillement, se penchant pour jeter un œil à l’intérieur sans pour autant s'y aventurer.

Heinrich était là, son dos ne faisant qu'un avec le bois, ses pieds perdus dans le vide, a s'amuser de ses deux mains libres à vérifier l'état de ses douilles.
Chaque jour, durant quelques heures, souvent en matinée, il se choisissait un arbre auquel grimper, afin de réfléchir, de méditer, de passer le temps, en fait, il attendait surtout, cependant, une pause ne doit pas être inutile, ainsi, il s'attelait à parfaire son équilibre, que voulez vous, Heinrich est un cinglé, un sociopathe aux délires obsessionnels, ces petits moments de bien être en nature, seul, en étaient juste  une autre preuve.

L'allemand n'était pas adapté aux foules, tout autant qu'il n'était pas adapté à l'aspect "social" de sa vie d'homme,
amour, amitiés.. billevesées
Et ce monde lui rendait, très peu de personnes le fréquentaient, seuls quelques imbéciles et forcenés s'y perdaient.

-Twice ? T'es la ?

Voilà une arrivée qui tombe à Pic.
Amusé, il regardait Right se mouvoir dans la clairière, fouillant du regard les alentours, a la recherche de son ami germanique.
Tu regardes trop bas, Right.

Et puis, il enfouit deux doigts dans ses grolles, pour une ressortir une petite pierre, pour une fois qu'avoir un caillou dans sa botte était utile !
Il fait quelques roulis de l'épaule droite, pour mieux l'échauffer..
Calcule la trajectoire et la vitesse du Blond, toujours en pleine chasse.

Puis, dans un mouvement millimétré, catapulte le projectile dans sa direction.
Il aurait pu viser à côté, ou essayer de toucher les jambes, mais non,
C'est Heinrich, pas un chasseur lambda,
pas un homme doué de pitié, en tout cas.
Le Caillou fend donc les airs, bien décidé à aller heurter la tête du Rigoureux.

S'il le prends, ca lui fera quand même une sacré bosse ! Heureusement, la distance devrait atténuer le choc.

Au tout dernier moment, comme pour alerter son "disciple", il crie

-Prends toujours soin d'observer ton environnement !

Puis, comme un pompier, descend les quelques mètres qui le séparent du sol avant de retomber, sans heurts.

-Et de t'attendre à tout, si plus rien ne te surprend, c'est déjà un bon début.

Dit il en s'approchant, bien heureux de voir enfin son ancien camarade perdu, il l'avait attendu depuis leur dernière rencontre, et savait qu'il ne tarderait pas à pointer le bout de son nez.

S'attendre à tout…
Ca annonce la couleur, croyez moi.

Personne dans la cabane.
Righteousness fit une moue de travers.
Il était peut être pas dans le coin, finalement. Il était peut être venu pour rien et peut être même qu'il ferait mieux de rentrer fissa au Grand Arbre plutôt que de courir après un pir...

BoNk ! Aie !

Le sentinelle se frotta le crane douloureux, une grimace sur la mine, ramenant sa main devant ses yeux pour vérifier que ça ne saignait pas.
Par chance, non.
Mais AOUTCH quand même !

"Prends toujours soin d'observer ton environnement !"
Le grand blond releva le regard dans la direction de la voix à l'accent si familier et repéra cette fois sans mal le fameux pirate qu'il était venu chercher.
Celui la se laissait tranquillement retomber d'un arbre.

Allons bon.
La première fois le danger était venu du sol et maintenant c'était en haut d'un arbre qu'il s'était planqué !

"Et de t'attendre à tout, si plus rien ne te surprend, c'est déjà un bon début.
- J'oublierai pas ça..." Le sentinelle marmonna, continuant de se frotter la tête avec un sourire de travers. Tu parle ! Avec lui c'était quand même souvent entré dans une oreille pour ressortir illico par l'autre. Mais bref !

"Comme promis, me revoila, mec !" Qu'il fit finalement, son sourire retrouvant son éclat habituel. "Et totalement remis sur pieds !" Pour illustrer ça il se mit à sautiller d'un pied à l'autre !
C'était vrai ! On pouvait dire qu'il était totalement rafistolé ! Juste que sa mésaventure lui laisserait sans nul-doute une fragilité un peu plus spécifique au niveau de la cheville. Mais ça, il n'y pensait déjà plus.
C'était du passé.
Place au présent !
Et la, tout de suite, il était plutôt content de revoir son pote Twice.
Il s'en était posé, des questions, de retour au Grand Arbre, mais maintenant qu'il l'avait en face de lui, il lui semblait avoir pris la bonne décision !

Car Right n'était pas connu pour prendre les meilleures décisions.

Pour la première fois, Heinrich était mécontent d'avoir atteint sa cible.
Au fond, il était déçu, ainsi, il resterait froid, au moins un temps, il en venait à se demander pourquoi il utilisait son temps pour entretenir ce Perdu, depuis tout ce temps ?
Alors qu'il y avait si peu de progrès ?

Peut-être les méthodes n'avaient pas été assez violentes, assez rudes et de ce fait son ami restait ce grand incapable, doué d'un corps trop fort pour l'usage qu'il en fait,
de la confiture à des cochons.

Ah.. si ce n'était pas pour sa chevelure blé et ses yeux prés, il serait sans doute déjà mort.
Oui, vous avez bien lu.
Il avait essayé bien trop longtemps de polir le marbre et la craie qui constituaient le Sentinelle, et se rendait chaque jour un peu plus à l'évidence, les angles et les aspérités n'étaient pas le nœud du problème, non, c'était la forme elle même.

Il était temps d'abandonner le papier et la lime,
pour passer au marteau et au burin.

Assez silencieux, mais arborant tout de même un sourire se voulant rassurant, il s'approche de son ami.

-Comme promis, me revoila, mec ! Et totalement remis sur pieds !

En tout cas, il n'avait pas perdu de son énergie, de sa volonté,
Right éprouvait il seulement les doutes ? Je veux dire, tout ces mois à se lier avec "lui", ca avait pourtant l'air propice à de nombreuses remises en questions,
la confiance était aveugle, et pourtant, le chemin était parcouru avec vitesse, sans peur des chutes, des accrocs.

Au fond, Twice et maintenant Heinrich représentaient tout ce que le Rigoureux n'avait pas, et peut être même ce qu'il n'aurait jamais, il tenait son orgueil dans l'ombre de leurs enseignements, ce qui représentait un privilège quasi divin.
Scar, peut être quelques collèges, voilà les personnes qu'il tenait en estime,
mais le Sang froid, c'était différent, c'était comme s'il lui courrait après, dans cet espoir inextinguible de lui ressembler…

Cependant, il ne peut y avoir qu'un seul guide dans un groupe,
pardonnes moi, Right, je suis Le Roi et La Reine,
tu es mon plus beau pion.

-Je vois ça, espérons que ca dure et que sois prêt pour la prochaine fois.

Dit il, en tendant la main droite en avant, pour le saluer, mais pas que.
Il ne force rien, son visage est le même que d'habitude, flamboyant d'un bleu volonté aussi glaçant que profond, d'intrigant.

Ca ressemblait à une simple salutation, mais vous serez bien innocents de ne voir là qu'une politesse.

Commençons

Le pirate s'était rapproché tranquillement, ne laissant rien deviner de ce qu'il pensait, comme d'habitude. Visage de marbre impassible.

"Je vois ça, espérons que ça dure et que tu sois prêt pour la prochaine fois."
Right lui répondit d'un sourire, pas inquiet pour un sous, et bien évidemment, lorsque l'allemand lui tendit la main comme pour le saluer, il n'eut aucune hésitation à diriger la sienne pour la saisir.

Une main tendue pleine de promesses, mais sans aucun doute pas forcément celles auxquelles s'attendait Righteousness. Ou peut être que si ? Difficile à dire. Le perdu était prêt à beaucoup.
Mais était-il prêt à tout ?
Donner le meilleur de lui même, c'était son état d'esprit. Mais pour Heinrich, ce ne serait pas suffisant. Il voulait plus. Sans doute beaucoup plus.
Right n'allait pas se dépasser. Il allait être dépassé.
Jusqu'à quel point le Rigoureux serait prêt à se tordre pour suivre les objectifs de celui qui se disait être un ami ?
Est ce que l'allemand allait parvenir à le briser ?

Et est ce qu'il avait eu des doutes, le sentinelle ?
Oh oui. Des tas.
Malheureusement, pas assez pour l’empêcher de revenir dans cette zone. De revenir vers Heinrich qui lui promettait tant ! Monts et merveilles aux yeux du plus jeune.
Une plus grande confiance en lui. Mais surtout un meilleur contrôle.
Étouffer ses sentiments, les faire disparaitre à tout jamais, les enterrer sous de l'efficacité froide et pragmatique, tels étaient ses objectifs.

Alors, oui, il avait saisit cette main tendue avec fermeté. Sans hésitation. Sans réflexion, surtout.
Cette main qui allait l'entrainer !

Mais jusqu’où ?

Jusqu'au fond,
au fin fond du trou béant de la psyché humaine,
s'il fallait le démolir pour mieux reconstruire, il le ferait.
C'était dans leurs intérêts à tout les deux,
Right brulait d'envie de ne plus être l'imbécile émotif qu'il était, Heinrich avait besoins de soldats.

Dans une innocence presque candide, le perdu avait saisi la main de l'allemand,
erreur.
A peine les doigts furent entremêlés que Le trappeur avait enserré, emprisonné, la main de son camarade, sans même s'en rendre compte, et avec force.
Il n'était pas prêt de s'en sortir, le rigoureux.

-Très bien, avant tout choses, j'aimerai savoir si tu es réellement prêt, enfin, si tu en as réellement envie.

Voilà une politesse qu'il n'aurait pas accordé à tout le monde.
Ah, il se souvient, quand il était perdu, Right était comme un acolyte, ils étaient une sorte de duo insolite, aux pouvoirs et intérêts divisés.

Mais tout cela était fini,
Heinrich n'était plus un enfant, il ne l'avait jamais vraiment été, on lui avait volé ce don.

-Je te connais, je sais ou résident tes faiblesses, et je sais également comment les gommer, cependant...

Il s'était stoppé, comme pris d'un choc brutal au cœur, c'est comme si quelque chose en lui lui parlait,
lui disait de ne pas sacrifier le Rigoureux sur l'autel de ses idéaux périmés, comme si, il regrettait déjà.
Mais c'était fait,
Right était empêtré dans ses toiles depuis bien longtemps, il était temps, L'allemand se ferait araignée, alors, il se reprit très rapidement, toujours digne de son nom.
Sa poigne pesait huit pattes,
Son regard huit yeux.

-Ce n'est en aucun cas quelque chose de simple, c'est même douloureux, pour le corps et le mental.

En réalité, il doutait fortement des capacités du Sentinelle à résister à son traitement, il ressortirai sans doute abimé, fou,
ou ne ressortirai pas.

Mais, en vue de son affection, il commencerait doucement, pour mieux attendrir l'argile et éviter toute fissure involontaire.
Ca sera fait, oui, mais proprement.

Le plus jeune avait saisi la main du pirate sans hésitation, et la prise de celui ci, sans grande surprise à vrai dire, se fit forte.
Très forte.
Virile, pensa Right qui suivi sans mal, serrant aussi fort que celui qu'il avait en face. C'était la base de la masculinité, ça. Avoir une poigne solide, costaude, ferme surtout.
Et pas moite.
Il se trouve que la main d'Heinrich était en fait glaciale. Le Sang froid portait bien son surnom, et ce jusqu'aux bouts des doigts.
Yeux verts plongés dans les bleus, sans ciller.
L'un jouait à l'homme adulte, l'autre en était un.

"Très bien, avant tout choses, j'aimerai savoir si tu es réellement prêt, enfin, si tu en as réellement envie.
- Bien sûr !" Il avait répondu rapidement. En vérité il ne savait absolument pas dans quoi il s'embarquait, et Heinrich le savait.

"Je te connais, je sais ou résident tes faiblesses, et je sais également comment les gommer, cependant..." Il y eut un temps de rien. Un petit moment de silence pendant lequel le Rigoureux n'avait pas lâché l'allemand des yeux, attendant la suite sagement, sa main toujours prisonnière de la sienne, mais toujours solide. Il ne voulait pas se laisser écraser. Il allait falloir rester fier, droit et encaisser au mieux. Ne pas vaciller.

"Ce n'est en aucun cas quelque chose de simple, c'est même douloureux, pour le corps et le mental."
Le sentinelle agita doucement la tête à la positive et de manière assurée, accusant réception de la mise en garde que venait de lui faire le pirate.
"Je suis prêt." Qu'il fit. Comment pourrait-il l'être alors qu'il ne savait même pas de quoi il s'agissait ?
Mais Heinrich, avec sa manière d'amener les choses n'avait fait que titiller la fierté de l'adolescent. Impossible de reculer maintenant ! Pas question de se dégonfler comme une tapette.
Il relèverait le challenge. Après tout, jusqu'ici, il avait su suivre Twice dans ses délires et activités dangereuses au possible.
La mine de Righteousness s'illumina même d'un sourire plein de défi, à la limite de la provocation.

"J'ai pas peur."

Il avait douté, oui, au Grand Arbre.

Mais maintenant qu'il était la, il était prêt à assumer.
Il verrait, le Sang Froid, de quel bois se chauffait le Rigoureux.

-Je suis prêt. J'ai pas peur.

Ah, si seulement la peur était le seul soucis, on parlait pas d'un examen, d'un entrainement, d'un amuse gueule.
Regardez le visage de Heinrich,
Il est très sérieux, aussi lourd que le traitement qui allait commencer.

-Très bien.

Incisif et sec.
Il s'approche encore, pose une main sur l'épaule gauche du Sentinelle, puis d'un doigt de la restante, pointe la cabane.

-Bon, pour commencer, il va falloir s'échauffer un peu, il y a de quoi faire office de poids dans la hutte, va prendre le plus lourd que tu penses être capable de soulever.

Mensonge,
Gros Mensonge même.
Mais, il savait que Right mordrait, ca lui paraitrait tellement normal,
pour lui, tout résidait dans les biscotos, et l'apprentissage de soi devait commencer par celui de son propre corps.
Erreur.

Quand, Motivé, sans ami irait s'enquérir de ces poids fictifs, lui, il serait dans ses pas,
ramasserait sans doute un bout de bois là, une bûche ici,
ou utiliserai tout simplement la crosse de son fusil,
Afin de vraiment commencer, Right devait être incapacité,
La consentement ne comptait pas vraiment.

Le Coxage pouvait commencer.

Courage et Muscles ne suffiraient pas.
Il avait tout préparé, ou presque,
les moyens de briser le Perdu étaient légion.

Suffisait maintenant d'attendre, et de choisir les bonnes souffrances,
Dans le bon ordre.
Ca pouvait durer des jours,
mais une fois sorti de là, il serait bien plus fort.

Oh, Il détestera l'allemand,
pendant un temps,
avant de se rendre compte de ce qu'il a gagné, et a quel prix.

Ce n'est pas un jeu.

Même pas peur, ouais.
Peur de quoi ?
Il ne le savait même pas.
Il ne savait rien, Right. Tête vide d'adolescent dans un corps trop grand et trop performant.

"Très bien." Avait fait Heinrich, apparemment satisfait mais ne le montrant pas, ni sur son visage ni dans le ton de sa voix. Aucune expression particulière ni de modulation. Il restait de marbre blanc, se contentant de s'approcher et de poser une main lourde sur l'épaule de Right, l'accompagnant à suivre du regard la direction qu'il pointait de son doigt, ce que le sentinelle fit tout naturellement.
La cabane.

"Bon, pour commencer, il va falloir s'échauffer un peu." Les yeux verts revinrent au pirate, attentifs. "Il y a de quoi faire office de poids dans la hutte, va prendre le plus lourd que tu penses être capable de soulever.
- Ok !" Et ni une ni deux, bien évidemment, l’adolescent perdu s’exécuta, tournant le dos à l’allemand et se dirigeant d'un pas plutôt assuré vers la fameuse cabane, celle dans laquelle il avait jeté un œil, tout à l'heure.
En y repensant, il n'avait pas souvenir d'y avoir vu grand chose.
Ainsi donc ils commenceraient par soulever des poids !
Ca lui allait très bien comme ça.
Il avait l'habitude de ce genre d'exercice ! Il aimait même plutôt bien ça ! C'était donc plutôt rassuré, d'une certaine façon, qu'il se rapprochait de la hutte, ne faisant pas attention le moins du monde à ce que faisait Heinrich derrière lui.
Plus que quelques pas et il arrivait à la porte en bois.

Et le voilà qui repart, le pas confiant, le cœur vagabond et innocent,
Une fois de plus, il commet une erreur, bien trop guidé par ses réflexions primaires, aveuglé par ce qu'il croit être, et non pas ce qui pourrait.

Était-ce du à cette absence de méfiance qu'incombait sa relation avec l'allemand ?
Était-ce là seulement l'essence de sa personne, un esprit trop petit dans un corps trop grand ?

Alors qu'il s'empresse de retourner dans cette même cabane, qu'il fouillait déjà il y a quelques minutes à peine, Heinrich lui avance, sifflotant, rassurant.
Au rythme des pas, il ôte la sangle de son épaule, et prends le fusil bien en main.

Tout était prévu, il lui suffirait d'attendre…
Un peu… un peu plus… Jetzt !

La chevelure blé se voit apposer un tampon de bois, dans un mouvement fort, et maitrisé.
Le Bras Gauche de l'allemand se tend, et avec fermeté, retient son ami par le haut, alors que le droit s'affaire à remettre l'arme en bandouillère...

Au fond de lui, il espérait avoir été assez rapide pour ne pas laisser trop le temps au rigoureux de souffrir, cependant, cette vitesse se devait être conservée, il y avait à faire, enfin, à porter.

Trainant tant bien que mal le Perdu ensommeillé, il vient le poser à côté d'un trou, profond de plusieurs mètres, et auparavant recouvert d'une longue plaque de bois.
Les gouttes de sueur de son front se désintégrant au soleil de cette fin de matinée, il y repense.

Il avait creusé ca, après le retour des beaux jours, dans l'hypothèse ou il retrouverait certain de ses amis morts, ils mériterait une sépulture digne, et une terre non souillée du corps d'incapables.
Enfin, "Ils", Plutôt Il,son ami.

Finalement, cela n'avait pas été aussi dramatique pour lui que pour de nombreux autres, n'étant attaché par nature à personne.
Et même pour Right, son frère d'armes,
Il n'aurait pas lâché une larme, il resterait de glace, ou plutôt, il l'avait toujours été, Twice était le givre, Twice était de ceux qui préféraient garder les plus utiles debout, Twice était comme le froid, immuable, tristement pragmatique.

En lui, aucune chaleur ne s'était rallumée avec le retour du ciel bleu, et tout les feux du monde n'y changeraient rien,
Il était comme ça,
Une machine,
Un Soldat,
Un Guide.

Précautionneux, il avait préparé bien à l'avance un sarcophage de bois, solide mais brut, dans lequel il ira positionner son ami, avant de le mettre en terre, et aux prix de nombreux efforts, de le recouvrir.

Oh bien sur, il s'était assuré de faire passer quelques bambous bien creux et longs d'un orifice situé sur la boîte à l'éxtérieur,
Juste assez pour que Right puisse Vivre,
Survivre.

Il S'occuperait personnellement de le déboucher pendant les jours de pluie, et d'y verser l'eau lors des rationnements.
De plus, cela lui servirait à communiquer,
enfin, surtout d'entendre.
D'entendre, sous environ 2 à 3 mètres de terre, la naissance d'un homme nouveau.

Et ce n'était que le début.
La première étape d'un voyage initiatique exigeant, épuisant,
cruel.

Bonne chance, Mon ami.

Trigger Warning : Claustrophobie




Le noir.

Rien que du noir.

Comme une nuit profonde et lourde. Froide.

Le silence.
Qui met en valeur une douleur à l'arrière du crane, sourde.

Un froncement de sourcils. Le visage qui se crispait d'une grimace.
Le sentinelle se réveillait doucement, revenant à lui.
Il avait mal à la tête, ouais.

Qu'est ce qu'il s'était passé ?

Il était étendu. Dos contre le sol.
Il faisait froid.
Humide.
Il se sentait mal.

Il releva une main pour la porter à son front, mais à peine son bras se soulevait que ses phalanges se heurtaient à quelque chose.
C'était dur. Râpeux. Du bois.
Il insista, et bientôt ses mains allèrent tester cette limite qui s'imposait à lui.
Si près.
Les posant paumes à plat sur les planches.
Le garçon ravala sa salive, ne comprenant pas.

Noir.

Toujours noir.

Comme s'il n'avait jamais ouvert les yeux. Pourtant, ils étaient grands ouverts.
Il les cligna même à plusieurs reprises.
L'impression de peiner à se réveiller, à émerger. Comme s'il ne parvenait pas à sortir d'un mauvais rêve, à s'extirper des ténèbres.

Non.

Elles restaient la.

Immuables.
Imperturbables.
Pesantes.
Silencieuse et étouffantes.

Le sentinelle sentait sa respiration s’accélérer, et son souffle qui se faisait plus fort lui revenait au visage tellement l'endroit était exiguë, rebondissant contre le bois qui lui faisait face.

Une boite.
Une foutue boite.

Son cœur s’accéléra violemment à mesure que l'information lui montait au cerveau, sa situation se dessinant avec plus de netteté dans son esprit alors que dans le même temps, ses mains continuaient d'explorer le peu qu'il y avait à explorer.

Il commençait à remuer, et son souffle se faisait plus court. Dans sa cage thoracique, ça s'emballait.
Ses mains poussaient contre les planches, sans aucun succès. Il tenta de relever les jambes, mais ses genoux tapèrent vite contre le bois rêche.
Coincé.
Dans une boite.

Non.

Right mit un coup de pied dans le fond, mais rien ne bougea.
C'était solide, et il avait trop peu de détente. Absolument pas de quoi prendre de l'élan pour y mettre toute ses forces !
Lentement mais surement, la surprise laissait place à la panique.
C'était pas une boite...

Il frappa du poing en face de lui, et en réponse, un filet de terre lui arrosa le visage, le faisant tousser.
Non.
Non non non !
Il avait la gorge sèche et serrée, l'impression d'avoir du mal à respirer, et maintenant, au niveau de son cœur qui battait bien trop fort, ça lui faisait un mal de chien.

Qu'est ce qu'il se passait ?
Comment il s'était retrouvé la dedans ?
Pourquoi ?
Qui ?

"Twice !" Il appela, mais pas si fort. La voix tremblante.

Non ca ne pouvait pas être...
Right secoua la tête.
Il avait du mal à réfléchir.
Piégé entre quatre planches et sous il ne savait combien de mètres de terre.
Enterré.

Enterré vivant.

Et plus il y pensait, plus il réalisait, plus il se sentait dérailler.

La rage lui serrait les tripes. Et il se mit à tambouriner dans tout les sens, s'agitant comme un fou, se cognant la tête, les coudes, les poings, les genoux, les pieds aux parois !
Et il hurla comme un dément !
Mais rien ne bougeait !
L'impression qu'il avait beau s'y briser les cordes vocales, le son de sa voix se faisait comme absorber par la lourdeur du noir qui l'enveloppait.
Comme si rien ne pouvait l'atteindre.
Que plus rien ne pouvait sortir d'entre ces foutues planches.

Isolé.

Seul.

Il prit une inspiration douloureuse.

"TWIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIICE !!!"

Douce symphonie qu'est celle de la voix du désespéré, alors qu'il hurle en terre et a plein poumons, c'était une cacophonie pleine de colère, de craintes, de panique, mais qui pourtant sonnait aux oreilles de l'allemand comme la plus belle des mélodies.

Oui,
Heinrich était cruel, il l'avait toujours été, être adulte l'avait rendu encore plus pragmatique, et en cet instant, cela n'arrangerait pas la situation du Rigoureux, qui d'ailleurs, ne portait pas vraiment bien son nom, s'excitant comme un fou, sans logique ni ordre.

Compréhensible,
c'était sans doute traumatisant,
mais selon le trappeur, ca devait l'être.

Au cours de nombreux mois, il s'était exposé a des situations extrêmes, a des efforts qui brisaient son corps, sur le fil, entre vie et mort.
Déjà plutôt calme et cynique de par son éducation, le Chasseur était devenu de marbre, impassible, insensible, le cœur enfoui sous d'épaisses couches de plombs.

Le Sentinelle lui était enfoui tout entier, sous d'épaisses couches de terre.
Quand l'oreille gauche de l'allemand, proche du sol, vint se positionner au dessus du conduit de bois qui servait à garder Right en vie, il l'entendait.

C'est une peine nécessaire.

Ainsi, il resta muet,
le silence était bien plus violent que mille affronts,
bien plus dur, et cruel, que tout ce qu'avait vécu son ami jusqu'alors.
S'embrouiller face à une junkie ?
Se faire casser la tronche par un nain en costard avec une barre à mine ?
Petit joueurs,
l'absence de réponse est bien plus dure,
alors, Right entendrai le silence,
Encore un peu.

Au bout de quelques dizaines de minutes, il se décidait enfin à parler,
il jaugerait du traitement à aborder en fonction des réactions du Rigoureux,
pour l'instant, il avait les nerfs à vifs, et la nuque douloureuse,
Et c'était normal, absolument normal, quelle idée aussi, d'infliger ça à un ami


Face au tube, la voix forte et toujours aussi froide,
il interroge.

-Right, m'entends Tu.

Question rhétorique, bien évidemment qu'il l'entend,
la seule réelle interrogation est tacite,
il veut savoir ou en était le Sentinelle, cela ne faisait que peu de temps,
il y avait encore beaucoup à faire.

Sadique, si cela n'avait pas été Right, il se serait sans doute délecté de la colère, du désespoir, du reste.
Mais c'était Lui.

Il hurlait. S'y brisant presque la voix. Et avait pourtant la désagréable sensation qu'elle ne portait nul-part. Comme absorbée par le noir et par la terre qui recouvrait les planches de bois.
Et d'ailleurs, en réponse.

Rien.

Un silence morbide et froid.
Assourdissant.

Alors, Righteousness finit par se calmer. Cessant de hurler et de s'agiter. Il n'y avait plus que son cœur qui tambourinait méchamment dans sa cage thoracique, comme s'il cherchait à en sortir, un peu comme le sentinelle avait fait dans son cercueil de fortune l'instant d'avant.

Après la surprise, après la panique, venait maintenant le désespoir qui grandissait doucement, étreignant la gorge de l'adolescent, le secouant de tremblements.
Ses yeux lui piquaient, mais ce n'était pas la poussière, alors il ramena une main à son visage, serrant les dents pour ne pas se mettre à sangloter.

A quoi est ce que ça lui servirait de se mettre à chialer, hein ?
Il ferait mieux de réfléchir à comment se sortir de la plutôt que de laisser les ténèbres l'envahir et le broyer. Le dévorer tout entier.
Il foutu comme un dernier coup de poing rageur dans la planche qui le séparait des kilos de terre sombre et humide qui le surplombaient.

"Merde..!"

Qu'est ce qu'il foutait la, putain !
Qu'est ce que c'était que ce bordel ?
Il se massait doucement les tempes, cherchant à se calmer, forçant sa respiration à ralentir, prenant volontairement de grandes et lentes inspirations, mais lorsqu'il expirait, ses lèvres se faisaient toujours tremblantes.

C'était l'allemand qui l'avait foutu la dedans !
Dans ce putain de cercueil !!!
Ses dents grincèrent les une contre les autres.
Et puis soudain, alors qu'il n'attendait plus rien...

"Right, m'entends Tu."

Le sentinelle en sursauta de tout son corps, rouvrant les yeux illico, oubliant en une fraction de seconde le calme et la réflexion, laissant place à la réaction.

"TWICE ! BORDEL D'ENFOIRé !!!"
Il avait la colère aux bords des lèvres.
"Qu'est c'que c'est qu'cette putain de merde ?!!" L'excitation était revenue aussi vite qu'elle était partie, la voix d'Heinrich ayant servi comme de coup de jus, électrisant tout le corps de Righteousness.
"SORS MOI DE LA ESPÈCE D'ENCULé !!!!!!" C'était demandé si gentiment. Et avec politesse ! "T'ENTEND ??"
Ce n'était pas le calme qui l’étouffait.
Si l'instant d'avant le désespoir avait montré le bout de son nez, la colère avait vite fait de le bousculer, prenant sa place sans aucune forme de procès !
Maintenant, Right n'avait qu'une seule envie, c'était de fracasser la jolie petite gueule de son pote !

La réponse ne se fit pas vraiment attendre, c'était même instantané,
logique.

-TWICE ! BORDEL D'ENFOIRé !!! Qu'est c'que c'est qu'cette putain de merde ?!! SORS MOI DE LA ESPÈCE D'ENCULé !!!!!! T'ENTEND ??

Ah, exactement comme prévu.

Souriant, et dans le plus grand des calmes, il explique.

-Tout ce qui te manques, Right, Est entre ces planches.

Flou, comme à son habitude.

Right tu veux devenir plus fort, n'est-ce pas ?
Mais, regardes toi, il ne te manque rien, si ce n'est qu'un calme et un sang froid à toute épreuve.

A trop graviter autour de l'allemand, celait finirait forcément par arriver,
un jour, il se retrouverait face à ses extrêmes,
A trop vouloir lui ressembler, il finirait par subir les mêmes épreuves farfelues.

Cependant, le caractère n'est pas si modulaire que ça,
on ne peut pas le changer.

Du moins, pas sans souffrances.

Est-ce que Heinrich en tirait du plaisir,
dire non serait mentir, il était dans son élément,
faisait découvrir son univers morbide au Sentinelle,
celui qui l'a construit,
qu'il s'est construit,
et qu'il traîne partout avec lui.

Avec cet air indifférent toujours aussi perturbant, la voix se privant de tout tremblements, il ajoute, sec et dur.

-Tu vois Right, je vais te poser des questions, et en fonction de ton attitude lors des réponses, je donnerai des coups de pelle plus ou moins grands, , à intervalles plus ou moins régulier et… bien évidemment, si tu ne saisi pas, je suivrai le cheminement inverse, et ajouterai plus de terre encore.

En quelque sorte, il répondait à son "sors moi de là" formulé de manière bien peu courtoise -mais très compréhensible en vue de la situation.
Le jeu allait commencer,
Un léger sourire naissait.
Comme pour le rassurer, il ajoute.

- Ton comportement est ta seule issue.

Et juste pour être sûr.

-Et je te déconseille de creuser, j'aimerai autant que ne meurt pas étouffé, tu es mon ami.

Pourquoi avoir précisé ça ?
Pourquoi l'avoir laisser échapper ?
Ah... Twice et ses contradictions,
Heinrich et sa dualité.

"Tout ce qui te manques, Right, Est entre ces planches."
Qu.. Quoi ?
Mais qu'est ce que quoi ?
Qu'est ce qu'il lui baragouinait la, ce connard ?
Entre ses quatre planches, le sentinelle grimaça d’incompréhension.
Il était en pétard, le Rigoureux, ça c'était clair. Mais d'une certaine manière, la voix, bien que très ÉNERVANTE de Heinrich lui permettait de se raccrocher à quelque chose.
Elle était bien plus rassurante que le silence de mort auquel il avait eu droit jusque la.
Et cette colère plus ou moins contrôlée qui lui faisait serrer les dents lui paraissait moins destructrice, moins dévorante que le désespoir qui s'était insinué juste avant.
Cette foutue voix quelques mètres plus haut, c'était tout ce qu'il avait. Son dernier lien avec le monde des vivants.

"Tu vois Right, je vais te poser des questions." Pourtant, dès qu'Heinrich parlait, le sentinelle avait l'impression que son calvaire se faisait plus précis. Plus palpable. Lui donnant quelques sueurs froides. "Et en fonction de ton attitude lors des réponses, je donnerai des coups de pelle plus ou moins grands, , à intervalles plus ou moins régulier et... bien évidemment, si tu ne saisi pas, je suivrai le cheminement inverse, et ajouterai plus de terre encore."
Righteousness lâcha un soupire bruyant qui lui renvoya de la poussière à la figure.

Un jeu.
Il était en train de lui décrire les règles d'une putain de saloperie de jeu.

"Ton comportement est ta seule issue."
Le rigoureux fermait les yeux, sourcils froncés et mâchoire contractée, cherchant à ne pas de nouveau exploser de colère.
Bizarrement, ça lui rappelait quelque chose.
Une histoire.
Celle d'un type complétement barge qui kidnappait des gens et leur faisait subir les pires tortures sous la forme d’énigmes, de puzzles... C'était dégueulassement gore.
C'était...
C'était un film.

"Et je te déconseille de creuser, j'aimerai autant que tu ne meurt pas étouffé, tu es mon ami."
Il rouvrit les yeux.
Il fallait à tout prix qu'il se calme. Péter une durite six pieds sous terre ne l'aiderait en rien à se sortir de la, et s'il voulait pouvoir un jour revoir la lumière et foutre une fameuse patate à cet ami, comme il disait, il se devait de se contrôler, au moins un minimum.
Alors il prit une nouvelle inspiration. Plus lente. Avant de répondre sur un ton bien plus mesuré que jusqu'ici.

"Ok." Réponse simple. Un chouilla sèche, peut être. C'était le mieux qu'il puisse offrir pour l'instant.
Avait-il vraiment le choix de toute manière ?
C'était se plier aux injonctions de Twice ou mourir asphyxié enterré vivant, hein.

"Vas y, balance tes questions." On sentait à sa manière de dire les choses qu'il n'y avait pas la toute la meilleure volonté du monde ! "Qu'on en finisse !" Pire que ça ! La haine transparaissait toujours.
Il se sentait prit au piège. Physiquement comme mentalement. Il ne pouvait ni bouger, ni aller contre le Sang Froid. Sa seule solution était l’abdication. Lui obéir au doigt et à l’œil !
Du moins... Pour l'instant.
Car s'il ne mentait pas, le sentinelle retrouverait la lumière du jour, et la, peut être bien que Righteousness enverrait chier ces foutues règles du jeu qu'on tentait de lui imposer.