Ugly a fui. Enfin fui comme elle a pu. Elle a fui les autres sans parvenir à se fuir elle -même. Elle s’est donné la mission un peu absurde, suicidaire presque d’aller chercher des plantes pour les soins. Ca n’est pas son rôle, ça n’est pas prudent. Pas plus que d’y aller seule d’ailleurs. Mais elle avait besoin de fuir la peur, la mort, le changement.
Car malgré les belles promesse, la vie d’aventure, les jeux perpétuels le changement est là. Caché dans les sombres recoins. On promet de ne pas grandir, de jouer pour toujours, de rire à jamais mais pourtant il est là. Tapis dans les corps et les esprits. Car les gens disparaissent, le temps change, les esprits évoluent.

Ugly serre les dents et les poings. De froid ou de rage, elle ne sait pas vraiment. Elle progresse avec difficultés vers le château des singes. Cet horrible froid semble de pas y avoir d’emprise, du moins pour le moment. Là elle aimerait y trouver … Quelque chose, des plantes, des graines, qu’importe. Quoi que ça soit pour être utile, pour aider à soigner ou même trouver un moyen de soigner l’hécatombe qui rampe parmis les rangs des perdus.  Elle n’a rien d’une exploratrice, pas même d’une récolteuse. Son rôle est minime, parfois à la limite de l’inutile. Mais elle a récemment commencé à ne plus le supporter. Peut être pour se vider la tête; peut être pour faire partie du changement si elle ne pouvait pas l’arrêter.

Elle ne sent presque plus ses doigts, ses pieds endoloris par la marche la portent difficilement quand elle débouche enfin sur le château. Tout est calme. Un peu trop pourrait on dire. Elle espère que les singes dorment, ou sont trop inquiets pour venir voir ce qu’elle fiche ici. Pas de temps à perdre. Ugly cherche, fouille, furette. Elle cueille quelques plantes qu’elle pense utiles et les met dans une petite sacoche chapardée il y a quelques jours, alors que cette excursion hasardeuse germait dans son esprit. Elle fait de son mieux, se concentre. Elle ne prépare pas spécialement les baumes ou les onguents. Elle regarde faire, comme toujours. Certaines plantes ont profité de la pluie ayant précédé le froid quand d’autres ont tout simplement été noyées sur place.

Soudain, en laissant traîner son regard au loin en essayant de rappeler si la feuille qu’elle tient entre les mains est utilisable ou non, elle aperçoit un petit buisson, minuscule, aux pieds d’un mur à demi détruit. Sa bouche s’ouvre en silence, à la foi étonnée et excitée. C’est presque trop beau. Elle se redresse doucement et fait un pas dans sa direction.

On dit toujours que les animaux ont un sixième sens leur permettant de voir le danger venir quelques instants avant qu'il ne se produise. C'est aussi valable pour les animaux fantastiques comme Spitfire, qui sentait bien que ces derniers temps, quelque chose cherchait, changeait dans le climat, mais ne se produisait pas.
Il eut juste un mauvais pressentiments quelques instants avant que CA se produise.

CA, le Dragonnard ne l'avait pas vu venir de cette manière, ou du moins, pas si vite. CA, c'est le Gel. Le Givre. Le truc qui, en un "fiouuuuuu", a transformé les trois quarts de l'Ile en patinoire. Ca pèle, ça glisse, et c'est devenue une vraie plaie pour trouver quoi que ce soit à se mettre sous la dent.
Quand les animaux n'hibernent (ou n'hivernent) pas, ou qu'ils ne sont pas morts de froid, ils se font geler sur place, et n'osent plus, par conséquent, mettre ne serait-ce qu'un coussinet hors de leur trou.

Le seul moyen de survivre en étant carnivore ? La restriction… et la conversion au véganisme. Pas top pour la Comète de devoir manger des plantes au lieu d'un bon morceau de viande… non seulement il n'y avait pas grand chose dessus, mais en plus ça avait un sale goût et ça ne remplissait guère l'estomac.
Comment les lapins, qu'il appréciait tant chasser, pouvaient-ils constituer leur repas de trucs verts seulement ? Voilà que leur chasseur se mettait à les admirer. Et, dans le cas présent, à les imiter.

C'est ainsi que notre Galopin se baladait gentiment en mâchouillant sans grand entrain des pissenlits (son petit dej'), partant en quelques sortes en éclaireur afin de voir où en était le Givre. Ils s'étaient fait encercler en un rien de temps…
Le rythme de la progression semblait s'être calmé, et la pellicule blanche ne gagnait plus de terrain à vue d'œil. Encore heureux ! Mais que se passait-il ? Qu'est-ce qui pouvait être à l'origine de son avancée plus ou moins rapide ?

Tant de questions à se poser pour une si petite bestiole ! Car oui, inutile de le préciser; Spitfire est petit, pour son espèce. Ou du moins, il avait entendu parler d'un "cousin" (comme il appelle les autres membres de son espèce) bien plus grand que lui. Un tout noir, aux grands yeux verts… c'était quoi son nom, déjà ? Qu'est-ce qu'il devenait, aussi ? Ils ne s'étaient jamais réellement vus en face… et ledit cousin n'en avait pas spécialement envie, d'après ce dont il se rappelait.
Grand cousin mis à part, le voilà arrivé aux alentours du Château des Singes. Lui qui avait longé la limite du Givre sans jamais y mettre les pattes, finit par atterrir dans ce lieu. Faisant un rapide check-up de la propriété, qui semblait complètement délaissée par ses habitants, l'Artifice finit par se couler sur une pierre en hauteur, surplombant les ruines de ce qui fut, auparavant, un grand Château.

Il aurait pu rester là un petit bout de temps, à écouter siffler dans ses oreilles le vent froid, mais ce fut sans compter sur une humaine qui débarqua, au plus grand plaisir du petit reptile qui n'avait plus grand monde à qui parler en ce moment.
Tous les humains semblaient plus ou moins déprimés. C'est vrai qu'avec le temps, quand il fait gris par exemple, leur moral l'est tout autant. En ce moment, ils étaient tous tout gris, tirant la tronche jusque par terre, plus ou moins malades.
Les pauvres…

La fille, donc, semble fouiner un peu partout, récupérant par-ci par-là des plantes ayant plus ou moins d'intérêt thérapeutique. Comment le savait-il ? Par Timber, pardi ! Comment le garçon avait-il pu survivre si longtemps en pleine nature (et il aurait pu vivre encore plus longtemps s'il ne s'était pas fait descendre par un Peau-Rouge) sans connaître un peu des propriétés des herbes qui l'entouraient ? Il lui avait même appris celles qu'il ne fallait surtout pas manger.
Un peu comme les feuilles du buisson qui se trouvait près du mur adjacent aux restes de porte sur lequel le Dragonnard était perché. Oui oui, ce buisson vers lequel la fille se dirigeait justement. Juste un pas, il l'avait vue. S'il ne faisait rien, elle allait s'y diriger pour de bon, et le toucher.

Alors, afin de l'empêcher d'y mettre ne serait-ce qu'un doigt dessus, le petit reptile se releva, s'étira sans un bruit, puis… il atterrit dessus pour s'y coucher.
Oui, vraiment, il sauta de son perchoir sans un mot pour violemment écraser le buisson aux feuilles toxiques en arrivant dessus, puis il s'y installa.
Il fit un tour sur lui-même, un autre dans l'autre sens, puis se roula en boule en se tortillant un peu, histoire de bien écraser les feuilles sous ses écailles. C'est que c'est lourd, une Comète.
Les feuilles du buisson étant maintenant inutilisables, déchirées et froissées, Spitfire releva les yeux vers l'inconnue, lui adressant un petit sourire, toujours aussi muet et parfaitement calme, bien installé sur son tapis de feuilles.
Thug life.

Ugly laissa échapper un petit cri de surprise sinon de terreur quand elle vit une masse violette fondre sur son buisson. Stoppée dans son mouvement, chancelante et haletante, elle hésita un moment avant de rouvrir les yeux qu’elle avait clôt dans la panique. Qu’est ce qui pouvait bien se trouver là. Qu’est-ce qui, par ce froid avait encore la force de se mouvoir et de s’écraser avec plus ou moins (mais plutôt moins) d’élégance sur ce qu’elle convoitait ?

Elle entendit du bruit, comme si la bête se relevait pour s'installer plus confortablement. Des branches craquaient et des feuilles semblaient pousser un dernier soupir avant de rencontrer un fin terrible. Alors Ugly ouvrit un oeil, prudemment en faisant la grimace, toujours aussi crispée. Elle n’y voyait pas bien alors elle ouvrit le second puis laissa un air circonspect s’installer sur son visage. La bestiole qui se tenait là n’avait pas l’air menaçante mais trônait fièrement sur le SON buisson. Un air choqué passa même brièvement sur son visage quand la créature lui sourit, l’air visiblement fière de son coup.

Il lui fallut quelques secondes pour retrouver sa contenance. Elle n’en revenait à vrai dire pas de : d’une, croiser un bestiole, grosse en plus et possiblement dangereuse, pendant son excursion. Deux, que la bestiole en question ruine sa seule trouvaille de la journée. Et trois, que celle-ci prenne en plus un petit air satisfait une fois ses méfaits accomplis. C’en était vraiment trop ! Ugly ouvrir la bouche une première fois mais aucun son n’en sortit. Elle se racla la gorge puis recommença. La voix un peu rauque au début, l’air passablement énervée, elle se permit carrément de le réprimander.

“Dis donc toi ! Ca t’amuse d’écraser les plantes que je cherche à récolter ? Et ne me ments pas, je sais que tu l’as fait exprès ! Il est rasé, il n’en reste plus rien, c’est inutilisable.  J’espère que tu es fier de toi !”

En vrai, c’était agréable. Oui, agréable. Crier un coup, s’assurer d’être en vie dans ce congelo ou la moitié des êtres vivants sinon plus étaients malades ou morts. Les poumons brûlants de l’air qu’ils venaient d’expulser, le souffle toujours un peu court elle fit un pas en avant. Elle se tenait droite, presque raide. On devinait à travers sa posture un pointe d’inquiétude, encore un brin d’hésitation. Courageuse mais pas téméraire. La gueulante qu’elle venait de pousser ne l’avait pas soudain transformée.

“T’es qui d’abord, pour saccager ma trouvaille ? ... J’en ai besoin en plus, pour les soins.”

Mine de rien, c’était quand même drôle de voir le visage de la fille en face de lui se décomposer alors qu’il piétinait allègrement sa trouvaille. Et dire qu’elle avait eu peur de lui ! D’un rase-motte ! Bon, c’est sûr que dans ces conditions, tout le monde cherchait à survivre et il fallait donc se méfier de chaque forme de vie. Haha, la myriade d’expressions sur son faciès, ça apportait un peu de changement comparé à ce paysage figé dans le temps à cause du Gel.
Si elle savait qu’il venait de lui sauver la vie, à elle et sûrement à tous les autres qui seraient rentré en contact avec cette plante… elle ne serait pas en train de lui faire la leçon. Oh, combien de temps cela faisait-il qu’il n’avait pas entendu une fille piailler en s’énervant ? C’était rafraîchissant -sans mauvais jeu de mot avec la météo actuelle.

- Dis donc toi ! Ca t’amuse d’écraser les plantes que je cherche à récolter ? Et ne me ments pas, je sais que tu l’as fait exprès ! Il est rasé, il n’en reste plus rien, c’est inutilisable. J’espère que tu es fier de toi !

- Yyyup, et la tête que tu as faite était excellente ! Franchement, je suis satisfait.

Avait répondu le Dragonnard du tac au tac, affichant toujours son petit air à la fois rieur et fier. La situation ne faisait rire que lui pour le moment, mais autant en profiter ; cette humaine était décidément bien drôle.
Alors, quand elle lui demanda assez rageusement qui il était pour se permettre de foutre en l’air la plante qu’elle voulait utiliser pour les soins -quelle erreur !-, le Galopin se releva pour se mettre en position assise, la laissant approcher si elle le voulait. Il en profita même pour bien se dandiner sur les restes du buisson, histoire qu’il n’en reste vraiment plus rien.
Quel thug.

- Spitfire, c’est mon nom, mam’zelle. Et crois-le ou non, mais je viens de te sauver la vie ! Sauf si tu comptais vraiment te servir des feuilles de ce buisson pour provoquer une urticaire fulgurante ou un gonflement des voies respiratoires si consommé sous forme de tisane. Mais c’est mal de vouloir se débarrasser de ses petits camarades…

Voilà la façon dont se présenta la Comète, récitant mécaniquement -et avec une pointe d’humour noir- ce que son ami humain lui avait appris jadis. Evidemment, il plaisantait sur le fait de vouloir tuer qui que ce soit. Les Enfants Perdus ne voulaient sûrement pas s’entretuer lors d’une galère pareille, ce serait idiot. Et surtout, n’étaient-ils pas censés être une grande famille ? Quoique, bon, feu Timber en fut un jour exclu.

- Toi, tu dois être dans le groupe de ceux qui soignent, j’me trompe ? Et c’est quoi, ton nom ?

Poliment, voilà la Comète violette qui lui retournait la question, la tête levée, ses yeux reptiliens cherchant ceux de l’humaine en face de lui. Allait-elle croire ce qu’il lui disait, ou allait-elle continuer à réagir comme elle le faisait auparavant en campant sur sa position ? Ce serait tout de même drôle, mais il faudrait qu’elle finisse par le croire quand même… c’était pour sa sécurité, et celle des autres.

Elle avait crié ces mots mais ne s'attendait pas forcément à une réponse. Tout était si étrange, on ne savait jamais si les bestioles de l'île allaient répondre. Et puis, avec ce froid, celles qui parlaient avaient pour la plupart fuit. Elle ne savait pas trop pourquoi ni comment, si la parole avait quoi que ça soit à voir avec tout ça mais c’était ce qu’elle avait constaté. Les parlants avaient trouvé refuge où ils pouvaient.

La réponse que lui donna la bestiole l’énerva plus qu’elle ne la surprit. Quant aux explication qui suivirent, elles firent monter le rouge à ses joues. Elle était pourtant sûre qu’il s’agissait des plantes qu’elle avait vu à l’infirmerie. Elles ressemblaient beaucoup pourtant.Rouge de colère et de honte elle en oubliait sa peur et fit un pas en avant, les poings serrés de chaque côté de son petit corps.

- J-je l’savait d’abord. Enfin, non. Je m'approchais pour vérifier. Voila. J’allais vérifier et tu m’a devancée !

Elle fulminait. Plus contre elle que contre la créature d’ailleurs. N’était-elle donc bonne à rien ? Ne pouvait-elle pas servir à quelque chose au moins une fois ? C’était la frustration qui l’accompagnait depuis le début des déboires que rencontraient les perdus. Un poids assez douloureux qui serrait son coeur de soir au matin. La peur de n’être qu’un poids. Elle ne voulai pas - elle ne POUVAIT pas- se rendre indispensable mais, au moins, il lui fallait être utile. C’était le MINIMUM.

- Oh euh. Oui, je suis soigneuse. Enfin, “soigneuse” … Je m’appelle Ugly.

Sa phrase avait commencé sur l’énervement qui s'emplissait mais elle s’était adoucie. Quelque part, il lui avait évité un embarras bien plus grave si elle était rentrée avec tout ça. Et puis, la bestiole semblait s’y connaître un minimum en plantes, bien qu’elle ne savait pas d’où il tenait ces informations.

- Et dis moi, Spitfire, tu aurais vu des plantes utilisables pour les soins ? On en a vraiment besoin.

Elle laissa quelques secondes s’envoler avant de se rendre compte que sa demande faisait vraiment opportuniste, surtout à la vue de son énervement qui s’était évaporé aussi rapidement qu’il était apparu.

- Euh, je … Je te rendrai service en échange. Je ne sais pas trop ce que je pourrais faire mais si tu as besoin de quelque chose … Je serai là.

Ah, c'est qu'elle avait l'air vexée de s'être fait avoir comme une bleue, la fille. Spitfire était presque désolé pour elle d'avoir réagi ainsi. Il aurait pu être un peu plus gentil au lieu de lui faire une telle blague.
Il fait un genre de grimace gênée, détourne la tête, en y repensant. Elle, de son côté, se présente.

- "Pas belle" ?

Qu'il s'étonne, réagissant au nom que lui a lancé la Soigneuse. Ça change du "gazouillis", du "fil" et de l'expression qu'on lance quand on coupe un arbre.
C'était vraiment méchant d'appeler quelqu'un "moche". Les habitants du Grand Arbre pouvaient être si cruels entre eux !

- C'est vraiment pas cool, comme nom...

Continue le Dragonnard, qui tire fissa un trait sur sa façon de penser lorsqu'Ugly lui demande s'il n'avait pas vu des plantes utilisables pour les soins, mettant l'accent sur le fait qu'ils en avaient besoin.
Elle ajouta même qu'elle lui rendrait service en échange. Oh, mais il n'en avait pas besoin, pourtant. Ceux le plus dans le besoin, c'était eux, pas lui. Pour l'instant, la Comète ne s'en sortait pas trop mal.

- T'es gentille, Ugly, mais moi j'ai besoin de rien. C'est vous qui avez des problèmes, là.

La rassura la Créature, qui en profita pour se relever. Sa mission était accomplie, la Perdue ne touchera sans doute pas à cette plante-là. Peut-être devraient-ils la déraciner et la jeter malgré tout, on sait jamais si quelqu'un venait à la trouver.

- La plante dépend des soins que tu veux prodiguer, du coup ! Tu veux soigner quoi ? La toux ? Il y a du thym ici. Pour préparer un bidule anti inflammatoire, on peut trouver de "l'Achillée quelquechose" un peu plus loin.

Liste le petit dragon violet, rythmant son récit par des mouvements de patte dans différentes directions. Il était tout fier d'étaler les connaissances que feu Timber lui avait enseigné.
Et Ugly, elle, devait se sentir bien chanceuse de se retrouver face à une telle bestiole, qui se rapprochait d'une Pharmacopée sur pattes.

- Demande-moi un truc, et je t'y emmène si je connais !

S'exclame-t-il enfin, retrouvant un peu plus son calme.

- "Pas belle" ?

La réponse laissa glisser sur son visage un air perplexe, presque surprit. Elle était tellement habituée à ce nom qu'elle n'y prêtait plus attention. Les souvenirs de son arrivée étaient depuis longtemps fanés, si bien qu'elle en avait oublié le sens. Cette piqûre de rappel faillit lui arracher une contestation puis elle soupira. Ça avait été une blague, un temps. Une blague un peu cruelle, comme le sont les enfants livrés à eux même. Comme le sont les adultes aussi, souvent, sous couvert d'honnêteté. Mais ça, elle ne s'en rappelait pas plus.

- Je … non, ça va. Et pour puis, il y a surement eu pire.

Ça, elle ne le savait pas vraiment, mais tout était possible. Il y avait forcément un oublié qui avait écopé de bien pire. Voilà ce qui arrivait quand on n'avait pas confiance en soi, ça finissait pas atteindre les autres.

Elle fut distraite de sa pensée par les paroles du dragonneau qui lui envoya, si ce n'est une bibliothèque, une encyclopédie dans la figure. Façon de parler. Un sifflement a peine audible - elle ne savait pas vraiment siffler - lui échappa.

- Oh euh. Oui, déjà le thym serait une bonne idée. L'anti-inflamatoire est plus que nécessaire aussi. Sinon, si tu sais ce qui peut faire baisser la fièvre, ça m'aiderai beaucoup.

L'entendre balancer tous ses noms lui avait redonné courage. Elle avait une chance incroyable d'être tombée sur quelqu'un doué de parole, qui ne lui voulait aucun mal et qui plus est, était prompt à l'aider. Dire que son égo et son besoin de se prouver à elle même qu'elle pouvait se rendre utile, seule, aurait pu lui coûter ces précieux conseils et probablement des douleurs bien malvenues par les temps qui couraient. Elle n'aurait pas été jusqu'à quelque chose de plus funeste, cela dit, les autres soigneurs et récolteurs n'étant pas si incompétents qu'elle. Du moins, elle l'espérait, même si elle aurait préféré ne pas y penser.

- Alors, tu veux bien me montrer, c'est vrai ?

Le froid commençait à l'engourdir, il fallait bouger. Elle pietina un instant, espérant faire revenir la chaleur dans ses orteils et grimaça.

Ha ha ! Elle devait être étonnée. Peut-être même carrément admirative, à en juger par son pseudo-sifflement étouffé lorsque le Dragonnard lui balança d'une traite toutes ses connaissances pharmacologiques sur les plantes.
Celui-ci ne pu d'ailleurs s'empêcher de bomber le torse, ravi qu'il était d'impressionner quelqu'un par ses connaissances. C'est vrai que c'est pas tous les jours qu'on peu croiser un dragon nain sympathique qui vous refile gratis ses tuyaux pour soigner vos malades.

Va pour le thym pour la toux et l'Achillée millefeuille pour un remède anti-inflammatoire. Et pour faire baisser la fièvre ? Bonne question.
Spitfire fronce les sourcils, émet un long "mmh" lors de sa réflexion, la tête un peu penchée sur le côté. Que disait Timber à ce propos ? Que plusieurs plantes soignaient la même chose, et que l'Achillée pouvait faire l'affaire, mais...

- Du saule.

Lâche la Comète en pleine réflexion.

- De l'écorce de saule, dans de l'eau bouillante, et hop.

C'est bon ! Il avait trouvé ce qu'il recherchait.

- Normalement, ça sert aussi d'anti-inflammatoire, et ça fait moins mal au bide. Et puis, c'est plus simple de chercher un arbre encore vivant par ce temps qu'une plante...

Conclut le Galopin, reprenant un air un peu plus détendu. Il leur fallait définitivement trouver un saule, et du thym pour les malades.

- Alors, tu veux bien me montrer, c'est vrai ?

S'enquit la demoiselle Ugly, ce à quoi l'Artifice lui répondit par un grand sourire, un "oui" dissimulé. Tout aussi vite, il sauta en un bond sur un muret près de lui, faisant un petit signe à sa compagne de voyage pour qu'elle le suive.

- Viens ! On va les trouver, ton saule et ton thym !

Lança-t-il, partant joyeusement au petit trot en direction de la forêt. Les plantes n'attendent pas ! Surtout si quelqu'un s'amuse à les faucher avant.

- Je vais pas forcément voir ceux qui sont pas bien, au Camp. Il y en a beaucoup ? Parce qu'avec ce temps, limite, même moi je pourrai attraper froid !

Demanda soudainement le bavard Dragonnard. Mieux valait que leur petite expédition ne se passe pas dans le calme, ce n'était pas bien drôle, sinon.

- Vous voulez pas me voir malade, de toute façon. Parce que, autant je sais roter des flammes sur commande, autant quand j'éternue... ça sort tout seul. Et ça surprend tout le monde ! Même moi.

Sa réplique fut suivie d'un rire jaune. Combien de fois feu Timber s'était retrouvé avec un pan de vêtement carbonisé... un jour, sa veste était partie en fumée à cause d'un feu éteint trop tard.

- Scrute bien le sol aussi, hein. Le thym pousse pas trop mal, il y en a assez en général. J'espère juste qu'il a survécu au froid jusque maintenant...

Ajouta prestement la Comète, qui se retrouvait presque nez à terre dans sa quête de thym. Ça sent plutôt bon, le thym. Ça ne devrait pas être si difficile d'en trouver.