Le vampire des vampires pouvaient sentir la hâte et l'appétit de ses chers protégés. Il sentait leurs crocs battre l'envie de percer à nouveau la chair de la jeune fille parmi eux, il fallait donc rester dans les parages. Tenir d'une main d'argent le cou des bêtes assoiffées qui ne reflétaient que l'avarice et la gloutonnerie. Dracula mettait pourtant tant de peine à ce que les damnés de la nuit soient supérieurs, au-dessus de leurs pulsions sombres. Mais voilà une tâche bien difficile à tenir en respect, une tache bien difficile à faire disparaître de leur âme inexistante.

Cette lueur dans les yeux des morts buveurs de sang, Dracula la connaissait tant bien. Il la côtoyait depuis la nuit des temps. Il vivait avec elle.

Sa soif était bien plus aride que celle des déserts, peut-être même que celle du soleil. Voilà peut-être pourquoi il devait le fuir.

Petite Redeemed donnait une réponse afin d'acheter sa liberté. Une proposition plutôt intéressante, de quoi goûter un peu de sang teinté de magie. Est-ce que l'étrange demoiselle savait ce qu'elle faisait ? Le Ténébreux n'allait pas s'en plaindre, ou même refuser...

Le sourire aiguisé se dessina sur le visage beaucoup trop pâle. Il acceptait ce marché. La suite des mots, la demande concernant les vêtements, fit peindre un air légèrement surpris sur les faciès des vampires. Dracula, lui, ne sembla pas y réagir. Jusqu'à ce qu'il esquisse un geste de la main à l'un des serviteur qui se hâta de sortir de la pièce.

- Ils te porteront tes habits nettoyés.

Sans plus de fioriture, le comte avait parlé un peu rapidement. Il sentait déjà sa gorge sécher, la sensation était déjà bien désagréable. Il avait déjà soif.

Un autre serviteur vint alors porter une couper de sang à son maître qui s'empressa de boire.

Décidément, impossible de s'en passer.

Les yeux se relevèrent sur l'humaine, puis sur Pensée y cherchant une réponse à ces termes. Gothique. Une histoire de style vestimentaire il semblerait.

- Je ne connais à ce mot que le style architectural, ou encore les romans. Ils présentent tous une finesse qui ne se retrouve pas dans les clous. Cependant, j'imagine qu'il ne s'agit là encore que d'une invention humaine moderne.

Aucun besoin de s'y attarder. L'humanité et Dracula avaient depuis longtemps fait vie à part.

Puis, revenant sur Redeemed, le comte vit le rapide coup d'oeil à la peau de loup-garou. Ses lèvres s'étirèrent, mesquines peut-être, en s'approchant de la seule âme vivante.

- J'accepte. Ton sang régulièrement offert, et ta liberté restera bien à toi. Cependant, n'oublie pas que nous sommes avides. Même si nous avons l'éternité ainsi que de quoi s'occuper, comme la chasse aux loups ou aux autres bétails.

À ces mots, un éclaire illumina la salle. Le tonnerre déchira l'air, et les bêtes dans la forêt macabres hurlèrent.

Une belle symphonie que Dracula observa par la fenêtre. La venue de cette humaine semblait avoir fait du bruit, les curieux et affamés semblaient surveiller le Manoir. Mais sans pouvoir passer les limites. On ne se mettait pas sur le chemin du vampire des vampires.

Pensée, quant à elle, croisait les bras comme si le froid qui l'habitait se mettait à la ronger. Elle n'aimait pas que des enfants soient mêlés aux vampires, elle aimaient ces choses, et déplorait le fait que les créatures de la nuit ne puissent donner la vie. Alors, elle ne voulait pas voir de mal fait à ces êtres. Et l'accord que le Ténébreux avait approuvé ne lui disait rien qui vaille...

Un accord trouvé, une bonne situation se mettait en place. Dracula laissait l'humaine valser dans les hauts et bas des manières mal exprimées, impassible en voyant la chute et les feulements. Les rires ne l'atteignaient pas plus, encore moins le désordre engendré.

Ce fut le plafond qui l'intéressa parmi toute cette farce, les murs respiraient la vie que jamais plus aucun ici n'aura autrement que par le torrent de sang.

Les armatures finement sculptées portèrent le regard des ténèbres sur les vitraux gothique, une âme victorienne d'un autre temps. Loups-garous ou vampires, les humains étaient des proies pour les horreurs. Les enfants de Dracula avaient encore la possibilité de penser, d'obéir, contrairement à ceux qui n'étaient pas alliés.

Le Ténébreux termina son observation par Redeemed au sol, bataillant après les créatures. La garçonne avait raison, les robes ne lui allaient pas.

Un silence de mort prit place lorsque le manoir sembla grogner, puis des murmures parcourant les planches de toutes parts. La maison des monstres n'était pas vivante en soi, ce n'était que le vent. C'était toujours le vent qui faisait crier les arbres, danser les feux-follets ou créer des mots dans les grottes et maisons.

Cependant, cela appuyait toujours aussi bien le pouvoir de Dracula. La prestance, la puissance d'un peuple immortel. Du moins, sur papier.

Il s'avança jusqu'à la Macho, changeant sa canne de main afin de libérer la droite qui détendit les phalanges. Présentant ainsi penché, un appui offert à Redeemed.

- Relève-toi, il est bientôt l'heure pour moi de me retirer dans mes appartements.

Les franckenstein commençaient déjà à ranger, les vampires se collaient aux murs comme apeurés par leur maître. Ils comprenaient que le Ténébreux souhaitait le calme.

En effet, le vampire des vampires voulait entendre les battements d'un coeur très précieux au sein du Manoir. Cependant, personne ne savait pour cet organe presque sacré.

- Ne te fais pas dévorer par les loups-garous. Ils ne sont pas plus intelligents que des chiens, ils ne comprendraient pas si tu tentais de leur expliquer que les vampires veulent te garder en vie.

Spoiler:

La courbette de la jeune fille ponctua donc cette rencontre des plus agitées mais qui eu le bénéfice de distraire les vampires et de découvrir du sang humain teinté de magie. En amateurs de grands crus, il était impossible d'ignorer cette nouveauté. Dracula veillera à ce que la promesse soit tenue. De quoi donner du travail à ses chasseurs.

Alors qu'il allait retourner à son fauteuil, il entendit résonner des paroles qui s'éloignaient. Mots auxquels le Comte faisait déjà dos, mais sa main droite esquissa un geste d'au revoir.

Il ne perdrait pas d'énergie à éduquer un être qui, visiblement, aurait plus sa place parmi des animaux sans manière. Mais dont le sang ne devrait pas être gaspillé.

Les portes du Manoir se fermèrent dans un longs grincement qui fit vibrer les entrailles de la maison victorienne. Un peu de silence, du calme. Dracula entendait presque le coeur battre. Battre fort. Le Ténébreux entreprit de rejoindre son trésor le plus cher. La soif en sa gorge ne partirait jamais, la mort avait dévoré la vie en lui, seul le goût du fluide rouge pouvait combler ce sang inexistant.

Parfois, les vent qui s'engouffrait dans les planches donnait l'impression au vampire des vampires, que le bâtiment était en vie. Que le coeur était devenu celui de ces nobles ruines. Bien rapidement, Dracula oubliait cette illusion. Car le bois et les pierres demeuraient froids et morts. Seul l'organe dans les planches était en vie. Ainsi que le sang qu'ils buvaient.

Et cette teinte de magie dans les globules rouges, est-ce qu'elle s'approchait du goût qui courait dans les veines du roi de cette Île maudite ?

Les vampires auraient aussi droit à un peu de ce sang particulier de Redeemed. Ainsi, tous sauront qu'il valait mieux qu'elle fournisse son dû ou qu'elle soit entièrement vidée de son fluide vivant. Mais jamais il ne fallait la laisser mourir autrement que par les griffes de la haute caste des Horreurs.