Le retour des Soigneurs Itinérants, comme les appelle Boy. Les grands noms. Soul. Green ( non, pas Green ). Mais Boy ne voulait pas aller les voir eux. Pas Soul. Elle voulait juste avoir son injection d'insuline, rapidement, et partir. Elle n'avait pas envie qu'on découvre son nouveau terrible secret. Aussi fit-elle la queue pour aller voir une autre soigneuse dont elle ne se souvenait pas du nom.

Avant qu'arrive son tour, elle remonta sa manche pour voir où en était l'étrange infection qui avait atteint sa main. Un étrange bracelet de peau lisse et rosâtre, bien plus rose que la peau de son bras, avait remplacé la peau de son poignet. Soul l'aurait certainement remarqué. Green, sûrement.

Elle n'avait plus qu'à croiser les doigts et à espérer qu'à son tour, la soigneuse ne fasse que l'injection et s'en arrête là.

Quand vint son tour, elle entra simplement dans la tente, incertaine, en bégayant :

« B-bonjour... Je .. Je viens pour une injection... Insuline... Je suis B-Boy... »

Les retours quasi hebdomadaires au camp de réfugié font a Yell comme l'effet d'une véritable nausée, on passe du calme a la tempête, littéralement.
Ils pourraient, je sais pas moi, les accueillir en héros, eux qui reviennent de diverses expéditions médicales, eux qui ont bravés le froid et ses maux pour aider les autres.

Eh bien non, a peine arrivés, déjà au boulot.
A croire que Owl et sa petite équipe ne sont pas assez, les malades pleuvent, mais au moins, la pluie, elle s'est arrêtée, elle.

Complètement affalée sur une chaise de fortune, dans une position que le masseur déconseillerait fortement, elle est là, posée, les yeux fermés...
Pourtant, ce n'est pas le joint dont le carton traîne encore entre ses doigts qui l'a endormie, ce n'est pas une expression paisible qui se dessine sur son visage.

Elle a l'air d'avoir mal, d'être perdue dans un océan inconscient de mauvais souvenirs.
Les tresses devant les yeux, on la croirais même morte, a défaut
C'est peut-être un peu le cas,
les crises frappent, sans demander, elle ne compte plus le nombre de fois ou elle s'est réveillée au milieu de nulle part, avec un ou deux de ses collègues a son chevet.

On aimerai qu'elle s'arrête, mais elle ne peut pas, elle n'abandonnera ses valeurs enfumées, elle ne laisserai pour rien au monde son mode de vie changer, a jamais emprisonnée dans cette prison psychotrope au douces odeurs de complaisance.

Sa consommation n'arrange en rien son état, vous l'aurez compris, mais elle n'est pas la cause de ces quelques moments de "vide", c'est le froid, la maladie.
La verte, c'est qu'un baume au cœur qui fait mal au crâne.

D'un coup, elle se redresse, relève la tête avant de l'enfourner entre ses mains,
Elle pleure.

Elle en marre, marre de ne plus rien comprendre, cet hiver est une éternelle cuite, une murge qui ne s'arrête jamais.
Elle se relève, les joues encore humide,
dieu qu'elle en a marre, de se réveiller n'importe ou, sans savoir pourquoi ni comment.

Elle se tourne et se retourne, reconnait sa tente assignée.
Léger soupir de soulagement, au moins, elle est au camp, en sécurité.

C'est peut-être pas plus mal qu'elle soit seule, elle aimerai pas qu'on la voit chouiner, elle qui se veux si forte, si inébranlable.

Une voix s'élève en dehors, elle ne comprends pas un foutre mot, trop occupée a reprendre ses esprit.
Elle lance un

- Vas y, Entre.

Puis lance le carton valdinguer puis rebondir sur un des pans de toile, pour finir au sol, dans un coin, là ou personne ne le verra, du moins pas sans chercher.
Ça suffira, elle a pas le droit de fumer a l'infirmerie, mais on y est pas, là.

Elle se replace, plus droite, plus forte, repousse les quelques tresses rebelles, puis se tient prête.

C'est en relevant la tête qu'elle se rends compte que la personne en question est déjà là, qu'elle est déjà entrée.
Elle se sent un peu bête, mais est trop fatiguée pour en rire.
Après un long soupir, après avoir maudit ses moments d'absences, elle continue.

- T'es là pour quoi du coup, dis moi tout.

Elle le sait déjà, au fond, Boy est une habituée du corps médical de l'île, mais redemande, quand même, au cas ou, et histoire de faire causer un peu la sentinelle.

C'est ce qu'on peut appeler une déformation professionnelle.

Même si, la criarde, elle aime pas du tout ce mot.
Même si, la soigneuse, elle est pas vraiment au point.

T'as peut être mal choisie, Boy.
T'aurais pas devinée que les tentes de soigneurs,

c'était la roulette russe.

Boy ne reconnaissait pas la soigneuse. Elle ne se souvenait pas de l'avoir vue. Faut dire qu'entre Soul, Green et Jaw, elle avait déjà d'autres centres d'intérêt quand elle entrait à l'infirmerie. Au moins, l'accent américain avait quelque chose de rassurant. Quelque chose qui lui rappelait chez elle. Déglutissant, et sans sortir les mains de ses gants, elle remontait sa manche.

« Je viens pour mon injection d'insuline, murmura-t-elle. Juste ça. »

Le paratonnerre fixait la petite couronne rose qui dépassait de son gant. Elle avait peur que la soigneuse la voie. Elle avait peur que la soigneuse prenne son bras, retire son gant, et voie l'horreur rose sans ongles en pâte d'amande qu'était devenue sa main. Et qu'on lui retire son poste à cause de ça.

« Ça va bientôt être mon quart, donc je ne resterai pas longtemps » mentit-elle.

Insuline, aucune surprise, Yell le savait.
Pour être honnête, on lui a jamais laissé procéder a quelconque injection, certains pensent qu'elle pourrait blesser, mal doser, enfin tout le bazar, pourtant, c'est bien elle, et avec un sévère mal de crane, qui devra s'en occuper cette fois.

Elle laisse échapper un tout léger soupir, avant de s'efforcer de blaguer un peu, c'est vrai quoi, c'est Yell, elle va quand même pas se taire et faire ce qu'on lui demande sans ajouter sa petite touche de sympathie, sans ajouter a la mixture ce petit coté pétillant que beaucoup lui reconnaissent.

- Toujours la même chose hein ? T'es pas très originale.


Elle esquisse un léger sourire tout en se levant, se dirigeant vers un drôle de meuble, dont les nombreux tiroirs sont tous munis d'une étiquette, indiquant visiblement ce qu'ils contiennent, elle cherche elle cherche, accroupie devant le contenant, ses doigts et ses yeux passants d'une étiquette a l'autre, elle s'attarde à en relever quelques une, en retourner d'autre...

- In... Insu..

Elle écoute d'une oreille Boy qui baratine dans son masque, elle crois entendre dans la voix de la garçonne comme une gêne, un malaise, rien de plus qu'a son habitude me direz vous.
Quelque chose sonne peut-être un peu faux, mais elle n'a pas envie de l'entendre, ou pas envie de s'en mêler.

Elle est fatiguée de considérer les autres, fatiguée de s’intéresser, pour la première fois depuis le début de sa vie.
Elle ne s'était jamais plus occupée d'elle même que des autres, pourtant, c'est bien le cas, depuis que les moments d'absences font partie intégrante de sa vie, penser a soi est humain, quand il s'agit de survivre, disons.

- Ah, voilà !

Satisfaite, la blonde se retourne, substance et seringue a la main, ayant enfin trouvée après une bien trop longue recherche, ça doit être la fièvre, ça ramollit.

- Remonte tes manches et passe moi ton bras

Qu'elle lance, le tout en remplissant le seringue, alors qu'elle avance de quelques pas vers le paratonnerre, qui n'a d'ailleurs pas l'air d'aller mieux, du tout.
Elle pourrait se détendre quand même, elle va pas la bouffer.
Et puis, si elle est en retard ou je ne sais quoi, elle aura qu'a dire que les tentes étaient blindées...

A moins qu'elle ne veuille pas mentir.

Pourtant, même au yeux a mi-endormis de Yell, elle ne paraît pas la plus innocente ni la plus honnête des perdues, comme si ses airs timides tendaient a cacher un je ne sais quoi de spécial, un je ne sais quoi de grave.

Yell le voit, elle sait lire dans les yeux, ça la démange, elle a envie de foncer tête baissée dans la polémique, de frapper un grand coup là ou ça fait mal... de poser la question qui fâche.

Peut-être qu'elle devrait ?

En tendant son bras nu, excepté la main, Boy fixa la petite couronne rose qui dépassait du gant. C'était trop visible. Presque gênant. Tu sais qu'elle verra plus facilement ce que tu caches si tu n'arrêtes pas de le regarder. La sentinelle sursauta et regarda la soigneuse et son air endormi. Une bonne chose ? Au moins il y avait une maigre chance que ça ne se remarque pas. Mais après... Si elle ratait l'injection ? Si elle mettait trop d'insuline, ou pas assez, ou simplement plantait l'aiguille au mauvais endroit ? Boy commençait à s'inquiéter.

« Euh... Tout va bien ? » s'enquit timidement le paratonnerre.

Elle n'avait pas envie de finir à cause d'une erreur médicale. Pas maintenant, pas lorsqu'une armée de mort-vivants bleus glacés pouvaient arriver à tout moment. Et l'état de la soigneuse l'inquiétait vraiment.

« Je peux aller ailleurs s'il le faut... » chuchota-t-elle sans grande conviction.

Son patient, hésitant, et s'impatientant sans doute de la lenteur somme toute relative de la jeune blonde, demande :

« Euh... Tout va bien ? »

La soigneuse n'y fais pas attention, elle est à moitié dans les vapes, a moitié dans ses pensées.

Mais ce qui dois être fais doit être fais, alors Yell s'active, mais difficilement, comme quand il faut se brosser les dents au lendemain d'une gueule de bois, mais si vous savez, ce moment planant ou, dans un élan de motivation, vous vous mettez en tête qu'il est temps de vous levez, de quitter ces draps pleins de transpiration et d'aller se rafraîchir... pour finalement affronter la triste vérité, ça ne passe pas, vous tenez a peine debout, vous vous imaginez déglutissant dans le lavabo le tout votre brosse a dent encore bien sèche en main...


Si vous ne l'avez pas vécu, contentez vous de regarder la soigneuse a l'oeuvre, c'est totalement ça, elle ne connait cette situation que trop bien.

« Je peux aller ailleurs s'il le faut... »

Oh non, tu ne m'échappera pas, pense-t-elle.

C'est définitif, on lui cache quelque chose, elle le sent, il est temps d'éclaircir tout ces doutes qui viennent gangrener son esprit, dont le fonctionnement est déjà -bien trop- affecté par... d'autres soucis.

Taquine, et curieuse, elle fait rentrer l'aiguille à peu près à l'endroit prévu... enfin on va dire ça.
Bien Trop préoccupée par ces questions qui lui brûlent les lèvres pour rester sans rien faire, elle profite de ce moment particulier, ou le bras de la sentinelle est quelque peu... disons bloqué, par l'opération, pour poser sa première question.

Sa voix, étonnement basse pour quelqu'un que l'on aime surnommer "la criarde", s'élève avec malice alors qu'elle pousse l'arrière de la seringue, faisant pénétrer le liquide, peu à peu, doucement, dans la veine de son interlocuteur des plus... timides.

- Bon, je me suis plutôt bien démerdée pour cette fois, alors vas pas me dire que c'est l'injection qui te fais cette tronche  

Elle approche son front du sien,  le tout en tenant fermement son bras.

vas y dis moi, c'est quoi l'embrouille, t'as des soucis ? Tu sais tu peux tout m'dire, les autres collègues je sais pas, mais moi je soigne pas que les problèmes du corps.

ah... Quel Duo, Yell et Elle Même.

Mauvais Flic, Et mauvais flic.