Le spectacle est pathétique. Bruyant également. Rien de ce que Xen ne désire pour sa journée, d'autant que ça risquerait d'attirer les curieux, ce qui ne lui plairait guère. Pourquoi est-ce qu'on lui inflige un tel châtiment, hein ? Impossible de changer le passé, et de s'inventer un lien inexistant. Sa propre sœur a certainement fait le choix de grandir loin de lui, et peut-être que le frère de la gamine n'a fait que prendre un chemin similaire.

Ou bien il est mort~

« Désolée. »

Le prix a payer serait certainement un peu plus d'opium lors de sa prochaine visite. La question peut attendre. Xen a d'autres soucis que d'écouter l'autre gosse s'excuser. Ses doigts glissent dans ses propres cheveux, par ennui, ou agacement. Il secoue la tête, pour dire à Azami qu'il ne la considère pas comme responsable.

Au sol, le flot de larmes paraît incapable de se tarir. Si ça continue, elle va pleurer une rivière dans laquelle elle pourra aller se noyer.

« On fait quoi ? On s'en débarrasse ? »

Moriko n'approuverait pas qu'il entraîne sa protégée dans un tel plan. Sans compter que s'en prendre aux enfants, même les balancer dans l'océan pour qu'ils se taisent, n'intéresse guère l'Oublié. A la place, il désigne l'autre côté du comptoir d'une main, là où se situe son lieu de vie.

« Azami, pourrais-tu aller préparer du thé ? Je n'ai pas envie de salir mon commerce par un acte inconsidéré. »

Son regard ennuyé se tourne vers l'enfant sur le sol. Peut-être qu'il en a envie également, de la gifler pour qu'elle se taise. Est-ce que ça arrangerait la situation ? Probablement pas. Il l'observe, un petit moment, pour effleurer sa chevelure du bout des doigts. Qu'est-ce qu'il risque, hein ? Outre qu'elle le morde ou le frappe, pas grand-chose.

« Si tu le désires, tu peux pleurer et geindre. Cependant, est-ce que ton frère aimerait te voir le visage enlaidi par le sang et les larmes ? J'ai eu une sœur cadette et qu'elle se retrouve dans un tel état m'aurait peiné. »

Autrefois.
Peut-être.

Ah, sa sœur le détestait, de toute manière.

« Azami, pourrais-tu aller préparer du thé ? Je n'ai pas envie de salir mon commerce par un acte inconsidéré. »

Shark manque de bondir sur ses pieds. Elle se tenait figée comme une statue, son regard passant de l'expression de Xen au tas de désespoir que forme Slant sur le sol ; c'est une distraction bienvenue. Ça lui évite de devoir prendre parti, de devoir prendre la responsabilité de la situation. Et puis le thé elle sait faire, elle en fait chez Moriko et chez Earl et elle en faisait à la maison il y a longtemps.
Alors elle se dirige vers le comptoir et fouille dans les placards sans prêter plus d'attention aux choses qui se disent derrière elle. Elle trouve une bouilloire et met de l'eau à chauffer et se concentre sur le bruit que ça fait.

On fait quoi, maintenant ?

Elle va me dénoncer. Premier truc qu'elle fera en rentrant au Grand Arbre.

Si elle rentrait pas ?

De toutes façons, ça pouvait pas être son frère, elle est bien trop moche.

La bouilloire siffle et Shark trouve des tasses et du thé, c'est pas à la menthe mais ça le fera, elle verse avec précautions et attend que ça infuse en pensant à de l'eau bouillante jetée au visage de Slant, et quand elle revient elle voit la sentinelle jetée dans les bras de Xen, et ses entrailles se tordent douloureusement, comme si c'était elle dans l'étreinte, et elle veut partir.
Elle évite son regard, et épelle « désolée » du bout des lèvres.
C'est sa faute ce bordel.

Feindre la compassion n'est pas en dehors de sa portée. Avec un ton approprié, la bonne gestuelle— A force d'observer et d'imiter, Xen a du mal à savoir où se situe la limite entre la réalité et le monde qu'il s'invente. Celui sur lequel il règne sans une once de bonté depuis toujours.

Qu'est-ce qu'il pourrait bien rajouter, outre qu'il n'est pas celui qu'elle voulait voir, encore et encore.
Figé sous le poids de sa détresse, ce qui l'envoie presque en arrière à cause de sa maigreur, Xen ignore quel masque irait le mieux.

Les larmes enlaidissent, personne ne veut les voir.
Le souvenir, fugace, d'un sourire tracé sur les lèvres de Sushi pour la faire taire lui revient.

Immonde.

« Est-ce que tu recherches quelqu'un ou ton souvenir de lui ? » L'île est impitoyable à ce sujet et il glisse ses doigts sous le menton de la gamine pour la forcer à le regarder. « L'absence peut signifier que la personne est en vie, ou bien le corps n'a jamais été retrouvé. Tu dois décider ce que tu veux croire, ton frère ou bien le deuil, » qu'il ajoute en la relâchant.

Ses mots sont durs, un peu trop proches de la réalité dans son cœur. Xen n'est pas très patient, encore moins capable de réconfort.

Il tire la langue à Azami, refusant de répondre à ses excuses sans valeur. Une fois encore, ce n'est pas de sa faute si l'autre pleure une personne qu'elle ne retrouvera certainement jamais. Si son frère a un jour été sur l'île, il pourrait reposer n'importe où.

Xen serait incapable de retrouver les restes de ses anciens amours, après tout.

« Si nous prenions le thé à présent ? Au lieu de tous nous noyer dans nos sentiments négatifs respectifs. Il est rare que j'ai autant d'invités à la fois. » Sa main se tend vers celle qui a ruiné ses vêtements au point que son unique envie est de se changer. Il le fera probablement. « Si tu désires croire en ton frère, tu dois lui faire honneur et le faire jusqu'au bout. »

Et arrêter de pleurer si possible.

Xen se lance dans un discours roulé dans le miel. Des caresses verbales qui parlent d'honneur et de deuil. Tout ça pour réconforter Slant – que ce soit sincère, ou juste pour qu'elle le lâche. Shark ne sait pas si ça la consolerait. Elle n'arrive pas à se mettre à la place de Slant ; peut-être qu'elle y arrivera jamais et au fond c'est tant mieux.
Au milieu de tout ça, Xen lui tire la langue.
Un accès d'immaturité qui lui arrache un petit sourire de travers.

« Si nous prenions le thé à présent ? Au lieu de tous nous noyer dans nos sentiments négatifs respectifs. Il est rare que j'ai autant d'invités à la fois. »

Oh, hourra, quelle fête !
Au lieu de dire qu'elle préférerait se tirer une balle, que boire un thé avec Slant, Shark sert trois tasses et s'assied.

« Je suppose que t'aimes pas le thé », lance-t-elle, venimeuse.

Ça lui paraît bien trop raffiné pour l'autre sentinelle, qu'elle imagine boire du soda, ou des shots d'alcool.
Mais elle s'en fout, Slant. Elle a d'yeux que pour Xen. Qui vient de se révéler différent de celui qu'elle cherche, mais dont elle a pas lâché la main. Elle le fixe. C'est gênant. C'est malsain. Le thé est trop chaud, sinon Shark le boirait tout de suite. A la place elle met du sucre, et fait tourner la tasse dans ses mains.

« Vous avez plus vraiment besoin de moi, si ? »

Le dégoût est une réponse acceptable face au contact ? Sa mitaine couvre ce qui ne doit devenir visible, bien que ça ne soit qu'une maigre partie de ce qui lui fait horreur à cet instant. Xen ne possède pas de bonté, rien d'utile pour gérer une rencontre bâclée. L'arrière boutique est encombrée, la table basse où il prend le thé faisant office de seul morceau de l'habitat navigable. Il s'y assied, tentant de décrocher ses doigts sans y mettre de volonté. Mieux vaudrait ne pas provoquer une nouvelle crise.

Est-ce que les enfants ont le droit d'être aussi capricieux qu'il ne l'est ?

L'admiration qui irradie de la gamine lui est terriblement inconfortable. Presque autant que le besoin évident de fuite de la part d'Azami. Songe t-elle véritablement à l'abandonner là, face à cette cho— certainement.

« Vous avez plus vraiment besoin de moi, si ? »

Qu'est-ce qu'elle croit ? Xen laisse son pouce glisser contre la peau de Slant, remerciant l'ex qui lui a montré le geste un jour. C'est rassurant, d'après ce qu'il se souvient. L'Oublié a plutôt envie de disparaître, bien que l'effet importe sur la gosse et non pas sur sa personne.

« Étant gaucher, j'ai besoin de cette main pour tenir ma tasse. Je t'autorise à tenir un bout de mon kimono, si tu le préfères. » De toute façon, ce dernier a déjà été souillé par les fluides corporels. Son expression se focalise sur Azami au lieu de s'y attarder, ses yeux sombres se plantant un peu trop fortement sur l'adolescente.

« Qui raccompagnera ma seconde invitée si tu nous quittes ? Je crains de ne pas avoir la force de sortir de ma demeure aujourd'hui. »

Sa main droite presse contre la tasse, pour en tester la température. Bien, si l'autre le lâche, il pourra la soulever.
Xen n'a pas encore lâché Azami du regard. Son coude est posé contre la table, dos de la main pressée contre son menton pour ne pas que l'autre enfant ne voit ses lèvres.

En silence, il articule un simple 'ne me laisse pas'.
Un sourire.

« Si tu n'apprécies pas le thé, je peux te servir de l'eau, » ajoute t-il en direction de celle qui a décidé de reporter son affection sur lui. « Rien d'autre, je le crains. Et refaire ton maquillage également, si tu le désires. »

Sortir en ayant l'air d'un pot de craie après la pluie ? Honteux. Surtout si elle désire s'associer à lui d'un point de vue familial.

« Qui raccompagnera ma seconde invitée si tu nous quittes ? Je crains de ne pas avoir la force de sortir de ma demeure aujourd'hui. »
« Bah oui, qui va me raccompagner, Shark ? »

Le sourire dégueu de Slant à ces mots, Shark voudrait lui refaire la gueule à coups de lattes – d'où elle fait la maline après avoir pleuré sur le sol quelques instants plus tôt ? Elle s'apprête à cracher quelque chose – de vulgaire et pas constructif – quand elle croise le regard de Xen.
Ne me laisse pas.

Elle ravale ça.
D'accord.

Du coup elle va juste se poser sur un siège dans un coin, coincée au milieu de babioles diverses et inutiles. Peut-être qu'elle en demandera une à Xen en guise de rétribution ; même si au fond il n'a aucune raison de la récompenser au vu de la situation.

"Tu me remaquilles ?

Shark ne peut pas s'empêcher d’émettre un bruit de dégoût.

« Je suis obligée de regarder ça en plus ? »

Non seulement Slant est laide comme un pou, mais en plus elle se tartine toujours la face de mille fards et traits noirs comme si ça allait l'arranger. Le maquillage Shark aime pas ça ça lui fait penser à Love, mais Love au moins sait en mettre et a juste l'air d'une pute avec. Slant a l'air d'une pouffiasse.
(Oui, oui, y a une différence.)

Bref elle craque un peu.

« C'est pas ton frère, tu le sais ça ? » lâche-t-elle. « T'as bien compris que c'était pas lui, alors pourquoi tu restes ? »

Sur l'instant elle se fiche bien de déclencher une nouvelle crise de larmes. Ça commence à la faire flipper, l'espèce d'air d'adoration sur le visage de la sentinelle.
C'est dégueu.
C'est malsain.

L'envie de les planter là est intense, et déjà Xen regrette d'avoir autorisé cette invasion de son espace personnel. Qu'est-ce que la gamine pense trouver, outre une façon de projeter ses besoins malsains de retrouvailles ? Avec un soupir, il presse sa tasse contre ses lèvres, faisant attention à ne pas retirer la couleur qui orne ses lèvres. Pourquoi un tel effort, avec les boissons chaudes, ça ne tient jamais.

« Tu me remaquilles ? »
« Je suis obligée de regarder ça en plus ? »

La tasse retrouve bien vite la table basse, posée exactement là où elle doit se trouver. Se relever fait danser quelques étoiles devant son regard, rien de plus cruel que les autres jours. Paume ouverte, Xen désigne la mezzanine, signalant qu'il va aller récupérer son matériel de maquillage. Ainsi qu'une tenue propre. Plus simple de fuir ainsi, d'esquiver la remarque d'Azami qui n'est destinée qu'à envenimer la situation.

Une fois en haut, son kimono est balancé, remplacé par un haut ample et une jupe. Et l'impression de propreté est plus douce que n'importe quoi d'autre. Bien que l'arrière boutique soit certainement contaminée par la présence de ses enfants qui—sont visiblement en train de s'échanger des mots doux en contrebas.

« C'est pas ton frère, tu le sais ça ? » lâche Azami. « T'as bien compris que c'était pas lui, alors pourquoi tu restes ? »

Assis sur le rebord de la mezzanine, l'Oublié balance ses jambes dans le vide, se gardant bien de participer à ce qui risque de passer de bataille à guerre. Il y a des tas de raisons, sans l'ombre d'un doute. Un besoin de ne pas être abandonné, quitte à s'associer au premier venu. Le pinceau qu'il utilise pour appliquer le fond de teint tourne entre ses doigts. Descendre n'est pas nécessaire, pour l'instant.

Entre Azami dans son coin et lui en haut—ah ils paraissent tenter de mettre le plus de distance possible entre eux.

(Xen n'a pas la force de dire qu'il n'est le frère de personne, que le terme le dérange.
A la place, il préfère ajuster les plis de sa jupe d'une main. C'est qu'elle est jolie celle-là. Noire et longue.
Confortable aussi.)

Quand Xen s'en va, Shark devrait remarquer l'espèce d'émotion mauvaise qui passe dans le regard de Slant. Ça devrait déclencher son instinct de survie et de paranoia. Mais pour une fois, ça marche pas comme ça. Elle ne se doute pas de ce qui va suivre. Peut-être que le problème, c'est que Shark comprend pas les émotions. Elle pense pas qu'on puisse passer si rapidement du désespoir à l'adoration, et de l'adoration à la violence.
Alors quand Slant dit :

"Ferme ta gueule le bulldog sinon c'est moi qui m'en charge."

Shark répond, en grinçant des dents :

« Ah ouais ? Tu vas faire quoi ? »

Un sourire fend la gueule de Slant et elle se jette sur elle en hurlant.
Elles roulent dans le magasin, elles percutent une étagère, renversent leurs chaises et les tasses qui s'éclatent sur le sol autour d'elle. Ça hurle, ça fait du bruit de porcelaine brisée. Et puis, c'est vrai, Shark elle aboie plus qu'elle ne mord. Elle sait pas se battre, pas vraiment. La violence crée chez elle aucun déclic. La violence la paralyse comme un animal pris dans les phares d'une voiture. Heureusement Slant c'est pas un adulte. C'est rien qu'une crevette, avec de la hargne okay, mais des bras d'allumette.
Alors Shark se ressaisit vite.
Elle essaie de se décoincer de l'emprise des cuisses de l'autre sentinelle, prendre prise sur ses poignets fins, les enlever de ses cheveux. L'autre rigole. Pas pour longtemps se dit Shark entre deux vertiges, entre deux coups qu'elle essaie de bloquer. Slant rigole ouais, et Shark offre un contraste de silence et de concentration.

« Tarée ! » elle crache.

Elle a l'impression qu'elle saigne du nez.
Et de sa main libre elle tâte le sol jusqu'à empoigner un tesson de porcelaine brisé dans le but de taillader avec le visage de son adversaire.

La mezzanine offre une vue dégagée sur la scène, bien que Xen soit hors de vue si on ne redresse pas la tête. Si elles étaient en mesure de remarquer sa présence, s'autoriseraient-elles à se comporter ainsi ? Oh, ce n'est pas d'une grande importance. La destruction de ses biens le dérange bien plus que le combat dénué de sens qui se poursuit. Que Azami soit blessée—cela le dérangerait. Xen n'est pas certain de la raison. Est-ce parce qu'elle est la protégée de sa chère amie ou bien une sorte d'échange équivalent entre eux ? Ah, qu'elles sont pénibles et l'envie lui prend de couvrir ses oreilles jusqu'à ce que le silence ne se fasse.

Le rire est perturbant. Dans une autre vie, s'ils étaient nés dans le même pays, peut-être qu'il aurait pu y reconnaître le sien.
Là, tout lui paraît n'être qu'une frasque d'enfant qui fait un caprice pour de l'attention.

C'est que Xen s'y connaît, en pleurnichards qui se tournent vers la violence ou la provocation pour obtenir ce qu'ils désirent.

Pas besoin de l'échelle, ce n'est pas si haut—
Le saut n'est pas spécialement gracieux, ses genoux quémandant un minimum de sympathie après un tel effort. Xen se redresse d'un coup, se tenant plus droit qu'à l'accoutumée tandis qu'il avance vers les gamines.

« As-tu envie de briser ce à quoi je tiens le plus ? »

La porcelaine, pas Azami.

Il y a un pichet d'eau qui traîne sur un meuble. Un qui doit avoir une utilité quelconque, ah oui pour laver ses pinceaux—Xen l'attrape pour le verser sur la tête de Slant sans même y réfléchir (pas le temps pour ça). Et, par conséquent sur Azami qui se trouve en-dessous.

« Si ma charmante auto-proclamée sœur pouvait s'abstenir d'attirer mon attention en détruisant tout sur son passage, cela serait apprécié. »

Plus Xen parle, plus sa voix devient calme.
Probablement un peu trop.

« Azami est mon invitée, au même titre que toi. Si tu as envie de te battre avec elle, fais-le ailleurs. »

Et si la gamine décide qu'il ne fait plus l'affaire pour un tel rôle, après ça ? Et bien il ne doute pas qu'elle trouvera la sortie par elle-même. Se faire massacrer le dérangerait tout de même.

Il vient de se changer après tout.  

Ça grogne, ça souffle, ça se débat, des coups de pieds sont lancés à la volée, des cheveux tirés. Shark panique. Elle a la bouche et le menton recouverts du sang qui s'échappe de ses narines en bouillonnant, et elle panique, pas parce qu'elle perd, mais parce qu'elle a peur. Parce qu'elle sait pas se battre, si bien que ça, et qu'elle déteste ça. Mais elle est plus lourde que Slant. Et elle a plus de force dans les bras, le bras qui tient le tesson de porcelaine, éclats plantés dans la paume de sa main (ça saigne ici aussi).

Une voix retentit. Shark l'entend à peine. Elle a de l'eau dans les oreilles. C'est une métaphore au départ et ça devient vrai d'un coup. Son regard réussit à se focaliser. Xen a renversé une cruche sur la tête de Slant maintenant dégoulinante.

Le cou entaillé.

Elle couine. Le cou entaillé. Le cerveau de Shark pédale. Elle fait pas le lien tout de suite. D'abord il faut qu'elle réalise que Slant lui a lâché le poignet. Elle retrace la trajectoire de son propre bras. Elle voit son poing serré sur l'éclat tranchant et le sang qui le tâche de partout. Elle comprend. Slant et son cou entaillé.
Elle arrive pas à entendre ce que raconte l'autre sentinelle toujours assise sur elle. Toujours cette eau métaphorique dans les oreilles. Elle sait juste qu'elle pleure et qu'elle saigne. Elle saigne tellement que des gouttes tombent sur le visage de Shark et elle a l'impression que ses propres cicatrices pulsent sur son cou à elle. Elle a l'impression qu'elle est en train de putain de disjoncter. Le tesson est tombé de sa main.

« Bouge », elle s'entend prononcer.

Elle a l'impression que les larmes de Slant lui brûlent la peau.

« Bouge de là ! »

Elle oublie dans sa panique qu'elle pourrait dégager elle-même la crevette.
Si seulement elle n'avait pas l'impression que ses muscles étaient faits de coton.