Vouloir changer de vie. Vouloir changer tout entier. Shrub ne comprend pas l'intérêt de vouloir changer d'espèce et de se transformer en fée.. Pourquoi ? Elles sont peut-être magiques, mais elles vivent moins longtemps. Mais peut-être que ça n'a pas d'importance ? Que ce qui compte c'est juste de vivre, qu'importe pour combien de temps ? Tout son instinct de vie lui souffle que si, c'est important.

Debout au pied du grand arbre, Shrub attend. Pour une fois, Fluff n'est pas avec lui. Il lui a demandé de garder un oeil sur Joy et Alive, en son absence. Il y a eu suffisamment de pertes et de blessures de l'âme. Autant veiller à en éviter d'autres si possible. Et puis ces deux là,  il a décidé de veiller sur elles de toute façon. C'est comme ça.

Shrub ne bouge pas, il attend. Ne fait qu'un avec la terre, solidement campé sur ses jambes. Pour un peu, on pourrait le prendre pour une statue. Mais non. Il économise simplement ses forces, se repasse la mission et les affaires qu'il emmène en tête pour être sûr de ne rien avoir oublié. Mais non, ça devrait aller. Une voix derrière lui, Shrub se retourne à moitié. Il y a toi, qui arrive. Toute sautillante et énergique, tout fine et menue. Une vraie sauterelle. T'as l'air contente. C'est peut-être de prendre l'air ? Alors que tu arrives, le soigneur essaye de se rappeler ton nom. En vain. Heureusement tu l'aide et le dit de lui même.

Tu lui donnes un nouveau nom, par la même occasion. Square. Pourquoi Square ? Même l'esprit sans imaginaire de Shrub comprend la référence en regardant ta silhouette en fil de fer.

- Normalement c'est Shrub. Mais si tu veux.

Au fond, ça ne change pas grand chose. D'autres gens aussi ont des surnoms. Pourquoi pas lui ? Mais ça lui fait bizarre, un peu. Il n'a pas forcément droit à ce genre de traitement, d'habitude. Pas qu'il soit ignoré, juste qu'il ne passe généralement pas sur le devant de la scène. Est-ce que tu fais ça avec tout le monde ? Possible. Va savoir.

Ta grand claque dans son dos le fait te regarder avec un mélange d'incompréhension et de curiosité. T'es un peu bizarre. pas forcément un mal. Ni un bien. C'est juste un constat, y a pas de jugement. Mais il ne comprend pas pourquoi c'est si bizarre que ses muscles soient des vrais. Pas une seule seconde, il ne s'imagine possible que de faux muscles existent. Les faux seins, n'en parlons pas.

- Bah.. Oui. Tu as tout ? Tu es prête ?

Lui oui.

- Si tu as faim ou soif pendant le trajet, dis moi. J'ai des baies. Ca aide.

Prévenant, en bon soigneur. Mais il ne te fera pas l'affront de dire que si tu fatigues, il faudra le dire aussi. Après tout, tu es supposée avoir l'habitude du terrain toi aussi.

Placide, Shrub te regarde et se demande un peu sur quel numéro il est tombé. On lui colle à nouveau de plus en plus des partenaires, pour des missions un peu plus variées. Un bref instant, il se dit qu'avec Howl ça aurait sans doute été plus calme. Trois secondes que tu es là, et il a l'impression d'être déjà largué. Tu vas trop vite et trop loin pour lui, Slant. Il te regarde sourire, sautiller, avoir de drôles d'idées. Les faux muscles, il se demande encore de quoi tu parlais et ce que tu imaginais. C'est vraiment trop abstrait pour lui, et sorti de nul part.

Tout comme l'appellation de "captain" qui le laisse perplexe. Mais là, il va juste supposer que c'est pour le style. Ton couteau brandi le fait hocher de la tête, parce qu'il ne sait pas trop quoi répondre là encore. Mais c'est un beau couteau, ça il l'admettrait bien volontier si tu le laissais en placer une. C'est que tu es déjà sur autre chose, hein.. La main dans ses tifs, hop, comme ça ! Tactile, toi, hein ? Très. Tu le tripatouilles depuis tout à l'heure, à force de claque amicales et de machinage de tes doigts dans ses cheveux. Shrub a presque l'impression d'être avec une version plus sauvage et bourrue de Fluff. La relation en moins, parce que Fluff c'est son frère.

Il te laisse faire, te regarde faire. Observe et se tait, comme face à un animal étrange. Observation. Pour apprendre, pour comprendre. Pour savoir quelle attitude adopter. Ta remarque lui fait hausser des épaules, avec stroïcisme.

- Les tresses, si tu veux. Mais après la mission, en repos. Là, faut qu'on y aille. Y a à faire.

Y a toujours à faire. Raser, il n'y tient pas, mais si tu veux vraiment lui faire des tresses.. Bah. Ca ne lui changera pas grand chose. Tant que ce n'est pas pendant son service. Parce que là-dessus, il ne mégotera pas. Il n'attend pas que tu enlèves ta main de ses cheveux et se mets directement en route. Sinon, quelque chose lui souffle que tu trouveras un autre truc, puis un autre, puis un autre, et que vous ne partirez jamais. Mais puisque vous avez encore le temps et que tu as l'air du genre à tout faire d'un coup, Shrub décide de ne pas courire. Il ne veut pas que tu t'épuises d'un coup et soit ensuite un truc de plus à gérer.

Allez. Ca va le faire.

Il te regarde. Las, déjà. Se prépare mentalement à un long voyage. Mais pour l'instant, tu n'as pas l'air de trop mauvaise volonté. Il faut juste te canaliser, te recarder, te rappeler pourquoi vous êtes là tous les deux.

Shrub il avance, te laisse t'amuser avec ses cheveux parce qu'au moins ça veut dire que tu suis. Une sorte de laisse inversée, en somme. A ta remarque sur sa force, il hausse des épaules sans trop savoir comment répondre. Etre fort, c'est quoi ? A partir de quand un chargement est-il lourd ?

Soudain, un poids sur son dos, un bras autour de son cou, des jambes qui l'emprisonnent. Sur le cou, il se redresse pour essayer de voir ce qui se passe, surpris. Et puis il reconnait tes jambes, se doute que l'espèce de fil de fer c'est ton bras à toi, et soupire discrètement. Tu veux t'agripper ? Ok. Tu te débrouilles. Il ne va pas non plus t'encourager en te soutenant.

- La dernière fois que j'ai porté quelqu'un, c'était un cadavre. Un perdu mort, avec des dents en moins et du sang partout.

Histoire que tu sois au courant. Il soupire presque en te sentant faire des trucs à sa crinière, mais ne te donne pas la satisfaction de protester ou même simplement de réagir. Au lieu de ça, Shrub en reste aux faits. Parce qu'au fond, il ne sait pas trop comment réagir face à tout ton bordel.

- C'est Merry.

Et il ne vous portera pas toutes les deux, ça c'est sûr. Tâchant de rester imperturbable et concentré sur la mission, Shrub note mentalement de demander à y aller seul la prochaine fois. Seul c'est bien. Il sait comment gérer ça, c'est mieux et plus simple que de te gérer toi.

Espérons que l'autre sera moins compliqué. Le Tout-Terrain a beau être patient, c'est pas dit qu'il puisse l'être indéfiniment.

Dégueu. C'est tout ce que tu répliques à ça ? Tu sais qu'il a porté un machabbé plein de sang, et ton seul commentaire c'est ça, vraiment ? Le pire, c'est que Shrub n'est au fond même pas surpris. Avec un soupir, il hoche de la tête à ta réplique.

- Très.

Véridique. Ni lui ni Howl n'étaient resplendissant de propreté. Mais ça, au fond, ce n'était pas le plus important. Ce voyage là avait marqué Shrub. Il n'était pas comme les autres fois où il avait fallu ramener un Silencieux. Peut-être parce qu'ils étaient deux et non pas juste lui. Peut-être à cause de l'atmosphere lourde qui avait plombé les lieux. Qui sait ? Le Tout-Terrain ne se met pas le cerveau à l'envers  pour ce genre de chose. A quoi bon ? Cela ne changera rien de ruminer sur le sujet, et il y a d'autres priorites.

Le reste du voyage continue presque dans le calme. A intervalles réguliers, il grimace parce que tu fais décidément une coiffeuse atroce. En tout cas, même s'il est vrai qu'il ne voit pas le résultat ni ce que tu fabriques, tu as la delicatesse d'un phacochère ivre. Shrub n'est pas un douillet, soit. Mais pas un surhomme non plus. Il le sent très clairement, que ça tire sur sa caboche. Mais une part lui souffle intérieurement qu'il vaut mieux ça plutôt que tu fasses n'importe quoi d'autre qui vous ralentirait ou causerait des souis, alors il souffre en silence. Si Fluff le voyait, il se fouterait de sa gueule sévère.

Shrub s'était presque habitué à cette forme de voyage, tu sais ? Une sorte d'état méditatif où seule compte la course, où tout le reste n'est que distraction. Mais ça, évidemment, ça ne pouvait pas durer.

BUM !

Ca, c'est toi qui roule par terre parce qu'il vient de t'éjecter un peu bien comme il faut en tombant lui même. Perte d'équilibre, ouais ! Et à qui la faute, hein?  Shrub, il a mal. TU lui as fait mal. Il prend appui sur un bras pour se relever, mais visiblement c'est pas la joie. Et pour cause : même si sa lourde et épaisse pelisse a sans doute atténuée l'impacte, ton talon il l'a bien senti. Shrub, il soupire fort. Il a la mine froissée et la mâchoire contracté de celui qui encaisse et s'occupera du reste après. Et quand finalement il peut se redresser vraiment, c'est pour tendre un doigt vers toi.

- Je te porte plus.

Y a pas de colère, même pas. Juste de la méfiance, parce que décidément, tu les lui fait toutes. Donc, distance de sécurité. Il faut que vous arriviez à bon port et que vous rentriez, c'est pas en l'épuisant puis en l'esquintant que vous allez y arriver.

- Tu voulais quoi ?

Y avait bien une raison, quand même, non ? T'as pas fait ça gratuitement. Sinon, ça aurait été beaucoup plus fort, et il ne serait pas capable de déjà se relever. C'est ce qu'il se dit, en tout cas. Mais peut-être qu'il est juste trop gentil.

En tout cas. L'approche plus trop. C'est pas que t'es très méchante, mais violente un peu quand même. Que tu le fasse exprès ou non.

Tu gueules, frocément. C'est un peu obligé. Shrub soupire un peu, quand même, quand il remarque que tu saignes. T'as pas l'air de t'en soucier, mais c'est pas une raison pour ne pas soigner ça. De un, c'est un peu de sa faute, même si tu as aussi ta part. De deux, c'est son rôle de soigner alors y a pas de raison. Merry peut bien attendre encore un peu. Il s'avance donc vers toi, et tend la main vers ton bras.

- Montre s'il-te-plaît.

Poli en apparence, mais en même temps il commence déjà à faire l'estimation des dégâts  d'un coup d'œil avant même que tu puisse répondre -même avec ton débit tgv. Que tu lui laisses ton bras ou non, il observe. Heureusement ce n'est pas trop grave ce que tu as, du moins ça n'a pas l'air. Il s'en serait un peu voulu sinon, et quelque chose lui dit qu'en plus il en aurait entendu parler pendant des siècles.

Tes répliques acides, il les encaisse sans trop broncher. Tu peux bien dire qu'il n'est pas confortable, ça ne l'empêchera pas de dormir. Tout concentré qu'il est à farfouiller sa besace pour vérifier s'il a ce dont il a besoin, le Tout-Terrain ne te répond même pas. Mais il trouve quand même le temps de te tendre la gourde d'eau d'une main, brave type qu'il est. Celle-ci est remplie, comme avant tout voyage, et il doute que tu boives toute la gourde là maintenant tout de suite. Pourtant, en te la proposant, Shrub est déjà en train de faire mentalement l'inventaire des points d'eau qu'il connait dans le coin, au cas où vous soyez à court.

- Tu m'as filé un coup de talon en cherchant la gourde. J'ai eu mal alors je suis tombé. C'était pas agréable pour moi non plus.

Il est calme, Shrub, mais un peu las de voir que vous prenez déjà du retard. Machinalement, il t'observe pour voir s'il y a d'autres plaies qu'il n'aurait pas vu. Et même si tu râles, rien à faire : il te soignera. C'est important.

- Tu es blessée ailleurs ?

Quitte à faire, autant que tu l'aides, hein. Et puis, ouais : il culpabilise un peu que tu te sois fait mal parce qu'il est tombé. Les soigneurs, c'est fait pour soigner justement. Pas l'inverse.

Les soigneurs, c'est fait pour veiller sur les autres, et tant pis s'ils se font engueuler.

Tu veux pas qu'il te soigne. Evidemment que tu veux pas. Pourquoi est-ce que tu voudrais, hein ? Avec ton caractère c'est l'inverse qui aurait été surprenant. Il te regarde lui grogner à la face avec plus de blasitude qu'autre chose. T'es sans doute féroce, ouais, il veut pas t'enlever ça ou dénigrer ton potentiel de teigne. Mais qui penses-tu impressionner en faisant la dure ? Y a fort à parier qu'en combat singulier, il t'aligne. Même si évidemment, c'est pas ce qu'il a l'intention de faire.

Il ne s'attendait pas trop à ce que tu changes d'avis, tu sais. Le Tout-Terrain avait même commencé à réfléchir à quelles baies il pourrait te faire bouffer, ou quelle plante te faire renifler - pour autant qu'il arrive à te convaincre. Soigner par la force c'est un peu ridicule, et tu trouverais sans doute le moyen de tout faire caoter de toute façon. Bref, il en était là dans ses pensées quand tu balances ta nouvelle réplique qui ne rime à rien. S'il regarde ton cul, s'il était blessé ?

- Si besoin pour ausculter, oui. Un soin, c'est un soin.

Carrée, comme réponse. Autant que lui, physiquement et mentalement.

Ses yeux, par contre, deviennent soudainement plus ronds quand tu lui fous le bras sous le museau. Il ne l'avait pas vu venir, ça. Pas du tout, même. Mais après cette rapide surprise -rapide, oui, il s'est vite repris- Shrub se met au travail. Sortant de sa besace une bande de tissu propre, il l'humecte un peu d'eau et de quelques gouttes de.. Truc liquide qui sent fort les herbes. Un truc qui désinfecte, normalement sans trop piquer, mais heh. Ca, c'est selon les gens. Attrapent ton bras avec plus de délicatesse que sa carrure carrée ne le laisse deviner, il nettoie consciencieusement tes plaies avec des gestes précis et mais léger. Ca, c'est facile, la base. Puis, une fois la plaie désinfectée, le soigneur met dessus une sorte de pâte de plantes et te fait en express un bandage pour protéger des saletés extérieures. C'est sommaire, mais pour ce que tu as, ça suffira largement. Shrub prend le temps de vérifier que tout tient en place -il t'a fait un bandage spécial casse-cou qui résiste même en remuant- et le voilà qui range ses affaires. Le tout n'a même pas pris cinq minutes, Shrub est rodé.

- Encore soif ? Ou je range la gourde ?

T'as pas l'air d'avoir trop bu. C'est plutôt cool. Y aura peut-être pas besoin de la remplir de suite. De toute façon, il verra bien quand tu la lui rendras pour qu'il la range.

Il te soigne sans un mot, et c'est à peine s'il te lance un regard un peu blasé quand tu lâches ton commentaire un peu pourri sur le pansement. Shrub n'a même pas envie de relever ou de répliquer quoi que ce soit -ce serait jouer ton jeu. Et ça, non, il n'a pas envie de te donner cette satisfaction. Alors il fait comme avec le reste : il le balaye d'un haussement d'épaule comme on chasse un insecte. Il en a vu d'autres, en verra d'autres encore. C'est pas avec ça que tu vas le déstabiliser, crevette.  

Ton nouveau commentaire sur l'eau le fait hausser des épaules encore une fois, et il ne répond pas une fois de plus. Pour dire quoi ? Tu repondrais aussitôt et ce serait sans fin. Non, décidément, Shrub n'est pas d'humeur à la surenchère. Il n'est même plus trop sûr d'avoir envie de discuter, même s'il n'a jamais été un grand bavard. Il adopte implement la même attitude que quand une crasse lui tombe dessus qu'il ne peut pas empêcher. Il attend que ça passe. Shrub devient le roc lui-même qui résiste à toutes les tempêtes, avec la même implacabilité que la plus solide des montagnes. Le temps n'a pas court sur l'île, mais il a malgré tout assez vécu pour savoir que tout cela finira par passer et ne devenir qu'un mauvais souvenir. Autant prendre son mal en patience. Jusqu'à présent, tu ne lui as pas vraiment donné de raison de croire que cette mission sera une partie de plaisir.

Et toi, évidemment, tu t'en fous. Tu sautilles, tu gambades, comme si tout allait pour le mieux.

Square Boy, huh ?

Un soupire, et le carré s'ébranle.

- J'arrive Crevette. Et c'est pas Machine, c'est Merry.

Autant pisser dans un violon avec le vent dans la gueule. Mais il s'est remis en marche oui, avec le détachement qu'il utilise pour garder le reste à distance. Pour rester stable, et calme, et solide, il suffit de rester concentré sur l'objectif. Sur le concret. Pas le temps ni l'énergie de s'énerver contre toi, il aura besoin de tout ça pour mener la mission à bien. Pragmatique.

Mais plus que jamais, il est décidé à ne te répondre qu'avec le minimum, si possible sans parler. Et si tu n'ajoutes rien et reste sage, c'est sans doute comme ça que vous continuerez le voyage.

Pas le temps pour taper la causette, vous avez déjà trop trainés.

Et puis, il a hâte de retrouver Fluff.