Les Galeries de Cristal. Si beau, si apaisant. Il y règne cette atmosphère un peu mystique, un peu spéciale, et il fait bon de s'y reposer.
En général, Kitty s'en ficherait royalement, mais elle n'était pas là pour dire quoi que ce soit, bien que physiquement présente, prenant racines dans la grotte recouverte d'une couche de glace bleu pâle.

Dieu seul sait ce qu'elle fait là. Enfin, non, la Chose en elle le sait. Les autres Orbleus le savent probablement, eux aussi.
Kitty, elle, n'aime pas vraiment ce ressenti. Mais elle a fini de se battre, comme c'était devenu inutile. Elle était en dormance, dans une sorte d'état végétatif, sans trop prêter attention à ce que la Chose pouvait faire de son corps.
Elle finirait bien par être sauvée, non ? Ils avaient survécu à la Canicule, aux Inondations, à la Nuit. Alors pourquoi pas au Froid ?

Elle, dans son cas, ne pouvait pas faire grand chose.
Mais elle voulait désespérément vivre à nouveau.

- Qui va là ?

Fit soudain la Chose, sentant une présence inconnue dans son dos. Elle pencha lentement la tête en arrière, sans même prendre la peine de se retourner complètement.
Ses yeux bleu glace viennent se river sur la nouvelle arrivante, l'observant sous toutes ses coutures -c'était le cas de le dire.

- Tu viens aussi profiter de la quiétude du lieu ?

Ajouta-t-elle avec un sourire plein de dents pointues, en revenant à une position normale. Elle ne lui parlait pourtant même pas en face, trop occupée à observer les cristaux tout en continuant la conversation.
Cependant, une question la taraude : Humaine rafistolée ou Créature étrange ? À qui avait-elle donc affaire actuellement ?

Bien que quasiment tout-puissants en cette période, il était malheureusement impossible pour les Orbleus de comprendre une langue autre que la leur. Enfin, que celle de leurs hôtes. Que celle de l'Île. Enfin… bref, autre que l'anglais.

- Eh bien bonjour, Djustepatch.

Forcément, ça donne quelque chose d'à la fois assez drôle et pitoyable, lorsqu'un étranger essaye de répéter un mot dans uns langue inconnue, même avec la meilleure volonté du monde.
Kitty -ou du moins, ce qui en restait- ne comprit pas la suite de ce que la nouvelle arrivante avait dit. Et, dans l'immédiat, "juste Patches" était officiellement devenue "Djustepatch".

- Je... J'étais venue voir les images sur les cristaux... Je ne fais que passer, j'allais à la Machine.

- Tu pars déjà ? Comme c'est dommage…

Elle pivote à nouveau, pour venir se placer, vive comme le vent, derrière son nouveau jouet, lui enlevant ainsi la possibilité de faire marche arrière.

- Est-ce que ça t'embête que j'en ai décidé autrement ? Je m'ennuie, et je n'ai pas vu de monde depuis si longtemps… tu permets qu'on s'amuse un peu, toi et moi ?

Fit l'Orbleue d'un ton doux, lui adressait un sourire pointu, à en donner des frissons. Aussi près d'elle, elle ne peut se poser que des questions.
On dirait bien que Djustepatch n'est pas humaine… parce que, comment un humain aurait-il pu survivre à autant de coutures ? On dirait que son corps n'était même plus le sien.

- Qu'es-tu donc, Djustepatch ? Tu permets que j'enlève une ou deux coutures par-ci par-là pour savoir ?

Le ton se faisait encore plus doucereux, teinté d'intérêt. Elle était presque collée à la pauvre curieuse qui n'avait décidément pas eu de chance.
Se pourrait-il qu'elle ait affaire à un mannequin, un défouloir impérissable ? Ce serait fantastique ! Elle pourrait jouer avec elle encore et encore sans se lasser !

Elle voulait fuir, la galopine. Mais Kitty (était-ce encore vraiment Kitty ?) en avait décidé autrement. Et elle s'amusait à essayer d'instaurer le contact, l'autre se tortillant comme une petite anguille pour éviter qu'elle ne la touche.
Ça lui donnait encore plus envie d'essayer, voir ce qui se passera... gauche, droite, gauche, droite, bas haut, droite, bas, gauche. C'est plutôt amusant.

- Non... Pas touche...

Ça sent la peur, la supplication, l'envie que tout s'arrête. C'est profondément amusant.
Mais.

- Laisse-moi passer, s'il te plait.

Est-ce son air, son ton pitoyable et mal assuré, qui lassent l'Orbleue, la font finalement changer d'avis ?
Ou est-ce l'œuvre d'autre chose, plus profond, ce qui était là avant, et qui hurle, désespérément, que non, cette fille recousue n'a rien fait de mal, que c'est cruel de se comporter ainsi avec elle, qu'elle ne le mérite pas ?

- Que vas-tu faire...?

Lui demande l'humaine glacée, toute proche de son oreille. Son ton est doux, teinté d'intérêt, c'est presque un murmure. Ses lèvres laissent échapper un petit nuage froid lorsqu'elle parle, et qui s'envole vers les parois recouvertes de cristal.
Quoi qu'il en soit, l'adolescente ne lui laissera même pas le temps de répondre que déjà, sa décision est prise.

- Je viens avec toi.

Fit-elle d'un ton léger, affichant un sourire aussi aiguisé que celui d'un tigre à dents de sabre. Puis, elle se recule. Elle ne sait pas exactement ce qui lui passe par la tête, mais elle a envie de la suivre, la fameuse Djustepatch.

Qu'elle essaye seulement de lui fausser compagnie; elle la rattrapera, elle le sait.
Et rien ne prouve qu'elle restera bien gentille et qu'elle lui pardonnera son écart de conduite.

La Machine. Elle va à la Machine. La Machine, hein...
Kitty a beau réfléchir, se renseigner, attendre ce fameux pressentiment qui lui assurait qu'aller là-bas est sans crainte pour elle car quelqu'un, un autre Orbleu, l'avait déjà fait, mais rien ne vient.
Rien ne vient, et, dans ce moment d'inattention, l'autre en profite pour lui demander, une nouvelle fois, si elle pouvait prendre congé d'elle.

- Non, tu partiras PAS !!

Le cri, plus fort que prévu, fit presque trembler les parois de la cave. À défaut de réellement produire une quelconque fissure, la voix de la jeune fille se répercuta jusqu'au fond des galeries en un écho lointain.
Elle s'était mise en position d'attaque, un pied en avant, prête à courir vers l'humaine recousue si celle-ci décidait de brusquement lui fausser compagnie.
Quelque chose venait de changer au moment-même où Kitty sentit qu'elle allait peut-être être abandonnée.

- Je sais pas si je- si je peux aller là-bas ! Et je voulais juste rester avec toi pour savoir... savoir...

Son discours est décousu, comme celle qui lui tient compagnie -probablement contre son gré. C'est la panique : une petite voix lui crie qu'elle ne devrait pas se soucier de ça et de simplement suivre.
Parce qu'elle s'ennuie, elle ne peut pas s'amuser, c'est tout. Mais, elle continue malgré elle :

- Tu... est-ce que tu les espionnes ? Les autres. Les Perdus. Est-ce que tu vas les voir ? Est-ce que tu PEUX les voir ? Est-ce que tu DOIS les voir ?!

La fébrilité de l'Orbleue se fait ressentir dans sa suite de question, dans ses gestes tremblants, dans ses pupilles bleu électrique qui semblent presque refléter une lueur d'humanité, de...
... de lucidité ?

- J'ai besoin de savoir ! Tu partiras pas tant que je saurai pas ! Tu partiras pas tant que tu m'auras pas dit ce que je veux !

Elle se rapproche, menace de secouer un peu Djustepatch en lui ancrant ses mains sur les épaules, mais elle se retient avant de la toucher, comme un réflexe. Elle se dit que ce n'est pas une bonne idée.
À la place, l'adolescente se recule juste un peu, et plaque ses paumes sur son visage, le massant un moment avant de rester à simplement couvrir ses yeux.

- Ce que... je... veux... C'est simplement de leurs nouvelles...

Murmure-t-elle, sa voix se brisant comme du verre à la fin de sa phrase.
Le Cowboy. L'autre grincheux avec son portable. Ses collègues, et même ce qui lui servait de Mère... ils lui manquaient tant.
Elle devait savoir comment ils se portaient !

Si elle s'attendait à ce que sa "plus ou moins captive" la gratifie d'une chaleureuse étreinte ? Certainement pas. Pas le moins du monde, même. Mais c'est agréable.
Cela faisait comme une éternité qu'on ne l'avait pas serrée dans ses bras. Surtout que d'habitude, c'est plutôt elle qui a tendance à câliner autrui, surtout au moment où ils s'y attendent le moins. C'est tellement plus amusant ainsi.

- Je devais aller voir les vivants pour Dracula, de toute façon. Je peux faire un détour, tant que la nuit ne tombe pas. Je promets rien, mais je peux essayer.

Oh, alors comme ça, elle était de mèche avec le Grand Méchant Vampire et sa clique. Tout s'expliquait donc ! Voilà pourquoi elle avait un tel look. Finalement, elle n'était pas humaine... probablement plus une poupée de la Machine qu'autre chose.
A ce constat, Kitty se détendit, et ses mains glissèrent de son visage afin de passer, sans crainte, sur le dos de Djustepatch. L'Orbleue un soupir de soulagement. Elle pouvait donc la câliner sans crainte...

- Merci... t'es une chouette poupée, Djustepatch.

Glissa-t-elle à son interlocutrice, avant de se retirer. Par sécurité, elle fit quelques pas en arrière, et ajouta :

- Tu bosses pour Dracula ? Flippant...

Sa remarque fut accompagnée d'un sourire grimaçant. Pas sûr qu'apprendre que la poupée de chiffon est à la botte d'un Vampire soit une info des plus rassurantes. Ca devait quand même être à la fois effrayant et excitant, de bosser pour une telle... personnalité ?
Tiens, infiltrer le Manoir, ça pourrait être une décision, aussi fantastique que stupide, à prendre, quand elle aura décidé de mourir. Elle le note dans un coin de sa tête.

- Je vais profiter de mon élan de lucidité pour te laisser filer... écoute, si tu vois de loin une gothique assez gauche, un grand brun avec un chapeau de cowboy et un type déprimé avec un téléphone -tu vois ce que c'est ?- et les cheveux un peu bleu-gris, tu me le dis ?

Encore quelques pas en arrière, pour être sûre.

- Je traine souvent par ici... passe quand tu peux, ok ?

Imperceptiblement, Kitty se sentait changer. Ses tremblements avaient repris. Evidemment, ils n'étaient pas dus au froid... juste au fait qu'elle se faisait peur elle-même.