Il te regarde, Kapitan. Tu restes de glace, ou en tout cas en apparence. C'est presque décevant. Presque. Si tu étais si facile à troubler, le jeu serait bien fade. Il t'observe, Kapitan, et se dit que vraiment. Ce défi est intéressant. Et il t'écoûte, alors que tu parles. Mardi boit tes paroles, Kapitan ! Si tu savais comme sont rares les gens qui ont cet honneur là. Rare, et pourtant si courant. Il suffit juste de l'intéresser et Janblan écoute. C'est pas un salaud total, heh.

Le Guédé penche la tête alors que tu parles, et un nouveau sourire discret vient ombrer ses lèvres. Ah ! Tu acceptes donc. Tu connais donc la magie, Zonbi ? Pour avoir traité avec la Mama, Mardi veut bien le croire. Mais, heh ! Tu serais presque insolent dans ta réponse. Tu n'es pas sur ton rafiot, ici. Tu es chez lui. Son terrain, son territoire, sa magie. Qui donc doit se parer le plus dans sa fierté, beau capitaine ?

Ta dernière réplique souffle le Bayouteux. Tu le menaces ? Toi ? Tu oses ? Oh ! Il en rirait, s'il ne trouvait pas ça ridicule et puérile. Qui crois-tu impressionner ? Parce que tu commandes quelques clampins sur un bateau, tu penses pouvoir défier le Bayou qui te fait vivre ? Oui, il est beau, ton bateau. Mais où vas-tu donc avec ? Et si tu es si fort, si terrible, pourquoi venir chercher de l'aide ici ?

Les yeux de Mardi se plissent un peu, juste un peu. Il ne sait pas trop s'il te méprise, ou si tu l'amuses. Pauvre fou, à qui crois-tu parler de la sorte ?

- Attention à tes mots, Kapitan, tu es ici chez moi.

Mardi t'observe, te fixe, et les ombres changent un peu au Bwat Kontra. Ou bien c'est ton imagination ? L'habitat est soudain bien sombre, l'éclat des bougies devient faible et tremblant. Des formes circonvolutent sur le sol, du moins on pourrait croire qu'il y en a. Mais c'est si léger, y en a-t-il vraiment ?

- Moi, je ne t'ai pas insulté ni menacé. Tu as choisi de venir à ma porte pour un marché, et je suis prêt à t'aider. Mais ce n'est pas parce que je souris que je ne mords pas.

T'es-tu jamais demandé pourquoi ses sourires à lui ne sont jamais grands ? Il te fixe, Janblan, et ses lèvres s'étirent, s'étirent, pour faire un sourire presque franc. Pour une fois, on devine le diamant impeccable de ses dents.

- Ne fais pas le gros dos avec nous, pas comme ça. Ça ne marche pas.

Nous ? Nous c'est lui, les Loas, sa famille. Tous ensemble, le Bayou pourrait faire voler en éclat ta pauvre barque qui flotte, tes hommes si crédules, tout crasseux et aguerris qu'ils soient. Oh, tout cela pourrait brûler, crier, et nourrir la terre de votre chair insipide et insignifiante. Tu ne devrais pas oublier ta place, Kapitan. Tu ne devrais pas oublier que c'est grâce au Bayou et à sa magie que tu es là aujourd'hui.

Mardi incline la tête, son sourire est redevenu une esquisse énigmatique, comme à son habitude. Le Bwat Kontra est éclairé de toutes parts, les bougies n'ont jamais été éteintes. As-tu rêvé ? Peut-être. Janblan est assis face à toi, toujours, et se ressert une rasade de rhum épicé. Il t'attend.