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Ancien Peau-Rouge
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MessageSujet: Youth in the sun drowned in broken seas   Youth in the sun drowned in broken seas EmptyJeu 26 Mar 2015 - 3:51


How it's weird living inside the town
Empty days without you.

There is always a fall
But it happened too soon.




La cérémonie funéraire était terminée et il semblait à Merle qu'il n'avait jamais été plus fatigué de toute sa vie. Il n'avait jamais été fatigué de vivre, avant. Son clan et ses alliés avaient remporté la bataille contre l'armée du Croquemitaine, sa brève condition de vampire l'avait quitté, le soleil avait enfin réapparu dans le ciel, plus brûlant que jamais. Peter Pan avait survécu. Le temps n'était que chaleur et lumière. L'île était en fête, débordante de joie. Mais le cœur de Merle avait à peine eu le temps de se réjouir avec les autres avant de se retrouver glacé à tout jamais. C'était ainsi qu'il le ressentait, il refusait d'écouter la voix de sa raison qui lui rappelait qu'il avait vécu d'autres deuils, vaincu d'autres périodes de désespoir.

Depuis la mort de Grive, il ne voulait que fuir la réalité trop dure, son propre chagrin et celui des siens, qui l'accablait comme s'il devait porter seul la peine de chacun. Il aurait voulu le faire, il aurait voulu les en libérer. Car quand un Delaware mourait, toute la tribu était en deuil. Mais si les adieux à l'enveloppe corporelle étaient difficiles, ils ne croyaient pas son âme perdu : les esprits des morts restaient là, sur l'île, et veillaient sur eux. La mort n'était pas une tragédie, elle était un maillon inévitable et naturel de la chaîne de la vie. Merle l'avait appris très tôt auprès de Corneille Ardente. Il l'avait assisté au cours de plusieurs cérémonies funéraires, il avait participé à guider les esprits de défunts vers la paix, qu'ils soient guerriers tombés au combat ou mères mortes en couche. Cette fois encore, Merle n'avait pas failli à son devoir. Il avait aidé à parer richement le corps de Grive, sa silhouette si affaiblie par la maladie et la nuit trop longue qui avaient eu raison d'elle. Elle avait eu le temps de revoir le soleil se lever et avait semblé en paix, c'était une consolation pour ses proches, mais une consolation bien maigre selon Merle. Lui qui avait tant cru pouvoir la guérir, il avait échoué, il n'avait rien su faire. Même Corneille Ardente ne pouvait pas braver la mort. Mais pour quelle raison avait-elle décidé de peser ainsi sur Grive pendant toute sa vie avant de l'emmener bien trop jeune ? Pourquoi elle ? Pourquoi si cruellement ? Lui qui était si serein d'ordinaire aurait pu éclater de rage. Il ne savait pas nommer l'objet de cette colère – la Mort était nécessaire, il vénérait la Nature, alors quoi ? Cette mort particulière.

Il n'avait gardé son calme que parce qu'il tenait à être présent lorsque l'esprit de Grive quitterait définitivement son corps sur le bûcher funéraire, et parce qu'elle-même avait toujours accepté sa condition sans s'en plaindre. Il avait fait de son mieux, il lui avait rendu le meilleur hommage dont il fût capable, et Grive avait rejoint les esprits de l'île. Mais la fin de la cérémonie n'avait pas apporté à Merle la paix tant désirée, elle l'avait laissé plus vide encore, plus las, et plus amer.

Prétextant à sa mère inquiète qu'il n'arrivait pas à trouver le sommeil par cette chaleur étouffante, Merle passa par sa réserve d'herbes à fumer avant de quitter la tente familiale et de prendre la direction de la plage. Les larmes le prirent aussitôt qu'il arriva à la sortie du village, là où la mort avait une fois accordé à Grive un sursis. Peut-être l'avait-il crue invincible, après ce soir-là. Il s'était imaginé qu'elle surmonterait chaque crise, chaque quinte de toux, reviendrait à elle après chaque perte de connaissance... Pas cette fois.

Les yeux baissés sur ses mains occupées à préparer son calumet, Merle poursuivit son chemin machinalement jusqu'à sentir le sable s'insinuer entre ses orteils. Il trouva l'endroit pas trop à découvert qu'il occupait souvent – il y restait des traces de son dernier feu de camp – et il s'assit en tailleur dans le sable. C'est en portant son calumet à ses lèvres qu'il réalisa qu'en effet, il n'avait pas la moindre braise pour l'allumer. Alors seulement il leva les yeux, comme s'il espérait trouver un feu ronflant à proximité. Il était un peu plus tard que cet autre soir où Grive et lui avaient soigné un griffon et, pourtant, le soleil continuait de rougeoyer à l'horizon, comme s'il était trop heureux de pouvoir briller à nouveau pour daigner céder sa place à la nuit.

hrp :
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Sharpy
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MessageSujet: Re: Youth in the sun drowned in broken seas   Youth in the sun drowned in broken seas EmptyVen 27 Mar 2015 - 16:43

Sharpy ruminait un autre genre de mélancolie. Alors que Peter et le Pays de Jamais tout entier retrouvaient des couleurs et la joie de vivre, le chef des Armuriers se sentait vidé. Il ne s'était pas trouvé très actif dans le combat qui devait repousser les forces démoniaques. Il avait vu leur invasion bien sûr, et il avait vu partir les Garçons auxquels il avait distribué des armes. Certains n'étaient pas revenus. C'était le rôle d'un Armurier de veiller à ce que chacun soit équipé pour la bataille, qu'il ait les bons outils en mains. Et pour Sharpy, c'était aussi important de s'assurer qu'il ne leur arrive rien. Mais comme toujours, c'était difficile. Il savait qu'il ferait son deuil comme les autres. Que Peter prendrait en charge les âmes des Perdus pour toujours. Qu'il ne pouvait rien faire de plus, maintenant.
Tout ça, ça passerait.

Ce soir-là, ils avaient tous bien rigolé pendant le repas, et Sharpy avait été plus bruyant que d'habitude. C'était une façon comme une autre d'accélérer le processus de guérison. De se dire que ça allait bien. Que tout était dans la tête. Sharpy n'avait pas pour habitude de rester inactif après une blessure, qu'elle soit physique ou pas. Après le repas, il n'avait pas su rester en place non plus. Peter avait convié les chefs dans la maison souterraine mais Sharpy avait attendu que tous les Armuriers soient couchés par Agathe pour s'éclipser. Il aurait pu retourner à l'atelier, il ne manquait pas de travail. Mais il n'avait pas besoin de s'occuper les mains. Il avait décidé de marcher. Ses pas l'avaient porté jusqu'à la plage.

Il s'était promené le long des vagues, les mains dans les poches, et il avait vu l'astre brûlant toucher l'horizon. Le soleil se couchait, les jours passaient, les choses revenaient petit à petit à la normale. Sa mélancolie n'aurait bientôt plus de raison d'être. Penser au passé ne servait à rien, seul le présent comptait, ce présent qu'il partageait avec les Garçons Perdus. Ses amis. Sa famille. Un sourire timide secoua ses lèvres et il se dirigea vers la forêt d'un pas plus léger. Mais pas tant que ça. Il trébucha sur la première branche un peu basse qui se présenta à lui et déboula toute en délicatesse autour d'un feu de camp éteint. Il y avait quelqu'un.

"Oh."

Il ne l'avait pas reconnu tout de suite mais c'était un Peau-Rouge des Delaware qu'il connaissait. Dans la presque obscurité, il ne remarqua pas qu'il pleurait.

"Désolé, je ne voulais pas te déranger."

Il vit qu'il avait un calumet éteint et fouilla dans ses poches. Sharpy ne se promenait jamais sans sa pierre à aiguiser et son briquet à amadou. Non qu'il essayait de travailler le métal toutes les cinq minutes, mais ça pouvait servir. Il se pencha au-dessus du feu éteint et alluma le briquet en se disant que ça suffirait à se faire pardonner pour cette intrusion.

HJ:
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Ancienne Sirène
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MessageSujet: Re: Youth in the sun drowned in broken seas   Youth in the sun drowned in broken seas EmptyVen 27 Mar 2015 - 17:42



Rouge, le ciel est rouge comme du sang. En surface, le soleil éclaire l'horizon d'une lueur démente, si forte après la longue nuit. Et l'Océan se réchauffe, la surface appelle à elle les créatures amphibies.

Il y a un mouvement, dans les abysses. Une créature file, emportant sur son épaule un filet dans lequel se trouve quelques parures, seuls souvenirs du nid qu'elle laisse derrière elle. Plus haut, la température se fait douce et rend les eaux tentantes comme les entrailles d'une Sœur. La créature qui remonte vers la surface avec une grâce sauvage le sait, puisqu'elle même est en quête de chaleur.

La Faim, monstre exigeant, se rappelle sans cesse à elle, ne la laissant que trop peu ressentir la douce chaleur que dégage un ventre plein. Et Encre frissonne sous les caresses de l'onde tiède alors qu'elle remonte. Dans son esprit primaire de bête sauvage, la paria garde espoir de faire la rencontre, à la surface, d'une proie. Après tout, elle sait d'expérience que, lorsqu'il fait plus chaud sur la terre, les humains cherchent la fraîcheur liée à l'eau.

Mouvement. Fendant les courants, la Famélique accélère, brisant la surface pour offrir au monde son faciès d'adorable monstre, beau et inquiétant à la fois. Coiffée du crâne squelettique d'un grand poisson des abysses dont l'échine se prolonge contre son dos à elle, Encre sent un frisson de plaisir la parcourir alors le soleil réchauffe sa peau écailleuse. Machinalement, un chant grave, inhumain s'échappe de sa gorge, hymne ancestral au crépuscule. Et le chant, puissant, porte jusqu'au rivage.

La mélodie, cependant, est de courte durée : il s'agit là de l'expression d'une émotion, pas d'un artifice utilisé pour chasser. Alors qu'elle se tait et se tourne vers la plage, la sirène se fige : il y a quelqu'un, là-bas, dans un coin un peu isolé de la plage. Deux silhouettes humanoïdes.

- Humains ?

La voix est rauque, gargouillante. C'est que, alors qu'elle observe les deux inconnus, Encre sent la Faim creuser son ventre. Un élan de curiosité fait briller ses prunelles jaunes : la Sirène veut voir. La Sirène veut jouer, peut-être même veut-elle manger.

Aussitôt, la Famélique plonge, filant vers le campement. Lorsqu'elle n'est plus qu'à quelques mètres du rivage, là où un humain aurait pied, la Sirène sort la tête de l'eau, se présentant aux humains qu'elle identifie aussitôt comme deux jeunes hommes.

Encre fait la moue : deux mâles au goût sans aucun doute répugnant. La Faim attendra, tant pis.Prenant appui sur ses mains, la sirène glisse sur le sable, se redresse. Sous sa coiffe d'os, les tentacules que forment sa chevelure s'agitent doucement, signe de sa curiosité. Elle n'approche pas plus, gardant queue et nageoire immergées pour ne pas se transformer. Elle n'ouvre pas la bouche non plus, se contentant de pencher la tête avec curiosité, contemplant tour à tour les deux mâles.

Puis sa voix grave résonne :

- Bonsoir, humains.

Pas de chant, de simples mots. Piégée par ses préférences, Encre ne mangera sans doute pas ce soir et veut donc le faire comprendre.
HRP:
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Ancien Peau-Rouge
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MessageSujet: Re: Youth in the sun drowned in broken seas   Youth in the sun drowned in broken seas EmptyLun 30 Mar 2015 - 4:18




Les esprits de l'île avaient-ils décidé de l'aider, avaient-ils mené à lui les pas du garçon perdu qui venait de tomber sur son coin de plage ? Il savait que les esprits n'intervenaient pas pour un problème aussi trivial que le sien à ce moment précis, mais la coïncidence était trop parfaite pour n'être qu'un hasard. Il se redressa dans un sursaut en voyant surgir le nouveau venu juste devant lui, mais il comprit que celui-ci ne lui voulait aucun mal. En fait, i n'avait pas l'air d'être volontairement venu à sa rencontre. Merle étouffa un rire.

Désolé, je ne voulais pas te déranger.

Il adressa au garçon un sourire qui s'élargit lorsqu'il reconnut le visage de Sharpy. Ils s'étaient déjà rencontrés lors de fêtes au cours desquelles l'un comme l'autre n'avaient pas toujours fini en bon état.

Tu ne t'es pas fait mal ? Tu ne me déranges pas du tout. Au contraire.

Il était sincère. Il avait voulu s'isoler et, pourtant, la compagnie de Sharpy l'apaisait déjà. Il fut d'autant plus ravi lorsqu'il vit Sharpy dégainer son briquet pour embraser les brindilles sèches qui restaient de son dernier feu de camp. Il prit une brindille pour guider le feu et l'aider à prendre, puis se servit du bout enflammé pour allumer son calumet.

Aah ! Merci.

Il prit trois longues bouffées puis le proposa à Sharpy, une lueur presque espiègle dans le regard. Les herbes qu'il contenait ne servaient pas à provoquer de transes chamaniques. Merle les utilisait généralement pour se détendre lorsqu'il n'arrivait pas à trouver le sommeil, mais il y avait ajouté un soupçon d'herbe hilarante pour court-circuiter sa peine. S'il avait choisi de s'éloigner du camp pour s'enfumer l'esprit, c'était aussi qu'il avait honte de ne pas être capable d'affronter son chagrin. Mais il ne fallait pas se leurrer : chez les Delaware, c'était monnaie courante. Alors il avait cédé, comme d'habitude. Un jour, il apprendrait, il deviendrait plus fort. Et puis une pensée lui trottait dans la tête : et si l'esprit de Grive l'avait accompagné jusqu'à la plage, et si elle était celle qui l'avait mis sur la route de Sharpy ? Il aimait l'idée qu'il puisse y avoir un sens à leur rencontre de ce soir, et que Grive ne lui en veuille pas pour sa faiblesse. Elle était peut-être fausse, mais elle le rassura. Un sourire mélancolique sur les lèvres, il leva les yeux vers le ciel. On commençait à y distinguer des étoiles, mais il restait quelques rayons de soleil à l'horizon.

Il reprenait une bouffée de son calumet lorsqu'il entendit un cri. Un cri ? Un chant. Merle regarda Sharpy, se demandant si lui aussi avait reconnu le chant d'une sirène. Merle passait bien assez de temps sur la plage pour le reconnaître, il avait fui plus d'une sirène avant que l'attraction ne soit trop forte. Il pensait d'ailleurs pouvoir remercier certaines de ses drogues : si elles altéraient sa lucidité ordinaire, elles semblaient permettre à son esprit de ne pas se soumettre fatalement au chant des sirènes. Mais celui-ci était différent du chant d'une sirène en chasse. C'était un chant sauvage, animal, qui ne leur semblait pas destiné. Lorsqu'il se fut évanoui, Merle se détendit, pensant que la sirène était simplement passée par là. Mais la voix d'Encre, beaucoup plus proche, presque glaçante dans son étrangeté, résonna quelques secondes plus tard.

Bonsoir, humains.

Merle était partagé entre la méfiance respectueuse qu'il réservait aux créatures potentiellement hostiles et une envie de rire qui n'avait rien à voir avec la situation. L'engouement l'emporta et il fit signe à Sharpy de le suivre lorsqu'il s'approcha de l'eau à pas vif. L'apparence singulière de la sirène lui arracha un rire teinté d'alarme, mais Merle ne se voulait pas moqueur et s'empressa de se rattraper.

Bonsoir ! Qu'est-ce qui vous amène par ici ? dit-il avec chaleur.

Il espérait seulement que l'étrange voix ne lui répondrait pas un « votre viande, humains ». Elle était encore immergée alors que lui-même n'avait de l'eau que jusqu'aux mollets, et il n'osait pas encore s'aventurer plus loin. Mieux valait garder une chance de s'enfuir en courant, si la situation l'exigeait.

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MessageSujet: Re: Youth in the sun drowned in broken seas   Youth in the sun drowned in broken seas EmptySam 4 Avr 2015 - 1:26

Il était de notoriété publique que Sharpy appréciait les Peaux-Rouges pour leurs armes et leur style de combat différent de celui des enfants ou des pirates. Mais ce n'était pas la seule chose qui leur valait son respect : il avait appris à connaître les particularités qui différenciaient leurs trois cultures et en avait appris un peu plus sur lui-même et sur l’île lorsqu’ils l’avaient initié aux esprits. Mais pas seulement. Il avait aussi appris que les Delaware avaient un sens de la fête qui lui plaisait beaucoup – et qu’il supportait mal leurs herbes bizarres. Tomber sur un Delaware, presque littéralement, en cet endroit et en cet instant, le réchauffait comme l’astre bienvenu après la nuit éternelle.
Sharpy secoua la tête avec un sourire pour signifier qu’il n’avait rien et acheva d’embraser le bois sec et fin, avec l’aide de Merle. Il s’entendait bien avec Merle, et son sourire le rassurait en même temps qu’il augmentait un peu son sentiment de bien-être, ce petit feu intérieur qui s’était éteint aussi sûrement que le soleil. Sharpy était content de ne pas ennuyer le Delaware. Après tout c’était un endroit bien tranquille et reculé qu’il avait trouvé, il y avait probablement une raison, et il ne voulait pas s’imposer. Il se dit qu’il pouvait rester un peu pour discuter, mais pas trop longtemps. Et pourtant à peine se fut-il assis près du feu qu’il se trouva très bien installé et pas du tout enclin à s’éclipser. Merle lui proposa son calumet, ce qui arracha un petit rire amusé à Sharpy, qui en prit une bouffée et toussota :

"Hurm, merci. Je sais pas ce que tu mets là-dedans, mais c’est toujours agréable !"

Il rendit le calumet à Merle, conscient que sa tolérance aux herbes, quelles qu’elles soient, atteignait bien trop vite ses limites pour qu’il se permette d’en profiter en cette soirée. Surtout en cette soirée. Sharpy se savait capable de chasser le cafard par des rires, des plaisanteries et tous les moyens qui s’offraient à lui. Ce qui n’était pas toujours raisonnable. Pas ici, en tout cas. Il joua distraitement avec son briquet en fixant les flammes. Il n’osait pas demander à Merle ce qu’il faisait ici. Il se demandait si la lumière le rassurait autant que lui. Il ne s’en était pas rendu compte tout de suite, mais après la longue nuit, il craignait d’éteindre la lumière le soir. Comme si ce simple geste pouvait appeler les monstres. Sharpy n’avait pas peur des monstres. Du moins, pas directement. Ce qui l’effrayait, c’était de penser qu’il voyait peut-être la lumière pour la dernière fois. C’était une idée stupide, bien sûr, il n’avait aucune raison de penser à cela. Mais au vu des derniers événements, c’était tout à fait justifié, même pour un guerrier comme lui. Sharpy soupira. Il ne s’en faisait pas. Cette peur, comme le reste, s’effacerait en même temps que sa mémoire.

Un chant grave déchira le silence et Sharpy releva la tête, aux aguets. Ça venait de loin, mais ce n’était pas humain. Il fixa l’océan en fronçant les sourcils. Probablement une sirène ou une autre créature marine, qui préférait la douceur de l’obscurité pour chasser. Il croisa le regard de Merle et haussa les épaules. Celui ou celle qui avait poussé ce cri ne viendrait probablement pas par ici, et si c’était le cas ils le verraient arriver de loin. Sharpy se détendit un peu mais resta attentif, écoutant d’une oreille le roulis des vagues. Et la voix grave, toute proche, les salua. Merle se leva et lui fit signe de le suivre. Sharpy s’exécuta, non sans s’interroger sur les intentions du Delaware. La vision de la sirène, car c’en était une, lui arracha un frisson. Merle rit, et Sharpy se demanda ce qu'il avait mis dans son calumet, mais il comprenait sa nervosité. Il évitait en général de côtoyer ce genre de créatures, pour des raisons évidentes, mais il ne pouvait pas laisser le Delaware s’en approcher seul. Il resta un peu en retrait, les mains sur les hanches dans une position qui pouvait aussi bien signifier qu'il était détendu que prêt à dégainer une des armes qui pendait à sa ceinture. Merle salua la sirène avec sympathie, Sharpy se contenta d’un signe de la tête, plus sobre. Il ne voulait pas porter de jugement avant de savoir à qui il avait affaire, mais il ne pouvait pas se détendre en présence d’une créature qui venait peut-être assouvir sa faim.
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MessageSujet: Re: Youth in the sun drowned in broken seas   Youth in the sun drowned in broken seas EmptyMar 7 Avr 2015 - 17:00


Les sentiments, mêlés et confus, des deux créatures terrestres la heurtent alors que l’un d’entre eux se lève pour s’approcher d’elle. En l’apercevant, ce dernier laisse échapper un rire des plus comiques mais dont la sonorité, même aussi nerveuse, ne peut que plaire à celle qui est seule.

- Bonsoir ! Qu'est-ce qui vous amène par ici ?

La Sirène ne répond pas tout de suite, préférant observer de ses yeux félins les deux créatures terrestres qui l’ont intriguées. Le plus en retrait des deux est méfiant, elle peut le sentir à ses pensées comme à son attitude. Encre ne peut s’empêcher de trouver cela comique, qu’un mâle la craigne... bien que cela soit naturel, au vu des appétits de ses soeurs. Un sourire un peu tordu, un peu métallique soulève les coins de la gueule de la Famélique. Sa nature si typiquement taquine et un peu mauvaise se délecte de cette crainte irraisonnée, la boit comme du nectar quelques instants. Lasse de tenir ainsi sur sa nageoire et ses paumes, la Sirène se retourne, dos sur le sable comme un chat qui vous inviterait à venir lui gratter le ventre pour vous mieux pouvoir vous griffer. Un ronronnement animal, grotesque et qu’elle veut apaisant s’échappe de ses cordes vocales.

- Currrriosité. Finit-elle par laisser échapper d’une voix modifiée par son ronronnement alors que ses cheveux s’agitent, jouent avec le sable. Ainsi allongée, elle garde un oeil sur les humains mais peut admirer également la voûte sanglante du ciel. Les vagues s’avancent, reculent, chatouillant ainsi ses flancs écailleux. En être primaire, rudimentaire qu’elle est, elle ne s’inquiète guère de la menace que pourraient représenter les deux, préférant se préoccuper des sensations simples mais réconfortantes qui affluent. Alors que son regard quitte le ciel pour se poser sur le moins farouche des deux inconnus, sa voix résonne une fois encore :

- Mon nom est Encre. Encre la Famélique.

Un rire profond suit sa réplique. Ses deux yeux jaunes viennent se poser sur l’autre humain, celui dont l’esprit n’est pas embrumé par quelque chose qu’elle ne peut nommer.

- Je ne suis pas en chasse ce soir. Et même si je l’étais... vous ne m’intéresseriez pas.

Simple constatation, triste constatation. Mais Encre n’est pas manipulatrice, elle aime dire les choses telles qu’elles le sont.


Bonus : Encre dans toute sa splendeur :
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Ancien Peau-Rouge
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MessageSujet: Re: Youth in the sun drowned in broken seas   Youth in the sun drowned in broken seas EmptyDim 10 Mai 2015 - 1:36

Sharpy avait l'air bien plus hésitant que Merle. Peut-être que le mélange du chagrin et de la fumée dense qu'il venait d'inhaler avait inhibé en lui tout sens de prudence. Ou bien il ne s'agissait que d'une énième démonstration de son caractère pacifique, optimiste à outrance – d'aucuns diraient : insouciant.  Mais l'apprenti chaman était un fumeur endurci et il était loin d'avoir la conscience totalement embrumée – état qu'il avait justement prévu d'atteindre ce soir, lorsqu'il avait quitté le village, mais ses plans semblaient compromis. En tout cas, la méfiance de Sharpy ne lui échappait pas et cela le fit garder un minimum de distance entre lui et la sirène. L'étrange son guttural qu'elle émettait également. Avait-on déjà entendu une sirène ronronner ? Merle ne voyait pas comment appeler ça, autrement.

Merle connaissait suffisamment bien les animaux pour savoir que les ronronnements des félins n'étaient pas toujours un bon signe, et il garda un doute quelques instants concernant ses intentions : et si elle ronronnait à l'idée du délicieux festin qui l'attendait, grâce à ce débile de Peau-Rouge qui était venu se jeter dans sa gueule ? Mais si Merle avait déjà entendu des bouches – presque – humaines mentir, il n'avait jamais vu un prédateur, humain comme animal, présenter ainsi son ventre au ciel. Il était presque certain que cette confiance déconcertante n'était pas d'un comportement normal pour une sirène mais, après tout, il se passait volontiers de la fréquentation des sirènes normales.

Je ne suis pas en chasse ce soir. Et même si je l’étais... vous ne m’intéresseriez pas.

Était-ce encore son insouciance naïve qui faisait penser à Merle qu'il pouvait la croire ? Il avait vu le regard sauvage d'Encre se poser sur Sharpy, et il avait l'impression qu'elle avait voulu le rassurer. Et puis, au-delà de sa tendance à accorder sa confiance trop facilement, Merle avait le souvenir d'une discussion avec Capricorne Silencieux, une fois qu'ils s'étaient retrouvés à la plage, qui lui avait mentionné une sirène qui ne se nourrissait que de chair féminine... Il ne savait plus s'il lui avait dit son nom, mais il supposait qu'il s'agissait peut-être de cette Encre.

Sans agir inconsidérément non plus, il décida de faire un pas de plus vers elle, les pieds dans l'eau. Il adressa un sourire qui se voulait rassurant à Sharpy, et forma sur ses lèvres les mots « ça va ». Il tripotait un collier de galets irisés autour du coup, reste de sa tenue de cérémonie. Il le passa par-dessus sa tête et le montra à la sirène. Il paraissait qu'elles aimaient les objets brillants.

Tu l'aimes bien ?

Il ne pouvait pas contenir le très léger tremblement de sa main alors qu'il la tendait près d'elle.

HRP :
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MessageSujet: Re: Youth in the sun drowned in broken seas   Youth in the sun drowned in broken seas EmptySam 6 Juin 2015 - 16:17

Sharpy croisait rarement de sirènes. En dehors du fait qu'il ne sortait pas beaucoup de la lisière du Grand Arbre, il évitait de se baigner dans la mer ou de se promener sur la plage, même loin des vagues. Il était conscient du pouvoir que possédaient ces créatures, même sans l'avoir vécu personnellement. Il ne savait pas s'il pourrait y résister s'il se trouvait trop près. C'était quelque chose contre lequel il ne pouvait pas se battre et cette frustration, plus que son instinct, renforçait sa détermination. Il lorgnait Merle en espérant qu'il savait ce qu'il faisait.

La sirène ne semblait pas menaçante. Bien sûr, toutes les sirènes ne passaient pas leur temps en chasse et Sharpy savait que l'attachement que Peter avait pour elles était presque réciproque. Mais ça ne mettait pas les autres enfants en sécurité pour autant... Celle qu'ils rencontraient ce soir, cependant, avait l'air... carrément détendue. Sharpy haussa les sourcils lorsqu'elle pivota sur le dos en s'étalant de tout son long comme un gros chat. Il n'avait jamais vu une attitude pareille chez une sirène... Mais là encore, son expérience était limitée. Disons qu'il n'avait jamais entendu parler d'une attitude pareille chez une sirène. Cela dit, leurs victimes ne pouvaient rien en dire.

La créature leur expliqua que sa présence était due à sa curiosité – au moins, le sentiment était réciproque – et se présenta sous le nom d'Encre la Famélique. Tout à fait sympathique. Sans chercher à savoir ce qu'un tel nom signifiait, Sharpy ressentait tout de même un malaise. Il n'arrivait pas à mettre le doigt dessus. Cela n'avait rien à voir avec la simple présence de la sirène, de cela il en était certain. Et plus il réfléchissait, moins il croyait qu'elle allait les attaquer. Toute seule, elle n'avait en effet aucun intérêt à essayer, car ils étaient plus nombreux, mais si elle était venue accompagnée, si une ou plusieurs de ses sœurs se cachaient dans les environs, n'attendant qu'un signal pour attaquer... Sharpy soutint le regard que lui lança la sirène mais se raidit. Cela, il ne le verrait pas venir.

"Je ne suis pas en chasse ce soir. Et même si je l’étais... vous ne m’intéresseriez pas."

Sharpy fronça les sourcils mais avant qu'il ait pu réagir, il vit Merle se rapprocher de la sirène. Le regard qu'il lui lança signifiait très clairement "fais pas ça, mec" en majuscules et en surbrillance, mais Merle avait déjà enlevé un de ses colliers pour l'offrir en présent à la créature. Sharpy ne put s'empêcher de penser au calumet de la paix des Peaux-rouges. Cela ressemblait fort à une offrande en signe d'amitié, ou au moins de respect. Il ne bougea pas car Merle lui avait bien faire comprendre qu'il gérait la situation, mais la tension s'accumulait et ses doigts jouaient nerveusement autour de sa ceinture, sans oser se poser sur ses couteaux. Il ne voulait pas représenter une menace mais il ne pouvait pas se détendre comme le faisait son ami et il était prêt à intervenir si jamais la sirène faisait un geste brusque dans sa direction.

"Pourquoi on ne vous intéresserait pas ?" demanda-t-il abruptement, avant d'avoir pu se retenir.

Il jeta un coup d’œil au Peau-rouge, curieux de savoir si la déclaration d'Encre l'avait intrigué autant que lui. Faire la conversation n'était peut-être pas une si mauvaise idée, après tout. Ils en apprendraient plus qu'en se regardant en chiens de faïence. Il se racla la gorge et reprit, sur un ton plus maîtrisé et presque poli, comme s'ils discutaient de la pluie et du beau temps :

"Qu'est-ce que vous mangez, d'habitude ?"

Peut-être qu'elle se nourrissait exclusivement d'adultes, de pirates. Après tout, Merle et lui avaient encore l'air jeunes, pas tout à fait des hommes faits, la sirène faisait peut-être la différence et affirmait ses préférences. Il ne se doutait alors absolument pas que la réponse était plus compliquée que cela. Pour lui, le seul point commun entre Merle et lui était leur jeune âge.
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MessageSujet: Re: Youth in the sun drowned in broken seas   Youth in the sun drowned in broken seas EmptyDim 5 Juil 2015 - 15:40


Le moins farouche des deux bipèdes fait un pas vers elle. Curieuse, Encre focalise à nouveau son attention sur lui alors que ses tentacules s’agitent, signe de son amusement. L’humain s’empare d’une parure qu’il porte au cou avant de l’ôter, l’agitant au-dessus d’elle. C’est un collier qui brille dans les rayons du crépuscule, lumineux de par mille reflets irisés. Et la Sirène, absorbée par les éclats comme un bambin le serait de son mobile, s’immobilise soudain.

- Tu l’aimes bien ?

Yeux grands comme des soucoupes, elle ouvre la bouche pour acquiescer mais aucun son n’en sort : Encre se trouve trop fébrile, trop fascinée pour pouvoir trouver les mots.

- Pourquoi on ne vous intéresserait pas ?

L’autre humain a aboyé, pétri d’ondes de stress qu’Encre ressent malgré son empathie peu développée. Reportant brièvement son attention sur lui, elle lui adresse un regard peu amène. Si elle devait vraiment en manger un, elle aurait une bonne idée de qui elle voudrait faire taire. Quel dommage qu’elle n’apprécie pas le musc.

Un bruit de gorge que la Sirène interprète comme un grognement. Dévoilant très brièvement ses crocs dans un réflexe de réponse, Encre se calme lorsque l’humain le moins désinhibé reprend :

- Qu'est-ce que vous mangez, d'habitude ?

Le ton est déjà mieux, moins agressif. Le regard d’Encre se fait perçant, elle prend son temps pour répondre, aime jouer avec les nerfs - presque inconsciemment.

Au bout d’un temps étendu, elle répond avec un soin perturbant :

- Parfois de la viande, parfois du poisson.

Puis il y a un coup de vent marin, qui secoue les galets du collier, rappelle l’objet scintillant à elle. Se souvenant brutalement de la présence de la parure, Encre retourne la tête pour aviser le Peau-Rouge, se fait encore plus fébrile qu’avant.

- Donne. Donne !

Sur cette injonction, elle se cambre et, faisant usage de son élan, referme ses mains griffues autour de l’objet qu’elle tire vers elle avec violence... entraînant son propriétaire dans sa chute.

En moins de temps qu’il ne faut pour dire "oups", la Famélique se retrouve avec un humain en travers du ventre. Et le choc suffit à ce que, remontant de son oesophage comme une bile noirâtre, un jet d’encre jaillisse d’entre ses dents. Plus désabusée que surprise, Encre use de ses coudes pour se redresser quelque peu, fixant d’un regard las l’humain sur lequel elle a craché le liquide qui lui vaut son nom.

- Stupide humain. Lance-t-elle tout en essuyant l’encre qui lui a coulé sur la gorge et le menton.


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MessageSujet: Re: Youth in the sun drowned in broken seas   Youth in the sun drowned in broken seas EmptyMar 11 Aoû 2015 - 4:58

Merle sentit bien le regard lourd de réserve et d'alarme que Sharpy posa sur lui lorsqu'il s'approcha de la sirène, mais il sut immédiatement que le jeu en valait la chandelle. L'expression qui était apparue sur la visage de la Famélique lui rappelait celle des jeunes enfants de son village lorsqu'ils écoutaient une histoire extraordinaire de Corneille Ardente, ou lorsqu'ils pensaient avoir découvert un trésor inestimable dans un simple coquillage. Cela fut assez pour le faire sourire de toutes ses dents, jusqu'aux coins de ses yeux aux pupilles trop dilatées.

Pourquoi on ne vous intéresserait pas ? fit la voix de Sharpy derrière lui d'un ton qui ne dissimulait pas sa méfiance.

Son collier encore pendu au bout de son bras, Merle se retourna brièvement vers Sharpy puis reporta son regard sur la sirène. Il avait sentit le changement d'atmosphère et, à en juger par son expression, Encre la Famélique pouvait en cet instant devenir hostile. Merle n'osa pas reculer ou montrer la moindre peur, il ne voulait pas la contrarier.

—  Qu'est-ce que vous mangez, d'habitude ?

La différence de ton était évidente aux oreilles du Delaware, mais l'était-elle pour la sirène ? Elle ne fit rien pendant un long moment et Merle hésita franchement à reculer malgré toutes ses bonnes intentions : et si elle décidait de manger du Peau-Rouge, pour leur montrer ? Mais elle finit par répondre enfin, de sa voix si perturbante.

Parfois de la viande, parfois du poisson.

Merle lâcha malgré lui un bref rire incrédule et Encre reporta soudainement son attention sur lui. Il eut peur un instant qu'elle l'ait mal pris – mais non, madame la Famélique, c'est vrai que les humains sont de la viande, après tout, pardonnez-moi –, mais la raison était toute autre et elle ne semblait même pas l'avoir entendu.

Donne. Donne ! gargouilla-t-elle, et elle se jeta sur lui.

Sur son collier, en vérité. Mais dans sa surprise, Merle ne put que suivre le mouvement du collier qu'il avait déjà oublié, et tomba sur elle sans pouvoir arrêter son élan. Il avait beau vouloir voir le meilleur dans chacun, il eut sincèrement peur pour sa vie lorsqu'il se retrouva immergé, peau à peau avec une sirène dotée d'écailles et de tentacules. Et d'une mâchoire impressionnante dotée de crocs dont il ne voulait pas connaître le contact. Non merci. Dans son élément à elle, il était à sa merci. Mais Encre se redressa sans s'intéresser à sa chair, et Merle put faire de même, s'appuyant maladroitement sur la queue glissante de la sirène, franchement tremblant maintenant. Déjà trempé, il ne s'aperçut pas tout de suite du fait que la sirène l'avait aspergé d'encre, tachant son côté gauche de la ligne de sa mâchoire à son épaule, et qui se répandait sur sa tunique claire, aussi bien sur son torse que dans son dos.

Stupide humain.

Merle grogna gentiment et s'éloigna un peu pour rejoindre Sharpy, son tremblement pas encore calmé. Il avait eu peur, mais voilà le plus de mal que lui avait fait Encre : elle lui avait griffé la main en attrapant le collier – et l'avait traité d'humain stupide, ce qui n'était pas exactement faux. Il se frotta la main avec de l'eau de mer pour nettoyer les griffures superficielles puis fit un sourire embarrassé à son ami.

Tu vois Sharpy, tout va bien...

Mis à part que, pour des êtres dotés de jambes, ces deux-là tenaient mal dessus ce soir.

Elle aurait pu me dévorer, là, ajouta-t-il d'un ton qui trahissait une certaine surprise quant au fait qu'il était encore en un seul morceau. On peut la croire, non ?

Et l'encre diluée dans l'eau de mer continuait de se répandre sur son vêtement, comme une tache de sang sombre.
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MessageSujet: Re: Youth in the sun drowned in broken seas   Youth in the sun drowned in broken seas EmptyVen 28 Aoû 2015 - 0:26

Le jour où Sharpy deviendrait célèbre, écrirait sa biographie et serait suivi par des paparazzis qui lui demanderaient "quel est votre secret pour rester en vie ?", Sharpy répondrait : la paranoïa. C'est bien connu, les imbéciles meurent jeunes tandis que les gens intelligents et toujours très méfiants vivent vieux – et peut-être un peu moins drôlement aussi. Sharpy considérait la situation avec son œil de vieux papy de l'île et se félicitait n'avoir tiré qu'une taffe au calumet de la paix avec Merle Oisif parce que, soyons francs, on savait tous ce qu'il mettait dedans.
Et si le Delaware supportait mieux que lui l'étrange mixture d'herbes qu'il fumait, il en avait aussi ingéré plus que l'Armurier ce soir-là. Ce qui rassurait ce dernier, convaincu qu'il était plus alerte et plus réactif que son ami Peau-Rouge. Enfin ça, c'était avant qu'il ne s'étale de tout son long sur la sirène et que Sharpy, pris au dépourvu et clairement trop loin pour avoir le temps de dégainer et se jeter en hurlant sur la créature pleine de tentacules pour lui en couper une, ne reste les bras ballants. Oui. Parfaitement.

Votre secret pour rester en vie, monsieur Sharpy ? "Euh... me tenir éloigné des inconscients et ne jamais me mêler de leurs affaires ?"

"Merle !" s'exclama l'Armurier lorsqu'il réalisa ce qui se passait, trop tard pour le sauver mais juste à temps pour exprimer son inquiétude quand même.

La sirène gigota et cracha une substance noire sur le Delaware et- oh mon dieu elle essaye de l'empoisonner avec un acide corrosif ! Non Sharpy ne savait pas ce que ça voulait dire, il n'y connaissait rien en poisons – une arme de faible et un truc de filles – mais généralement recevoir quelque chose d'une sirène euh... c'est pas bon, même quand ce n'est pas un coup de dent. Il se rapprocha de Merle pour l'aider, le couteau dégainé, alors que la créature marine grommelait :

"Stupide humain."

Ah, là ils étaient d'accord ! Sharpy resta entre Merle et la sirène, examinant l'état de son ami et se retenant de ne pas le traîner derrière lui illico presto jusqu'au feu de camp qu'ils avaient abandonné, très loin de la sirène qui crachait de l'encre – il avait compris ce que c'était en voyant que Merle ne se tordait pas de douleur sur le sol, oui. Il savait que les Delaware étaient du genre optimistes dans la vie, mais de là à se comporter de façon suicidaire...

"Tu vois Sharpy, tout va bien..."
"Sérieusement ?"

Non mais c'est quoi ce mec ? pensa Sharpy en faisant son regard de vieux pas content au Peau-Rouge. Avec tout le respect qu'il lui devait...

"Elle aurait pu me dévorer, là. On peut la croire, non ?"
"Merle", répéta Sharpy en le fixant dans les yeux, sur un ton très sérieux.

Merle Oisif, la gentillesse incarnée. Je te donne un collier, je te tombe dessus, tu me craches sur le visage, mais c'est pas grave !

"Non, elle aurait pu te bouffer."

Il fallait dire la vérité, même si elle n'était pas jolie à entendre. Sharpy regarda la sirène d'un air entendu, s'attendant presque à ce qu'elle confirme ses propos. Il ne voulait pas se montrer brutal – après tout, elle n'avait effectivement pas bouffé Merle – mais il était persuadé qu'elle-même le savait : ce qu'avait fait le Delaware était risqué.

"Elle ne l'a pas fait... mais peut-être que dans dix minutes elle aura faim et elle changera d'avis."

Ce qui serait une façon très stupide de mourir, avouons-le. Ci-gît Merle Oisif, pas mort la première fois. La seconde est toujours la bonne. Il tapota l'épaule de Merle, qui avait quand même l'air secoué. Il y avait donc bien une once d'instinct de survie en lui. Sharpy en fut rassuré.

"Ça vous embête si on prend nos distances ? C'est pas contre vous. Mais j'aimerais pas que Merle... que Merle ou moi fassions quelque chose qui puisse vous énerver."

Il avait failli dire "que Merle refasse un truc stupide", mais il avait assez d'amitié pour le Peau-Rouge pour ne pas tout lui mettre sur le dos. C'était de sa faute s'il n'avait pas été assez réactif.
Si la sirène avait voulu le bouffer, elle l'aurait fait, parce que Sharpy n'avait pas réagi. Il s'en voulait d'avoir été aussi mou et d'avoir fumé même une fois les herbes de Merle, ce qui était une bonne excuse pour ne pas dire qu'il était rouillé. La biographie de la gloire, ce n'était pas pour tout de suite – sauf si elle était post-mortem peut-être. Sharpy recula en tirant Merle derrière lui.

"Je serais plus rassuré si on retourne au feu... viens", ajouta-t-il en essayant de ne pas prendre un ton geignard. "Vous pouvez nous rejoindre si vous voulez, moi ce qui me gêne c'est qu'on soit les pieds dans l'eau en fait", précisa-t-il pour ne pas – trop – passer pour le rabat-joie de service.

Il allait finir par sonner comme Arrow, merde.

HJ:
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MessageSujet: Re: Youth in the sun drowned in broken seas   Youth in the sun drowned in broken seas EmptyLun 31 Aoû 2015 - 22:43

Peur, peur, PEUR ! C'est là tout ce qu'exprime l'esprit embrumé du jeune humain alors qu'il s'étale sur elle et la Famélique, malgré son manque d'empathie, sent l'affolement du bipède résonner en elle avec vivacité. Et Encre l'observe se redresser avec curiosité, retenant un flot de salive noire de couler le long de ses babines. C'est que l'humain a un cœur qui bat, un sang pulsé. La Sirène peut le sentir, sent ses tentacules s'agiter malgré elle, signe de ses bas instincts. Mais l'élan de gourmandise se calme bien vite : c'est d'un mâle dont il s'agit et la Famélique est trop gourmette pour le goûter, trop sélective dans sa folie.

Elle le laisse donc partir, collier toujours en main. Et, alors que le jeune oiseau s'éloigne pour panser ses infimes plaies, la Sirène retire son couvre-chef d'os pour passer le bijou autour de son cou, soudain ravie. C'est qu'elle est si belle, sa parure. Qu'elle est adorable, pour un monstre. Oh, elle aimerait tant que les deux humains le lui disent, la complimentent. Elle le désire si fort...

- Tu vois Sharpy, tout va bien... Elle aurait pu me dévorer, là. On peut la croire, non ?

Ce n'est pas ça, c'est mieux que rien. Un petit feulement de dépit s'échappe de la gueule de la Sirène alors que ses cheveux retombent platement sur ses épaules écailleuses. Vaguement blessée dans son orgueil malade, la Famélique se détourne, coiffe à nouveau son crâne de la savante coiffe qui l'orne à nouveau. Coquette, la Sirène. Monstrueusement coquette, même.

Elle écoute, cependant. Leur tourne le dos mais perçoit les noms : le bipède maladroit est Merle, le plus méfiant est Sharpy. Lucide Sharpy, humain trop stupidement intelligent.

- Non, elle aurait pu te bouffer.

Elle aurait pu, si elle n'était pas... ce qu'elle était. Encre hoche pourtant la tête vivement, pour confirmer. Mais ne se retourne pas, préfère se mirer. Fixer ses propres yeux, parfois oublier que les tentacules de son reflet sont les siennes et frapper brutalement l'eau pour les attraper. C'est qu'elle est si animale, Encre, qu'elle en oublie parfois la plus humanoïde intelligence.

- Je serais plus rassuré si on retourne au feu... viens.

Quel ton demandeur, presque langoureux ! On dirait elle-même parlant à une proie ! Revenant à l'instant présent, Encre laisse échapper un gloussement grave. C'est que son humour - légèrement tordu au demeurant - ne l'aide pas à demeurer sérieuse très longtemps.

- Vous pouvez nous rejoindre si vous voulez, moi ce qui me gêne c'est qu'on soit les pieds dans l'eau en fait.

Lorsque l'invitation tant attendue se fait entendre, Encre se retourne enfin, une lueur ravie d'enfant brillant dans ses pupilles de prédatrice. Oh oui, elle aimerait tant ! Mais... sortir de l'eau la rendrait vulnérable, puisque le soleil n'avait pas encore fini se de coucher. Non pas qu'elle perdrait sa voix, son Chant mais... elle récolterait des jambes stupides, qui l'empêcheront de chasser. Et si la Faim revient avant l'aube ? Cela deviendrait dangereux. Compliqué. Mais la paria en a tellement assez d'être seule...

- J'arrive.

Elle commence à ramper, pour sortir de l'eau. Mais s'arrête bien vite, se rappelant d'un petit détail : les humains sont embarrassés par les corps, elle le sait. Et même si elle crève d'être admirée, Encre sur le moment ne veut surtout pas déranger ses nouveaux amis. La Sirène farfouille alors dans son filet, en déniche une robe sombre qu'elle enfile avec une hâte évidente - et dans laquelle elle s'empêtre forcément. Mais la coiffe, les tentacules, les bras... tout finit par passer et la tête écailleuse de la Famélique surgit enfin du tissu, ravie. Puis, achevant de se glisser hors de l'eau, elle sent presque aussitôt l'influence de la Lune modifier son corps. Ses os.

Et se scinde la queue, en deux aiguilles de chair grisâtre. Et fondent les tentacules, remplacés par de simples cheveux noirs. Mais les griffes restent acérées, les pupilles demeurent fendues : de loin, Encre est une femme superbe et de près... un cauchemar en apparat. La sensation, cependant, n'a rien d'agréable : grimaçant, la Famélique se lève avec maladresse et le tissu de la longue robe humide colle à ses jambes. Heureusement que ses bras restent nus : l'idée qu'eux aussi soient entravés de tissu l'aurait achevée - pense-t-elle ironiquement.

Il y a un feu de camp, là-bas. Encre s'y déplace, se laissant tomber sans grâce auprès de l'élément si contraire à celui dans lequel elle évolue. La viande... elle sait que certains humains aiment y faire cuire de la viande. Peut-être est-ce meilleur ainsi ? Et voilà qu'Encre sent sa salive s'accumuler.

Concentre-toi un peu.

Déglutissant, la Sirène pose son regard fauve tour à tour sur l'un puis sur l'autre de ses compagnons.

- Merrrrle. Ronronne-t-elle alors doucement, sourire aiguisé aux lèvres. Puis Encre désigne son collier du doigt. Merci pour l'orrrnement.

Puis son regard passe à l'autre humain, son visage se fait plus sérieux - bien que dénué de toute hostilité, à présent.

- Sharrrrpy. En face d'une Sirène, un couteau ne serrt à rien.

Sourire plein de dents.

- Te boucher les orrreilles aurrait été plus utile.

Silence. La Sirène fixe le feu, perturbée par la curieuse sensation de chaleur sèche qui en émane. Puis, cessant de ronronner, elle reprend sans quitter le foyer des yeux :

- ... pas les mêmes noms. Vous n'êtes pas pareils.

La Sirène lève la tête, fixe tour à tour Merle et Sharpy. Puis sa voix résonne, curieuse comme celle d'une enfant.

- Pas du même banc ?


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MessageSujet: Re: Youth in the sun drowned in broken seas   Youth in the sun drowned in broken seas EmptyMar 3 Nov 2015 - 23:41


Merle n'était pas aussi idiot qu'il en avait l'air, sous ses incessants sourires béats, pas même aussi idiot qu'il le pensait souvent. Il n'était pas totalement naïf, bien que d'un naturel peut-être un peu trop optimiste. Mais pourquoi s'embarrasser plus longtemps d'une crainte qui n'avait pas eu lieu d'être ? La sirène ne lui avait rien fait, si ce n'était l'asperger d'encre, et les membres de sa tribu lui faisaient régulièrement subir le même sort ou presque, lorsqu'ils tenaient à lui donner l'apparence d'un vrai Delaware bariolé. Il n'y avait pas mort d'homme, et cela contentait amplement Merle. Mais pas Sharpy. Son sérieux et sa contrariété n’échappèrent pas à Merle, qui eut la courtoisie de faire une moue de papoose pris en faute. Il l'abandonna dès que Sharpy lui eut tapoté l'épaule. Dans le langage du Sobre, cela voulait dire que tout était oublié et qu'on pouvait retourner profiter de cette belle soirée sans souci.

Sharpy n'en avait pas totalement fini, pourtant, et il sembla au Delaware que même son invitation à la sirène n'en était une que dans les formes. Il aurait sans doute préféré qu'elle reste dans l'eau, qu'elle aille nager – et peut-être chasser – loin d'eux. Mais Encre décida de l'accepter après un instant d'hésitation.

J'arrive.

En fait, Merle s'en sentit réjoui. Il ne savait pas pourquoi une compagnie si insolite lui semblait être une bonne façon pour illuminer sa soirée, après toutes les difficultés de la journée. Étant donné sa nature, Encre avait forcément déjà tué, et le Merle pacifiste ne s'entendrait jamais vraiment avec elle, mais le fait qu'il s'agisse justement de sa nature le rendait bien plus tolérant. Il n'en voulait pas au chat de chasser la souris. Et tant que ce chat-là ne choisissait ni lui ni son ami pour proie, il n'avait aucune raison de se montrer hostile.

Il observa ce qu'il put de la transformation de la sirène. Il n'avait jamais rien vu de tel, même si ça lui rappelait un peu certains Piccaninnys – un, surtout, Capricorne et sa queue de poisson. Ça n'avait pas l'air agréable. Tous trois dotés de jambes à présent, ils rejoignirent le feu. Merle fut surpris que cette chaleur sèche ne rebute pas plus la sirène qui n'avait pas l'habitude du feu. Au contraire, il sembla susciter chez elle un certain intérêt, que Merle ne pouvait que comprendre. Si lui aussi adorait l'eau, le Feu était son élément de par sa naissance chez les Delaware, l'Esprit Feu celui auquel il s'adressait le plus souvent.

Merrrrle. Merci pour l'orrrnement.
—  Il te va à merveille,
dit Merle en souriant.

Les sirènes étaient un peu des femmes et les femmes aimaient les compliments, d'après ce que lui avait dit sa mère. Et puis c'était vrai, les couleurs changeantes des galets, teintés par la lumière rougeoyante du feu, faisaient ressortir les yeux ambrés de la sirène. Merle n'était pas certain de trouver la vision belle, elle avait quelque chose d'inquiétant, mais elle était certainement captivante.

Sharrrrpy. En face d'une Sirène, un couteau ne serrt à rien. Te boucher les orrreilles aurrait été plus utile.

Merle haussa les sourcils et regarda Sharpy. Serait-il touché par les conseils avisés de la sirène ? Leur apprendre à se défendre d'elle et ses sœurs était très généreux de sa part, selon l'oiseau. Il tourna à nouveau les yeux vers elle lorsqu'elle reprit, d'un ton différent :

... pas les mêmes noms. Vous n'êtes pas pareils. Pas du même banc ?

Un banc ? Le temps que son cerveau fasse les connexions, Merle jeta un regard interrogateur à Sharpy, puis il comprit. Et il sourit, attendri comme il l'aurait été de la question d'un jeune papoose.

Non, on n'est pas du tout de la même famille. Mais on n'est pas si différent, si ?

Il s'adressait autant à Sharpy qu'à Encre.

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MessageSujet: Re: Youth in the sun drowned in broken seas   Youth in the sun drowned in broken seas EmptyLun 7 Déc 2015 - 17:38

Sharpy n'avait invité Encre à les rejoindre près du feu que par politesse, aussi fut-il extrêmement déçu d'avoir allumé une lueur ravie dans le regard de la sirène. On aurait dit une petite fille à qui on venait de proposer des bonbons. Sharpy grommela en lui-même, la métaphore lui rappelant trop que Merle et lui étaient de la nourriture à ses yeux... peut-être pas dans les siens, mais dans ceux de son espèce en tout cas. Sa joie avait l'air sincère, trop pour dissimuler une fourberie. Mais Sharpy se savait peu doué pour décrypter les émotions et préférait rester sur ses gardes. Il jaugea les hésitations de la sirène en priant pour qu'elle refuse, ce qui ne fut pas très efficace, puisqu'elle accepta finalement, avant de ramper vers eux. La déception de l'Armurier était aussi forte que la joie de son ami Peau-Rouge. Sharpy recula un peu, puis plus franchement lorsqu'il vit qu'Encre entamait sa transformation. Il n'avait jamais vu ça de près mais n'était pas particulièrement curieux du processus. C'était sûrement douloureux. Encombrant, en tout cas. Il vit que la sirène faisait des efforts pour se vêtir et éprouva pour elle une pointe de compassion. Et puis bon, voir qu'elle galérait pour mettre une robe le calma un peu dans son inquiétude. Elle n'allait probablement pas leur courir après.

Il retourna donc auprès du feu avec les deux autres, se faisant la réflexion qu'ils devaient avoir une drôle de dégaine, tous les trois.

Sharpy n'était pas mécontent de retrouver la chaleur du campement. Le feu lui semblait plus chaleureux après la Longue Nuit et il était presque amusé de constater que c'était un point commun aux membres de ce trio bizarre : Merle était un Delaware, Sharpy travaillait avec les flammes et même la sirène semblait apprécier cet élément si contraire à celui dans lequel elle évoluait. L'Armurier se demanda si on pouvait regretter quelque chose que l'on n'avait jamais connu. Peut-être les sirènes qui n'osaient pas s'aventurer hors de l'eau enviaient-elles ceux qui connaissaient la sensation de l'herbe sous leurs pieds, la chaleur du feu dans l'âtre ou la neige qui fondait sur le visage des aventuriers du Sommet enneigé ?

Merle complimenta Encre sur son collier, qui semblait la ravir au plus haut point, et Sharpy sourit inconsciemment devant la réaction. Ce n'était qu'un collier mais à son cou il semblait représenter un trésor. Était-ce l'ornement en lui-même ou le geste de Merle ? Sharpy l'ignorait mais ne pouvait qu'admirer la générosité toute simple du Delaware – espérant malgré lui qu'elle lui avait permis de se faire une amie, qui ne le mangerait pas une fois la soirée finie.

"Sharrrrpy. En face d'une Sirène, un couteau ne serrt à rien."

L'intéressé se raidit à la mention de son nom et au visage de La Famélique soudain tourné vers lui, ses étranges pupilles plantées dans les siennes. Le sérieux de son ton interdisait la menace sous-jacente, mais qu'était-ce donc ? Sourire de la sirène.

"Te boucher les orrreilles aurrait été plus utile."

Sharpy pâlit légèrement. Attendit quelques secondes, mais rien ne vint. Ce n'était donc pas une menace.

"Drôle de conseil."

C'était cela, il venait de le comprendre. Un conseil. La sirène lui donnait un conseil. Il haussa les épaules mais n'ajouta rien, essayant de se détendre légèrement. Ce n'étaient pas des mots que l'on prononçait à sa future victime, de cela il était certain. Encre changea de ton pour leur faire remarquer qu'ils ne portaient pas les mêmes noms et n'étaient donc "pas du même banc". Sharpy se dandina sur le tronc sur lequel il était assis, mal à l'aise devant ce qui prenait les airs d'une étrange soirée feu de camp. Mais étonné que la sirène se base sur un tel critère pour les différencier. Pour lui, la distinction était avant tout dans le physique et l'attitude, pas dans la dénomination. Merle répondit :

"Non, on n'est pas du tout de la même famille. Mais on n'est pas si différent, si ?"

Nouveau haussement d'épaules. Ils étaient juste... humains ? Sharpy se rendit compte qu'il ne savait pas bien où se situait la limite de l'humanité. La sirène était-elle considérée comme un monstre dépourvu de sentiments ? Il la regarda et se dit que ce n'était probablement pas la bonne réponse.

"Merle est un Peau-Rouge et je suis un Garçon Perdu, c'est pour ça qu'on a pas les mêmes noms", expliqua-t-il. "Mais en dehors de ça on est pas très différents, non." Il sourit à son ami. "Comment est-ce que vous différenciez les autres... les autres "bancs", vous les sirènes ?"

Plus la soirée avançait et plus il se rendait compte qu'il ne savait rien de leur espèce. À part qu'elle mangeait les gens. Mais on ne résumait pas un individu aux généralités de son espèce. Elles avaient probablement des personnalités, des histoires et des mœurs différentes, comme Sharpy et Merle entre eux. La révélation était presque choquante car il ne s'était jamais fait ces réflexions, alors qu'elles semblaient évidentes. Sharpy avait mal à la tête rien que d'y penser. Il se demanda si Merle avait encore des herbes sur lui.

"Je tirerais bien un coup sur ton calumet, Merle."

Il allait en avoir besoin.
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MessageSujet: Re: Youth in the sun drowned in broken seas   Youth in the sun drowned in broken seas EmptyJeu 24 Déc 2015 - 15:20


La question semble surprendre Merle. Ce dernier met un moment à lui répondre mais cela ne dérange pas Encre : maintenant qu'elle est hors de l'eau, elle a tout son temps.

- Non, on n'est pas du tout de la même famille. Mais on n'est pas si différent, si ?

Intervention de l'autre humain. Celui qui, même malgré le conseil qu'elle lui a prodigué, continue de se méfier.

- Merle est un Peau-Rouge et je suis un Garçon Perdu, c'est pour ça qu'on a pas les mêmes noms. Mais en dehors de ça on est pas très différents, non.

La réponse est donc toute simple, évidente lorsque l'on y pense. Assimilant l'information, Encre hoche la tête lentement : il est vrai que, sur terre, elle a déjà pu croiser des bipèdes aux noms différents. Mais jamais avant elle ne s'était posé la question de leurs différentes appellations. À croire que se rapprocher des autres l'oblige à réfléchir plus profondément.

- Comment est-ce que vous différenciez les autres... les autres "bancs", vous les sirènes ?"

La question est curieuse, aux yeux d'Encre. Si curieuse que la Sirène fixe un instant Sharpy, réfléchissant à comment formuler ce qui est, pour elle, une évidence. Elle va même jusqu'à ignorer la parole suivante du Garçon Perdu, parole qui de toute façon ne lui est pas adressée, pour songer. Puis elle s'étire, s'amuse à faire craquer ses os un instant avant de répondre.

- Il y a plusieurs bancs, dans l'Ocean. Des Sirènes simples, des Doyennes. Une Doyenne par groupe, des territoires pour toutes. Mais cela peut changer, oui. De temps en temps.

Elle-même, malgré son âge, n'a personne d'autre pour la suivre que, de très rares fois, la jeune Dérive. Mais son statut particulier est une blessure toujours à vif, ainsi Encre ne préfère pas s'y attarder pour ne pas la réanimer. Elle reste silencieuse un instant, contemple le feu qui danse. Puis conclut d'un ton un peu triste, un peu las :

- Nous sommes toutes Sœurs, de toute façon.

Même si les siennes ne veulent pas l'accepter telle qu'elle est. Et que dans ses rares moments de lucidité, Encre est à même de les comprendre et s'y résigner.

- Je ne sors pas beaucoup de l'Océan. Finit-elle par laisser échapper, changeant de sujet. Je ne croise pas beaucoup de Peaux-Rouges et peu d'enfants, vraiment. Pourtant, Sharpy...

Regard perplexe envers l'intéressé.

- Tu ressembles à ceux que mes Sœurs chassent, un peu. Un homme de la Mer.

Réflexion innocente, lancée dans le vide sans grand espoir de réponse. Toujours aussi curieuse bien que légèrement plus calme, la Sirène tourne la tête vers Merle, avise le fameux "calumet" que son compagnon, plus tôt, mentionnait.

- C'est quoi ? Ça produit de la fumée...

Regard qui luit. Avide. Intrigué.

- Je peux essayer ?
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