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Koala Cosmique
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MessageSujet: Antagonistes   Antagonistes EmptyVen 6 Fév 2015 - 19:28

Cosmos marche tranquillement, appuyé sur son bâton, sans déambuler au hasard toutefois. Il se dirige vers le Temple Maudit. Comme à son habitude, cherchant la lumière aussi infime soit-elle sans laquelle aucune obscurité ne peut être, il s’est concentré sur la première partie du nom de lieu. Il a vu Temple avant de voir Maudit. Les temples lui manquent au fond. Ce serait moins dur sans l’étiolement de la mémoire, indéfectible. Refoulant un soupir, il le contre en inspirant.

Le Temple est enfin là, au cœur des longues branches d’arbres verdoyantes qui encadrent son apparition. Il fait nuit, puisque depuis quelques temps il fait toujours nuit, mais la lumière argentée de la lune sublime la structure du lieu. Quelques fées curieuses s’évadent des statues tribales postées en sentinelles et laissent derrière elles un sillage lumineux qui distille la nuit et fait sourire Cosmos.
Il demeure un moment prostré devant  l’édifice, un peu indécis. Le Temple ne ressemble en rien aux lieux de culte tibétains. Leur charge spirituelle est plutôt nulle. Mais Cosmos n’est pas du genre à renoncer. Il croit encore à la lumière dans l’obscurité.
Il guette les bruits éventuels, le regard fixé sur l’entrée obscure et béante. Allez. Son pas se pose avec assurance sur la première marche pierreuse, envahie de mousse. Où sont les masques dont parlait Grenouille la dernière fois ? Il n’entend ni ne voit rien. Pourtant, tous ses sens sont en éveil. L’Horreur les aurait effrayés… Cette fois, un soupir s’échappe de ses lèvres.

Il avance dans la pénombre, prudent mais pas hésitant. Il progresse à cadence régulière. Puis, à force de parcourir les salles en décombres qui composent le Temple, il finit par tomber sur une pièce grande dont les fenêtres laissent filtrer des rayons de lune bleutés, si beaux que Cosmos cesse de marcher. Il s’arrête au centre, dépose son bâton sur le sol et se met habilement en tailleur. Ses mains se joignent, ses yeux se ferment. Il y a forcément quelque chose en ce lieu qui saura le toucher. Malgré le silence, la nuit, le vide.







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MessageSujet: Re: Antagonistes   Antagonistes EmptySam 7 Fév 2015 - 19:23

Au début, Vitaliy voulait dormir, dormir, dormir tant que durait la nuit. Il rechignait à se lever quand on venait le chercher, il se recouchait immédiatement après avoir fait acte de présence. En temps normal, il ne discute pas, pas pour ça. Vitaliy n'est pas une marmotte, il aime se lever juste avant le soleil. Mais comme si son corps avait compris que le soleil ne se montrerait plus avant longtemps, il voulait rester couché. Plus que la peur d'une quelconque punition, c'est le cri de son estomac qui finissait par le réveiller. Alors il devait assumer, ventre vide et yeux ensommeillés, les tâches qu'il aimait le moins. Briquer le pont dans le noir, ce n'est franchement pas une partie de plaisir. Mais c'est ainsi, la boucherie appartient à ceux qui se lèvent tôt. C'est bien embêtant, parce qu'il profite en général du dépeçage d'animaux tout frais pour en manger quelques morceaux crus, ni vu ni connu. Mais depuis quelques... jours ? Vitaliy ne dort tout simplement plus. Il a des cernes aussi sombres que le ciel nocturne et les pensées plus embrumées que la Lande, mais il n'y arrive pas.

Il mange pour tenir, plus encore que d'habitude. Il s'entraîne au combat avec les autres que la situation rend nerveux. Il se rend sur l'île dès qu'il en a fini avec ses corvées pour tenter de s'épuiser, pour tirer sur ses nerfs jusqu'à ce qu'ils veuillent bien lâcher. Mais quand il s'endort enfin, il fait des cauchemars et se réveille dans un pire état qu'auparavant, absolument pas reposé. Son cœur bat la chamade comme un petit oiseau apeuré, ça le dérange tellement qu'il voudrait bien l'arracher. Alors il repart vadrouiller pour ne plus y penser.

Le voilà encore, cette nuit-là, parti sur l'île. Il contourne la Lagune et l'épave, il espère rencontrer du Peau-Rouge pour se défouler. Mais il se sent mal, terriblement mal, lorsqu'il pose le pied à terre. Il vacille, sa vue est trouble, il meurt de faim et sent qu'il ne peut pourtant rien avaler. Il pénètre dans la Jungle, il va quand même essayer de manger quelques fruits sauvages ou même de chasser une bestiole pas trop vive... Mais tout est trop vif pour lui, sauf les couleurs. Il n'y voit plus rien. Il finit par arriver dans un coin dégagé où il distingue faiblement la silhouette du Temple. Pourquoi pas, il sera peut-être à l'abri des bêtes sauvages, des autres sauvages aussi, là-dedans. Il a oublié les masques, les monstres dont on dit qu'ils ont envahi l'île. Il monte laborieusement les marches pourtant basses et larges et entre dans le Temple. L'ambiance y est étrange, l'odeur qui se mêle à celle de la végétation lui rappelle quelque chose de désagréable, mais l'air est frais. Il l'aspire à grandes goulées.

Il rase les murs, pose le pied sur une dalle piégée, l'enlève juste à temps. Il se souvient tout à coup que cet endroit n'est pas si sûr. Il n'a plus de force mais ne veut pas s'écrouler là, à la merci de la première créature qui entrera dans le Temple par hasard. Il finit enfin par arriver dans une pièce éclairée par de timides rayons de lune. Il n'aime pas cet endroit, mais la lumière, si faible soit-elle, lui fait du bien. Il se poserait bien là, sur ce rebord en pierre, juste un instant...

La Flèche ne l'a pas vu lorsqu'il est entré. Le pirate ne s'est même pas réveillé en s'écroulant sur le sol. Il n'est qu'une masse sombre dans son coin sombre. Même Cosmos ne l'a pas senti, car il dort profondément, plus inoffensif que jamais. Il suce même son pouce.
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MessageSujet: Re: Antagonistes   Antagonistes EmptyMer 11 Fév 2015 - 16:08

Cosmos y était presque parvenu, mais quelque chose vient brouiller sa concentration. Alors qu'il se sentait s'élever avec aisance et maitrise, une rafale le secoue légèrement et le fait stagner, puis le déséquilibre carrément.
Sur son corps, ses sourcils se sont foncés. Il lutte un moment, mais c'est fichu. Il ouvre un oeil.

Toujours immobile, figé dans sa position du lotus, son regard balaye le lieu, gauche à droite, bas en haut. Les coins d'ombre succèdent aux endroits baignés d'un bleu lunaire. Quelque chose est là. A la fois froid et chaud, c'est ce qui le perturbe. Il plisse les yeux. Une aura grisâtre a percé le vide et se diffuse comme une odeur, comme un gaz. L'aura est familière à l'esprit de Cosmos, de plus en plus perplexe. Serait-ce possible que...

Cosmos se redresse d'un élan souple et vif. Il empoigne son bâton, enclavé au sol comme un appui précieux. Pourtant, il n'a pas vraiment peur. Il n'a pas à craindre la nuit. La véritable nuit est celle dont on se laisse envahir. Alors pourquoi son coeur bat ainsi ? Trop fort. Cosmos inspire, expire, inspire, expire.
Ses pas légers s'approchent de la source de l'aura. Il tâtonne quand même un peu, c'est pas un sonar. Une respiration lente et régulière, profonde mais peu bruyante, attire son attention. Là, dissimulé dans un recoin ombrageux, sur un muret effrité, on dirait qu'on l'a déposé comme une feuille. Il dort. C'est un pirate. Infantile et paisible, mais en surface seulement. Ça se sent. C'est... Cosmos fouille, creuse, il gratte la terre de sa mémoire. Ça ne vient pas. Pourtant, il reconnait ces cheveux trop clairs et ces traits trop anguleux. S'il voyait ses yeux, il saurait. Tout de suite.

D'une main tendue, il effleure le corps étendu dans son entier. L'énergie magnétique qui s'en dégage est complètement nouée, biscornue, comme entachée d'une pluie noire. Les yeux de Cosmos s'écarquillent légèrement.

— Matriochka.

Les mots lui ont échappés. Ils sont faibles, mais les paupières de l'assoupi frémissent dangereusement.

Comme entachée d'une pluie noire.







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MessageSujet: Re: Antagonistes   Antagonistes EmptyJeu 12 Fév 2015 - 18:53

— Matriochka.

Matriochka. Les poupées traditionnelles posées sur le manteau de la cheminé de sa chambre, comme pour lui rappeler d'où il vient. Il ne les a jamais vraiment aimées. Matriochka, le nom que Peter Pan lui donne lorsqu'il lui offre une enfance éternelle. Il l'a chérie quelques temps, puis il s'en est lassé. Matriochka, le nom qu'il a donné à son revolver. Il lui rappelle d'où il vient, il le chérit encore. Matriochka. Pourquoi ce nom résonne-t-il ainsi à ses oreilles, comme au-delà de son rêve ? Il émerge du sommeil, pas certain d'avoir réellement entendu quoique ce soit. Il ouvre les yeux mais il ne voit rien dans le noir.

Vitaliy ne s'est pas reposé très longtemps, quoiqu'il est bien impossible d'en avoir le cœur net puisque les astres ne changent plus de place, mais il a dormi, vraiment dormi. Son cœur s'est calmé, il a cessé de le narguer, de le menacer. Sa tête ne tourne plus, du moins pas tant qu'il reste allongé. Il se redresse doucement, bâillant et s'étirant. Ses yeux commencent à distinguer à nouveau son environnement, il réalise qu'il n'est pas sur le Jolly Roger. Et il remarque le crâne chauve sur lequel se reflète la lueur de la lune. Un instant d'incompréhension, puis il se souvient. Il se trouve dans un temple, bien sûr qu'il y a de drôles de bonzes, là-dedans. Il sourit de toutes ses dents pointues. Le rayon de lune éclaire ses yeux, maintenant, ses yeux givrés, moqueurs, provocateurs, aussi perçants que ses canines.

Il se lève d'un bond, dominant la Flèche de toute sa taille, et pose sa main droite sur la crosse de son Matriochka. Pendant une seconde, il se sent vaciller à nouveau, mais ce n'était qu'un effet de la précipitation de son mouvement. Il se sent mieux, pour l'instant. Matriochka est comme son doudou, il le rassure. Vitaliy sourit au petit garçon. Il lui rappelle quelque chose, peut-être ne fait-il pas partie du décor du temple, finalement. Peut-être l'a-t-il connu, dans cette autre vie où il était encore un garçon perdu. Il se décale pour mieux le voir à la faible lumière. Son visage est si jeune, si innocent. Vitaliy sait que lui-même n'a jamais eu ce genre de regard, sûrement pas même tout petit.

Il décide de faire une courbette au petit moine. Vitaliy aime bien jouer avec sa nourriture. Parfois, il n'est qu'un enfant qui joue au pirate.

— Aowh, crâne d’œuf. Dis-moi, c'est quoi ce joli dessin ?

Il avance la main gauche pour toucher la flèche bleue sur le crâne lisse de Cosmos. Ça y est, il se souvient... Un peu. Il retire sa main sans l'avoir touché.

— Ah, bien sûr. Ça faisait longtemps, La Flèche. Tu n'as pas changé.


Dernière édition par Vitaliy le Sam 21 Fév 2015 - 16:59, édité 2 fois
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MessageSujet: Re: Antagonistes   Antagonistes EmptyLun 16 Fév 2015 - 18:26

Cosmos fronce les sourcils.
Il ne veut pas se laisser avoir par le jeu sournois du pirate. Un malaise s'est infiltré en lui comme un vent à travers une fenêtre ouverte. Il n'aime pas l'effet que Matriochka lui provoque. Il le glace autant qu'il l'attise.
Ce n'est pas le "crâne d'oeuf" qui le dérange, car jamais Cosmos ne sera vexé sur une remarque portée à son aspect. En revanche, la proximité soudaine de l'homme — oui, c'est un homme, il le constate sans trop savoir ce que ça déclenche chez lui — lui inflige un frisson désagréable et il lutte pour ne pas reculer. Il n'a pas à avoir peur. Il n'a pas peur. Il n'est pas en colère. Cosmos maitrise sa respiration. Son coeur, lui, est plus difficile à calmer.

Cosmos met un certain temps à répondre.

— Toi, tu as changé.

Mais pas tant que ça. Il reste la même chose malade en lui.

— Tu n'es donc pas mort. Tu es un pirate, n'est-ce pas ?

Une terrible envie de fuir le saisit. Non ! Il doit résister à cette pulsion, elle n'est pas saine et pas utile. Il n'y a rien d'agressif dans le comportement de Matriochka. C'est plus perfide.
Son poing de serre, ses mâchoires se crispent. Il ne supporte pas la défiance qui s'empare de lui. Il se répète qu'il n'a rien à craindre. D'ailleurs, Matriochka est un homme. Rien qu'un homme, à peine fini. Un humain. Ce n'est pas cette sorte d'insecte carnivore qu'il exhibe. Personne n'est réellement cela.
Comme s'il s'était enfin convaincu de cette certitude, Cosmos présente à l'humain en question un visage déterminé, sûr de lui.

— Cette nouvelle vie te plait ?

Il n'entrera pas dans un jeu hostile et fourbe. Il est en paix, lui.








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MessageSujet: Re: Antagonistes   Antagonistes EmptySam 21 Fév 2015 - 18:02

— Toi, tu as changé.

Vitaliy sourit de plus belle. Oui, il a changé. Il est devenu grand, fort, puissant, capable de maîtriser physiquement n'importe quel enfant. Avant, il se contentait de les monter les uns contre les autres pour qu'ils se tapent dessus ou se dénoncent au roi. Il lui semble bien que Cosmos le connaissait. Il se souvient qu'il lui parlait parfois, même s'il n'a pas retenu ses propos. Lui faisait-il la morale ? Cherchait-il à lui enseigner des techniques de méditation ou à le faire racheter son âme damnée ? Ah, non, les âmes damnées, il ne lui semble pas que c'était le domaine du moine. Il sait seulement qu'il était là, qu'il se mettait en travers de son chemin. Il se souvient de cette flèche bleue. Il ne pense pas avoir jamais su d'où elle venait. Il la fixe du regard, toujours intrigué.

— Tu n'es donc pas mort. Tu es un pirate, n'est-ce pas ? Cette nouvelle vie te plaît ?

Vitaliy baisse les yeux sur ceux de Cosmos. Il est étrange, cet enfant. Il n'a pas l'air apeuré, il ne tremble pas. Peut-être est-ce parce qu'il a surpris Vitaliy endormi et qu'il l'imagine inoffensif... Pourtant, il ne distingue pas dans ce regard cette naïveté souvent présente dans les yeux enfantins et qui rend la manipulation des petits si facile, même pour lui, l'ogre aux dents acérées. Des bribes de souvenirs cherchent à forcer la barrière de l'oubli. La Flèche lui posait problème, à l'époque où Vitaliy s'appelait Matriochka. Il en est certain maintenant.

— Aurais-tu préféré me voir mort, petit ? Ça ne te ressemble pas. Aurais-tu préféré me voir me repentir ?  Ça ne me ressemble pas.

Vitaliy s'assoit sur le même banc de pierre où il s'était endormi et tapote une place à côté de lui pour l'y inviter.

— Si tu veux discuter du bon vieux temps, autant être confortablement installés. Je ne me souviens pas beaucoup de la vie qu'on partageait, je ne me souviens même pas de ton nom, mais je ne la regrette pas. Ma vie actuelle me convient, même si elle ne me comble pas. Et toi, n'as-tu jamais envie d'un peu de changement ?


Vitaliy se souvient d'un sentiment, celui d'avoir longtemps tourné comme un lion en cage avant de choisir enfin de braver l'interdiction de Peter Pan et de grandir. Comment ces enfants peuvent-ils se contenter de ce que leur vie leur offre, de cette stagnation ? Vitaliy s'ennuie si vite, lui.


Dernière édition par Vitaliy le Sam 21 Mar 2015 - 23:39, édité 2 fois
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MessageSujet: Re: Antagonistes   Antagonistes EmptyLun 9 Mar 2015 - 23:16

Cosmos fronce les sourcils. Il a vraiment tenté d'être imperturbable, mais la radicalité brute du pirate lui fait un drôle d'effet. Le voir mort ? Jamais, jamais Cosmos n'a souhaité la mort de quelqu'un, de quelque chose. N'est-ce pas ?

Il fixe un long moment le banc, caressé par la main blanchâtre de Matriochka. Il n'a pas envie de s'asseoir. Plus qu'une absence de volonté d'ailleurs, la pensée lui est désagréable, hostile. La proximité avec le pirate le dérange. Il s'en veut un peu. De se montrer si bête, si faible.

Il hoche la tête, tout de même. Tout en lui est encore très calme.
Il gagne le banc de sa stature légère, et prend place aux côtés du Glouton. Il se force à ne pas penser à laisser un espace entre eux. Ses jambes se replient sous lui, son éternelle position l'apaise un peu. Oui, il se sent bien, là. Serein.

Il a même un peu de la peine pour ce garçon mal grandi. Il sent son agitation, malgré le calme apparent de ses gestes, ses sourires, ses mots. Ses dernières paroles confirment sa pensée.

— Le changement, ça n'existe pas vraiment, Matriochka. Tout est cyclique. Tu crois que ta vie a changé depuis que tu es pirate ? Le changement est futile, superflu. L'essentiel demeure. Regarde, pour toi, il ne s'agit que de... centimètres. Tu es juste plus grand. Ton enveloppe évolue, ton intérieur n'est pas transformé. Tu es encore toi. L'île est encore l'île. Le monde, au-delà, est encore le théâtre des mêmes dynamiques cosmiques.

Il tourne son visage rond vers le pirate. Il sourit.

— Les gens qui s'ennuient vite sont ceux qui croient au changement, comme toi, et qui voient en l'idée de changement quelque chose de ravivé. Comme un souffle de vie. En tous cas, c'est ce qu'on m'a enseigné. Là d'où je venais, les...

Mince. Le mot lui échappe. Un frisson d'angoisse l'envahit. Comment peut-il oublier ça !

— Moines, faisaient toujours la même chose, du matin au soir, toute leur vie. On croit souvent que le changement, qui est une autre illusion, nous apporte l'énergie. Mais c'est faux. Quand tu seras en paix Matriochka, et j'espère qu'un jour tu le seras, tu n'attendras plus le changement. Tu regarderas les vagues de la mer, chaque jour, et tu les trouveras belles, chaque jour.

Son propre discours, fruit de l'enseignement de ses pairs, provoquait en lui une tendresse aérienne, élevait son esprit. Il avait tout oublié de la sensation froide et sombre que lui insufflait la présence de celui qui avait été son camarade.

— Pourquoi es-tu venu ici ? Tu es intéressé par les temples ?

Ola, Cosmos. Tu t'emballes...









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MessageSujet: Re: Antagonistes   Antagonistes EmptyDim 22 Mar 2015 - 2:21

Parfois, Vitaliy n'a qu'à se montrer pour effrayer un enfant. Il ne dupe que les plus jeunes, les plus naïfs. Les garçons perdus savent tous que les pirates sont leurs ennemis, même ceux qui peuvent leur parler du Grand Arbre, cette cachette qu'ils ne peuvent plus retrouver parce qu'ils sont trop grands. Ils savent généralement reconnaître un monstre. La Flèche l'a percé à jour mais n'a pas peur pour autant, c'est ce qui étonne tant le pirate qui ne le lâche pas du regard, l'air hébété. Le sourire de Cosmos est sincère, lumineux dans l'obscurité du temple. Vitaliy n'en doute pas une seconde, il connaît bien les hommes, même les enfants. Ce n'est pas la première fois qu'on lui adresse un tel sourire débordant d'espoir et de confiance, mais celui de Cosmos n'est pas celui d'un gamin trop crédule ou d'un imbécile heureux. Vitaliy se souvient de lui, parce qu'il n'a jamais pu le comprendre.

Il l'a pourtant écouté, mais ce que dit Cosmos n'a aucun sens pour lui. Oh, l'idée de cycle, il la comprend. Le cycle de la vie, les mouvements des astres, l'aiguille qui fait le tour de l'horloge, la chaîne alimentaire... L'île est encore l'île, mais toi, tu n'es plus toi lorsque tu meurs, Cosmos. Le bonze est sans doute persuadé que si, si, il sera toujours là. Son âme, son esprit, peu importe comment ceux de sa confession appellent ça. Croient-ils en la réincarnation ? Vitaliy n'a jamais cru à ces élucubrations. Il ne croit qu'au corps. Mais ce garçon est empli de tant de certitudes, il est entier, il ne doute de rien. Ce serait si cruel de lui enlever ça. Le Glouton a justement besoin d'un peu d'exercice.

— Pourquoi es-tu venu ici ? Tu es intéressé par les temples ?

Vitaliy lui rend un doux sourire puis regarde longuement face à lui, même s'il distingue à peine une statue dont les contours se perdent dans l'obscurité.

— Je ne suis arrivé ici que par hasard, mais je suppose que tu n'y crois pas. Les temples... C'est intéressant, les temples. De tous les ouvrages humains, les temples sont peut-être ceux qui semblent le plus immuables. Et pourtant, ils crouleront sous le poids des ans, à la longue, si rien ne les atteint avant. J'ai du mal à comprendre ta façon de raisonner, je crois te l'avoir déjà dit. Tout est cyclique ? Tu me dis que l'essentiel ne change pas et que le changement n'a aucune valeur. La vie d'un homme n'est que changement, elle commence et finit. Tu peux fuir ta propre finitude grâce à la magie de cette île, mais tu ne peux pas nier ta naissance. La vie d'un homme n'a-t-elle donc pas la moindre valeur du moment que l'humanité en tant que tout est préservée ? Je pourrais m'ôter la vie sans perturber le cycle que seuls tes yeux voient. Je pourrais ôter la tienne ou celle d'un de tes camarades. Après tout, quelle différence pour le cosmos ? L'île serait encore l'île...

Cosmos ! Voilà comment il s'appelle, ce garçon. Vitaliy se sent d'abord ravi de cette redécouverte, puis la confusion vient piétiner son sourire et froncer ses sourcils. Non seulement Matriochka n'a jamais gagné contre Cosmos, mais il a souvent perdu. Il n'aime pas se rappeler ses défaites, ses limites. Cosmos gagnait parce qu'il faisait douter Matriochka, et Vitaliy n'est pas certain de pouvoir faire douter Cosmos à son tour. Cosmos passe son temps à réfléchir, Vitaliy fait tout pour éviter de le faire... Il serre la mâchoire et les poings posés sur ses genoux. Il voudrait l'abattre, cette étoile filante.
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Le Patapon
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MessageSujet: Re: Antagonistes   Antagonistes EmptyDim 22 Mar 2015 - 23:43

Je te fais don.


Le Patapon est tout content,
Son beau pays est bien vivant,
Pour célébrer son pur bien-être,
Il couvre de présents tout être,
Qui se trouve sur son chemin,
En le touchant de sa grosse main,
C'est ainsi qu'en ce jour-là,
C'est un vilain qu'il bénira.


Le Patapon fait don à Vitaliy du pouvoir de :
SENTIR LES ÉMOTIONS D'AUTRUI


Le Glouton est libre d'utiliser son don pendant toute la durée du RP.


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MessageSujet: Re: Antagonistes   Antagonistes EmptyMer 25 Mar 2015 - 0:23

Cosmos écoute respectueusement la tirade de Vitaliy. Au fond, il y a une certaine paix chez le pirate. Une sérénité réelle, continue. Mais elle n'est pas aussi positive que celle de Cosmos, qui pourtant est parfois plus fragile, certainement. Celle de Vitaliy est désabusée. Il s'en fout.
Du moins, c'est l'impression qu'il donne à Cosmos.

La Flèche, lui, se demande si cela sert à quelque chose. De répondre, de parler. Vitaliy n'est pas bête, et d'ailleurs il l'a toujours su. Mais ils sont si opposés. Leurs pensées se confrontent sans jamais s'accorder. L'espace d'un instant, Cosmos craint même que Vitaliy ne le déprime un peu... Jusqu'à ce que...

— LE PATAPON !

Toute quiétude, toute maitrise a quitté la posture et la voix de Cosmos. L'apparition de Patapon a réveillé une excitation, une hâte d'ordinaire toute enfouies. Il bondit du banc en abandonnant son bâton qui glisse vers Vitaliy, avant de se précipiter en direction du Patapon. Son sourire envahit quasiment la moitié de son visage.
Il s'enfonce alors dans le duvet pelucheux de son ventre dans un soupir d'aise. Il a plaqué ses bras et ses jambes, écartés, contre l'Hurluberlu. Un sentiment d'extase circule dans tous les vaisseaux de son corps. Il est si bien. Il ne voudrait plus le lâcher.

Le Patapon l'enlace avec tendresse, puis, sans que le petit moine ne daigne renoncer à sa condition de parasite, s'approche de Vitaliy. Il lui adresse un sourire de plus en plus immense, avant de le toucher de son gros doigt. Le regard de Vitaliy s'anime d'un éclat étrange. Puis le Patapon écarte délicatement Cosmos, le pose à terre, avant de bondir en tournant sur lui-même, disparaissant comme par magie.
L'allégresse demeure à l'intérieur de la Flèche. Son sourire étincelle, son sang bouillonne.

— Voilà une chose qui ne changera jamais, n'est-ce pas Matriochka ! Le Patapon !

Son attitude à lui, néanmoins, a bien changé. Il est beaucoup plus agité.

— Il t'a sûrement donné un don ! Tu crois savoir ce que c'est ?

Cosmos ne distingue aucun danger, aucune ombre. L'effervescence brouille son regard et fracture sa mesure.
Il en a même oublié la nature de l'être qui lui fait face.
Un être qui n'a pas foncièrement changé, pourtant.









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MessageSujet: Re: Antagonistes   Antagonistes EmptySam 28 Mar 2015 - 19:38

La joie de Cosmos frappe Vitaliy comme la foudre. Il ressent une telle exaltation, une telle gaieté toute innocente, enfantine, qu'il croit un instant que ce sont-là ses propres émotions. Mais il y a bien trop de tendresse et d'amour, là-dedans. Vitaliy les reconnaît pour ce qu'ils sont bien qu'il s'agisse de sentiments presque étrangers pour lui. Presque. Vitaliy est humain, après tout, et sujet aux mêmes afflictions que chacun. Mais il sent bien que ce n'est pas son amour qu'il ressent si fort : le sien est toujours débordant d'envie, de jalousie, de désir destructeur. Cosmos n'est pas jaloux, lui. Il se réjouit sincèrement pour Vitaliy, parce que c'est vers lui que le Patapon a avancé son gros corps rond à l'épaisse fourrure, c'est à lui qu'il a adressé cette énorme sourire et lui dont il touché le front.

Il t'a sûrement donné un don ! Tu crois savoir ce que c'est ?

Il croit savoir ce que c'est. Il n'est pas certain d'apprécier le cadeau. Il sourit à Cosmos – encore, il a l'impression de ne faire que ça. Mais ce sourire est trop chaleureux, authentique, il ne lui appartient pas complètement. La Flèche bleue déteint sur lui et Vitaliy est partagé. Il a toujours envie d'effacer le sourire de Cosmos, envie de souffler son enthousiasme comme la flamme d'une bougie pour éteindre le pétillement de ses yeux. Il ressent la haine, sa propre haine, rien qu'à lui, l'envahir. Mais cet amour trop pur pèse lourd dans la balance et le voilà paralysé. Ce stupide sourire collé au visage. Il ne se reconnaîtrait probablement pas s'il pouvait se voir, à cet instant. Mis à part ses yeux fatigués, il ressemble à son père lorsque la famille vivait encore en Russie, mais Vitaliy a depuis longtemps oublié cette époque de sa vie. Il sent seulement qu'il n'est pas lui-même et il est hors de question qu'il perde le contrôle de ses propres émotions.

Alors il se force à arracher ce sourire de ses lèvres et saisit la crosse de son revolver sous son manteau. Il sort Matriochka de son étui avec délicatesse et l'admire sous le faible éclairage de la lune, puis il se met à jouer avec. Il ne sait pas faire dans la subtilité, mais il ne cherche pas non plus à effrayer Cosmos. Ce gamin est un vrai chimpanzé et serait capable d'éviter ses balles, ils le savent tous les deux. Non, Vitaliy veut juste lui rappeler qu'il est un pirate, un méchant.

Le Patapon aurait dû te faire un cadeau, à toi. Il faut gâter les enfants, c'est trop facile pour un adulte d'obtenir ce qu'il veut.

Il ne sait même pas ce qu'il raconte. Peut-être essaie-t-il quand même de lui faire peur, finalement, mais cette innocence étrangère le parasite encore et il ne sait plus où il en est. Il pointe le revolver sur Cosmos. Il ne l'a pas chargé. La lueur de son regard est plus espiègle que réellement malveillante. Il n'est qu'un gamin qui joue au voleur et le Patapon vient de lui offrir un don. Mince alors, il aurait dû en profiter pour avoir un câlin. Il fait la moue et Matriochka pointe vers le bas.



Dernière édition par Vitaliy le Mer 8 Avr 2015 - 15:08, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Antagonistes   Antagonistes EmptyMar 31 Mar 2015 - 18:41

Cosmos sourit un instant, un sourire comme suspendu qui ne sait pas s'il doit s'affaisser ou non. Le pirate semble vouloir briser son enthousiasme, et Cosmos ne sait pas pourquoi. A moins que non, pas du tout, que la présence du Patapon lui est été amère, ou pire, indifférente. Le contraste entre leur deux états émotionnels plonge la Flèche dans une certaine confusion.

Pourtant, Cosmos est persuadé de l'avoir vu sourire, pour de vrai. Son sourire avait quelque chose de grimaçant, comme s'il était douloureux, malade. Cosmos fixe intensément le visage étrangement lisse, blanc, enfantin de Matrioshka. Il voudrait déchiffrer le code qui préserve sa vérité, sa sincérité, mais de ça il n'a pas l'habitude. D'ailleurs, les moines qui l'ont élevé n'exprimaient quasiment rien, en dehors d'un faciès noble et serein, parfois orné d'un petit sourire en coin.
La respiration de Cosmos se bloque malgré lui lorsqu'il voit le pistolet. La structure de métal qui en constituent le squelette luisent dans la nuit, mais Cosmos ne pense pas à trouver cela joli.
Cosmos déteste les armes.
Il déteste ça.

— Pourquoi tu sors ton arme ?

Il a tâché de rendre sa voix claire, posée. Mais il y frémit, tout au fond, quelque chose de tendu, craintif même. Il aimerait tellement que l'éclat sous la lune ne soit plus là.

— Ce n'est pas possible de ne pas être enjoué par le Patapon. Ce n'est pas possible, car c'est magique. Tu as forcément été content de le voir.

Il a un doute, mais il le combat férocement. C'est sûr. Sûr, sûr, sûr.

— Et je le saurais si le Patapon m'avait béni. Je suis convaincu qu'on le sent. Pourtant ça ne me rend pas triste. Ça a suffi à me rendre heureux de le voir, de le toucher. Alors, dans un sens, c'est plus facile de faire plaisir aux enfants, tu vois bien.

Puisque toi, tu veux toujours plus, puisque toi, tu es toujours las et frustré.










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MessageSujet: Re: Antagonistes   Antagonistes EmptyMer 8 Avr 2015 - 17:02

Il a réussi à faire peur à Cosmos. Un simple mécanisme de métal peut donc avoir raison de la sérénité de ce garçon trop sage, trop pur, trop convaincu de détenir la vérité sur le monde. Mais est-il encore si sûr de lui, maintenant ? La voix qui parvient aux oreilles de Vitaliy est presque suppliante, elle voudrait qu'il confirme ses propos déclarés avec juste une pointe d'hésitation qui n'échappe pas à Vitaliy. Merci monsieur le Patapon tout doux.

Le pirate se sent comme redevenu enfant. Plus que d'habitude, plus que lorsqu'il s'endort en suçant son pouce et en serrant contre lui son revolver, comme un jeune enfant avec son doudou. Bien sûr, Vitaliy n'a jamais vraiment été un enfant innocent. Ce qui lui reste de son enfance est contenu dans le nom matriochka. Il n'a pas souvenir des poupées russes qui ornaient le manteau de la cheminée de sa chambre, et souvent il oublie même qu'il était son propre nom quand il vivait parmi les garçons perdus. Mais il sait que matriochka et enfance sonnent comme des mots de la même famille dans son esprit, et il n'est pas anodin qu'il ait donné à son revolver ce nom si chargé de sens pour lui. Vitaliy n'a jamais été un enfant innocent, il n'a jamais craint de faire souffrir autrui, n'a jamais éprouvé de remords après l'avoir fait. Non, au contraire, il a toujours aimé le faire. Faire mal, faire pleurer, blesser au corps et au cœur. C'est ainsi qu'il s'est toujours amusé. Alors Vitaliy l'enfant espiègle, touché par le Patapon, n'est pas moins dangereux que Vitaliy l'homme sanguinaire. Ils sont le même. Ah ! Cosmos avait raison sur ce point.

Tu as toujours été perspicace... dit-il pensivement. Tu as raison, je suis content, je crois qu'il a voulu m'aider à mieux te comprendre.

Il caresse la crosse d'ivoire de Matriochka.  Ça lui donne une idée. Il tend le revolver à Cosmos.

Tu ne le trouves pas beau ? C'est une véritable œuvre d'art, pourtant. Un exemple des prouesses que l'homme peut réaliser, au même titre que ce temple. Et admire cette crosse.

Elle est si douce et polie. De l'ivoire sans doute arraché de force à un éléphant mort dans d'atroces souffrances. Vitaliy s'est exercé sur les animaux, dans sa jeunesse, mais il préfère cent fois faire souffrir les humains. Il peut s'imaginer leur ressenti, il est plus facile de déchiffrer leurs expressions, et ils le supplient dans un langage intelligible. C'est bien plus gratifiant. En général, il ne s'en prend un animal que pour se nourrir ou précisément pour blesser indirectement un humain. S'il n'a pas tué lui-même l'animal qui a donné son ivoire pour ouvrager son arme, il sait que l'effet sera le même sur le garçon qu'il a en face de lui. Regarde, gamin, regarde ce que l'homme est capable de faire pour satisfaire ses désirs insensés.
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MessageSujet: Re: Antagonistes   Antagonistes EmptyLun 13 Avr 2015 - 16:04


Il le nargue. Cosmos le voit bien. Cosmos le sent bien.
Il exhibe la beauté froide, la beauté laide, de son arme devant son nez. Cosmos relève le menton, aussi droit que son bâton. Son regard n'exprime pas la peur ni même la perplexité ; on y lit une forme de dépit, de pitié douloureuse. Douloureuse pour lui. Pourquoi tu fais ça, Matriochka ?

— Ce n'est pas de l'art, déclare-t-il alors, beaucoup plus froidement qu'il en a l'habitude. L'art n'a pas d'autre fin que l'art lui-même. Et cela (il désigne l'arme) n'est rien d'autre qu'un objet de mort.

Il empoigne son bâton et s'y appuie. Peut-être que ça le rassure.

— On m'a toujours enseigné cette vérité : l'homme qui use des armes est l'homme qui a peur.

Au fond, peut-être que Matriochka n'a pas peur.
Mais Cosmos est bien trop bon, bien trop pur pour ne serait-ce que comprendre qu'un plaisir de blesser — tuer — puisse exister. Il croit que Matriochka est malade, et en cela il a sûrement juste, mais il croit aussi que Matriochka peut être guéri, sauvé. Et en cela, on ne saurait dire s'il a juste ou non.

— Tu pourrais essayer de te séparer de ton arme. Peut-être que tu te sentirais mieux que tu ne crois. Je me souviens de cet enfant qui tenait absolument à conserver son... comment disait-il... son doudou. Il l'empoignait très fort. (Il mime le geste). Le doudou était déchiré, défoncé, en sang. Il revenait d'une bataille. L'enfant pleurait car le doudou ne cessait de lui rappeler la violence de la bataille, pourtant il ne se résolvait pas à abandonner le doudou. La mère de l'enfant a fini par lui arracher des mains et s'en débarrasser. L'enfant était déchainé... Il hurlait, tapait, sanglotait si fort qu'il s'étranglait. Puis, au bout d'un moment, il a oublié son doudou. Il s'est intéressé aux autres, aux jeux, aux tâches. Il a oublié le sang de la bataille. Ouvert. Il s'est libéré, d'une certaine façon.

Il ne fait pas de comparaison explicite avec le pirate, mais l'histoire trouvera peut-être un écho en lui. Espérons.
Il caresse du bout des doigts son bâton.

— Après tout, ce n'est qu'un objet.

Ses yeux se refixent alors sur ceux, luisants, du Glouton.

— Et tu n'es plus un enfant, comme tu le dis. D'ailleurs, tu ne dois même plus t'appeler Matriochka.

Il aimerait partir.
Il ne répondra pas à cet élan trop primaire, trop simple.
Et puis, il était là avant. Quand même.









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MessageSujet: Re: Antagonistes   Antagonistes EmptyMar 12 Mai 2015 - 3:19


Tant d'innocence et de bons sentiments, c'en est écœurant pour Vitaliy. Mais il ne peut pas s'empêcher d'y prêter attention, parce que le Patapon lui a offert ce cadeau empoisonné, cette forme artificielle d'empathie dont le pirate est naturellement dénué. Avec elle vient un instant d'hésitation avant le moindre geste, la moindre parole. Une remise en cause qui n'existe normalement pas dans son espace mental. Oh, Vitaliy aime faire souffrir, et imaginer cette souffrance qu'il procure. Il la ressent presque et il sait qu'il rejoue quelque de chose de grand, une scène de son enfance, une, des milliers de scènes de l'Histoire. Son rôle parmi les hommes, c'est de perturber leur paix. Il n'y croit pas, de toute façon, à la paix. Cosmos n'en a que la façade, convaincante mais pas impénétrable. Vitaliy sent son agitation grâce à son don, même si la Flèche ne trahit presque rien.

Mais le Patapon n'a pas donné à Vitaliy la capacité de dissimuler ses propres émotions, et sa mâchoire se crispe, et ses yeux fusillent le garçon qui l'insulte. Vitaliy a peut-être peur, cette nuit. Parce que son corps est faible, son cœur survolté, et parmi tous les marmots insignifiants qu'il aurait pu croiser, il a fallu que ce soit la Flèche. Celui qui récite les mêmes rengaines d'amour et de paix avec cette assurance déconcertante. Oui, c'est déconcertant. Vitaliy n'a pas une telle confiance en ses croyances – en a-t-il seulement, des croyances ? – et c'est précisément pour éviter d'y penser qu'il s'active dès qu'il est éveillé. Ni les autres garçon perdus, ni ses camarades actuels ne l'ont jamais conduit à douter, s'exprimer sur des sujets qu'il ne maîtrise pas, éprouver des émotions si contradictoires qu'il préférerait y renoncer à jamais. C'est l'un de ces instants où Vitaliy hait être humain, et il n'arrive même pas à se faire haïr de Cosmos. Pas de haine pur et simple chez le garçon : au mieux, du dégoût teinté de pitié.

Mais c'est l'attitude de Cosmos qui le perturbe, bien plus que son discours. Il sait immédiatement où Cosmos veut en venir avec l'histoire du garçon et de son doudou, et elle ne le touche pas. C'est si simple, si enfantin. Les enfants manquent tellement de complexité. Peut-être ont-ils raison – Vitaliy balaie l'idée aussitôt qu'elle se forme. Et il retente un sourire.

Non, je ne suis plus un enfant. C'est pour ça qu'on ne peut plus jouer ensemble. Mon nouveau nom ? Il va te plaire. Vitaliy, enchanté.

Entendre son vrai nom, son nom d'homme, même dans sa propre bouche, le réconforte quelque peu. Il le ramène au moment où il a rejoint les pirates, où il s'est accompli.

Ça veut dire la vie.

Vitaliy a conscience de l'ironie de ce choix, c'était aussi une façon de se sentir encore vivant sur cette île où le temps est mort. Et maintenant, le jour est mort. La vie mourra-t-elle bientôt ? Il fait rouler la roulette de son revolver, déconnecté un instant. C'est aussi le sommeil qui se refait sentir.

Il se secoue et se met à faire les cent pas pour se réveiller. C'est alors qu'il repère une silhouette avançant dans l'ombre d'un couloir donnant sur la pièce. Elle n'est pas très grande mais n'a pas forme humaine. Pas un ami de Cosmos. Vitaliy charge son revolver et pointe l'entrée du couloir. Il n'ose qu'un regard furtif vers les autres entrées mais ne peut rien voir venir depuis sa position.

On a de la compagnie, prévient-il alors Cosmos à voix basse.
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